Skip to main content
Une patrouille de gendarmes camerounais sur la place Omar Bongo à Buea, capitale de la région du Sud-Ouest, le 3 octobre 2018, en marge d’un rassemblement politique. © 2018 Marco Longari/AFP/Getty Images

Les Sud-Africains aiment voir les Lions Indomptables du Cameroun défendre les couleurs de l’Afrique lors de la Coupe du monde de la FIFA, mais ils ne se soucient pas beaucoup de sa politique ou de son entourage instable.

Une attention et des actions sont toutefois nécessaires, alors que ce pilier régional important s’enfonce dans la crise et que le reste du monde détourne les yeux.

Au cours des trois dernières années, le Cameroun s’est empêtré dans un cycle de manifestations, de répressions et de violences qui menace de dégénérer en véritable catastrophe en matière de droits humains. Il ne faut pas espérer que le danger s’arrête à la frontière. Un conflit plus large pourrait se propager aux voisins ; le Cameroun est frontalier de la République centrafricaine, de la République du Congo, du Tchad, du Nigeria, du Gabon et de la Guinée équatoriale.

En octobre 2016, des étudiants, des enseignants et des avocats des régions occidentales anglophones sont descendus dans les rues pour exiger une plus grande reconnaissance de leurs droits culturels et politiques. La réponse brutale des forces de sécurité, qui ont tué des manifestants pacifiques, arrêté des leaders et interdit des groupes de la société civile, a exacerbé la crise.

Depuis lors, de nombreux groupes séparatistes sont apparus et ont pris les armes appelant à l’indépendance des régions anglophones, qu’ils désignent sous le nom d’« Ambazonie ». Ces groupes ont tué, enlevé et torturé des opposants supposés, tout en recourant à l’intimidation et à la violence pour empêcher les enfants et leurs enseignants d’aller à l’école.

Le gouvernement a répondu par des actes de même nature, incendiant des villages entiers, tuant des civils, tout en détenant et en torturant des séparatistes armés présumés dans un établissement tristement célèbre géré par les gendarmes à Yaoundé. Du fait de la crise, un demi-million de Camerounais ont été déplacés, faisant face, pour la plupart, à un besoin urgent de protection et d’aide humanitaire.

Le Conseil de sécurité de l’ONU, où l’Afrique du Sud siège jusqu’à la fin de l’année 2020, a été créé pour préserver la paix et la sécurité internationales. Ses membres vantent régulièrement l’importance de la diplomatie préventive et la gestion des menaces émergentes avant qu’il ne soit trop tard.

Malheureusement, concernant le Cameroun, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas fait grand-chose d’autre que d’enfouir la tête dans le sable, et l’Afrique du Sud reste passive. Le Conseil a à peine évoqué la crise, sans adresser le moindre avertissement même modéré au gouvernement camerounais et aux leaders séparatistes leur indiquant que ceux qui tuent et enlèvent des civils pour atteindre leurs objectifs devront en subir les conséquences.

Ce silence confine à l’erreur diplomatique.

Les pays et les organisations régionaux, qui devraient être plus proches du problème, n’ont pas fait mieux. Ils observent depuis les coulisses, sans aucun effort de médiation pour ainsi dire et sans perspective crédible d’amélioration.

La semaine dernière, les États-Unis avec le soutien de l’Allemagne, de la République dominicaine et de la Grande-Bretagne, ont organisé une session informelle du Conseil de sécurité de l’ONU pour porter la situation au Cameroun à l’attention des membres du Conseil. C’était un effort louable, mais l’événement a été quasiment mis en échec par la résistance farouche des trois membres africains du Conseil de sécurité de l’ONU – la Guinée équatoriale, la Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud.

Une certaine gêne des pays occidentaux pour prendre l’initiative face à une crise africaine est compréhensible. En effet, la meilleure manière d’inciter le Conseil de sécurité divisé à mettre fin à son indifférence pour le Cameroun est que ses membres africains fassent preuve de leadership et exigent des mesures.

La Guinée équatoriale est peu susceptible de relever le défi. En tant que pays profondément impliqué dans des violations des droits humains, elle a de solides raisons de défendre l’idée intéressée selon laquelle ce qui se passe à l’intérieur des frontières d’un État, quelle que soit l’ampleur de l’atteinte aux droits ou la menace pour la sécurité, concerne uniquement l’État en question.

La propre situation critique pour les droits humains de l’Afrique du Sud sous l’apartheid a été résolue en partie grâce à la solidarité internationale – et au soutien actif du Conseil de sécurité de l’ONU. Le conflit violent en Côte d’Ivoire au début des années 2000 a, lui aussi, été résolu avec le soutien de l’UA et du Conseil de sécurité. Ces deux pays disposent de cadres juridiques conçus pour défendre les droits humains et ont le potentiel pour devenir des leaders à l’échelle mondiale pour le continent.

Alors, pourquoi insister sur le fait que la crise camerounaise ne regarde pas le Conseil de sécurité de l’ONU ? En mettant clairement le Cameroun à son ordre du jour, le Conseil de sécurité ferait savoir que le monde entier observe cette situation. Cela peut avertir ceux qui sont déterminés à violer les droits humains qu’ils peuvent faire l’objet de sanctions ciblées, une mesure qui ne présente pas d’inconvénient pour la population ni de risque d’escalade.

Fort de son nouveau mandat de gouverner remporté lors des élections en Afrique du Sud plus tôt ce mois-ci, le président Cyril Ramaphosa a une occasion de progresser dans la direction de la politique étrangère qu’il a promise, y compris l’engagement vis-à-vis de « la démocratie, la justice, les droits humains et une bonne gouvernance » aux Nations Unies.

Cette approche a été constatée avant les élections, lorsque l’Afrique du Sud est revenue sur sa position antérieure et a émis un vote favorable à une résolution du comité de l’Assemblée générale condamnant les graves atteintes aux droits humains contre les musulmans rohingyas en Birmanie.

Se pencher sur la situation au Cameroun enverrait un signal fort montrant que l’Afrique du Sud cherche sérieusement à promouvoir les droits humains au sein du Conseil de sécurité et jouerait en sa faveur pour l’obtention d’un siège permanent. En prenant la défense de la population du Cameroun, pas seulement de ses footballers sensationnels, l’Afrique du Sud respecterait ses valeurs et servirait ses intérêts.

------------

Tweets

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.