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Tunisie : Arrestations arbitraires d’activistes LGBTI et violences policières

Les experts de l’ONU devraient enquêter sur ces violations

Un drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBTI, brandi lors d’une manifestation sur l’avenue Habib Bourguiba à Tunis, en Tunisie, le 6 février 2021. © 2021 Karim Saadi

(Beyrouth) – À plusieurs reprises, les forces de sécurité tunisiennes ont pris pour cible des manifestants, notamment des activistes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (LGBTI), a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Parmi ces actions ciblées figuraient des arrestations arbitraires, des agressions physiques, des menaces de viol et de meurtre, ainsi que le refus du droit d’accéder à une assistance juridique.

Human Rights Watch a documenté des cas dans lesquels la police a infligé de mauvais traitements à des activistes LGBTI qu’elle avait identifiés comme tels lors de manifestations. Simultanément, ces personnes ont été harcelées sur les réseaux sociaux, où leurs informations personnelles, dont leurs adresses et numéros de téléphone, ainsi que leur orientation sexuelle, ont été divulguées. Ils ont également été dénigrés en ligne pour cette raison ou leur identité de genre présumée, des individus publiant des photos d’eux légendées de messages incitant à la violence à leur encontre.

« Les activistes LGBTI qui persistent à manifester sont terrifiés à l’idée que les forces de sécurité les identifient pendant les rassemblements, les regroupent et les maltraitent en toute impunité », a déclaré Rasha Younes, chercheuse auprès du programme Droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) à Human Rights Watch. « Les forces de sécurité ont pour obligation de protéger le droit de manifester pacifiquement, et non de harceler les activistes dont l’engagement audacieux a contribué à la réputation de la Tunisie en tant que leader régional dans ses progrès en matière de droits humains. »

Les récents témoignages d’abus ont été recueillis dans le contexte d’une persécution accrue des personnes LGBTI pendant la pandémie de Covid-19 en Tunisie, pays où l’homosexualité est criminalisée, et d’une intensification de la répression des organisations LGBTI ces dernières années.

Les manifestations, qui ont débuté dans de nombreuses régions le 15 janvier 2021 et ont été largement pacifiques durant la journée, ont été déclenchées par la détérioration des conditions économiques, exacerbées par la pandémie et alimentées par le recours à une force disproportionnée par la police en réponse, provoquant la mort d’un homme et de nombreux blessés.

Insaf Bouhafs, le coordinateur du programme LGBTI chez Avocats sans frontières (ASF), a déclaré à Human Rights Watch que son organisation avait documenté plus de 1 600 arrestations lors des manifestations, dont environ 30% de mineurs. Dans un rapport qu’a pu consulter Human Rights Watch, ASF fait état de conditions insalubres et de surpopulation dans le centre de détention de Bouchoucha à Tunis, en violation des propres règles d’hygiène et de distanciation sociale du gouvernement pour lutter contre la propagation du Covid-19, ainsi que des directives internationales. Le rapport indique que des enfants ont été détenus parmi des adultes, ce qui est interdit par le droit international. Beaucoup restent détenus dans des conditions abusives, victimes de violences physiques aux mains des autorités pénitentiaires.

Human Rights Watch a interrogé 10 activistes des droits LGBTI, qui ont tous déclaré avoir subi de mauvais traitements des autorités lors d’incidents distincts, cinq avocats qui représentaient certaines des victimes dans ces affaires, ainsi qu’un activiste ayant fui le pays pour échapper aux persécutions policières. Human Rights Watch a également examiné des images en ligne de violences policières manifestes, ainsi que des déclarations d’individus et d’organisations non gouvernementales, et des éléments visuels fournis par des victimes de violences et de harcèlement en ligne.

Tous les activistes interrogés ont déclaré avoir été harcelés verbalement et menacés de violence par la police, dont trois de viol et cinq d’être tués. Sept ont déclaré que les forces de sécurité avaient procédé à leur arrestation arbitraire et huit ont affirmé avoir été victimes de cyberharcèlement. Neuf ont déclaré avoir été maltraités physiquement lors de manifestations ou en détention arbitraire, et trois que la police les avait intimidés, suivis dans la rue et traqués dans leurs quartiers, les incitant à déménager.

À la suite de leur cyberharcèlement, les personnes interrogées ont estimé devoir quitter leur domicile et leur quartier et supprimer leurs comptes des réseaux sociaux. Un activiste a déclaré avoir fui le pays après son arrestation arbitraire par la police, qui l’a passé à tabac, et la divulgation en ligne de son adresse et de son numéro de téléphone.

Selon un communiqué en date du 5 février, le Premier ministre tunisien Hichem Mechichi a rencontré les forces de sécurité, saluant leur « professionnalisme dans leur réponse aux manifestations » et mettant en garde contre les tentatives des manifestants d’« inciter les forces de sécurité à recourir à la violence contre eux ».

Rania Amdouni, une activiste féministe queer âgée de 26 ans, a fait à Human Rights Watch la déclaration suivante : « Je ne me sens pas en sécurité, même dans mon appartement. La police est venue me chercher dans mon quartier. Ma vie est menacée et ma santé mentale se détériore. Les gens me fixent du regard dans la rue et me harcèlent en ligne. » Elle a dit avoir reçu un message en ligne disant : « On te trouvera lors des manifestations et on te terrorisera. »

Le 8 février, la police a arrêté un activiste homosexuel âgé de 23 ans, l’a conduit dans un lieu qui n’a pas été révélé, puis lui a refusé le droit d’avoir accès à un avocat. Un agent de sécurité de la prison de Mornag l’a roué de coups à plusieurs reprises et lui a dit : « On va te garder ici pendant 10 ans et te torturer sera notre responsabilité », a relaté son avocat à Human Rights Watch. L’activiste a été détenu pendant 10 jours dans une cellule bondée, pour « agression d’un fonctionnaire public », un crime passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison. Le 17 février, le Tribunal de première instance de Tunis a prononcé une peine de cinq mois avec sursis dans cette affaire.

Un activiste homosexuel intersexe âgé de 29 ans a fait l’objet d’une arrestation arbitraire et été harcelé par la police lors d’une manifestation pacifique parce que, ont-ils dit, lui et d’autres brandissaient une banderole qui a déplu à un officier. « J’ai réalisé qu’ils [les policiers] n’étaient qu’un gang qui pouvait m’agresser physiquement et sexuellement en toute impunité », a-t-il confié.

Selon Saif Ayadi, un travailleur social de l’association Damj pour la justice et l’égalité, une organisation de défense des droits des LGBT basée à Tunis, « la police utilise des chants homophobes dans les manifestations contre nous, nous traitant de ‘‘pédés’’ et de ‘‘sodomites’’ qui méritent d’être tués. Ils tentent de divulguer nos identités pour discréditer le mouvement protestataire [en général], mais nous sommes le mouvement, et nos revendications sont intersectionnelles. »

Human Rights Watch et l’association Damj ont adressé une lettre aux rapporteurs spéciaux de l’ONU sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, à la liberté d’opinion et d’expression, à la vie privée, et sur la situation des défenseur.e.s des droits humains, ainsi qu’à l’expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, et aux États membres de l’UE.

Les deux organisations y exhortent à faire pression sur le gouvernement tunisien pour que soient établies les responsabilités parmi ses forces de sécurité pour les violations du droit international et qu’il veille à ce que les autorités judiciaires s’abstiennent d’invoquer des motifs injustifiés, telles que de vagues allégations de « moralité », pour restreindre les libertés fondamentales des minorités sexuelles et de genre et saper les droits à la liberté de réunion, d’association et d’expression.

L’application du droit à la vie privée, protégé par la constitution tunisienne, constitue une garantie essentielle contre la discrimination en ligne, en particulier les personnes LGBTI victimes de « outing ». La criminalisation de l’homosexualité, en vertu de l’article 230 du code pénal, rend les personnes LGBTI en Tunisie particulièrement vulnérables à une telle discrimination, dont les conséquences peuvent conduire à l’ostracisation, à l’expulsion du logement et au licenciement, a relevé Human Rights Watch.

Les autorités tunisiennes devraient enquêter sur les allégations de violence policière contre des activistes et remettre immédiatement en liberté et abandonner toutes les charges retenues contre les manifestants en raison de leur rassemblement pacifique, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, a préconisé Human Rights Watch. Les autorités devraient en outre prendre des mesures appropriées pour prévenir et réprimer les discours d’incitation à la violence.

« Les autorités tunisiennes devraient prendre note que la répression policière ne fera pas taire les activistes qui ont le droit de manifester pacifiquement sans être intimidés et de s’organiser en l’absence d’ingérence des pouvoirs publics », a conclu Rasha Younes. « Les responsables de l’ONU et les alliés de la Tunisie devraient faire pression sur le gouvernement tunisien pour qu’il mette immédiatement fin à ces abus et tienne les forces de sécurité pour responsables de leurs actes. » 

Témoignages sur le harcèlement en ligne, les arrestations arbitraires et les mauvais traitements lors de la garde à vue

Ahmed El-Tounsi, 38 ans

El-Tounsi, un homme transgenre et défenseur des droits des LGBT, a déclaré qu’il venait de terminer un entretien avec des médias au Passage, dans le centre-ville de Tunis, le 9 février, lorsque la police l’a forcé à monter à bord d’un véhicule de police et l’a attaqué. La police a déclaré à El-Tounsi qu’il avait été identifié lors de manifestations avant de le rouer de coups « de toutes parts », a-t-il témoigné. Lorsqu’ils ont vu la différence entre le sexe mentionné sur sa carte d’identité et son identité de genre revendiquée, les policiers l’ont insulté et tourné en dérision son apparence.

Ils l’ont ensuite emmené au poste de police de Bab Souika, invitant sur place d’autres policiers à s’en prendre à lui : « Venez rencontrer le sodomite qui défend les pédés », aurait lancé la police à El-Tounsi. « Ils ont tous commencé à me passer à tabac, me jetant au sol et me donnant des coups de pied », a-t-il relaté. La police a alors poussé El-Tounsi à l’extérieur du poste : « J’ai réussi à m’enfuir. J’étais terrifié », a-t-il déclaré.

Chahine, 23 ans

Le 8 février, à 12 h 30, la police a arrêté Chahine, un activiste queer, sur l’avenue Habib Bourguiba, l’escortant vers un lieu qui n’a pas été divulgué, selon son avocat. Des représentants juridiques de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH) ont déclaré être entrés en contact avec au moins quatre centres de détention, ainsi qu’avec le ministère de l’Intérieur, pour s’enquérir du sort de Chahine, mais tous ont nié que celui-ci était en garde à vue.

L’association Damj, qui s’est occupé de son cas, a déclaré que la police avait refusé à Chahine le droit d’appeler un avocat. Il a passé 24 heures en détention provisoire au poste de police de Bouchoucha, puis a été transféré à la prison de Mornag, dans le nord-est de Tunis, où il a été détenu pendant 10 jours dans une cellule bondée, a indiqué son avocat.

Ce dernier a déclaré qu’un gardien de la prison de Mornag avait frappé à plusieurs reprises Chahine au visage en lui disant : « On va te garder ici pendant 10 ans et te torturer sera notre responsabilité. » Selon Chahine, le directeur de la prison de Mornag a déclaré : « Ces pédés ont rempli les prisons. Ils pensent qu’ils ont voix au chapitre. »

D’après la LTDH, Damj et l’avocat, la police a interrogé Chahine sans la présence d’un avocat. Dans les 24 heures suivant son arrestation, le procureur, sur la base du rapport de police, a ordonné sa détention pour « agression contre un officier public dans l’exercice de ses fonctions », un crime passible d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement. Le 17 février, le tribunal de première instance de Tunis a prononcé une peine de cinq mois avec sursis dans l’affaire Chahine. Les avocats prévoient de faire appel.

« Damino », 29 ans

Damino, activiste intersexe et queer âgé de 29 ans, a déclaré que le 26 janvier 2021, qu’ils (*) se trouvaient à une manifestation pacifique dans une rue du Bardo, près du parlement tunisien, où ils brandissaient une banderole disant : « Le système est corrompu, du dirigeant au gouvernement. » Une vidéo publiée sur Facebook montre des individus, manifestement des policiers en civil, qui sortent de force Damino de la manifestation.

(*) Usage ici du pronom neutre « ils », conformément à « they » en anglais.

Damino a déclaré que la police les avait accusés d’avoir « insulté un policier », avant de les emmener aux barricades près d’un poste de police, où ils ont été harcelés sur la base de leur identité intersexuée : « Nous ferons tout ce que nous voudrons avec toi. », leur a-on dit. « Essayez de ne pas laisser de traces lorsque vous l’aurez passé à tabac », a déclaré un officier à son collègue, selon Damino.

« J’étais terrifié parce que j’ai réalisé qu’il ne s’agissait rien d’autre que d’un gang qui pouvait m’agresser physiquement et sexuellement en toute impunité », ont-ils confié à Human Rights Watch.

Depuis, a déclaré Damino, les mêmes officiers les suivent lors des manifestations et à proximité de leur résidence. L’un d’eux les a mis en garde : « Si tu protestes à nouveau, nous te retrouverons et te ferons ce que nous avons menacé de te faire ».

Hamza Nasri, 28 ans

Le 18 janvier à 15 heures, des agents de la sécurité nationale ont arrêté Nasri, un défenseur des droits des LGBT et membre de Damj, lors d’une manifestation pacifique pour « insulte à un policier » et « acte immoral en public », deux délits passibles de peines de prison, pour avoir pointé son majeur en direction de la police pendant la manifestation. Nasri a déclaré avoir passé trois jours au centre de détention de Bouchoucha, après quoi il a été remis en liberté provisoire, en l’attente de son procès, qui n’a pas été encore été annoncé.

Makram Jmem, 24 ans

Le 23 janvier, à 16 h 30, Jmem et d’autres militants, dont Ayadi, quittaient une réunion lorsque des agents de sécurité les ont attaqués par derrière, les passant à tabac et les forçant monter à bord d’un véhicule de police.

La police a emmené Jmem et Ayadi au septième poste de police à Tunis, où, a-t-il relaté, les policiers ont exigé de fouiller leurs téléphones et les ont insultés lorsqu’ils ont refusé, notamment en les traitant de « pédés » et en les harcelant en raison de leur orientation sexuelle présumée. Jmem a déclaré que les agents les avaient photographiés sans leur consentement, puis les avaient relâchés sans inculpation.

Le 30 janvier, à 14 heures, après une altercation entre manifestants et forces de sécurité, a déclaré Jmem, sa photo et ses coordonnées ont été mises en ligne. Jmem a déclaré avoir immédiatement supprimé ses comptes sur les réseaux sociaux et fui la Tunisie de peur d’être pris pour cible et maltraité par les forces de sécurité. Jmem a déclaré à Human Rights Watch qu’en 2018, il avait été détenu pour « sodomie » en vertu de l’article 230 et emprisonné pendant trois mois.

« Mariam », 25 ans

« Mariam » (dont le vrai nom n’est pas utilisé pour des raisons de sécurité) a participé activement aux manifestations, déclarant que le 1er février, quatre policiers, dont deux en civil, l’avaient arrêtée en pleine rue :

Ils m’ont jetée dans la voiture de police, emmenée dans une rue déserte et commencé à me passer à tabac. Ils m’ont blessée à l’œil, giflée et m’ont rouée des coups de pied. Ils ont pris mon téléphone et ont envoyé des messages insultants à mes amis et à ma famille. Puis ils m’ont poussé dans la rue.

Mariam a déclaré que ses informations privées avaient été divulguées sur Facebook, y compris son adresse personnelle et son numéro de téléphone. Elle a reçu des dizaines d’appels et de messages vocaux, que Human Rights Watch a pu examiner, dans lesquels elle était menacée de viol et de meurtre, et traitée de « pute » qui « mérite d’être violée collectivement ».

Le 4 février, la police l’a arrêtée et emmenée au centre de détention de Bouchoucha, où elle a passé la nuit. Ils l’ont accusée d’avoir «insulté un policier» parce qu’elle avait levé le majeur lors d’une manifestation.

Au poste de police, une policière l’a déshabillée et fouillée, puis lui a dit « d’écarter ses jambes » pour qu’elle puisse « regarder à l’intérieur de ton vagin ». « Quand j’ai refusé, elle m’a tiré les cheveux, m’a cogné la tête contre le mur à plusieurs reprises, giflée et insultée », a relaté Mariam.

« Je suis harcelée au travail, mon propriétaire veut que je déménage, je suis terrifiée à l’idée de sortir seule dans la rue », a-t-il témoigné.

Elle a été remise en liberté provisoire le 5 février, en l’attente de son procès.

Rania Amdouni, 26 ans

Amdouni, une activiste féministe queer, a déclaré avoir été victime de cyberharcèlement, d’intimidation et d’incitation à la violence contre elle, y compris sous la forme de menaces de mort et de viol. Human Rights Watch a examiné de nombreux messages, dont certains comportant ses photos ainsi que des informations personnelles et de contact. Ses comptes de réseaux sociaux ont été piratés à plusieurs reprises.

Depuis janvier, Amdouni a reçu des centaines de messages sur Facebook, dont certains ont été examinés par Human Rights Watch. Elle y était menacée en raison de son activisme en faveur des droits des LGBT et de son expression de genre. Dans un message adressé à Amdouni, il était écrit : « On te trouvera pendant les manifestations et on te terrorisera.»

Amdouni a déclaré :

Ma vie est menacée, je ne me sens plus en sécurité, même dans mon appartement. La police est venue me chercher dans mon quartier. Ma sécurité physique est menacée et ma santé mentale se détériore. Les gens me fixent du regard dans la rue et me harcèlent en ligne.

Le 11 janvier, la police s’est rendue au domicile d’Amdouni, ce qui l’a poussée à quitter son quartier et à se cacher, a-t-elle raconté. Depuis, elle a également supprimé ses comptes de réseaux sociaux.

Le 30 janvier, lors d’une manifestation pacifique, des policiers l’ont frappée à la poitrine, la traitant de « pédé » qui « défend les sodomites », a-t-elle dit. Plus tard, la police a lancé des gaz lacrymogènes sur la foule en frappant des manifestants, dont Amdouni, à l’aide de matraques, a-t-elle déclaré.

Le 6 février, a poursuivi Amdouni, un groupe d’hommes l’a attaquée après qu’elle a hissé un drapeau arc-en-ciel lors d’une manifestation pacifique à Tunis. La police, témoin de l’attaque, l’a narguée, mais n’est pas intervenue.

« Theresa », 21 ans

Le 2 février, à midi, Theresa, une femme transgenre, a déclaré avoir été passée à tabac et ridiculisée par la police en raison de son expression de genre, lors d’un rassemblement organisé par la police. Selon des activistes, les forces de sécurité ont organisé plusieurs manifestations pour exiger « la fin de la violence contre eux par les manifestants et la protection de leur dignité ». Human Rights Watch a examiné une vidéo qui montre le moment où les policiers ont attaqué Theresa et l’ont jetée au sol. Elle a témoigné :

Je n’avais aucune idée qu’il s’agissait d’une manifestation policière. L’un d’eux a dit : « Tu n’es pas des nôtres, sale pédé. Toi et tous les sodomites dans ton genre êtes la raison pour laquelle Dieu ne nous a pas bénis avec les saisons des pluies! » De nombreux policiers ont alors commencé à me passer à tabac, me jetant à terre, me piétinant la tête, avant de me donner des coups de pied pendant que je les suppliais d’arrêter. Je me suis enfuie, mais suis terrifiée à l’idée de quitter mon domicile.

Intensification de la répression contre l’activisme LGBT

Ayadi a déclaré que, le 22 décembre 2020, des individus qu’il pense avoir identifiés comme des policiers étaient entrés par effraction dans sa résidence du centre-ville de Tunis en son absence et y avaient manipulé ses dossiers et du matériel. Aucun objet de valeur n’a été dérobé. Human Rights Watch a examiné des photos de l’appartement, qui montrent une porte brisée et des fichiers éparpillés.

Le même jour, des policiers ont emmené un membre du personnel de Damj de la place Barcelone, à Tunis, et l’ont passé à tabac dans un véhicule de police pour le contraindre à révéler des informations sur les activités de l’association, a-t-il indiqué. Après trois heures d’interrogatoire, a-t-il précisé, la police l’a poussé hors du véhicule près de la station de métro Bab Alioua.

D’autres membres de l’association ont déclaré à Human Rights Watch que la police les harcelait et les intimidait fréquemment dans la rue ou à proximité des bureaux de Damj, notamment en les questionnant sur les activités de l’organisation.

Badr Baabou, directeur de Damj, a déclaré que des individus non identifiés avaient cambriolé sa maison à Nahj el-Bacha, à Tunis, à quatre reprises depuis 2018, y volant des appareils électroniques, notamment ses ordinateurs portables personnels et professionnels. Baabou a déclaré que ses voisins lui avaient dit en mars 2020 que des policiers surveillaient son appartement et avaient questionné son propriétaire et certains de ses voisins sur son travail et sa localisation. Selon Baabou, la police a dit aux voisins : « Cette fois, c’est une fouille légère, la prochaine fois, on mettra le feu ». « Je dois continuer à passer d’un endroit à un autre parce que je ne me sens en sécurité nulle part », a-t-il ajouté.

Baabou a déclaré que les bureaux de Damj avaient été cambriolés à plusieurs reprises, la dernière fois en décembre 2019 à l’antenne de la ville de Sfax, où des fichiers avaient été saisis. Il pense que des policiers sont probablement responsables de l’effraction, ceux de Sfax ayant menacé d’effectuer une descente dans le bureau en question.

Hausse du nombre d’abus et intensification de la persécution anti-LGBT

Le 8 décembre, la police tunisienne a arrêté deux militants LGBT lors d’une manifestation pacifique devant le parlement tunisien. Les deux hommes ont été conduits au poste de police du Bardo, puis transférés au centre de détention de Bouchoucha, où ils ont été incarcérés pendant deux jours avant d’être remis en liberté sous conditions, en l’attente d’une enquête. Le procureur les a inculpés de « dégâts à la propriété », un délit passible de trois ans de prison au maximum, après avoir « porté des coups à un pare-brise » pour tenter d’arrêter un parlementaire qui s’était précipité vers une foule de manifestants pacifiques, ont-ils déclaré.

En octobre, la police a attaqué et arrêté trois manifestants, dont des défenseurs des droits des LGBT, qui protestaient pacifiquement contre un projet de loi qui restreindrait la responsabilité pénale pour l’usage excessif de la force par les forces de sécurité. Les activistes ont été accusés de « manifester sans permis » et de « violer la loi sur l’état d’urgence ». Ils attendent leur procès.

En août, des policiers assurant la garde de l’ambassade de France à Tunis ont agressé physiquement et verbalement des militants transgenres et incité des passants à les attaquer.

En juin, le tribunal de première instance du Kef a condamné à deux ans de prison deux hommes accusés de sodomie en vertu de l’article 230 du code pénal, peine commuée à un an en appel.

Ayadi a déclaré qu’en 2020, Damj avait fourni une assistance juridique aux personnes LGBT dans les commissariats de police dans 116 affaires et répondu à 185 demandes de consultations juridiques. « Ces chiffres sont cinq fois plus élevés que ceux que nous avons enregistrés en 2019, suggérant une hausse alarmante de la persécution visant les personnes LGBT pendant la pandémie de Covid-19 », a-t-il commenté.

L’organisation a déclaré que depuis la révolution tunisienne de 2011, 1 458 condamnations avaient été prononcées, allant d’un mois à trois ans de prison, à chaque fois sur la base de l’article 230 du code pénal.

Obligations juridiques de la Tunisie

La répression continue de la Tunisie à l’encontre des activistes viole leurs droits fondamentaux, y compris leurs droits à la vie privée, à l’intégrité corporelle, à la libre circulation, à la liberté d’expression, de réunion et d’association, notamment sur Internet, ainsi que leur droit à la non-discrimination et à la protection en vertu de la loi. Les abus violent la constitution tunisienne et les traités internationaux auxquels la Tunisie est partie.

L’article 37 de la Constitution tunisienne de 2014 garantit le droit de « réunion et de manifestation pacifique », également protégé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte arabe des droits de l’homme, à laquelle La Tunisie est un État partie.

La constitution tunisienne permet à un avocat d’être présent lors des interrogatoires et exige que les détenus soient présentés à un procureur dans les 48 heures, et soient immédiatement informés de la raison de leur arrestation. Ils doivent en outre pouvoir contacter un avocat et un membre de leur famille. La constitution interdit également « la torture mentale et physique ».

Le droit à la vie privée et à la non-discrimination est inscrit dans la Constitution tunisienne de 2014. L’article 24 contraint le gouvernement à protéger les droits à la vie privée et l’inviolabilité du domicile. L’article 21 dispose que tous « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination. »

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples appelle explicitement les États membres, la Tunisie comprise, à protéger les minorités sexuelles et de genre, conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

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