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Afrique : La visite du président Obama devrait mettre l’accent sur la liberté des médias

La protection des militants et les groupes indépendants est également essentielle pour faire avancer les droits

(Johannesburg, le 25 juin 2013) – Le président des États-Unis, Barack Obama, devrait profiter de sa visite au Sénégal, en Afrique du Sud et en Tanzanie, débutant le 26 juin 2013, pour exprimer son soutien aux médias qui sont harcelés et aux groupes indépendants sur tout le continent africain, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Les médias indépendants et les organisations non gouvernementales d’une grande partie de l’Afrique sont de plus en plus menacés par les actions répressives des gouvernements, a déclaré Human Rights Watch. Dans son discours de 2009 à Accra, au Ghana, le président Obama avait évoqué l’importance de la société civile et du journalisme indépendant dans les sociétés démocratiques. Or, même si le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Tanzanie autorisent dans l’ensemble les médias et les groupes non gouvernementaux à travailler librement, d’autres gouvernements africains leur imposent de dures restrictions.

« Le président Obama devrait reconnaître publiquement le courage des journalistes africains et des militants qui disent la vérité face aux menaces et aux représailles, et appeler ses alliés africains à faire de même », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Il devrait bien faire comprendre aux dirigeants africains que les médias et les groupes militants sont cruciaux pour le développement et à ce titre devraient être salués. »   

Les médias indépendants sont de plus en plus menacés dans de nombreux pays africains, a déclaré Human Rights Watch. Dans la Corne de l’Afrique, ces dernières années, des dizaines de journalistes d’Éthiopie, d’Érythréeet de Somalie ont fui des attaques qui les prenaient pour cible et des poursuites judiciaires à motivation politique. Depuis 2011, l’Éthiopie a utilisé sa loi antiterroriste pour inculper au moins 11 journalistes.

Au Burundi, une nouvelle loi sur les médias entame largement la liberté d’expression. Elle fragilise la protection des sources, limite les thèmes sur lesquels les journalistes ont le droit de donner des informations, inflige des amendes pour toute infraction à la loi et établit des exigences universitaires et professionnelles pour être journaliste.

Au Soudan du Sud, les forces de sécurité ont arbitrairement arrêté et détenu des journalistes et des rédacteurs en chef pour le contenu de leurs publications. En Ouganda, la police a récemment ignoré un ordre de justice leur demandant de rouvrir des groupes médiatiques qui avaient été fermés de force pendant dix jours lors d’une fouille policière à motif politique. L’application partisane des lois et règlements sur les médias ougandais et les fermetures de stations de radio ont limité le débat indépendant à la veille des élections de 2011, surtout dans certaines régions rurales clés. Au Mali, depuis le coup d’État du 22 mars 2012, les tentatives de bloquer la diffusion d’informations ont augmenté d’intensité et semblent entrer dans le cadre d’une répression plus large du journalisme malien.

En Afrique du Sud, le projet de loi sur la Protection de l’informationd’État, surnommé « loi sur le secret », reste un sujet d’inquiétude majeur, étant donné ses dispositions qui restreignent la liberté d’expression et des médias ainsi que la responsabilité démocratique. Dès le tout début de l’introduction du projet de loi en mars 2010, et malgré de récents amendements, il est critiqué pour ses contradictions avec la constitution sud-africaine et avec les obligations internationales du pays en termes de droits humains.

Bien que la société civile soit dynamique et en pleine expansion dans certains pays africains, de nombreux gouvernements se montrent de plus en plus hostiles lorsqu’il s’agit de respecter la liberté d’expression, d’association ou de rassemblement pacifique. Les organisations non gouvernementales, les défenseurs des droits humains et les autres organisations de la société civile qui travaillent dans des atmosphères politiques aussi étouffantes qu’en Éthiopie, au Rwanda ou au Zimbabweprennent souvent d’énormes risques.  

En Éthiopie, l’adoption de la Proclamation sur les organisations caritatives et les associations, ainsi que d’autres loisrépressives, a forcé les plus grands groupes de défense des droits humains à réduire considérablement leurs activités ou à retirer de leurs missions celles qui concernaient les droits humains. Certaines organisations ont tout bonnement fermé, tandis que plusieurs militants de premier plan, menacés, ont dû quitter le pays. Le gouvernement a gelé les biens des deux derniers groupes de défense des droits humains qui restaient dans le pays – le Conseil des droits de l’Homme et l’Association éthiopienne des femmes avocates, la plus importante organisation féministe d’Éthiopie.          

Au Rwanda, l’hostilité du gouvernement envers les organisations de défense des droits, ainsi que les menaces et les actes d’intimidation à l’encontre des défenseurs des droits humains, ont beaucoup affaibli la société civile et ont fait en sorte que peu de groupes rwandais osent s’exprimer franchement en public. Les violations systématiques de la liberté d’expression restent un sujet d’inquiétude prépondérant dans le pays.

Au Zimbabwe, la police a mené une campagne de violencesà motif politique contre les militants et les organisations. Durant les six derniers mois, les policiers ont également fait des descentes ou ouvert des enquêtes sur un certain nombre d’organisations très estimées, comme le Projet pour la Paix au Zimbabwe (Zimbabwe Peace Project) ou la Coalition « Crise au Zimbabwe ».

Le président Obama devrait également tirer profit de sa visite au Sénégal pour souligner l’importance de la justice et de la responsabilité sur tout le continent, en insistant sur le tribunal spécial mis en place pour poursuivreHissène Habré pour les assassinats politiques et la torture systématique qui ont eu lieu lorsqu’il était président du Tchad. Son procès au Sénégal sera le premier, dans l’histoire contemporaine, où le tribunal d’un pays juge le dirigeant d’un autre pays pour des crimes graves qu’il aurait commis et en vertu du droit international.

Si ce procès est équitable, efficace et transparent, il contribuera à mettre fin aux cycles de violence et d’impunité qui ont gâché tant de vies en Afrique, a déclaré Human Rights Watch. Le tribunal spécial du procès Habré pourrait aussi constituer un précédent remarquable pour montrer comment les tribunaux africains peuvent contribuer à la bonne gouvernance et à l’État de droit. 

Pendant qu’il est en Afrique du Sud, le président Obama devrait mettre l’accent sur les élections à venir au Zimbabwe, étant donné le rôle proéminent du président sud-africain, Jacob Zuma, au sein de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC).Ce groupe régional est chargé de superviser l’application de l’accord de partage du pouvoir entre l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF) et le Mouvement pour le changement démocratique (MDC). La visite de Barack Obama tombe à point nommé pour encourager la SADC à faire pression pour des réformes cruciales vers la démocratie et le respect des droits humains au Zimbabwe, qui n’ont toujours pas été accomplies, particulièrement à la lumière du récent décret du président Robert Mugabe qui fixe la date des élections au 31 juillet.

« Il faut bien entendu que la visite du président Obama mette en valeur les réalisations de l’Afrique, mais son voyage doit aussi avoir une portée plus large », a conclu Daniel Beneke. « Il devrait mettre l’accent sur le message suivant : promouvoir le respect des droits humains est vital pour le développement à long terme de l’Afrique. »

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Tweets réf Tanzanie (nov. 2018)

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