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Afrique du Sud : Des violences xénophobes généralisées

Le plan d’action national devrait être mis en œuvre, et les auteurs d'attaques traduits en justice.

(Johannesburg) – En Afrique du Sud, le harcèlement xénophobe et la violence contre les étrangers d’origine africaine et asiatique sont des pratiques courantes et parfois fatales, a indiqué Human Rights Watch dans un rapport, une vidéo et un témoignage rendus publics aujourd’hui. Malgré l’adoption en mars 2019 d’un plan d’action national pour lutter contre la xénophobie, le gouvernement n’a pas suffisamment agi pour garantir que les attaques menées par des citoyens ordinaires, des policiers ou même des responsables gouvernementaux fassent l’objet d’enquêtes et d’actions judiciaires à l’encontre des individus responsables.

Le rapport de 64 pages, intitulé « “They Have Robbed Me of My Life”: Xenophobic Violence Against Non-Nationals in South Africa » (« “Ils m’ont volé ma vie” : Violences xénophobes contre les étrangers en Afrique du Sud ») passe en revue les incidents qui se sont produits au cours de l’année ayant suivi l’adoption par le gouvernement du Plan d’action national de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui leur est associée.

Human Rights Watch a documenté des meurtres, des blessures graves, des déplacements forcés, des discriminations et des obstacles à la justice et à la fourniture de services de base. Au nombre des problèmes identifiés, figurent l’indifférence vis-à-vis des actions xénophobes, voire leur déni et leur approbation tacite par le gouvernement et les autorités chargées de l’application des lois, les entraves à la représentation juridique et la difficulté à obtenir et à renouveler des documents juridiques et à accéder à des services, notamment sur les plans éducatif et sanitaire.

« Les ressortissants étrangers établis en Afrique du Sud, qui ont essuyé plusieurs vagues successives de violence xénophobe, vivent dans la peur constante d’être pris pour cible uniquement parce qu’ils ne sont pas Sud-Africains », a déclaré Kristi Ueda, titulaire d’une bourse de recherche auprès de la division Afrique à Human Rights Watch et autrice du rapport. « Le gouvernement sud-africain devrait établir les responsabilités dans le respect le plus strict de la loi. L’impunité ne fait qu’enhardir d’autres individus et perpétue la xénophobie. »

Human Rights Watch s’est entretenu avec 51 interlocuteurs – dont deux enfants âgés de 10 et 11 ans – qui vivent dans les provinces du Cap-Occidental, du Gauteng et du KwaZulu-Natal et a examiné la couverture médiatique, les lois, les réglementations et les décisions judiciaires sud-africaines. Human Rights Watch documente de longue date le harcèlement et les attaques xénophobes en Afrique du Sud.

Les étrangers sont traités comme des boucs émissaires et blâmés pour l’insécurité économique, la criminalité et l’incapacité du gouvernement à fournir des services publics. Ils ont été la cible de manifestations et de fermetures à l’échelle nationale marquées par des violences collectives, des pillages et des incendies de leurs lieux de travail. Début septembre 2019, des foules brandissant des armes et scandant des slogans anti-étrangers ont attaqué des étrangers et provoqué leur déplacement forcé, détruisant des milliers de leurs entreprises et foyers. Aucune des personnes interrogées n’a encore été dédommagé financièrement ou obtenu justice. Malgré les déclarations du gouvernement selon lesquelles 10 des 12 personnes tuées étaient sud-africaines, Human Rights Watch a constaté qu’au moins 18 étrangers avaient perdu la vie dans ces violences.

Le gouvernement sud-africain et les autorités chargées de l’application des lois ont affirmé à plusieurs reprises que ces vagues de violence étaient de nature exclusivement criminelle et sans rapport avec la xénophobie.

Un réfugié en provenance de la République démocratique du Congo a déclaré à Human Rights Watch : « Je vendais des vêtements dans la rue lorsque neuf Sud-Africains armés de chicottes et de bâtons ont surgi. Ils frappaient les gens en hurlant ‘‘Vous, les étrangers, rentrez chez vous ! Nous n’avons pas besoin de vous ici ! Vous prenez nos emplois et notre argent !’’ J’ai commencé à fuir, mais j’ai été roué de coup et ils m’ont volé mes deux sacs de vêtements. »

Les responsables de l’application des lois ont agi de manière discriminatoire et abusive à l’encontre des étrangers, a constaté Human Rights Watch. Les descentes de police visant à lutter contre la contrefaçon ont visé disproportionnellement des vendeurs étrangers. Au cours de ces raids, la police a tiré des balles en caoutchouc sur des foules, puis saccagé et détruit des magasins. En coordination avec le ministère de l’Intérieur, la police a mené de manière abusive des descentes en vue de contrôler l’identité d’étrangers dans des zones connues pour en accueillir nombre d’entre eux.

La police a placé en détention dans des commissariats de police et des centres de rétention administrative des individus arrêtés pour ne pas avoir été en mesure de produire leurs pièces d’identité, leurs refusant dans certains cas d’obtenir une audience devant un juge ou s’abstenant de le leur permettre dans les délais requis. Les responsables ont souvent affirmé avoir perdu ou égaré les documents d’identité ou autres biens de personnes arrêtées.

Toutes les personnes interrogées ont exprimé leur frustration quant à l’acquisition et au renouvellement de la documentation adéquate pour maintenir leur statut juridique en Afrique du Sud. Les titulaires du permis attestant de leur statut de demandeur d’asile doivent le renouveler tous les six mois, ce qui suppose pour eux de se présenter au ministère de l’Intérieur avant 5 ou 6 heures du matin pour être sûr d’avoir une bonne place dans la file d’attente. Certains ont déclaré avoir méticuleusement renouvelé ce permis deux fois par an pendant des années, même si les banques ou les hôpitaux ne le reconnaissait pas et que la police les harcelait de toute manière.

Le Plan d’action national fournit un cadre pour traiter de nombreux problèmes auxquels les non-nationaux sont confrontés, mais il semble avoir eu très peu d’impact sur la vie des étrangers asiatiques et africains vivant dans le pays, a constaté Human Rights Watch.

« Le lancement du plan d’action national a été une étape positive, mais des mesures concrètes et manifestement plus urgentes sont nécessaires, en particulier pour mettre fin à la violence, au harcèlement policier et à l’impunité », a conclu Kristi Ueda. « Protéger les non-ressortissants de nouvelles attaques et mettre fin à l’impunité pour la violence xénophobe nécessite une stratégie à long terme et pas seulement des mots couchés sur le papier. »

Citations extraites du rapport

« Pour les étrangers, le système judiciaire n’existe pas. »
 – Un réfugié originaire de la RD Congo, président d’une organisation non gouvernementale qui a escorté des étrangers au poste de police pour signaler des violences xénophobes avant leur expulsion, et qui vit depuis 16 ans en Afrique du Sud.

« Mes enfants ne peuvent se rendre à l’école [sans être frappés], alors ils disent qu’ils ne sont pas originaires de cet endroit, cela m’affecte beaucoup que mes enfants soient à ce point touchés. »
 – Un résident permanent, originaire de la RD Congo, qui vit depuis 17 ans en Afrique du Sud, un commerçant ayant subi des violences alors qu’il se trouvait devant son commerce et dont les échoppes ont été pillées par des foules.

« J’économisais pour mes études parce que mon rêve est de réussir. Quand tout cela est arrivé, tous mes rêves se sont effondrés. C’est comme si je n’avais plus de rêve. »
 – Un demandeur d’asile originaire de la RD Congo, coiffeur depuis six ans en Afrique du Sud, qui a été enlevé à son domicile et passé à tabac par une foule.

« Le Ministère de l’Intérieur a continué de nous orienter vers différents services qui eux-mêmes nous renvoyaient vers différents départements et personne n’a rien fait. »
 – Un réfugié originaire de la RD Congo, vendeur itinérant, dont la famille a eu des difficultés à acquérir et renouveler les documents nécessaires pour maintenir leur statut juridique et leur inscription dans les écoles publiques, depuis 19 ans en Afrique du Sud.

« Je n’ai pas de vie. Je ne peux rien faire. Ils m’ont volé ma vie. »
 – Un demandeur d’asile originaire d’Éthiopie, commerçant qui a eu du mal à renouveler ses documents en raison d’une erreur administrative, qui vit depuis 17 ans en Afrique du Sud

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Le Monde    TV5Monde    LaLibre.be/AFP

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