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République centrafricaine : Premier procès de dirigeants anti-balaka à la CPI

Il s’agit d’un pas important vers la justice pour les victimes de crimes commis dans le cadre du conflit depuis 2012

Alfred Yekatom (à gauche) et Patrice-Edouard Ngaïssona (à droite), photographiés les 23 novembre 2018 et 25 janvier 2019, respectivement, lors de leur comparution devant la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, aux Pays-Bas. © Piroschka van de Wouw/ Koen Van Well/Pool via AP

Correction : Ce communiqué de presse a été mis à jour avec le nombre exact de victimes qui ont été jusqu’à présent en mesure de participer au procès, par opposition au nombre de celles qui ont simplement assisté à la phase préliminaire de l’instruction.

(La Haye) – Le procès de deux ex-dirigeants « anti-balaka » qui s’ouvrira le 9 février à la Cour pénale internationale (CPI) sera le premier à être tenu devant ce tribunal concernant les crimes graves commis depuis 2012 dans le cadre du conflit en République centrafricaine, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. L’organisation a publié un document « questions-réponses » sur ce procès, en vue d’expliquer divers aspects de la procédure et de fournir des éléments de contexte.

Patrice-Edouard Ngaïssona et Alfred Yekatom  sont les leaders anti-balaka les plus importants à être jugés à ce jour, et les premiers devant la CPI. Après l’éviction en 2012 du président centrafricain François Bozizé par les dirigeants musulmans de la coalition connue sous le nom de Séléka, des milices chrétiennes appelées anti-balaka s’étaient livrées à des représailles contre la Séléka et tous ceux qu’elles considéraient comme des soutiens de leurs ennemis, les civils se retrouvant pris en étau.

« L’ouverture du procès de Yekatom et Ngaïssona est une étape importante pour rendre justice aux victimes de crimes brutaux commis lors du plus récent conflit en République centrafricaine », a déclaré Elise Keppler, directrice adjointe du Programme Justice internationale de Human Rights Watch. « Un vide judiciaire a alimenté des violences répétées en République centrafricaine, avec une nouvelle vague d’attaques rien qu’au cours des deux derniers mois. Des procès équitables et crédibles pour les atrocités commises sont essentiels pour que le pays brise ces cycles de violences. »

Une récente recrudescence de la violence a été observée dans le cadre de l’élection présidentielle du 27 décembre 2020. Une nouvelle coalition rebelle a lancé de multiples attaques, faisant plusieurs morts parmi les Casques bleus et provoquant de nouveaux déplacements massifs de civils. Cette coalition est composée de factions issues à la fois des anti-balaka et de la Séléka. Les récentes violences ont mis fin à un accord de paix conclu en 2019.

Alfred Yekatom, connu sous le nom de « Rombhot » (ou « Rambo »), était caporal-chef dans l’armée nationale avant le conflit, avant de se promouvoir « colonel » lorsqu’il est devenu l’un des chefs de file anti-balaka en 2013. Patrice-Edouard Ngaïssona, qui était un coordinateur politique autoproclamé des anti-balaka, a ensuite occupé un poste de direction à la Confédération africaine de football. Le 3 septembre 2014, Human Rights Watch s’était entretenu par vidéo avec Ngaïssona, qui n’avait pas contesté la responsabilité des anti-balaka dans certains abus, ni son propre statut en tant que l’un dirigeants de ce groupe.

Yekatom et Ngaïssona sont visés respectivement par 21 et 32 chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Parmi ces chefs d’accusation figurent des attaques intentionnellement dirigées contre la population civile, des meurtres, des attaques dirigées contre des édifices religieux, la déportation ou le transfert forcé de population et le déplacement de population civile, la persécution, ainsi que l’enrôlement d’enfants soldats. Ngaïssona fait également face à une accusation de viol.

Le tribunal a émis des mandats d’arrêt contre Yekatom  et Ngaïssona en novembre et décembre 2018 et tous deux ont été remis à la CPI peu de temps après par la République centrafricaine et la France, respectivement. En février 2019, la CPI a fusionné leurs affaires.

Le procès fait suite au transfert, par la République centrafricaine, du premier suspect rebelle de la Séléka à la CPI, Mahamat Said Abdel Kani, le 24 janvier. Celui-ci est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis dans la capitale du pays, Bangui, en 2013.

Plus d’un millier de personnes étaient des « victimes participantes » lors de la phase de l’instruction, et plus de 300 – et probablement davantage – pourront assister au procès, et seront représentées par deux groupes d’avocats. La participation des victimes à la CPI est une spécificité de la justice internationale qui permet aux victimes, par l’intermédiaire de leurs représentants légaux, de contribuer à la procédure, indépendamment de leurs témoignages éventuels. La participation peut inclure l’interrogation de témoins et la présentation d’éléments sur des sujets juridiques et factuels.

La CPI étant basée à La Haye, à des milliers de kilomètres de la République centrafricaine, les efforts des tribunaux pour rendre le procès accessible à la population locale sont de première importance, a relevé Human Rights Watch. La CPI prévoit de retransmettre l’ouverture du procès dans une salle d’audience à Bangui et à la télévision. La CPI répondra à la radio à des questions clés des communautés affectées et diffusera également des résumés des procès et des tables rondes sur leurs développements.

Les enquêtes de la CPI en République centrafricaine sont complétées par la Cour pénale spéciale, une juridiction créée à Bangui formée de juges et de procureurs internationaux et centrafricains, et par les tribunaux ordinaires du pays. La Cour pénale spéciale a débuté ses activités en 2018 mais n’a pas encore tenu son premier procès. Au moins deux procédures visant d’anciens commandants anti-balaka ont été ouvertes devant les tribunaux nationaux, y compris un procès en 2020 de 28 combattants anti-balaka pour des crimes commis autour de la ville de Bangassou.

La CPI a ouvert une enquête sur les crimes commis en République centrafricaine depuis 2012 à la demande du gouvernement centrafricain en 2014. Il s’agit de la deuxième enquête de la Cour sur les crimes commis dans ce pays, la première concernait un conflit antérieur, datant de 2002 et 2003, qui avait abouti à l’acquittement de Jean-Pierre Bemba, l’ancien vice-président congolais.

« Le procès de Yekatom  et Ngaïssona et le transfert de Said devraient servir de message sans ambiguïté, selon lequel tous ceux qui s’attaquent aux civils ne sont pas hors d’atteinte de la justice », a conclu Elise Keppler. « Mais la CPI et la Cour pénale spéciale devraient se saisir de davantage d’affaires pour consolider une nouvelle ère dans l’établissement des responsabilités et rendre justice aux populations les plus touchées par ces crimes. »

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