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Les migrants à Calais se rassemblent sous la pluie pour une distribution de vêtements dans une zone industrielle à la périphérie de Calais, en France.     © Futuro Berg/Help Refugees, octobre 2017

(Calais) -- Nous sommes en plein hiver. Au moins 600 demandeurs d’asile et migrants, dont plus de 100 enfants non accompagnés, campent toujours à Calais dans des conditions de plus en plus dures, confrontés à la rigueur des éléments, ainsi qu’au harcèlement policier et, souvent, à la violence. Beaucoup d’entre eux veulent désespérément rejoindre leurs familles ou leurs amis au Royaume-Uni ; d’autres sont là parce qu’ils ne voient guère de meilleure alternative en France.

Le président Emmanuel Macron s’est finalement rendu sur place le 16 janvier, prononçant un important discours devant un auditoire d’agents des forces de l’ordre et d’officiels. Il a délivré un message ambivalent ne permettant pas de savoir si la situation des migrants sur place, ainsi que le rôle de la France sur cette question à l’échelle européenne, allaient s’améliorer. 

Juste en face de Douvres, de l’autre côté de la Manche, les environs de Calais, dans le Nord de la France, étaient jusqu’à l’automne 2016 le lieu d’un bidonville sordide et tentaculaire où vivaient pas moins de 10 000 demandeurs d’asile et migrants, dont de nombreux enfants non accompagnés. Le camp a été démantelé fin octobre de la même année et ses résidents ont été dispersés dans des hébergements d’urgence à travers la France. Beaucoup de ces structures, notamment celles destinées aux enfants, n’ayant pas permis, comme promis, d’accéder au système français de demande d’asile et à d’autres services, les migrants sont rapidement repartis à Calais.

Il est à mettre au crédit de Macron qu’il a insisté sur le fait que la police devait traiter les migrants avec humanité. Il a souligné que la violence physique et la confiscation des effets des migrants, auxquelles se sont livrées les forces de police ces derniers mois, étaient « contraires à toute déontologie » et que si ces faits étaient prouvés, « cela sera[it] sanctionné ». Son discours, ainsi que les propos qu’il a tenus plus tard dans la journée, lors d'une rencontre avec des ONG, dont Human Rights Watch, semblaient bien informés des rapports et recommandations de ces associations.

Pendant cette réunion, prenant le contre-pied de son Ministre de l’Intérieur, Macron a aussi affirmé que son administration prenait au sérieux les résultats de l’enquête interne ordonnée par le gouvernement, corroborant  une partie de nos conclusions publiées en juillet sur les abus policiers envers les migrants. L’enquête administrative conclut en effet à des éléments « crédibles » quant à de tels abus.

Macron a également annoncé que l’État assurerait des distributions de nourriture aux migrants, jusqu’ici largement laissées à la charge des associations humanitaires.

Mais dans le même temps, le président a semblé accréditer l’idée que c’est l’assistance humanitaire qui attirerait les migrants à Calais, ce qui amène immédiatement à s’interroger sur l’intention réelle de l’Etat de prendre en charge cette assistance.

Personne ne peut sérieusement croire que c’est l'aide limitée en nourriture et vêtements qu’ils reçoivent qui attire les migrants à Calais. Beaucoup d’entre eux fuient leur pays en quête désespérée de sécurité. Si les migrants se rendent à Calais, c’est parce que c’est le port le plus proche du Royaume-Uni, la destination que la plupart visent. Quoi qu’il en soit, la France a le devoir de répondre aux besoins fondamentaux de ceux qui se trouvent sur son territoire.

De manière inquiétante, Macron a également sous-entendu que certaines associations ont formulé des accusations infondées contre les autorités et a déclaré que, le cas échéant, l’Etat engagerait des poursuites pour diffamation contre leurs auteurs.

Cela a tout l’air de menaces. Les  autorités devraient accepter les critiques. Les rapports faisant état de violence policière devraient être pris avec bonne foi et faire l’objet d’enquêtes rapides. Les individus et les associations ne devraient pas craindre d’être poursuivis parce qu’’ils dénoncent des abus.

Plus largement, certains aspects  de l’approche de Macron en matière de migration posent question. Les contrôles de la situation administrative des migrants dans les abris d’urgence, autorisés par le ministre de l’Intérieur en décembre et dénoncé par le Défenseur des droits, vont à l’encontre de la promesse de Macron d’« héberger tout le monde dans la dignité » et pourraient aboutir à ce que les gens préfèrent rester dans le froid, avec les dangers que cela comporte. Quant à l’accélération des procédures d’asile que le président appelle de ses vœux, elle comporte le risque que des personnes, dont la demande d’asile est bien-fondée mais complexe, soient renvoyées vers une situation dangereuse.

Nous voyons le même paradoxe concernant la politique migratoire européenne. Macron a appelé l’Union européenne à aider les migrants piégés et abusés en Libye et a proposé de réinstaller les réfugiés évacués de ce pays vers les pays voisins. Mais la France n’a pas appelé à mettre fin à la détention arbitraire de migrants en Libye. Elle appuie même le transfert des responsabilités des groupes de sauveteurs européens et non gouvernementaux vers les garde-côtes libyens, bien que cela aboutisse à ce que les migrants se retrouvent en situation de détention abusive en Libye.

Avant la visite de Macron à Calais, l’hebdomadaire français L’Obs a décrit la politique migratoire de Macron en ces termes : « D’un côté, des discours humanistes, de l’autre une politique minimaliste, voilà bien l’hypocrisie française ». De la même façon, plusieurs  de ses alliés politiques ont écrit dans Le Monde : « Votre politique contredit l’humanisme que vous prônez ! ».

Le président français devrait tenir compte de ces avertissements et prendre des mesures pour garantir que les politiques migratoires de son administration respectent les principes des droits humains dont il s’est maintes fois revendiqué.

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