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Malawi : Les personnes LGBT soumises au risque d’arrestations et de violences

Il faut abroger les lois discriminatoires afin de pallier à l’insuffisance du moratoire

(Banjul, le 26 octobre 2018) – Les lois du Malawi interdisant les relations consensuelles entre personnes du même sexe favorisent un climat de peur et alimentent la violence et la discrimination, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. L’environnement juridique punitif, combiné à la stigmatisation sociale, permet aux abus policiers de passer inaperçus et empêche de nombreuses personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres (LGBT) de dénoncer ces violences ou de recevoir des soins médicaux.

Le rapport de 61 pages, intitulé « ‘Let Posterity Judge’: Violence and Discrimination against LGBT People in Malawi » (« C’est la postérité qui jugera : Violence et discrimination contre les personnes LGBT au Malawi») montre en quoi le manque de clarté sur le statut légal des relations entre personnes de même sexe rend les personnes LGBT vulnérables face aux arrestations arbitraires, à la violence physique et à la discrimination quotidienne. Le ministre de la Justice a décrété en 2012 un moratoire sur les arrestations liées aux comportements homosexuels d’adultes consentants, mais les opinions divergent sur sa légalité.

« La loi pénalisant les relations homosexuelles contribue à donner l’impression que les personnes LGBT sont des proies faciles, qu’elles peuvent être attaquées sans aucune conséquence pour l’agresseur », a déclaré Wendy Isaack, chercheuse auprès du programme Droits des personnes LGBT à Human Rights Watch. « Imaginez que vous soyez passé à tabac dans la rue, que vous portiez plainte à la police et que vous soyez vous-même arrêté, tandis que votre agresseur n’est pas inquiété – c’est ce qui est arrivé aux gens que nous avons interrogés, simplement à cause de la façon dont les gens perçoivent leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. »

Human Rights Watch a interrogé 45 personnes LGBT à Lilongwe et Blantyre, de même que des avocats, des activistes et des représentants du gouvernement. Les chercheurs ont constaté que dans un certain nombre de cas, la police avait arrêté arbitrairement des personnes transgenres et parfois les avait même agressées physiquement. Certains professionnels médicaux ont refusé leurs soins à des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.

Les sections 153 et 156 du code pénal du Malawi interdisent les « outrages contre-nature » et les « pratiques indécentes entre hommes ». Suite à l’arrestation et à la condamnation d’une personne connue en 2010, qui avaient soulevé l’indignation internationale, le ministère de la Justice et des Affaires constitutionnelles a décrété en 2012 un moratoire sur les arrestations et les poursuites judiciaires liées aux actes homosexuels consensuels. En décembre 2015, le ministre de la Justice Samuel Tembenu a réaffirmé le moratoire de 2012, mais un an plus tard, suite à une affaire portée par des leaders religieux chrétiens devant la justice, qui leur a donné raison, la Haute Cour de Mzuzu a émis une ordonnance suspendant le moratoire, en attendant qu’il soit examiné par la justice.

De par la loi actuelle, les relations entre adultes consentants de même sexe sont passibles de jusqu’à 14 ans de prison pour les hommes et cinq ans pour les femmes. Human Rights Watch a constaté que les personnes dont l’expression de genre s’éloigne des attentes sociales, notamment les personnes transgenres – que la police et la population perçoivent comme lesbiennes ou gays –, semblaient être les plus ciblées. Olivia, une femme transgenre, a déclaré à Human Rights Watch qu’une foule avait agressé son amie, également transgenre, dans un marché de Lilongwe. Au lieu d’arrêter les agresseurs, les policiers ont arrêté son amie car ils suspectaient qu’elle était « gay ». Puis ils sont revenus chercher Olivia, mais elle n’était pas chez elle, alors ils ont arrêté son père.

« Je me suis rendue au poste de police à sa recherche, et dès mon arrivée, trois policiers m’ont emmenée dans un petit bureau à l’intérieur du poste pour m’interroger », a déclaré Olivia.   « Un des policiers a déclaré que vu mon apparence et mon habillement, je devais être gay. Ils ont commencé à me gifler et à me donner des coups de poing, pour me forcer à avouer que j’étais ‘gay’. »

Human Rights Watch a parlé à plusieurs personnes qui se sont vu refuser des soins médicaux à cause de leur apparence et de leur identité de genre. Eric, un homme transgenre, a été battu par des gens qui lui reprochaient d’être « lesbienne ». Lorsque son ami l’a amené à l’hôpital, les infirmiers ont refusé de le soigner. « On m’a donné des Panado [antalgiques], mais aucun autre médicament, et on ne m’a pas fait de radio ni aucun autre examen – en fait les infirmiers m’ont dit de revenir le lendemain habillé comme une vraie femme, et qu’à ce moment-là, elles pourraient me donner de vrais soins. »

Des femmes transgenres et des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes se sont vu refuser des tests de dépistage du VIH et des traitements par le personnel infirmier des hôpitaux publics. Human Rights Watch a entendu plusieurs personnes raconter que les infirmiers avaient appelé leurs collègues pour qu’ils les rejoignent dans la salle de consultation afin de se moquer d’un patient venu pour un dépistage du VIH, avant de refuser de lui faire passer le test.

Le fait que les autorités malawiennes manquent de la volonté d’abroger les lois anti-homosexualité décourage ces personnes de solliciter les services que sont la prévention, le dépistage et les traitements relatifs au VIH, et porte atteinte à leur droit de jouir du meilleur état de santé possible. Il est bien établi que les environnements juridiques punitifs constituent un obstacle significatif à l’accès aux traitements et services de santé sexuelle pour les hommes gays, bisexuels et les autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Les recherches de Human Rights Watch suggèrent que les personnes transgenres rencontrent les mêmes obstacles. 

Le Malawi devrait dépénaliser les relations entre personnes consentantes du même sexe afin de garantir la sûreté et la protection de tous ses citoyens.

« La discrimination vis-à-vis des personnes LGBT est monnaie courante au Malawi et crée une atmosphère dans laquelle certains de ses citoyens les plus vulnérables ont peur de demander l’aide de la police ou des soins médicaux, même d’urgence vitale », a déclaré Wendy Isaack. « Le gouvernement malawien devrait s’assurer que tous ses citoyens puissent vivre en sécurité et sans persécutions. »

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