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Les États-Unis font machine arrière dans la lutte contre la corruption en RD Congo

Une licence spéciale accordée au milliardaire Dan Gertler compromet les sanctions Magnitsky

Le milliardaire israélien Dan Gertler effectue une visite au complexe minier de cuivre et de cobalt de Katanga Mining Ltd. à Kolwezi, en RD Congo, le 1er août 2012. © 2012 Simon Dawson/Bloomberg via Getty Images

Une coalition d’organisations non gouvernementales de la République démocratique du Congo et internationales, dont Human Rights Watch, a exhorté, dans une lettre rendue publique aujourd’hui, la Secrétaire du Trésor américain, Janet Yellen, et le Secrétaire d’État, Antony Blinken à annuler une décision prise par l’administration de Donald Trump dans les derniers jours de son mandat. Cette mesure de dernière minute du gouvernement américain lève de fait, pendant une année, les sanctions imposées au milliardaire israélien Dan Gertler.

Le gouvernement américain avait sanctionné Gertler pour avoir aidé l’ancien président congolais Joseph Kabila à spolier les ressources de son pays. Il a été ajouté à la toute première liste de sanctions Global Magnitsky en décembre 2017 pour « des transactions minières opaques et entachées de corruption en [RD Congo] ». Le mois dernier, l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) (Bureau du contrôle des avoirs étrangers) a discrètement octroyé une licence permettant à Gertler et ses sociétés d’accéder au système financier américain jusqu’au 31 janvier 2022. Le fait de lui permettre de revenir aux affaires non seulement discrédite la lutte contre la corruption en RD Congo mais encourage également ceux qui sont prêts à s’enrichir aux dépens des droits humains de la population congolaise. Cela soulève aussi des questions sur l’application des sanctions Magnitsky, un élément essentiel de l’arsenal américain pour défendre les droits humains à l’étranger.

Les États-Unis avaient conclu que Gertler, qui entretient une étroite amitié avec Kabila et sa famille depuis plus de deux décennies, agissait comme intermédiaire entre Kabila et des compagnies pétrolières dans des transactions qui auraient privé la RD Congo de 1,63 milliard d’USD de recettes pour les seules années 2010 à 2012. Ce manque à gagner aurait pu financer près de la moitié du budget de la santé du pays, qui était déjà bien en deçà des normes régionales et du minimum nécessaire pour des soins de santé appropriés, selon une étude soutenue par l’Organisation mondiale de la Santé.

Cette corruption flagrante est une des principales raisons pour lesquelles les gouvernements congolais successifs ont en grande partie échoué à exploiter le potentiel de leurs vastes ressources naturelles au profit de leur population. La plupart des Congolais vivent dans une extrême pauvreté, près de la moitié des enfants souffrent de malnutrition, et seule une maison sur cinq à accès à l’assainissement. Cela pourrait aussi expliquer pourquoi Kabila a refusé de quitter la présidence en décembre 2016, à l’issue de ses deux mandats autorisés par la Constitution. Lorsque les enjeux sont aussi importants, ce type de corruption peut compromettre le processus démocratique.

L’administration du président Joe Biden devrait montrer qu’elle entend restaurer les États-Unis comme partenaire dans la lutte mondiale contre la kleptocratie. Le gouvernement devrait examiner l’accord que l’OFAC a conclu avec Dan Gertler et prendre des mesures appropriées, y compris son annulation.

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