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Iran : Les sanctions subies menacent la santé de nombreux citoyens

Les États-Unis devraient garantir l’efficacité des exemptions concernant les produits à caractère humanitaire.

(Washington, le 29 octobre 2019) – Les sanctions à vaste portée imposées par l’administration Trump à l’Iran ont fortement limité la capacité de ce pays à financer des importations de produits à caractère humanitaire, notamment des médicaments, a déclaré Human Right Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui. Cette situation cause de graves difficultés à de nombreux citoyens iraniens, menaçant leur droit à la santé. Le gouvernement américain devrait immédiatement prendre des mesures pour garantir des moyens viables de procéder au commerce de biens humanitaires avec l’Iran.

Le rapport de 47 pages, intitulé “‘Maximum Pressure’: US Economic Sanctions Harm Iranians’ Right to Health” (« Pression maximale » : Les sanctions économiques américaines portent atteinte au droit des Iraniens à la santé »), révèle la manière dont les vastes restrictions imposées sur les transactions financières, associées à une rhétorique agressive de la part de hauts responsables américains, ont considérablement limité la capacité des entités iraniennes à financer des importations à caractère humanitaire, y compris des médicaments vitaux et du matériel médical. Bien que le régime de sanctions du gouvernement américain prévoie des exemptions pour ce type d’importations, Human Rights Watch a constaté que, dans la pratique, elles ne suffisent pas à compenser la forte réticence des entreprises et des banques américaines et européennes à risquer des sanctions et des poursuites judiciaires en exportant ou en finançant des activités ou des biens humanitaires. Par conséquent, les Iraniens sont privés d’accès à des médicaments essentiels, et leur droit à la santé est menacé. En vertu du droit international, les États-Unis devraient surveiller l’impact de leurs sanctions sur les droits des Iraniens, en particulier toute violation causée par l’imposition de ces mesures.

« Des membres de l’administration de Trump affirment qu’ils se tiennent aux côtés du peuple iranien, mais le régime de sanctions américain trop vaste et accablant porte atteinte au droit des Iraniens à la santé, notamment pour accéder à des médicaments vitaux », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Le vaste régime de sanctions américain a poussé les banques et les entreprises à se retirer du commerce humanitaire avec l’Iran, laissant ses habitants atteints de maladies rares ou compliquées dans l’impossibilité d’obtenir les médicaments et traitements dont ils ont besoin. »

Entre novembre 2018 et octobre 2019, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 21 personnes, dont des professionnels de la santé iraniens, d’ex-employés ou des employés d’importateurs pharmaceutiques iraniens et internationaux, ainsi qu’avec des avocats et des membres d’ONG ayant une connaissance directe des défis posés par les opérations humanitaires en Iran. Certaines des personnes interrogées vivent en Iran et plusieurs autres y ont vécu ou continuaient à s’y rendre depuis l’étranger. Human Rights Watch a interrogé des experts du gouvernement américain ayant une expérience directe ou indirecte des problèmes iraniens. Un chercheur de Human Rights Watch a également correspondu avec plusieurs Iraniens qui ont posté des statuts sur les réseaux sociaux au sujet de l’impossibilité d’obtenir les médicaments indispensables dont eux-mêmes ou les membres de leur famille ont besoin. L’ONG s’est en outre appuyée sur les déclarations officielles disponibles des gouvernements iranien et américain et sur l’analyse de données économiques et commerciales fournies par la Banque centrale iranienne, l’Organisation iranienne pour l’alimentation et la drogue (Sazman-e-Ghaza-va-Daroo) et Eurostat, la direction générale de la Commission européenne chargée de l’information statistique, basée au Luxembourg.

Depuis que l’administration Trump a officiellement annoncé le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire international conclu avec l’Iran en mai 2018, elle a réintroduit des sanctions économiques relatives au nucléaire précédemment suspendues, notamment sur les exportations de pétrole, auxquelles se sont ajoutées de nouvelles mesures. Le Trésor américain avait anticipé que les sanctions conduiraient à « l’isolement financier croissant et à la stagnation économique de l’Iran ». Des mesures aussi étendues telles que celles imposées par Washington à l’Iran ont eu un impact négatif sur les besoins humanitaires et sur le respect du droit à la santé de millions d’Iraniens, a constaté Human Rights Watch.

Le 25 octobre 2019, lors de l’annonce de nouvelles sanctions sur l’Iran, le Secrétaire américain au Trésor, Steven T. Mnuchin, a déclaré : « Cette administration reste engagée en faveur de l’acheminement sans entraves de l’aide humanitaire au peuple iranien, qui souffre depuis 40 ans de la gabegie de ce régime corrompu. » Cependant, les responsables américains ont également adressé un message contradictoire, en affirmant que cette stratégie avait pour effet de causer suffisamment de désarroi parmi le peuple iranien pour contraindre son gouvernement à changer de comportement – une recette idéale pour enfreindre les droits économiques des Iraniens. Le 14 février 2019, le Secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, avait déclaré à CBS News: « La situation est bien pire pour le peuple iranien [avec les sanctions américaines], et nous sommes convaincus que cela le conduira à se soulever pour contraindre le régime à changer. »

« L’annonce récente par le Trésor américain et le Département d’État d’un ‘‘nouveau mécanisme humanitaire’’ pour le commerce avec l’Iran est une reconnaissance implicite rare que les sanctions américaines de vaste portée contre ce pays y ont restreint la circulation de biens humanitaires », a commenté Whitson. « Le gouvernement américain devrait s’attaquer sérieusement aux impacts négatifs de son régime de sanctions cruel en ouvrant un circuit financier viable assorti d’obligations raisonnables pour les entreprises, banques et groupes qui s’occupent de fournir des biens humanitaires à la population iranienne plutôt que de leur imposer des obstacles encore plus lourds. »

La désignation, le 25 octobre, de l’Iran en tant que « source de préoccupation majeure s’agissant de blanchiment d’argent au titre de la section 311 du PATRIOT Act », constitue une escalade des sanctions financières imposées par les États-Unis à l’Iran. Elle comprend un nouveau mécanisme visant à « accroître la transparence du commerce autorisé » avec l’Iran. Il est à craindre que les entreprises ne se conforment pas aux lourdes exigences de ce nouveau mécanisme. Il est également difficile de savoir si le respect de ces dispositions remplacera l’interdiction de tout commerce, y compris humanitaire, avec des entités désignées en vertu des dispositions relatives au terrorisme. Comme l’a affirmé un ancien responsable américain chargé de la politique de sanctions contre l’Iran : « Je suppose que beaucoup verront ce mécanisme moins comme une plateforme humanitaire que comme un moyen de collecter des renseignements pour permettre aux États-Unis d’imposer de nouvelles sanctions. Pour ceux d’entre nous qui recherchent un canal à part entière, ce n’est pas une solution. »

Human Rights Watch a constaté que les sanctions économiques américaines contre l’Iran, en dépit des exemptions humanitaires, provoquent des souffrances inutiles parmi les citoyens iraniens souffrant de certaines maladies et problèmes médicaux. Parmi les plus touchés, figurent des patients atteints de maladies rares et/ou de maladies exigeant un traitement spécifique, lesquels sont désormais dans l’incapacité d’acquérir les médicaments ou articles médicaux précédemment disponibles. Au nombre de ces patients, se trouvent ceux qui sont atteints de leucémie, d’épidermolyse bulleuse, d’épilepsie et de lésions oculaires chroniques causées par une exposition à des armes chimiques pendant la guerre Iran-Irak.

Les personnes atteintes de formes graves d’épidermolyse bulleuse ne sont plus en mesure d’obtenir des bandages adaptés et sont beaucoup plus susceptibles de contracter des infections bactériennes et de développer une septicémie. Les enfants épileptiques résistants aux traitements courants et dans l’impossibilité d’obtenir des médicaments importés ont des crises fréquentes et incontrôlables qui risquent de causer des blessures et, au fil du temps, des lésions cérébrales graves et permanentes.

Au cours de l’année écoulée, le Trésor américain a ajouté un grand nombre d’institutions, notamment des banques publiques iraniennes et privées, au Registre des personnes spécialement désignées et des personnes bloquées. Les sociétés et les institutions financières américaines et non américaines qui effectuent des transactions avec ces entités peuvent être poursuivies aux États-Unis. Les exigences réglementaires et de diligence raisonnable considérables imposées aux entreprises du monde entier qui font des affaires avec l’Iran ne laissent plus qu’un nombre restreint d’entreprises et de banques en mesure de financer leurs échanges commerciaux avec l’Iran et d’accepter les risques financiers et juridiques accrus que de tels échanges supposent.

La prudence excessive ou la « trop grande conformité » de la part des banques et des sociétés pharmaceutiques est un facteur important à cet égard, a déclaré Human Rights Watch, qui a ainsi constaté qu’une société européenne avait refusé de vendre les pansements spéciaux dont les patients atteints d’épidermolyse bulleuse ont besoin, en dépit de l’exemption humanitaire en vigueur. Human Rights Watch a examiné une correspondance avec deux autres banques dans laquelle celles-ci refusent d’autoriser des transactions humanitaires avec l’Iran.

Le recours généralisé, par l’administration Trump, de la désignation de « terroriste » menace de plus en plus tout commerce humanitaire avec l’Iran. La désignation, en avril dernier, du Corps des gardiens de la révolution islamique, qui fait partie de l’armée iranienne, en tant qu’organisation terroriste étrangère, pourrait toucher jusqu’à 11 millions d’Iraniens, selon le New York Times. Bien que ces désignations ne s’appliquent pas aux médicaments et articles médicaux, elles augmentent les risques potentiels encourus par les entreprises qui concluent des transactions avec les entités désignées. En outre, la décision en date du 20 septembre d’imposer de nouvelles sanctions à la Banque centrale iranienne étrangle la dernière institution financière iranienne encore en mesure de se livrer à des opérations de change impliquant des importations humanitaires, vidant pratiquement de tout sens la notion même de « dérogation humanitaire ».

« Depuis un an, nous essayons de trouver des banques capables et désireuses de transférer l’argent de donateurs [pour nos opérations humanitaires] », expliquait en août dernier Jan Egeland, le Secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés, qui aide des milliers de réfugiés afghans en Iran. « Mais nous nous heurtons à un mur de tous côtés. Les banques norvégiennes et internationales redoutent des sanctions américaines si elles transfèrent l’argent que les gouvernements ont débloqué pour financer nos efforts d’assistance vitale. »

En vertu du droit international, un pays ou une coalition d’États appliquant des sanctions économiques devraient prendre en compte l’impact de ces mesures sur les droits humains de la population touchée, en particulier son accès aux biens vitaux, notamment les médicaments et les aliments. Human Rights Watch s’oppose aux sanctions ayant un impact négatif disproportionné sur les droits humains de la population touchée ou qui engendrent des souffrances inutiles, en particulier pour les plus vulnérables.

Le gouvernement américain devrait œuvrer à la mise en place de circuits financiers viables pour le commerce humanitaire avec l’Iran et prendre des mesures immédiates pour que les exemptions humanitaires facilitent l’accès des Iraniens aux médicaments et au matériel médical, a préconisé Human Rights Watch.

« Les Iraniens ordinaires, qui subissent le fardeau de la politique de sanctions américaine, se souviendront longtemps des responsables de leurs souffrances », a conclu Sarah Leah Whitson.

Les sanctions réduisent la capacité de l’Iran à répondre aux besoins des habitants, mais n’enlèvent rien à ses obligations en matière de droits humains. Le gouvernement iranien devrait veiller à ce que ses citoyens et les résidents puissent jouir de leur droit à la santé sans discrimination et prendre toutes les mesures possibles en vue de réduire l’impact négatif des sanctions sur les groupes vulnérables. Cela inclut l’obligation de prévenir la corruption et la mauvaise gestion des ressources.

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Dans les médias

Le Figaro/AFP     France24.com

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