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Yémen : Les civils bombardés, mitraillés, affamés

Les crimes de guerre de la coalition saoudienne et des Houthis restent impunis

Des habitants de Saada, dans le nord du Yémen, regardent l’épave calcinée d’un bus scolaire le 12 août 2018, trois jours après une frappe aérienne qui a touché ce bus, tuant des dizaines de garçons et en blessant d'autres. © 2018 Mohammed Hamoud/Getty Images

(Beyrouth) – La coalition dirigée par l’Arabie saoudite et le groupe armé houthi sont engagés au Yémen dans un conflit qui a transformé la crise humanitaire dans le pays en véritable catastrophe, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2019.

Depuis l’escalade du conflit armé en mars 2015, les belligérants ont commis de multiples violations des lois de la guerre, aggravé la situation humanitaire du pays et n’ont pas établi les responsabilités pénales des auteurs de crimes de guerre. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et d’autres fournisseurs d’armes risquent d’être complices de ces abus via leurs ventes d’armes à l’Arabie saoudite et à d’autres États de la coalition. Les Nations Unies ont prévenu que si la situation ne changeait pas radicalement, près de la moitié de la population yéménite serait exposée à la famine.

« La coalition menée par l’Arabie saoudite et les forces houthies ont lancé des attaques sans discernement, causé des disparitions forcées et bloqué l’arrivée de nourriture et de médicaments destinés aux civils yéménites », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les États de la planète peuvent soit ne rien faire, tandis que des millions de personnes s’enfoncent encore plus dans la famine, soit utiliser les moyens de pression à leur disposition pour pousser les belligérants à mettre fin à leurs abus et pour infliger des sanctions à ceux qui entravent l’acheminement de l’aide. »

Rapport mondial (ANG) complet >> Rapport mondial (FRA) abrégé >>
Dans la 29e édition de son Rapport mondial annuel (version intégrale en anglais 674 pages  – version abrégée en français 233 pages), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays au cours de l’année 2018. Kenneth Roth, le directeur exécutif, affirme dans son essai introductif que les populistes qui répandent la haine et l'intolérance dans de nombreux pays sont confrontés à une résistance croissante. De nouvelles alliances de gouvernements respectueux des droits, souvent inspirées et rejointes par des organisations de la société civile et par le public, sont en train d’accroître le prix à payer pour les abus commis par des dirigeants autocratiques. Les succès de leurs démarches illustrent la possibilité de défendre les droits humains - voire la responsabilité de le faire – y compris aux heures les plus sombres. Le conflit armé au Yémen a eu des conséquences terribles sur la population. Les combats ont tué et blessé des milliers de civils. Des millions de personnes subissent les effets des pénuries de nourriture et de soins médicaux, et pourtant les belligérants continuent à empêcher l’aide humanitaire de passer. Dans tout le pays, les civils souffrent du manque de services de base, de la crise économique incontrôlable ainsi que de l’effondrement de la gouvernance et des systèmes sanitaire, éducatif et judiciaire.

La coalition a effectué des centaines de frappes aériennes sans discernement et disproportionnées, tuant des milliers de civils et frappant des infrastructures cruciales et d’autres cibles civiles, en violation des lois de la guerre. Les forces houthies ont recruté des enfants, posé des mines terrestres et effectué des tirs d’artillerie et de roquettes sans distinction sur des villes comme Taïz et Aden, ainsi que vers l’Arabie saoudite. Aussi bien les forces houthies, les forces progouvernementales que les forces émiraties ou yéménites soutenues par les Émirats arabes unis, ont causé la détention arbitraire ou la disparition forcée de centaines de personnes. Les forces houthies ont pris des personnes en otages. Des agents yéménites des forces d’Aden ont battu, violé et torturé des migrants et demandeurs d’asile détenus originaires de la Corne de l’Afrique, dont des femmes et des enfants.

La coalition n’a toujours pas mené d’enquêtes crédibles sur les abus, et ses pays membres ont cherché à fuir leur responsabilité vis-à-vis du droit international en refusant de fournir des informations sur le rôle de leurs troupes dans les attaques illégales. Le groupe armé houthi, lui non plus, n’a pas puni ses commandants responsables de crimes de guerre.  Les officiers impliqués dans ces abus occupent toujours des postes de commandement dans tout le pays.

L’un des coûts de la guerre au Yémen a été la fermeture de l’espace disponible pour la société civile. Les belligérants ont arrêté, harcelé, menacé et causé la disparition forcée d’activistes, de journalistes, d’avocats et de défenseurs des droits yéménites. Des défenseures des droits des femmes, qui ont joué un rôle important en documentant les abus et en plaidant pour qu’ils cessent, ont été menacées, diffamées, frappées et détenues. Des travailleurs humanitaires ont également été tués, blessés et détenus.

« Plutôt que de risquer d’être complices de la prochaine frappe aérienne qui touchera un mariage ou un bus rempli d’enfants, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France devraient dire à l’Arabie saoudite que les ventes d’armes seront interrompues jusqu’à ce que les crimes de guerre cessent et que leurs auteurs soient poursuivis », a conclu Sarah Leah Whitson.

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