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États-Unis : Les séparations familiales font du tort aux enfants et aux familles

Des enfants âgés de cinq ans sont détenus sans gardiens adultes

Des familles de migrants en provenance du Mexique traversent le Rio Grande sous le pont Paso del Norte, qui relie Ciudad Juárez à la ville de El Paso, au Texas, le 31 mai 2019, afin de demander l'asile aux autorités américaines.      © 2019 Christian Torrez/AP Photo © 2019 Christian Torrez / AP Photo

(Washington, le 11 juillet 2019) – Les autorités des États-Unis séparent des enfants migrants de leurs familles à la frontière, leur causant des préjudices graves et durables, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La Commission de contrôle et de réforme de la Chambre des représentants américaine procédera à des auditions sur la politique de séparation familiale du gouvernement le 12 juillet 2019.

Des entretiens et des analyses de documents judiciaires effectués par Human Rights Watch font apparaître que les enfants sont régulièrement séparés des adultes de leur famille autres que leurs parents. C'est-à-dire que ces enfants sont souvent soustraits aux soins de leurs grands-parents, de leurs oncles et tantes, et de leurs frères et sœurs adultes, même lorsqu'ils présentent des documents établissant un droit de garde ou une autorisation écrite de leurs parents. Dans certains cas, des parents ont également été séparés de force de leurs enfants, par exemple quand l'un des parents a un casier judiciaire, même pour un délit mineur n'ayant aucune incidence sur sa capacité à s'occuper de l'enfant. En conséquence, dans des cas examinés par Human Rights Watch, des enfants parfois âgés de pas plus de 5 ans ont été placés dans les centres de rétention de la Police des frontières sans leurs gardiens adultes.

« Ces auditions au Congrès sont une première étape vers la prise en compte et la résolution des énormes préjudices causés aux enfants et à leurs familles dans les cellules de rétention à la frontière », a déclaré Michael Garcia Bochenek, conseiller juridique senior auprès de la division Droits de l'enfant de Human Rights Watch. « Les hauts responsables de l'immigration devraient saisir cette occasion pour reconnaître cette grave réalité et annoncer la fin immédiate de la politique de séparation familiale. »

Un garçonnet de 5 ans originaire du Honduras retenu au Poste de la police des frontières de Clint, au Texas, a déclaré à des avocats que lorsque son père et lui avaient été appréhendés à la frontière, « les agents de l'immigration m'ont immédiatement séparé de mon père. J'avais très très peur. J'ai pleuré. Je n'ai pas revu mon père. » Il ne savait pas depuis combien de temps il avait été séparé de son père : « J'ai peur, je suis anxieux et triste. » Dans un autre cas, un garçon hondurien de 8 ans détenu à Clint avec sa sœur de 6 ans a déclaré : « Ils nous ont séparés de notre grand-mère et maintenant nous sommes tous seuls. » Il ne savait pas depuis combien de temps ils avaient été séparés de leur grand-mère : « Il y a longtemps que nous sommes ici. »

Human Rights Watch a interrogé 28 enfants et adultes, et a examiné 55 autres déclarations sous serment soumises à un tribunal et recueillies auprès d'enfants et d'adultes placés en cellules de rétention à la frontière du Texas entre le 10 et le 20 juin 2019. Human Rights Watch a identifié 22 cas dans lesquels au moins un enfant a décrit une séparation forcée d'avec un membre de sa famille, survenant habituellement au cours des premières heures après leur interpellation. Trois avocats de Human Rights Watch faisaient partie d'équipes de juristes qui collectaient ces déclarations pour s'assurer que les conditions étaient conformes à un accord de règlement. Cet accord établit les normes régissant les conditions dans lesquelles les enfants migrants sont détenus.

Aucune loi ou règlementation fédérale n'exige que les enfants soient systématiquement séparés des membres de leur famille au sens large après avoir été appréhendés à la frontière, et rien n'exige de séparer un enfant d'un parent, à moins que ce parent ne constitue une menace pour l'enfant.

Les autorités frontalières américaines sont tenues d'identifier les enfants qui sont victimes de trafics de personnes – comme les enfants qui sont transportés dans le but de les exploiter – et de prendre des mesures pour les protéger, mais tous les cas de séparation familiale examinés par Human Rights Watch concernaient des enfants voyageant avec des membres de leur famille pour demander l'asile, rejoindre d'autres membres de la famille, ou les deux, sans aucune indication qu'ils faisaient l'objet d'un trafic.

En juin 2018, l'administration Trump a annoncé la fin de la politique du gouvernement consistant à séparer de force les familles, après la diffusion dans le public d'images montrant des enfants en cage et d'enregistrements - ayant fait l'objet de fuites - d'agents de la police des frontière se moquant d'enfants qui pleuraient, et après que d'autres informations sur l'étendue et l'impact de la politique de l'administration eurent déclenché une forte polémique.

Les cas examinés par Human Rights Watch démontrent que les séparations familiales forcées se poursuivent. Pour les proches qui ne sont pas les parents, la séparation forcée semble être une pratique routinière et pour beaucoup d'enfants, être séparé de proches qui ont agi en tant que soutiens principaux peut être aussi traumatisante qu'être séparé d'un parent.

Entre juillet 2018 et février 2019, les autorités frontalières américaines ont séparé au moins 200 enfants de leurs parents. Elles se sont souvent abstenues de donner une raison claire pour la séparation, selon une étude réalisée par le New York Times; dans certains cas, les agents ont séparé des familles à cause de condamnations pénales mineures ou très anciennes.

Les autorités de l'immigration n'ont jamais révélé le nombre de proches autres que les parents qui ont été séparés de force d'enfants à la frontière.

Les séparations de force sont traumatisantes pour les enfants, mais aussi pour les adultes. Des enfants séparés de leur famille interrogés par Human Rights Watch ont décrit des nuits sans sommeil, des difficultés à se concentrer, de soudains changements d'humeur, ainsi qu'une anxiété constante, conditions qui, selon eux, ont commencé dès que les agents de l'immigration les ont séparés de force des membres de leur famille.

La plupart des enfants isolés que nous avons interrogés ont affirmé avoir des parents ou d'autres membres de leur famille vivant aux États-Unis, mais parmi ces personnes, celles à qui Human Rights Watch a pu parler ont affirmé que les agents frontaliers n'avaient jamais tenté de les contacter.

Afin d'éviter que les enfants ne souffrent et de défendre le principe de l'unité des familles, Human Rights Watch fait les recommandations urgentes suivantes :

  • Le Commissaire par intérim du Service des douanes et de la protection des frontières américaines (US Customs and Border Protection) devrait donner pour instruction aux agents de l'immigration de maintenir les familles ensemble, sauf si un adulte présente clairement une menace pour un enfant ou si la séparation apparaît d'une manière générale dans l'intérêt d'un enfant. Cette détermination devrait être faite par un professionnel licencié de la protection de l'enfance, tel qu'un travailleur social, un psychologue ou un psychiatre ayant une formation et des compétences pour travailler avec des enfants.
  • L'Inspection générale du Département de la sécurité du territoire (Department of Homeland Security) devrait systématiquement examiner tous les cas de séparation familiale, y compris les séparations de membres de la famille autres que les parents, pour déterminer si la séparation était réellement dans l'intérêt de l'enfant.
  • Le Congrès devrait interdire la séparation des familles, y compris les séparations d'enfants de leurs frères et sœurs, de leurs grands-parents, de leurs oncles et tantes, ou de leurs cousins, sauf si la séparation est dans l'intérêt bien compris d'un enfant.

« L'agence des frontières a besoin de directives claires de la part de l'administration pour mettre fin aux séparations familiales forcées et à d'autres pratiques abusives », a affirmé Michael Garcia Bochenek. « Et il est de la responsabilité du Congrès d'exercer son pouvoir de supervision pour s'assurer que l'agence des frontières se conforme à ces directives. »

Communiqué complet en anglais, comprenant d'autres informations détaillées :

www.hrw.org/news/2019/07/11/us-family-separation-harming-children-families

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