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Zambie : La pollution au plomb met des enfants en danger

Il faut d’urgence dépolluer efficacement les alentours d’une ancienne mine et apporter des soins médicaux aux personnes affectées

Trois jeunes filles jouent avec des cailloux en guise de pions (jeu « isolo ») sur un terrain sableux dans la commune de Waya à Kabwe, en Zambie. Or, elles s’exposent ainsi à des poussières de plomb toxique, dont les taux sont particulièrement élevés dans les sols de cette zone. © 2018 Zama Neff/Human Rights Watch

(Johannesburg) – L’exposition au plomb aux alentours d’une ancienne mine de plomb et de zinc en Zambie a des effets désastreux sur la santé infantile dans cette région, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le gouvernement zambien devrait rapidement épurer la zone polluée et s’assurer que ceux qui en ont besoin reçoivent des soins adéquats.

Le rapport de 88 pages, intitulé « ‘We Have to Be Worried’ : The Impact of Lead Contamination on Children’s Rights in Kabwe, Zambia » (« ‘Comment ne pas être inquiets ?’ : Impact de la pollution au plomb sur les droits des enfants à Kabwe en Zambie »), examine les effets de la pollution au plomb à Kabwe, une capitale provinciale, sur les droits des enfants à la santé, à un environnement sain, à l’éducation et au jeu. Vingt-cinq ans après la fermeture de la mine, les enfants vivant dans les communes environnantes continuent à être exposés à des taux élevés de plomb toxique, présent dans le sol et la poussière, lorsqu’ils sont dans leurs habitations, cours, écoles, terrains de jeu et dans d’autres espaces publics. Les efforts du gouvernement zambien pour faire face aux répercussions environnementales et sanitaires de cette pollution au plomb très étendue ont pour l’instant été insuffisants et les parents ont du mal à protéger leurs enfants.

« Les profits réalisés par la mine de Kabwe ont coûté très cher aux générations denfants qui ont grandi au contact du plomb toxique détecté dans les toutes les communes aux alentours », a déclaré Joanna Naples-Mitchell, lauréate d’une bourse de Human Rights Watch, chercheuse auprès de la division Droits des enfants et auteure du rapport. « Même si le gouvernement zambien a tenté plusieurs fois d’éliminer le plomb depuis la fermeture de la mine en 1994, il ne sest toujours pas attaqué à létendue réelle du problème. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus de 100 habitants des communes voisines de l’ancienne mine, notamment les parents ou tuteurs de 60 enfants qui ont fait l’objet d’analyses depuis la fin du dernier projet de dépollution du gouvernement et chez qui on a détecté une plombémie élevée. Human Rights Watch a pu constater que les centres de santé de Kabwe ne disposaient à l’heure actuelle d’aucun traitement chélateur capable de traiter le saturnisme (intoxication au plomb), qu’ils n’avaient pas de kits de dosage de la plombémie en stock, et qu’aucune base de données médicale n’avait été mise en place pour suivre les cas des enfants qui sont décédés ou qui ont été hospitalisés en raison d’une plombémie élevée. Il faut savoir que la scolarisation des enfants ayant des handicaps ou des difficultés d’apprentissage constitue un défi d’ampleur nationale en Zambie. Or à Kabwe, le processus de dépistage de ces handicaps n’examine même pas les causes liées au saturnisme.

Tout au long de son enquête, Human Rights Watch a voulu dialoguer avec le gouvernement zambien, y compris le ministère des Mines et du Développement minéral, et l’a invité à prendre part à la conférence de presse qui devait accompagner la publication du rapport. Mais le 12 août 2019, le secrétaire permanent du ministère des Mines a adressé à Human Rights Watch une lettre lui annonçant que l’organisation ne serait pas autorisée à rendre le rapport public dans le cadre d’un événement organisé à Lusaka. Plutôt que de débattre avec Human Rights Watch de ses constatations substantielles, cette lettre attaquait le rapport, le qualifiant de « tentative de discréditer le gouvernement ».

« La seule chose qui risque de décrédibiliser le gouvernement, ce sont ses propres efforts injustifiés visant à étouffer les résultats de notre enquête », a déclaré Joanna Naples-Mitchell. « Au lieu dattaquer ceux qui le critiquent, le gouvernement zambien devrait élaborer un plan daction clair afin dassumer ses responsabilités vis-à-vis de Kabwe. »

Si les enfants sont particulièrement vulnérables, c’est parce qu’ils ont plus de chances d’ingérer du plomb en jouant par terre, que leurs cerveaux et leurs organismes sont encore en développement et qu’ils peuvent absorber au moins quatre fois plus de plomb que les adultes. L’exposition à de fortes concentrations de plomb peut causer des handicaps ou difficultés d’apprentissage, des troubles du comportement, des problèmes de croissance, une anémie, des lésions cérébrales, nerveuses, hépatiques, rénales et stomacales, un coma et des convulsions, ou même la mort. Le plomb augmente également le risque de fausse couche et peut être transmis via le placenta et l’allaitement.

« Je nai jamais assisté à la moindre réunion sur le saturnisme, pas une seule fois », a déclaré à Human Rights Watch un membre de l’équipe médicale de l’hôpital local. « Cest difficile, quand vous navez pas de suivi. Cest un élément qui ne figure pas dans nos documents. Il ny a rien à ce sujet. »

De 2003 à 2011, la Banque mondiale a financé un projet du gouvernement zambien qui se proposait d’éliminer le plomb des communes affectées de Kabwe et de fournir des analyses et traitements pour les enfants.

Pourtant 76 000 personnes vivent toujours dans des zones polluées. Lors d’une étude de 2018, des chercheurs ont estimé que plus de 95 % des enfants des communes entourant la mine de plomb avaient une plombémie élevée et que la moitié d’entre eux nécessitaient une intervention médicale.

Human Rights Watch a constaté que les dépotoirs de déchets miniers de l’ancienne mine de Kabwe étaient toujours en place, ce qui expose les zones d’habitation proches à une poussière à forte teneur en plomb apportée par le vent, et menace la santé de la communauté. Le gouvernement n’a ni retiré les tas de déchets ni scellé le site, alors que ces deux mesures ont été prises ailleurs dans le monde pour traiter les sites concernés.

Par ailleurs, l’extraction minière à petite échelle qui se poursuit génère des risques sanitaires supplémentaires. Quant aux projets de sociétés privées visant à traiter les déchets miniers sur le site, s’ils ne sont pas strictement réglementés et contrôlés, ils présentent leurs propres risques.

En décembre 2016, le gouvernement a lancé un projet quinquennal financé par la Banque mondiale pour épurer les quartiers pollués au plomb et mener de nouvelles séries d’analyses et de traitements. Des responsables du gouvernement et des représentants de la Banque mondiale ont déclaré à Human Rights Watch que le gouvernement avait l’intention de démarrer les volets dépollution et santé à la fin de l’année 2019. Dans une lettre de juillet 2019, le gouvernement a par ailleurs indiqué à Human Rights Watch qu'il n’avait pas suffisamment de ressources pour traiter toute l’étendue de la pollution.

Le projet prévoit des programmes d’analyse et de traitement pour au moins 10 000 personnes, notamment les enfants, les femmes enceintes et les mères, qui seront supervisés par le directeur des services médicaux du district de Kabwe. Vu le nombre total d’habitants dans les zones polluées par le plomb, Human Rights Watch craint que le projet ne puisse pas toucher pas tous les enfants et adultes affectés.

Le gouvernement zambien devrait adopter un plan durable et exhaustif permettant de s’attaquer aux impacts de la pollution au plomb, a déclaré Human Rights Watch. Il devra veiller à ce que ce plan prévoie le confinement à long terme ou le retrait des matières toxiques et qu’il prenne en compte toute l’étendue de la pollution dans les zones affectées, notamment les habitations, établissements scolaires, centres de santé et routes.

Les premières séries d’analyse et de traitement du nouveau projet devront donner la priorité à ceux qui sont le plus vulnérables au saturnisme, surtout les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes ou qui allaitent, a déclaré Human Rights Watch. Au final, ce sont tous les enfants et adultes de Kabwe qui devraient avoir droit à l’analyse et au traitement. Tous les soins médicaux, et surtout le traitement chélateur, devront avoir lieu en parallèle d’une dépollution de l’environnement du domicile du patient. Autrement, les patients seraient réexposés au plomb.

Le gouvernement devra également intensifier ses efforts pour s’occuper des handicaps et troubles de l’apprentissage liés au saturnisme, étant donné la forte probabilité que les enfants de Kabwe en soient affectés, a déclaré Human Rights Watch. Les établissements scolaires devront veiller à répondre de façon adaptée aux besoins des nombreux enfants rencontrant des handicaps ou difficultés d’apprentissage potentiellement liés au saturnisme, et à leur apporter les aménagements et le suivi pédagogique individualisé dont ils ont besoin.

Si l’extraction minière de petite échelle doit se poursuivre, le gouvernement devra veiller à ce que ces activités soient agréées et contrôlées comme il se doit, et qu’elles ne s’effectuent que conformément aux réglementations minières et à la loi. Le gouvernement devra examiner de près l'impact potentiel de tout futur projet de traitement des déchets sur l’environnement et les droits humains.

« Des milliers denfants de Kabwe ont été intoxiqués par le plomb parce qu’ils ont grandi dans des quartiers pollués », a conclu Joanna Naples-Mitchell. « Le gouvernement devrait trouver une solution durable, assurer un meilleur avenir aux enfants de Kabwe et éliminer le plomb une fois pour toutes. »

Citations extraites du rapport

« Bien sûr, si [le plomb] est toxique [...], je veux savoir si nous vivons avec, ou si ça peut affecter notre santé. Comment ne pas être inquiets ? »
  – Un professeur principal dun établissement public à Kabwe

« La route devrait être goudronnée. La poussière monte dans le ciel et finit par retomber dans la maison. »
  – Une mère de deux enfants

« Jai besoin de faire tester mes petits-enfants. »
  – Une grand-mère, âgée de 60 ans

« Les femmes, en fait, nous ne sommes pas censées être ici... Nous venons ici parce que nous navons rien à faire chez nous. Il ny a pas dindustrie à Kabwe. »
  – Une femme travaillant dans une mine de petite échelle

« Je naime pas travailler ici, mais cest la seule chose que je peux faire. »
  – Un homme travaillant dans une mine de petite échelle, père de trois enfants

« Il faut réduire ce plomb qu’on a ici à Kabwe. Ils devraient nous apporter des médicaments et continuer à nous fournir du lait et du soja pour qu'on nait pas de plomb dans le corps. »
  – Un garçon de 13 ans

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