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Des sources dignes de foi ont rapporté à Human Rights Watch que votre gouvernement avait arbitrairement refusé l’entrée dans le pays, fin décembre, à quatre personnes en provenance d’Erythrée qui demandaient l’asile politique.

Nous encourageons fermement le gouvernement de Djibouti à respecter ses obligations en vertu des traités signés. Selon la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1465 U.N.T.S. 185) à laquelle Djibouti a souscrit en 2002, Djibouti a pour obligation de ne pas refouler une personne vers un lieu où elle risque d’être torturée ou maltraitée. L’Article 3 de la Convention contre la torture établit ainsi :

1. Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.
2. Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'Etat intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.

Le bilan de l’Erythrée en matière de violations graves et flagrantes des droits humains est bien connu, avec notamment des cas de torture de citoyens érythréens rentrés contre leur gré dans leur pays. Le gouvernement érythréen emprisonne fréquemment de telles personnes. Des rapports dignes de foi font état d’abus physiques et psychologiques commis dans les prisons érythréennes et dans d’autres sites de détention. Parmi les victimes se trouvaient des demandeurs d’asiles renvoyés dans leur pays et des déserteurs. Par exemple, le rapport 2004 par pays du Département d’Etat sur les pratiques en matière de droits humains faisait état, au cours de l’année 2003, « de graves mauvais traitements et passages à tabac par la police érythréenne de déserteurs et de personnes refusant le service militaire… ». La police « a soumis [ces individus] à diverses actions disciplinaires notamment être exposé de façon prolongée au soleil par des températures pouvant atteindre 45 degrés Celsius ou avoir les mains, les coudes et les pieds liés pendant des périodes prolongées. »

Selon l’Article 33(1) de la Convention relative au statut des réfugiés (189 U.N.T.S. 150) à laquelle Djibouti est un état partie, « Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de … ses opinions politiques. » Cette obligation qui est également l’un des principes du droit international coutumier, s’applique à la fois aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, comme l’ont affirmé le Comité exécutif du H.C.R. et l’Assemblée générale des Nations unies. De plus, l’Article 3 de la Déclaration des Nations unies sur l’asile territorial (U.N. Doc. A/6716) stipule qu’aucune personne demandant l’asile « ne sera soumise à des mesures telles que le refus d'admission à la frontière… ».

En renvoyant ces quatre hommes à la frontière sans leur offrir la possibilité de voir leur demande d’asile examinée, le gouvernement de Djibouti a manqué à ses obligations selon les traités internationaux et le droit coutumier.

Human Rights Watch exhorte votre gouvernement à revoir ses politiques et ses procédures afin de garantir le respect des conventions internationales et des déclarations sur l’asile. Nous souhaiterions exhorter votre gouvernement à ne pas refouler un demandeur d’asile et à lui fournir un accès juste et efficace aux procédures de traitement de sa demande afin que celle-ci puisse être examinée. De plus, tous les demandeurs d’asile et les réfugiés devraient pouvoir avoir recours au H.C.R. Enfin, compte tenu des cas avérés de torture par le gouvernement érythréen de personnes rentrées contre leur gré en Erythrée, de déserteurs et de personnes refusant le service militaire, nous souhaiterions exhorter le gouvernement à ne pas renvoyer contre leur gré en Erythrée des déserteurs et des personnes refusant le service militaire puisqu’une telle action constituerait un manquement aux obligations de Djibouti en vertu de la Convention contre la torture.

Pour finir, l’Article 12(4) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 999 U.N.T.S. 171 (auquel Djibouti a souscrit en 2002) stipule que « Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays. » Refuser d’admettre M. Chehem sur le territoire de Djibouti est une violation flagrante de ce pacte. Human Rights Watch vous exhorte à donner pour instruction à la police des frontières et aux responsables de l’immigration d’admettre tout citoyen de Djibouti sur le territoire (avec examen administratif et judiciaire ultérieur, le cas échéant).

Je vous prie de bien vouloir agréer l’expression de ma très haute considération.

Peter Takirambudde
Directeur exécutif, division Afrique
Human Rights Watch

cc:
Ambassadeur Roble Olhaye, Ambassade de la République de Djibouti auprès des Etats-Unis.

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