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Liban : Une famille de migrants placée en rétention

Des résidents de longue date risquent d’être expulsés et séparés

 
Un drapeau national libanais, tenu par des manifestants dont on aperçoit les silhouettes, lors d'un rassemblement à Beyrouth le 11 décembre 2006. © 2006 Reuters

(Beyrouth, le 29 août 2019) – Au Liban, la Direction générale de la sûreté générale a placé en détention une famille sri-lankaise de sept personnes, comprenant quatre enfants âgés de moins de 18 ans, et menace d’expulser les parents vers des pays différents parce qu’ils n’ont pas de carte de résident, ont déclaré aujourd’hui Amnesty International, Human Rights Watch, le Centre libanais des droits humains (CLDH) et le Mouvement contre le racisme (Anti-Racism Movement ARM).

La Direction générale de la sûreté générale (DGSG), le service responsable de l’entrée et de la sortie des étrangers, devrait libérer cette famille, en attendant l’issue de la procédure d’expulsion, et veiller à ce que ses membres ne soient pas séparés. S’il existe des raisons précises et impérieuses de soumettre cette famille à des restrictions, la DGSG devrait alors prendre des mesures autres que le placement en rétention. Cependant, les enfants ne doivent en aucun cas être placés en rétention pour des motifs liés à des questions migratoires, car cette détention peut être extrêmement préjudiciable pour eux.

Le père est soudanais, la mère est originaire du Sri Lanka, et leurs cinq enfants sont nés et ont toujours vécu au Liban. Le statut migratoire de la famille dans le pays n’a pas été régularisé.

L’enfant le plus âgé, qui a 18 ans, est détenu depuis le 14 février 2019 à la DGSG parce que sa situation de résident n’a pas été régularisée. Le 3 juillet, la DGSG a effectué une descente au domicile de la famille à Beyrouth et arrêté le père, âgé de 57 ans, son épouse qui a 42 ans, et leur fillette de cinq ans, que les parents ont appelée Beyrouth à cause de leur attachement à cette ville. Le 4 juillet, les autorités ont également arrêté leurs trois fils, qui ont 11, 13 et 16 ans, et qui étaient restés seuls chez eux à la suite du placement en rétention de leurs parents.

« Le placement en rétention d’enfants cause de graves préjudices pour ces enfants et ne doit jamais être utilisé à des fins liées à des questions de migration », a déclaré Lama Fakih, directrice adjointe de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch. « La Direction générale de la sûreté générale devrait relâcher immédiatement ces enfants et leurs parents, et si nécessaire, utiliser des moyens moins préjudiciables pour garantir la présence de la famille lors de la procédure. »

Amnesty International a parlé avec la mère, qui est actuellement retenue dans un foyer géré par Caritas Liban avec ses deux enfants les plus jeunes. La mère a déclaré que son mari et ses trois autres fils sont détenus à la DGSG. L’ARM, qui apporte une aide juridique et sociale aux travailleurs migrants, a rassemblé des informations sur la pratique de la DGSG qui consiste à envoyer dans les foyers gérés par Caritas les femmes migrantes avec de jeunes enfants qui ont été arrêtées.

« En plaçant en rétention ces enfants et en menaçant de séparer les familles, les autorités libanaises font preuve d’un terrible mépris pour les droits de ces personnes », a déclaré Lynn Maalouf, directrice de la recherche sur le Moyen-Orient à Amnesty International. « Le fait de placer des enfants dans des centres de rétention traumatise ces enfants et peut être extrêmement préjudiciable pour leur bien-être psychique et physique. La protection des droits des enfants et du principe de l'unité de la famille doit primer pour la Direction générale de la sûreté générale. »

Ces enfants n’ont pas de papiers d’identité délivrés par le Soudan ou le Sri Lanka ; ils possèdent uniquement des certificats de naissance établis par l’administration libanaise locale, indiquant qu’ils sont nés sur le territoire libanais.

Leur père a dit à l’ARM qu’il a quitté le Soudan pour rejoindre le Liban en 1995 afin d’éviter le service militaire, après que ses deux frères ont été tués durant la guerre civile. Il a dit avoir été renvoyé au Soudan en 1998 et arrêté, mais il a été relâché parce que son père a payé un pot-de-vin, et il est retourné au Liban en 1999.

Leur mère, une ancienne employée de maison sri-lankaise, a expliqué à Amnesty International qu’elle s’est enfuie de chez un employeur aux pratiques abusives il y a 20 ans, et qu’elle a en conséquence perdu son statut d’immigrée en situation régulière au Liban. Elle a dit que son employeur la battait, qu’il lui avait confisqué son passeport, et qu’il ne lui versait plus sa rémunération depuis un an.

Human Rights Watch, Amnesty International et l’ARM reçoivent régulièrement des informations dignes de foi signalant que des employées de maison migrantes ont été victimes d’abus, et en particulier qu’on ne leur a pas versé leur rémunération, qu’on les retient captives et qu’elles sont victimes de violences verbales et physiques.

La mère a dit qu’elle craint de subir des représailles de la part de membres de sa famille pour s’être convertie à l’islam et avoir épousé un musulman. Au Sri Lanka, de violentes émeutes contre les musulmans ont eu lieu  à Kandy, la ville dont elle est originaire.

Le père et la mère ont essayé de se faire enregistrer en tant que réfugiés auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), mais ils ont été déboutés.

Le père a indiqué en juillet à l’ARM que des agents de la DGSG ont dit que la famille entière allait être expulsée et ont fait pression sur lui pour qu’il signe un formulaire de départ indiquant qu’il acceptait d’être renvoyé au Soudan. La mère a dit en août à l’ARM que des agents de la DGSG lui avaient signalé qu’elle allait être expulsée vers le Sri Lanka, et que ses enfants allaient eux être expulsés vers le Soudan avec leur père.

Les enfants ne doivent jamais être placés en rétention, seuls ou avec leur famille, pour des raisons liées à l’immigration. Le HCR a estimé que même une détention de courte durée avec leur famille a « des effets préjudiciables profonds » sur les enfants, et que « les enfants ne devraient pas être placés en rétention pour des motifs liés à l’immigration, quel que soit leur statut juridique/migratoire ou celui de leurs parents ».

En raison du « préjudice inhérent à toute privation de liberté et des effets préjudiciables que peuvent avoir la rétention liée à l’immigration sur la santé physique et psychique des enfants et sur leur croissance », le Comité des Nations Unies qui interprète la Convention relative aux droits de l'enfant, que le Liban a ratifiée en 1991, a demandé que toute privation de liberté fondée sur le statut migratoire d’un enfant soit « interdite par la loi et que cette interdiction soit garantie dans les politiques et dans la pratique ».

Au titre du principe de l'unité de la famille, les autorités ne devraient pas séparer des enfants de leurs parents à moins que cette séparation ne soit dans l’intérêt supérieur de chaque enfant. Si des restrictions de la liberté ou du droit de circuler librement des parents sont considérées comme nécessaires dans des affaires liées à l’immigration, des mesures autres que le placement en rétention de toute la famille doivent être prises pour que soit respecté le droit dont disposent les enfants de ne pas être placés en rétention et aussi de ne pas être séparés de leurs parents, selon les rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur la torture et sur les droits des migrants.

Afin de respecter ses obligations internationales relatives aux droits humains, la DGSG devrait remettre en liberté la famille, à moins qu’il ne soit nécessaire, pour des raisons précises et impérieuses, de soumettre la liberté des parents à des restrictions. Dans ce cas, des solutions autres que le placement en rétention doivent être trouvées pour cette famille, ont déclaré les organisations. Les solutions moins préjudiciables pourraient comprendre l’obligation de se présenter devant les autorités pendant l’examen de leur dossier. Il est absolument essentiel, conformément aux principes de l’unité de la famille et du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, que les membres de la famille ne soient pas séparés en étant expulsés vers des pays différents.

« Une expulsion pourrait aboutir à la séparation permanente de cette famille, sans aucun espoir de réunion », a déclaré Farah Salka, directrice de l’ARM. « La Direction générale de la sûreté générale devrait remettre en liberté cette famille et veiller à ce que ses membres ne soient pas séparés en étant expulsés vers des pays très éloignés. »

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