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CPI : Soutenir le droit des victimes de choisir leurs avocats

L’affaire de l’Armée de résistance du Seigneur met en évidence des problèmes à cet égard

Un membre de la communauté de Lukodi (Ouganda), devant une plaque commémorant le massacre du 19 mai 2004, l’une des atrocités pour lesquelles Dominic Ongwen est inculpé devant la Cour pénale internationale. Plus de 4 000 victimes participent au procès. ©2016 G. GT. 

(Amsterdam) – La Cour pénale internationale (CPI) devrait accorder la priorité aux points de vue et aux souhaits des victimes concernant le choix des avocats chargés de les représenter dans la salle d’audience, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.


Le rapport de 68 pages, intitulé  « Qui nous défendra ? La représentation légale des victimes à la CPI dans l’affaire Ongwen et au-delà », compare la façon dont les avocats des victimes ont été sélectionnés dans un procès en cours aux tendances plus générales dans la pratique judiciaire. À la CPI, les victimes ont le droit de participer aux procès et sont représentées aux procès par l’intermédiaire d’avocats. Le système de participation des victimes de la CPI, une innovation capitale dans la justice pénale internationale, crée un lien capital entre les communautés affectées par les atrocités et la salle d’audience. Toutefois, Human Rights Watch a constaté que les pratiques de la CPI sont loin de garantir la prise en compte des points de vue des victimes dans les décisions sur l’organisation éventuelle d’une représentation légale des victimes.

« La possibilité pour les victimes de prendre part aux procès de la CPI peut contribuer à faire en sorte quelles aient le sentiment que justice a été rendue », a déclaré Michael Adams, titulaire d’une bourse de recherche de Columbia Law School auprès du programme Justice internationale de Human Rights Watch. « Mais les responsables de la CPI devraient réexaminer la façon daider au mieux les victimes lorsquil sagit de décider qui les défendra au tribunal. »

Human Rights Watch a interrogé des membres des communautés affectées, des représentants d’organisations non gouvernementales et des membres du personnel de la CPI, et a étudié les jugements de la Cour, y compris les décisions entourant le choix du représentant légal dans l’affaire en cours concernant Dominic Ongwen. Ongwen est un ancien commandant de l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA), groupe rebelle ougandais, qui a été transféré devant la CPI en janvier 2015. Deux équipes d’avocats représentent 4 107 victimes qui participent au procès portant sur 70 chefs d’accusation de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, qui s’est ouvert en décembre 2016.
 

Le règlement de la Cour offre aux victimes le droit de choisir un conseiller juridique, mais les juges peuvent demander aux victimes de choisir un « représentant légal commun », un seul avocat pour représenter un groupe de victimes. Lorsque les victimes ne sont pas en mesure de choisir, la Cour peut nommer directement ledit représentant.

Dans une décision controversée de novembre 2015, une chambre préliminaire chargée de traiter l’affaire Ongwen a mis sur la touche une équipe d’avocats privés qui avaient été désignés par certaines victimes dans le nord de l’Ouganda. À la place, la chambre a nommé comme représentant légal commun une équipe dirigée par le conseil principal du Bureau du conseil public pour les victimes de la Cour, invoquant des questions budgétaires et un manque de transparence dans la sélection des avocats privés. Mais cette désignation n’a pas tenu compte des motivations de la communauté dans le choix des avocats privés. Alors que la décision de la Cour permettait aux avocats privés de continuer à représenter les victimes, celles qui ont choisi ces avocats n’ont pas eu accès à l’aide judiciaire pendant une année parce que la Cour a décidé que seul le conseil désigné par la Cour était éligible à un soutien financier.

Dans d’autres affaires récentes de la CPI, des juges ont nommé un représentant légal commun sur la base d’une consultation très limitée des victimes. Une politique de 2011 visant à garantir une représentation efficace, ainsi que des gains de temps et d’argent semble être au minimum l’une des raisons pour lesquelles moins de poids a été accordé aux avis des victimes dans la sélection du représentant légal.
 


« Le règlement de la CPI ne donne peut-être pas aux victimes un droit absolu sur le choix de lavocat, mais il est censé protéger ce choix dans une grande mesure », a poursuivi Michael Adams. « La Cour a besoin de politiques mieux adaptées pour justifier plus clairement à quel moment elle décide dintervenir pour priver les victimes de ce choix. »

Les pays membres de la CPI ont exercé une pression significative sur la Cour pour maintenir son budget à un niveau bas et ont demandé instamment à la Cour de raccourcir la durée des procédures. Cette pression semble avoir influencé la manière dont la Cour a mis au point ses procédures et politiques sur la représentation légale des victimes, ainsi que les décisions des juges concernant la représentation légale commune. La Cour révise actuellement sa politique d’aide judiciaire, y compris pour les victimes.

Les juges et le Greffe de la Cour devraient mettre en place des politiques claires pour garantir que les décisions de représentation légale vont dans le sens des choix des victimes, a indiqué Human Rights Watch. La Cour devrait établir des critères pour les cas où elle apporte une aide aux victimes pour choisir un avocat et où, en dernier ressort, elle prend cette décision pour les victimes. La Cour devrait utiliser ses bureaux locaux pour s’assurer que les décideurs de la CPI disposent des informations nécessaires sur les préoccupations des victimes et des communautés affectées. Les pays membres de la CPI devraient s’assurer que la Cour bénéficie des ressources dont elle a besoin pour mettre en œuvre ses politiques.

« Les budgets serrés de la CPI imposent des décisions qui compromettent les relations entre la Cour et les victimes et qui risquent daffaiblir la légitimité de la Cour », a conclu Michael Adams. « La Cour et les États parties devraient garantir des ressources suffisantes pour soutenir limplication sur le terrain auprès des communautés et laide judiciaire pour les victimes. »
 
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