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(Washington, le 13 janvier 2021) – Le président élu des États-Unis, Joe Biden, devrait travailler avec les dirigeants mondiaux qui ont cherché à renforcer la défense des droits humains à travers le monde, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui à l’occasion de la publication de son Rapport mondial 2021. Son administration devrait également ancrer le respect des droits humains dans les politiques des États-Unis d’une manière plus à même de survivre aux changements radicaux intervenant d’une administration à l’autre, et devenus récurrents dans la vie politique aux États-Unis.

« Après quatre ans d’indifférence et même souvent d’hostilité aux droits humains de la part de Trump, avec notamment le fait qu’il a provoqué un assaut de la foule dans le Capitole contre le processus démocratique, l'élection de Biden offre l’occasion d’apporter des changements fondamentaux », a déclaré Kenneth Roth, Directeur exécutif de Human Rights Watch, dans son essai introductif. « Le mépris de Trump pour les droits humains au niveau national et son soutien ostensible à des autocrates amis à l’étranger ont gravement érodé la crédibilité des États-Unis dans le monde. Les condamnations par Washington du Venezuela, de Cuba ou de l’Iran sonnaient creux lorsque des louanges étaient en même temps adressées à la Russie, à l’Égypte, à l’Arabie saoudite ou à Israël. »

Dans son Rapport mondial 2021 (version abrégée en français), de 761 pages et dont c’est la 31ème édition annuelle, Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays.  Dans son essai introductif, Kenneth Roth note qu'alors même que les États-Unis sous la présidence de Trump renonçaient dans une large mesure à protéger les droits humains, d'autres pays ont reconnu que ces droits sont trop importants pour qu’on les abandonne. En même temps, de puissants acteurs sur la scène internationale tels que la Chine et la Russie cherchaient à affaiblir le système international de défense de ces droits.

De nouvelles coalitions sont apparues pour protéger les droits : des gouvernements latino-américains et le Canada agissant ensemble au sujet du Venezuela, l’Organisation de la coopération islamique défendant les musulmans rohingyas, des gouvernements européens agissant de concert au sujet de pays comme le Bélarus, l’Arabie saoudite, la Syrie, la Libye, la Hongrie et la Pologne, et une coalition grandissante de gouvernements prêts à condamner la persécution par la Chine des Ouïghours et d’autres musulmans turciques au Xinjiang.

« Ces quatre dernières années ont montré que Washington est un leader important mais non indispensable en matière de droits humains », a affirmé Kenneth Roth. « De nombreux autres gouvernements ont considéré le retrait de Trump en la matière comme un motif de détermination plutôt que de découragement et ont agi pour protéger les droits humains. »

La présidence de Biden sera l’occasion d’apporter des changements fondamentaux, a ajouté Kenneth Roth. Il a affirmé que le président élu devrait donner l’exemple en renforçant l’engagement du gouvernement des États-Unis en faveur des droits humains sur son territoire, de telle manière que cela ne puisse pas être aisément inversé par ses successeurs.

Biden devrait notamment aborder les différents sujets sous l’angle des droits lorsqu’il travaillera à étendre les soins de santé, éradiquer le racisme systémique, sortir de la pauvreté et de la faim les citoyens qui le nécessitent, lutter contre le changement climatique et mettre fin aux discriminations contre les femmes et les personnes LGBT. Bien qu’étroites, les majorités démocrates au Sénat et à la Chambre des représentants pourraient aussi ouvrir des perspectives en vue de l’adoption de législations d’une portée plus longue. Biden devrait également permettre que s’ouvrent et se poursuivent des enquêtes pénales sur certains agissements de Trump, afin de clairement montrer que personne n’est au-dessus des lois.

À l’étranger, pour mieux ancrer le respect des droits humains comme principe directeur, a poursuivi Kenneth Roth, Biden devrait affirmer ce principe et agir en conséquence, même quand ce sera politiquement difficile. Cela devrait notamment se traduire par :

  • Réduire l’aide militaire ou les ventes d’armes à des gouvernements amis mais responsables d’abus, tels que l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et Israël, en l’absence d’améliorations significatives de leurs pratiques en matière de droits humains ;
  • Condamner les encouragements du Premier ministre indien Narendra Modi à la discrimination et à la violence contre les musulmans, même si l’Inde est considérée comme une importante alliée face à la Chine ;
  • Soutenir de nouveau le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, même si ce dernier critique les abus commis par Israël ;
  • Annuler les sanctions prises par Trump contre la Cour pénale internationale, même en cas de désaccord avec certaines enquêtes ouvertes par sa Procureure ; et
  • Abandonner la politique unilatérale transactionnelle et incohérente pratiquée par Trump vis-à-vis de la Chine, et adopter une approche davantage basée sur les principes, plus cohérente et multilatérale, qui encouragera d’autres pays à s’y joindre.

« La grande nouvelle de ces dernières années n’est pas l’abandon notoire des droits par Trump, mais l’émergence bien moins remarquée de nombreux autres pays dans des rôles de premier plan pour les défendre », a conclu Kenneth Roth. « L’administration Biden devrait se joindre à ces efforts collectifs et non pas les supplanter. Ces gouvernements devraient poursuivre leur importante défense des droits sans céder à Washington leur rôle de leadership, tandis que Biden s'efforce d'ancrer un engagement moins aléatoire des États-Unis en faveur des droits humains. »

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Nous avons demandé à quatre de nos partenaires de commenter l’appel de Human Rights Watch au président élu américain Joe Biden et à d’autres dirigeants pour qu’ils fassent des droits humains une priorité de leurs politiques intérieure et étrangère. Voici des extraits de leurs réponses.

États-Unis
Tiffany Crutcher, de la Fondation Terence Crutcher et du Mémorial Black Wall Street à Tulsa (Oklahoma), rappelle le contexte historique raciste qui a précédé l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole à Washington et exhorte le président élu Biden à lutter contre les mouvements prônant la suprématie de la race blanche.

En 1921, un mensonge a été à l’origine du massacre raciste de Tulsa, où des groupes d’émeutiers blancs ont incendié le quartier de Greenwood où vivait la communauté noire. Et près d’un siècle plus tard, le 6 janvier 2021, c’est encore un mensonge qui a incité des groupes d’émeutiers blancs à prendre d’assaut la capitale de notre pays afin de renverser notre démocratie. Des drapeaux des États confédérés ont été déployés, des nœuds coulants ont été brandis et la doctrine de la suprématie blanche a montré son visage hideux.

C’est pourquoi j’appelle l’administration Biden à s’attaquer directement aux mouvements prônant la suprématie de la race blanche dès les 30, 60 ou 90 premiers jours de son mandat. Vous devez faire de la justice raciale une priorité, vous devez réengager le gouvernement sur les questions relatives aux droits humains et, tout particulièrement, vous devez inverser la tendance régressive imposée dans ce domaine par l’administration Trump. Nous ne voulons pas d’un nouveau cas Breonna Taylor, d’un nouveau cas Tamir Rice, d’un nouveau cas George Floyd, d’un nouveau cas Terence Crutcher. Vous devez exiger une Amérique où règne la justice et être le moteur du changement dont nous avons désespérément besoin maintenant dans ce pays.

Russie
Tatiana Glushkova, membre du conseil d’administration de l’organisation russe Memorial Human Rights Center, rappelle l’arrestation sous des accusations fallacieuses du principal chercheur de Memorial en Tchétchénie, Oyub Titiev, et l’impact qu’a eu l’attention de la communauté internationale sur la détermination de son sort.

L’objectif était de forcer Memorial à fermer son bureau à Grozny et de compliquer la collecte d'informations sur les violations des droits humains commises en Tchétchénie. Mais l’affaire a été montée de manière si grossière et maladroite, et il était tellement évident que c’était en représailles pour le travail effectué par Oyub dans le domaine des droits humains, qu’elle a fortement attiré l’attention de la communauté internationale. L’affaire Oyub a fait l’objet de discussions au Conseil de l’Europe, aux Nations Unies, au Parlement européen et à la Fédération internationale de football (FIFA). Elle a été discutée au sein des ministères des Affaires étrangères de nombreux pays et de nombreuses organisations de défense des droits humains, russes et internationales. Pendant neuf mois, des diplomates et des journalistes étrangers se sont régulièrement rendus au tribunal de la ville de Shali [où se tenait le procès de Titiev].

Une telle attention n’a pas échappé aux autorités de la République tchétchène. Leur réaction la plus importante a, bien sûr, été que le verdict prononcé contre Oyub a été relativement modéré et qu’il a très rapidement été remis en liberté conditionnelle. Une telle réaction de la part des autorités tchétchènes, compte tenu de la haine profonde et ancienne qu’elles vouent à l’organisation Memorial, ne peut s’expliquer que par leur désir de tourner rapidement la page, de se débarrasser de cette affaire, de ce prisonnier politique et de la curiosité intense de la communauté internationale. Le résultat que nous avons aujourd’hui, le fait que notre collègue est libre depuis plus d’un an, n’aurait pas été possible sans [cette] attention de la communauté internationale. Nous sommes extrêmement reconnaissants à toutes les personnes qui ont participé à cet effort.

Cameroun
Cyrille Rolande Bechon, présidente de Nouveaux Droits de l’Homme Cameroun, une organisation de défense des droits humains basée à Yaoundé, évoque la réaction de la communauté internationale au massacre de 21 civils à Ngarbuh, au Cameroun.

Voici l’occasion pour moi de remercier les organisations qui se sont assemblées dans la Coalition pour les droits de l’homme et la paix dans les régions anglophones, les organisations internationales comme Human Rights Watch [et les pays comme] la France et les États-Unis, qui nous ont soutenus et ont propagé avec nous le message selon lequel il était nécessaire de mettre sur pied une commission d’enquête sur ce massacre.

Bien que cette commission ait annoncé ses conclusions et qu’un procès se soit ouvert le 17 décembre dernier à l’encontre des quatre membres des forces de sécurité identifiés par la commission comme ayant participé au massacre, nous ne sommes pas satisfaits. Parce que la chaîne des responsabilités dans ce massacre n’a toujours pas été établie. Nous aimerions que tous les responsables, directs ou indirects, y compris certains militaires de haut rang, soient poursuivis en justice et condamnés.

Venezuela
Feliciano Reyes, un défenseur des droits humains vénézuélien très impliqué dans la fourniture d’une assistance humanitaire aux Vénézuéliens dans le besoin, s’exprime sur la situation humanitaire d’urgence que connaît actuellement son pays.

La situation complexe d’urgence humanitaire qui affecte le Venezuela depuis au moins quatre ans a causé des dommages considérables à la population, notamment le manque d’accès à la nourriture, aux services médicaux [et à] l’éducation. [Cette situation] a également généré une migration forcée massive, du fait qu’il est tellement difficile de survivre dans le pays. Parmi les causes profondes de cette situation, figurent la persistance du conflit politique après des années d’abus de pouvoir et d’érosion de l’État de droit. La communauté internationale a un rôle fondamental à jouer, non seulement en termes d’action diplomatique au sein de forums tels que le Conseil des droits de l’homme, l’Assemblée générale [et] le Conseil de sécurité des Nations Unies, afin d’aider à trouver des solutions au conflit politique, mais aussi en apportant au Venezuela une assistance humanitaire internationale vitale.

Cela a produit des effets visibles mais c’est encore insuffisant. Nous espérons, par exemple, que le Programme alimentaire mondial s’occupera du pays cette année, puisqu’il y a des informations selon lesquelles des Vénézuéliens sont dans une situation de grave insécurité alimentaire. Ce travail est fondamental. Ce travail qui consiste à appliquer une pression politique et diplomatique et à organiser une coopération humanitaire afin de restaurer des conditions de vie décentes pour le peuple vénézuélien et, ultérieurement, de remettre le pays sur la voie du développement et du bien-être pour sa population.

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Dans les médias

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