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Comment raviver l’espoir né à Arusha

L’Afrique du Sud peut aider à endiguer la crise au Burundi

Publié dans: Mail & Guardian

La résolution de la longue guerre civile au Burundi a constitué un tournant politique en Afrique, illustrant la capacité et la détermination des dirigeants régionaux à produire un accord de paix basé sur les droits humains. Et pourtant les avancées réalisées il y a près de deux décennies grâce au vigoureux leadership de l’Afrique du Sud ont pratiquement disparu.

Cyril Ramaphosa prête serment comme président de l’Afrique du Sud au Parlement du Cap, le 15 février 2018. © 2018 Reuters

Après l’annonce en 2015 par le président Pierre Nkurunziza, qui dirige le Burundi depuis 2005, de son intention de briguer un troisième mandat controversé, le gouvernement a réprimé l’opposition en recourant à des violences généralisées. La crise s’est aggravée au début de cette année, avec de multiples actes d’intimidation à l’encontre de l’opposition lors de la campagne en vue du référendum constitutionnel pour permettre au président de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034.

Un leadership régional fort – en particulier de la part de l’Afrique du Sud – est désespérément nécessaire pour limiter les abus et à remettre le pays sur les rails. 

L’Afrique du Sud, ainsi que la Tanzanie, ont joué un rôle décisif dans la négociation des Accords d’Arusha de 2000, qui ont aidé à mettre fin à un conflit sanglant, dans lequel on estime que 300 000 personnes ont été tuées, dans des attaques motivées dans une large mesure par des considérations ethniques. Le vice-président de l’époque, Thabo Mbeki, a dirigé les efforts de médiation de l’Afrique du Sud. L’intervention au Burundi était censée apporter une solution africaine à un problème africain.

Les accords ont créé les conditions nécessaires pour que cessent les violations des droits humains qui avaient pour l’essentiel caractérisé le conflit. Ils ont ouvert la voie à l’élaboration de la constitution adoptée cinq ans plus tard et sont devenus la pierre angulaire d’un système basé sur le consensus, dans lequel des représentants des deux principales ethnies, Hutus et Tutsis, gouvernaient ensemble. Ils ont également préparé le terrain à une décennie de progrès relativement réguliers vers la paix, la réconciliation et le développement économique, ainsi qu’à l’éclosion d’une société civile et de médias indépendants.

Et pourtant depuis 2010, le parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD) a réduit petit à petit la portée d’éléments clés de ces accords. L’opposition a boycotté les élections cette année-là après une période de répression des droits humains. Lors de la période électorale, des opposants politiques ont fait l’objet de surveillance, d’arrestations, de tortures et certains ont même été tués. Après 2010, les seuls contrôles encore exercés sur le gouvernement l’étaient par les médias et la société civile, qui étaient de plus en plus exposés aux risques d’arrestation et de brutalités physiques.

Fin avril 2015, des manifestations ont eu lieu en réaction à la décision de Nkurunziza de briguer un troisième mandat alors que la constitution n’en autorise que deux. Le parti au pouvoir a argué que son premier mandat ne comptait pas car il avait alors été élu président par le parlement et non pas à l’issue d’un vote populaire. La police a répondu aux manifestations en ayant recours à une force excessive. Les violences ont connu une escalade dans la seconde moitié de 2015, avec des assassinats ciblés – notamment de personnalités en vue du gouvernement et de l’opposition, des perquisitions policières meurtrières, des abus commis par des Imbonerakure, les membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, et des attaques perpétrées par des groupes armés d’opposition contre les forces de sécurité et le parti au pouvoir.

Le gouvernement semble maintenant considérer les activistes, les journalistes et les opposants politiques comme des ennemis. Beaucoup d’entre eux ont fui vers l’exil après avoir fait l’objet de manière persistante de menaces et d’actes d’intimidation.

En 2016, certains abus sont devenus plus discrets et l’on a compté davantage d’enlèvements, de disparitions forcées et de décès inexpliqués. Depuis le début de 2017, les forces de sécurité et des Imbonerakure ont tué, violé, passé à tabac, détenu, menacé et harcelé un grand nombre d’opposants, réels ou supposés. Près de 400 000 personnes ont fui le pays depuis 2015.

La nouvelle constitution, adoptée par référendum au début du mois, fait plus que permettre à Nkurunziza de se maintenir au pouvoir. Elle est destinée à renforcer l’emprise du parti au pouvoir, réduisant la majorité nécessaire pour adopter des lois et préparant le terrain au démantèlement des équilibres ethniques consacrés par les Accords. Les garanties selon lesquelles la minorité tutsie détiendra certains postes gouvernementaux seront désormais sujettes à discussion avec un gouvernement de plus en plus autoritaire. Le contrôle exercé par le parti au pouvoir sur les institutions de l’État, l’absence d’espace laissé à une véritable opposition et l’impunité généralisée dont bénéficient les agents de l’État et les Imbonerakure constituent clairement une menace pour le système mis au point à Arusha.

Mais les principes de base des Accords peuvent encore être sauvegardés, pour peu que les dirigeants régionaux s’engagent et prennent une position de fermeté. 

Le président Cyril Ramaphosa devrait placer l’Afrique du Sud en première ligne dans les efforts pour restaurer les avancées réalisées dans le cadre du processus d’Arusha et pour éviter une nouvelle escalade sanglante de la crise au Burundi avant les élections de 2020. Il devrait travailler avec les autres dirigeants africains et faire savoir clairement qu’il y aura de vraies conséquences si les dirigeants au Burundi ne mettent pas fin à la répression exercée par l’État. Les dirigeants africains devraient s’appuyer pleinement sur l’Union africaine, notamment sur ses pouvoirs d’intervention dans les cas où des crimes contre l’humanité sont commis.

L’Afrique du Sud a justifié son rôle de premier plan dans les négociations d’Arusha en invoquant son obligation morale de soutenir les efforts de paix sur le continent après que tant de pays africains eurent contribué à la lutte contre l’apartheid. Alors que de nouvelles violations à grande échelle des droits humains se profilent à l’horizon et que la nécessité d’un engagement régional fort est plus pressante que jamais, Ramaphosa devrait réinvestir son pays dans un effort visant à faire respecter les Accords d’Arusha par le Burundi.

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