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Le Conseil d’État reconnaît les contrôles au faciès, mais n'ordonne pas à l'État d'y mettre fin

Le gouvernement devrait mettre un terme aux pratiques policières racistes

Des policiers contrôlent l'identité de manifestants près du Palais Vivienne à Paris, France, le 6 avril 2021. © 2021 Thomas COEX/AFP via Getty Images

Pour la première fois en France, le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative du pays, a reconnu l'existence du profilage ethnique pratiqué par la police lors des contrôles d'identité. C'est historique. Mais la Cour n'a pas ordonné aux autorités françaises de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette pratique abusive de longue date.

Le 11 octobre, le Conseil d'État a rendu une décision très attendue dans le cadre d'une action de groupe inédite, intentée en 2021 par six associations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch. L’action portait sur les contrôles d'identité discriminatoires effectués par la police française, une pratique généralisée et systémique qui affecte de manière disproportionnée les jeunes hommes Noirs et Arabes des quartiers populaires, y compris des enfants tout juste âgés de dix ans. Cette pratique a été largement documentée par des activistes, des associations de la société civile et des institutions nationales et internationales de défense des droits humains.

Les experts des droits humains des Nations Unies ont, à plusieurs reprises, exhorté les autorités françaises à mettre fin à ces contrôles de police illégaux, humiliants et dégradants. En 2016, la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, a jugé que les contrôles discriminatoires constituaient « une faute lourde engageant la responsabilité de l'État ».

Les contrôles de police discriminatoires conduisent souvent à des violences policières plus graves qui peuvent avoir une issue fatale. Ils nuisent aussi aux relations entre la police et les communautés.

Mais les gouvernements successifs ont refusé d'agir contre ce fléau, en dépit de leur volonté affichée de promouvoir les « principes de la République française » contre la discrimination, et des obligations nationales et internationales de la France.

Les associations ont intenté une action collective en justice à la suite de l'adoption, en 2016, d'une nouvelle loi permettant cette procédure pour obtenir la mise en place de mesures par le gouvernement.

Dans sa décision, le Conseil d'État reconnaît l'existence de la pratique des contrôles au faciès, qui ne peut être réduite à des cas isolés et qui constitue « une méconnaissance caractérisée de l'interdiction des pratiques discriminatoires ». Il s'agit là d'une reconnaissance importante qui devrait pousser le gouvernement à sortir de son déni. Mais le fait que les juges n'aient pas franchi l'étape suivante et n'aient pas ordonné à l'État de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux contrôles au faciès est particulièrement douloureux pour les personnes qui subissent cette injustice au quotidien.

L'arrêt renvoie clairement la balle dans le camp du gouvernement. Ce dernier ne peut plus tourner le dos aux innombrables personnes ciblées par une pratique policière raciste, ni à ses obligations au regard du droit national et international. Aujourd'hui, plus que jamais, le gouvernement français a le devoir d'agir pour que personne en France ne se sente comme un citoyen de seconde zone aux mains de la police en raison de son origine ethnique supposée ou de sa couleur de peau.

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