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Pendant la pandémie, l’Algérie resserre l’étau

Des manifestants languissent en prison, d’autres les y rejoignent

Trois membres des forces de sécurité algériennes, photographiés à Alger, le 8 avril 2020, à un poste de contrôle mis en place dans le cadre d'un couvre-feu instauré afin d’empêcher la propagation du coronavirus. © 2020 AP Photo/Toufik Doudou

Alors que la monde se bat contre la pandémie, certains régimes autoritaires y ont vu l’occasion rêvée de consolider leur pouvoir en piétinant les droits humains. Ainsi, tandis que le Parlement hongrois donnait carte blanche au Premier ministre Viktor Orban pour gouverner par décret indéfiniment, la police de Hong Kong, sans doute sur instigation des autorités de Chine continentale, arrêtait des leaders de l’opposition démocratique pour des « manifestations non autorisées »… datant de l’année dernière.

L’Algérie suit la même pente.

Chaque vendredi depuis le 22 février 2019, les Algériens manifestaient dans plusieurs villes, en masse et sans violence, pour un changement démocratique et le départ de certains hauts gradés et proches de la présidence qui détiendraient le pouvoir réel. Le Hirak, mouvement protestataire le plus soutenu que le pays ait connu depuis trois décennies, avait déjà réussi à pousser à la démission le président aux quatre mandats, Abdelaziz Bouteflika, et à retarder, deux fois, l’élection de son successeur – jusqu’à ce qu’Abdelmadjid Tebboune, Premier ministre de Bouteflika, remporte le scrutin le 12 décembre au prix d’une abstention record.

Dès qu’il a pris ses fonctions, Tebboune a proposé de dialoguer avec le Hirak, affirmant qu’il souhaitait une réforme politique « radicale » visant à « rompre avec les mauvaises pratiques, moraliser la vie politique et changer le mode de gouvernement ».

En pratique, Tebboune s’est montré moins conciliant. En février, un an après le déclenchement du Hirak, des dizaines de militants pacifiques étaient toujours derrière les barreaux, et 173 en jugement. Aucun n’a bénéficié de la grâce présidentielle accordée le même mois à 9 765 détenus.

Puis le coronavirus a frappé, et très peu ont manifesté le vendredi 13 mars. Quelques jours plus tard, les activistes du Hirak ​​appelaient à suspendre les actions de rue. Le 17 mars, le gouvernement interdisait les rassemblements publics, comme tant d’autres pays, en réponse à la pandémie.

Sans doute enhardies par le confinement qui compliquait grandement les manifestations de masse, les autorités ont alors intensifié leur répression du Hirak. Les tribunaux ont condamné des personnalités du mouvement comme Karim Tabbou et Abdelouahab Farsaoui, respectivement le 24 mars et le 6 avril, à un an de prison chacun pour des chefs d’inculpation vagues comme l’« atteinte à l’unité nationale». Le journaliste et activiste Khaled Drareni, qui couvrait les manifestations depuis le début, a été emprisonné le 27 mars et fait face aujourd’hui à des accusations similaires. Les autorités ont bloqué des sites web critiques et arrêté des jeunes comme Walid Kechida qui avaient poursuivi le Hirak, pacifiquement, sur Internet.

Une autre grâce a été accordée le 1er avril à 5 037 prisonniers, en vue de réduire la surpopulation carcérale à l’heure de la pandémie. Mais une fois de plus, aucun détenu du Hirak ne figurait parmi eux.

Selon toute apparence, les autorités algériennes profitent de la crise de Covid-19 pour tenter d’étouffer définitivement les manifestations prodémocratie.

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