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France : Rencontre du président Macron avec le président russe Poutine

Cette rencontre constituera un test de l’engagement pris par Macron d’intégrer les questions liées aux droits humains dans sa politique étrangère

À gauche, le président français Emmanuel Macron au Palais de l'Élysée à Paris, le 21 mai 2017. À droite, le président russe Vladimir Poutine au Kremlin, à Moscou, le 11 avril 2017.

(Paris, le 29 mai 2017) – La rencontre du président français Emmanuel Macron avec le président russe Vladimir Poutine, prévue le 29 mai 2017, constituera un important premier test de l’engagement du chef d’État français à donner une place aux droits humains dans la politique étrangère de la France, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Le président Poutine s’est rendu à Paris pour assister à l’ouverture d’une exposition qui commémore la première visite en France du tsar Pierre le Grand en 1717, marquant ainsi 300 ans de relations diplomatiques franco-russes. Poutine est le premier chef d’État étranger à visiter la France depuis l’élection présidentielle du 7 mai. En marge de l’exposition, les deux chefs d’État s’entretiendront de sujets politiques.

« On ne pourrait imaginer de moment plus opportun pour que le président français appelle clairement son homologue russe à exprimer son propre engagement en faveur de la liberté et des droits humains », a déclaré Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch. « La rencontre des présidents Macron et Poutine contribuera à dessiner les grands axes des relations franco-russes pour les années à venir. La question est de savoir jusquà quel point les droits humains en feront partie intégrante. »

Lors de sa campagne électorale, ainsi que depuis son élection, le président Macron a assuré à plusieurs reprises que les valeurs de liberté, de démocratie et d’égalité seraient au premier plan de ses mesures politiques. Dans son discours d’investiture, il a déclaré que la France « veillera[it] toujours à être aux côtés de la liberté, des droits de lhomme. »

Le Kremlin est quant à lui au cœur d’une réaction autoritaire faisant reculer les droits humains, qui a débuté lorsque Poutine est revenu au pouvoir en 2012. Le gouvernement a serré la vis de la liberté d’expression, de réunion et de parole, visant à marginaliser et à intimider les voix critiques indépendantes, notamment sur Internet. Une batterie de nouvelles lois permet aux autorités de restreindre l’accès à l’information, d’effectuer une surveillance sans contrôle et de censurer les informations que le gouvernement juge « extrémistes », « séparatistes » ou, d’une façon ou d’une autre, illégales et contraires à l’intérêt public.

Les médias publics russes, ainsi que les médias privés fidèles au Kremlin, décrivent souvent les démocraties occidentales comme cherchant à déstabiliser la Russie et le monde, et qualifient les dissidents d’ agents rémunérés par l’Occident pour œuvrer contre la Russie. Les autorités se sont servies d’une loi promulguée en 2012 pour diaboliser des groupes indépendants de premier plan en les qualifiant d’« agents de létranger ». De même, une loi de 2015 sur les « organisations indésirables » interdit aux principaux donateurs étrangers de travailler en Russie ou avec des activistes russes. Enfin, une loi de 2013 interdit de distribuer aux enfants de la « propagande » représentant les relations entre personnes de même sexe comme normales, acceptables ou de même valeur que les relations hétérosexuelles.

Dans le sillage des manifestations nationales contre la corruption du 26 mars, pacifiques mais non autorisées pour la plupart, les autorités russes ont arrêté plus de 1 000 personnes, rien que pour Moscou. Plus de 60 d’entre elles ont été détenues pendant des périodes allant jusqu’à 25 jours, beaucoup d’autres ont écopé d’amendes.

Les autorités russes ont ouvert une enquête sur la récente purge homophobe en Tchétchénie, lors de laquelle les autorités locales avaient rassemblé, torturé et détenu au secret des dizaines d’hommes soupçonnés d’être gays ou bisexuels. La plupart ont été libérés, mais tant qu’ils restent en Russie, ces hommes font face à une double menace, celle d’être traqués et attaqués par les forces de sécurité tchétchènes, et par leurs proches eux-mêmes, vu que les autorités tchétchènes encouragent indirectement les familles à commettre contre eux des « crimes d’honneur ». Malgré tout cela, les responsables russes au niveau fédéral ont pointé à plusieurs reprises l’absence de plaintes déposées par les victimes, impliquant ainsi que ces allégations étaient de simples rumeurs.

Le président Macron devrait appeler le président Poutine à s’assurer que l’enquête soit menée de manière rigoureuse en prenant en compte la crainte légitime des victimes de s'exprimer ouvertement, et non s'en servir comme prétexte pour nier la véracité de leurs témoignages, a déclaré Human Rights Watch.

Il est prévu que les deux présidents s’entretiennent également de la guerre en Syrie, dans le cadre de laquelle la Russie finance et arme le gouvernement syrien, malgré ses violations bien connues des droits humains. La Russie a bloqué la plupart des initiatives à l’ONU qui visaient à protéger davantage les civils syriens, y compris des armes chimiques. Depuis que la Russie s’est engagée dans le conflit en 2015, on a vu monter en flèche l’usage des munitions à fragmentation, tirées par des forces syriennes ou bien russes. En outre la Russie a utilisé des armes incendiaires dans cette guerre. Enfin la Russie n’a pas enquêté, ou n’a pas collaboré aux enquêtes de façon transparente, sur ses propres frappes ayant pu tuer des civils.

En tant que candidat, Macron avait exprimé sa profonde inquiétude sur le manque de respect des droits humains par la Russie, dans sa politique nationale aussi bien qu’étrangère. Il avait déclaré que l’approche de la France devrait être exigeante et rigoureuse dans ses relations avec la Russie.

« Le Kremlin a affiché un profond mépris à l’égard des valeurs des droits humains, prétendant quelles nétaient que lemblème dune Europe sur le déclin », a conclu Bénédicte Jeannerod. « L’attitude ferme et salutaire promise par Macron est juste ce quil faut pour contredire cette affirmation, et cest précisément ce que nous attendons de lui aujourdhui. »

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