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(New York) – Les efforts visant à traduire en justice les responsables d’atrocités perpétrées en Syrie devant des tribunaux européens commencent à porter leurs fruits, notamment dans les tribunaux suédois et allemands, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Alors que différentes autorités en Europe ont ouvert des enquêtes sur les crimes internationaux graves commis en Syrie, la Suède et l’Allemagne sont les deux premiers pays à avoir jugé et condamné des personnes pour ces crimes.

Le rapport de 66 pages, « ‘These Are the Crimes We Are Fleeing’: Justice for Syria in Swedish and German Courts » (« “Voici les crimes que nous fuyons” : Justice pour des Syriens dans des tribunaux suédois et allemands »), décrit les efforts réalisés en Suède et en Allemagne pour mener des enquêtes et des poursuites à l’encontre de personnes responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide en Syrie. S’appuyant sur des entretiens avec 50 fonctionnaires et spécialistes travaillant sur ces affaires et avec 45 réfugiés syriens au sein des deux pays, Human Rights Watch a documenté les difficultés rencontrées par les enquêteurs et les procureurs allemands et suédois pour traiter ces types d’affaires, ainsi que l’expérience des réfugiés et des demandeurs d’asile avec les autorités.


« Alors que les autres voies pour obtenir justice sont actuellement bloquées, les enquêtes criminelles en Europe sont porteuses despoir pour les victimes de crimes en Syrie qui nont nulle part ailleurs où se tourner », a indiqué Maria Elena Vignoli, titulaire d’une bourse Leonard H. Sandler auprès du programme Justice internationale chez Human Rights Watch. « En tant que tout premiers pays à tenir des procès et à condamner des personnes pour les atrocités perpétrées en Syrie, la Suède et lAllemagne envoient aux criminels lavertissement quils devront payer pour leurs crimes. »
 
Les réfugiés syriens ont constamment souligné, dans les entretiens avec Human Rights Watch, l’importance de traduire en justice les responsables des atrocités commises en Syrie.


« Mon frère a été tué de 14 balles par le régime », a raconté Samira, qui habite en Suède et a perdu plusieurs membres de sa famille dans la guerre. « Toute ma famille est morte. Jai vu cinq enfants être exécutés, je les ai vus se faire couper la tête. Je nai pas pu dormir pendant une semaine. [] Cest très important dobtenir justice, cela me donnera limpression dêtre humaine. »

Muhammad, un activiste travaillant pour le compte de certaines victimes syriennes en Allemagne, a dit du gouvernement syrien : « Ces personnes pensent que la solution politique viendra et quils seront alors en mesure de senfuir en Europe. Je veux quils se sentent tourmentés comme ils ont tourmenté les gens toute leur vie. Nous devons envoyer un message despoir aux victimes et transmettre aux criminels le message quils ne séchapperont pas. »

Le 25 septembre, la Suède est devenue le premier pays à condamner un membre de l’armée syrienne pour des crimes commis en Syrie. L’accusé, identifié grâce à une photo sur laquelle il posait avec un pied sur la poitrine d’une victime morte, a été jugé coupable de violation de la dignité d’une dépouille mortelle.

La Suède et l’Allemagne disposent d’éléments qui permettent d’engager des enquêtes et des poursuites réussies sur les crimes graves, notamment une législation complète, des unités spécialisées dans les crimes de guerre efficaces et une expérience précédente dans de telles affaires. De plus, en raison du grand nombre de demandeurs d’asile et de réfugiés syriens, les victimes, les témoins, les preuves matérielles et même certains suspects auparavant non disponibles sont désormais à la portée des autorités dans ces pays.

Cependant, Human Rights Watch a constaté que la Suède et l’Allemagne sont confrontées à des difficultés.

« Les défis habituels associés à la poursuite de ces types daffaires sont exacerbés par un conflit qui perdure en Syrie, où les scènes de crime ne sont pas accessibles », a expliqué Maria Elena Vignoli. « Les autorités suédoises et allemandes doivent chercher ailleurs pour obtenir des informations, y compris auprès des réfugiés syriens, de personnes faisant un travail similaire dans dautres pays européens, dentités de lONU et de groupes non gouvernementaux qui documentent les atrocités en Syrie. »

Human Rights Watch a noté que de nombreux demandeurs d’asile et réfugiés syriens n’ont pas connaissance des systèmes en place pour mener des enquêtes et des poursuites sur les crimes graves en Syrie, de leur possibilité de contribuer aux efforts de justice dans ces pays, ni du droit des victimes à participer aux procédures pénales.

Le recueil d’informations pertinentes provenant des réfugiés et des demandeurs d’asile syriens s’est aussi avéré difficile en raison de leur crainte de possibles représailles contre leurs proches restés en Syrie, de leur méfiance à l’égard de la police et des fonctionnaires due à des expériences négatives en Syrie et de leur sentiment d’abandon par les pays hôtes et la communauté internationale.

La Suède et l’Allemagne disposent de systèmes pour protéger les victimes et les témoins dans les affaires pénales. Conformément aux normes de procès équitable, les deux pays devraient explorer les possibilités pour étendre la protection dans ces affaires aux familles des témoins en Syrie, a déclaré Human Rights Watch.

Du fait des difficultés rencontrées, Human Rights Watch a constaté que seules quelques affaires ont été menées à leur terme, ce qui ne représente pas l’échelle ou la nature des abus subis par les victimes en Syrie. La plupart des actions judiciaires concernaient des membres subalternes de groupes armés non étatiques opposés au gouvernement syrien.

En Allemagne, la majorité des affaires portent sur des accusations de terrorisme plutôt que sur des crimes internationaux graves. Cela pourrait envoyer le message que la seule priorité des autorités est de lutter contre les menaces intérieures, a indiqué Human Rights Watch. Les efforts pour poursuivre les accusations de terrorisme devraient être étroitement associés aux efforts et aux ressources engagés pour mener des enquêtes et des poursuites pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

Les autorités dans les deux pays travaillent pour remédier à certains de ces problèmes, même si beaucoup de choses restent à faire, a expliqué Human Rights Watch. La Suède et l’Allemagne devraient s’assurer que leurs unités spécialisées dans les crimes de guerre disposent des ressources et du personnel nécessaires, devraient fournir à ces unités une formation continue et envisager de nouvelles façons de travailler avec les réfugiés et les demandeurs d’asile syriens présents sur leur territoire grâce à des actions de sensibilisation et d’information publique.

« Les pays européens devraient emboîter le pas à la Suède et à lAllemagne et agir pour étendre les efforts de justice pour les Syriens en Europe », a conclu Maria Elena Vignoli. « Dans lensemble, ces affaires ne sont pas suffisantes en elles-mêmes et soulignent la nécessité dun processus de justice plus exhaustif pour lutter contre limpunité continue en Syrie. » 
 

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