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Armes à sous-munitions : Progrès réguliers vers l’élimination de ces armes

Les civils continuent toutefois d’être victimes de leur utilisation en Syrie

SwissInfo(Genève) –  La plupart des pays font des progrès réguliers vers l’élimination des armes à sous-munitions, mais des efforts plus vigoureux sont nécessaires pour mettre fin à leur utilisation dans les pays qui n’ont pas adhéré au traité international visant à interdire ces armes, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui à l’occasion de la publication du rapport annuel Cluster Munition Monitor 2017.

Un technicien faisant partie d’une équipe de « Casques bleus » de la Défense civile syrienne (Syria Civil Defense) pose un écriteau sur le site d’une sous-munition non explosée dans le gouvernorat d'Idlib, en vue d’une future opération de déminage, le 8 juin 2017.   © 2017 Syria Civil Defense
Les attaques aux armes à sous-munitions commises par les forces gouvernementales syriennes dans les zones d’opposition, qui ont débuté en 2012, se sont poursuivies sans relâche. Depuis le 30 septembre 2015, la Russie participe à une opération militaire conjointe aux côtés des forces syriennes. Des éléments de preuves, recueillis par des activistes locaux, des journalistes, des premiers secours, du personnel médical entre autres, ont permis de déterminer qu’au moins 238 attaques distinctes ont été perpétrées à l’aide d’armes à sous-munitions en Syrie entre août 2016 et juillet 2017. À partir de débris de ce type d’armes ayant pu être identifiés, il a été possible de conclure que 115 attaques ont été commises à l’aide de sous-munitions AO-2.5RT et 65 autres à l’aide de sous-munitions ShOAB-0.5, avec pour vecteurs des bombes soviétiques/russes de la catégorie RBK.

« L’utilisation de sous-munitions en Syrie au cours des cinq dernières années est scandaleuse et contribue à aggraver toujours plus le legs empoisonné des mines et des restes explosifs de guerre », a déclaré Mary Wareham, directrice de plaidoyer auprès de la division Armes de Human Rights Watch et co-rédactrice du rapport. « Les acteurs locaux déploient des efforts héroïques pour éradiquer et détruire ces armes, qui posent un obstacle fondamental à l’accès de l’aide à travers le pays. »

Le Rapport sur les armes à sous-munitions est publié chaque année par la Cluster Munition Coalition (CMC), une coalition internationale d’organisations non gouvernementales cofondée et présidée par Human Rights Watch. Le groupe œuvre à ce que tous les États deviennent parties à la Convention de 2008 sur les armes à sous-munitions et mettent en œuvre cet instrument juridique qui en interdit l’usage et prévoit l’enlèvement des engins non explosés et la fourniture d’une assistance aux victimes.

Les armes à sous-munitions peuvent être tirées du sol à partir de systèmes d’artillerie ou de lance-roquettes, ou larguées par un avion ou hélicoptère. Elles explosent généralement avant de toucher le sol, projetant de multiples petites bombes dénommées sous-munitions sur un vaste périmètre. Nombre de sous-munitions n’explosent toutefois pas lors de l’impact initial, laissant des débris qui peuvent donc être l’équivalent de mines terrestres pendant des années, à moins d’être enlevées et détruites.  Actuellement, 102 États sont parties à la Convention sur les armes à sous-munitions, et 17 autres pays l’ont signée, mais pas encore ratifiée.

La CMC a recensé au moins 971 pertes humaines causées par des armes à sous-munitions en 2016, dont 860 en Syrie et 38 au Yémen. La plupart des victimes dans ces deux pays ont été faites lors d’attaques à l’aide de sous-munitions, d’autres par des sous-munitions non explosées, que les premiers intervenants et les démineurs locaux s’efforcent d’éliminer et de détruire dans des conditions d’urgence.

En décembre, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, a fourni à Human Rights Watch un argumentaire relatif aux armes à sous-munitions utilisées en Syrie, lequel ne conteste pas explicitement pas plus qu’il ne reconnaît la participation de la Russie aux attaques perpétrées à l’aide de sous-munitions. Mais il affirme que les armes à sous-munitions ont été utilisées dans le respect du droit international humanitaire et pas aveuglément.

Au Yémen, au cours de l’année écoulée, il y a eu moins d’attaques aux armes à sous-munitions commises par la coalition de pays dirigée par l’Arabie saoudite dans le cadre de l’opération militaire en cours contre les forces houthistes au Yémen depuis mars 2015. Cette baisse est consécutive à une mobilisation vigoureuse de l’opinion publique, une couverture médiatique internationale et des condamnations généralisées.

Il existe des éléments accréditant la thèse selon laquelle des armes à sous-munitions ont pu être utilisées par l’État islamique (EI) en Irak et en Libye depuis la mi-2016, mais il n’a pas été possible de le vérifier jusqu’à présent. Aucune information ou allégation de nouvelle utilisation, production, transfert ou acquisition d’armes à sous-munitions par un État partie à la Convention sur les armes à sous-munitions n’a été signalée depuis l’entrée en vigueur de cet instrument le 1er août 2010. Il n’existe aucune preuve selon laquelle les États-Unis, qui n’ont pas adhéré au traité, ou leurs partenaires de la coalition, ont utilisé des armes à sous-munitions dans le cadre de leurs opérations militaires contre l’EI en Syrie et en Irak.

« Des efforts plus vigoureux sont nécessaires pour dissuader le recours aux sous-munitions et il n’y a pas de meilleure réponse que d’adhérer au traité international et de le mettre en œuvre », a déclaré Mary Wareham. « Les États parties devraient travailler avec diligence pour mettre en œuvre les dispositions fondamentales du traité et redoubler d’efforts pour convaincre davantage de pays de se joindre à l’interdiction internationale. »

Madagascar et le Bénin ont ratifié la Convention sur les armes à sous-munitions en 2017, mais aucun pays n’y a adhéré depuis Cuba en avril 2016. En décembre, des dizaines de pays non signataires ont voté en faveur d’une résolution importante de l’Assemblée générale des Nations Unies à l’appui de la Convention, mais la Russie et le Zimbabwe ont voté contre et 37 États non signataires se sont abstenus, y compris Israël, l’Arabie Saoudite, la Syrie, les États-Unis et le Yémen. La résolution non contraignante appelait tous les pays non signataires à devenir parties au traité « dans les plus brefs délais ».

Selon le rapport Cluster Munition Monitor 2017, 28 États parties ont détruit en 2016 au total des stocks de près de 1,4 million d’armes à sous-munitions contenant 175 millions de sous-munitions. Cela représente 97 % de toutes les armes à sous-munitions déclarées et stockées par les États parties ayant adhéré au traité et 98 % des toutes leurs sous-munitions.

En 2016, l’Espagne, la Slovaquie, et la Suisse ont collectivement détruit 56 171 armes à sous-munitions et 2,8 millions de sous-munitions, tandis que 10 États parties possédant des stocks n’en ont détruit aucun et plusieurs autres indiquent avoir besoin d’assistance technique et financière pour y parvenir.

En août 2016, la société américaine privée Textron Systems a annoncé qu’elle mettait fin à la production de sous-munitions, donnant un coup d’arrêt à la manufacture aux États-Unis des sous-munitions, dans la mesure où cette compagnie était la dernière à en produire dans le pays. Pourtant, 16 pays – tous non signataires – produisent encore des armes à sous-munitions. La CMC continuera de considérer les États-Unis comme État fabriquant jusqu’à ce que Washington s’engage officiellement à ne plus produire d’armes à sous-munitions.

« Les affirmations de pays comme l’Arabie saoudite, la Syrie et la Russie, selon lesquels les armes à sous-munitions peuvent être utilisées de manière ciblée, conformément aux lois de la guerre, sont tout simplement fausses », a déclaré Mary Wareham. « L’expérience montre que la Convention a un impact positif, mais les pays qui ne l’ont pas signée doivent le faire dans les meilleurs délais et cesser de fermer les yeux sur les souffrances atroces que ces armes provoquent. »

Le rapport Cluster Munition Monitor 2017 sera rendu public lors de la septième réunion des États parties à la Convention sur les armes à sous-munitions, qui s’ouvrira aux Palais des Nations à Genève, le 4 septembre.

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Dans la presse

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