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Émirats arabes unis

Événements de 2019

Ahmed Mansour jouant avec ses enfants lors d’un entretien avec Reuters à Dubaï, le 30 novembre 2011.

© 2011 REUTERS / Nikhil Monteiro

Bien que les Émirats arabes unis aient déclaré 2019 l’« année de la tolérance », les dirigeants du pays n’ont fait preuve de tolérance pour aucune forme de dissidence pacifique. Ahmed Mansour, éminent défenseur des droits humains condamné à 10 ans de prison pour avoir simplement exercé son droit à la liberté d’expression, a observé une grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention et sa condamnation inique. Des militants ayant fini de purger leur peine, parfois depuis trois ans, sont restés incarcérés alors qu’aucun fondement légal ne le justifiait.

En juin, les Émirats arabes unis ont annoncé le retrait de leurs forces terrestres dans les opérations militaires qui se déroulent au Yémen sous la conduite de l’Arabie saoudite, mais les abus commis par les troupes yéménites bénéficiant du soutien des Émirats se poursuivent.

Liberté d’expression

En mars 2019, Ahmed Mansour, éminent défenseur des droits humains, a entamé une grève de la faim d'un mois afin de protester contre sa condamnation inique et ses conditions de détention déplorables. En 2017, Mansour a été arrêté par les Émirats arabes unis pour les propos qu’il aurait tenus, notamment sur les réseaux sociaux où il aurait publié de « fausses informations portant atteinte à l'unité nationale ». Les autorités l'ont détenu dans un lieu secret pendant plus d'un an sans qu’il puisse consulter un avocat, puis l'ont condamné en mai 2018 à 10 ans de prison. Sa condamnation a été confirmée le 31 décembre 2018 par la Cour suprême fédérale des Émirats arabes unis.

Nasser bin Ghaith, illustre universitaire, a continué de purger la peine de 10 ans de prison qui avait été prononcée contre lui après qu’il eut exprimé des propos critiques à l’encontre des autorités émiraties et égyptiennes. En mauvaise santé et privé des soins médicaux nécessaires dans la prison d’Al Razeen où il était incarcéré, Nasser bin Ghaith a entamé une grève de la faim de plusieurs mois en novembre 2018, soit la troisième connue depuis avril 2017.

En juillet 2019, l’universitaire britannique Matthew Hedges a déposé plainte contre les autorités émiraties auprès du Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire et de la Haute-Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme. Arrêté en mai 2018, il a ensuite été détenu à l’isolement, période au cours de laquelle il a déclaré avoir subi de mauvais traitements. Le 21 novembre 2018, la Cour d’appel fédérale des Émirats arabes unis l’a condamné à perpétuité pour espionnage. Il a été gracié cinq jours plus tard, suite au tollé international suscité.

En novembre 2019, deux Émiratis, Khalifa al-Rabea et Ahmed al-Mulla, qui avaient déjà purgé leurs peines pour atteinte à la sécurité de l’État depuis un à trois ans, restaient incarcérés. Ils avaient été condamnés pour leurs liens avec Al-Islah, parti politique islamiste enregistré que les Émirats arabes unis ont interdit en 2014 le considérant comme « terroriste ». Les autorités les ont arbitrairement maintenus derrière les barreaux pour « consultation », d’après des activistes émiratis. Le 5 août 2019, le président des Émirats arabes unis a gracié trois autres militants, qui étaient également restés incarcérés après expiration de leur peine, affirmant qu’ils étaient « revenus dans le droit chemin ». Les organes de presse émiratis ont diffusé une vidéo d’Osama al Najjar, de Badr al-Buhairi et d’Othman al Shehhi en train de dénoncer publiquement Al-Islah.

Abus contre des détenus et violations du droit à un procès équitable

Dans les affaires liées à la sécurité de l’État en particulier, les individus ont été sérieusement exposés à des cas de détention arbitraire et de mise au secret, de torture et de mauvais traitements, de maintien prolongé à l’isolement et de refus d’accès à un avocat. Des aveux forcés ont été utilisés comme preuve dans le cadre de poursuites judiciaires et des prisonniers se sont plaints de la médiocrité des conditions de détention et du manque de soins médicaux adéquats.

En 2017, un tribunal des Émirats arabes unis a déclaré Alia Abdel Nour coupable de terrorisme dans une affaire entachée d'allégations de torture et de violations graves du droit à un procès équitable. Alors qu’elle souffrait d’un cancer, elle s'est vu refuser les visites régulières de sa famille et, après son transfert vers un hôpital en novembre 2016, elle s’est retrouvée avec les mains et les pieds attachés à son lit pendant des périodes prolongées. Malgré la détérioration de son état de santé, les autorités ont ignoré les appels répétés lancés non seulement par sa famille, mais aussi par des organisations de défense des droits humains, des membres du Parlement européen et des experts des Nations Unies, afin de demander sa libération pour motifs humanitaires. Alia Abdel Nour est morte en prison le 4 mai 2019.

Le 13 février 2019, après plus d’un an de détention sans inculpation, huit ressortissants libanais ont assisté à leur première audience dans un procès pour terrorisme, accusés de liens avec le Hezbollah au Liban. Leur procès a été entaché d’allégations de mauvais traitements et d’aveux forcés. D’après leurs proches, ils ont été maintenus à l’isolement prolongé, n’ont eu droit à aucun contact avec leurs familles et leurs avocats, et n’ont pas eu la possibilité d’examiner les preuves présentées contre eux. Le 15 mai, un tribunal des Émirats arabes unis a condamné l’un d’eux à la réclusion à perpétuité, deux autres à 10 ans d’emprisonnement et a acquitté les cinq derniers.

Tout au long de l’année 2019, les autorités pénitentiaires des Émirats arabes unis ont refusé à des détenus non ressortissants vivant avec le VIH un accès régulier et continu aux médicaments antirétroviraux nécessaires à leur survie, ce qui constitue une violation flagrante de leur droit à la santé. Au moins deux prisons émiraties ont séparé les détenus vivant avec le VIH du reste des prisonniers et les ont exposés à une stigmatisation et à une discrimination systématique.

Attaques illégales au Yémen et abus contre des détenus

En 2019, malgré l’annonce du retrait de la majorité de leurs forces terrestres en juin, les Émirats arabes unis ont continué à participer aux opérations militaires menées par l’Arabie saoudite au Yémen et ont rappelé leur intention de maintenir leur présence à Aden et dans les gouvernorats du sud, ainsi que leur soutien à certaines forces yéménites.

Un rapport des Nations Unies publié le 3 septembre 2019 par le Groupe d’experts éminents sur le Yémen, nommé par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a fait état de graves abus commis par les forces soutenues par les Émirats arabes unis et par des groupes armés, notamment des disparitions forcées, des arrestations et détentions arbitraires, des cas de torture et d’autres mauvais traitements, tels que viols et autres formes de violence sexuelle. Le rapport a également établi qu’en 2018 et ce, jusqu’en 2019, les Émirats arabes unis et les forces qu’ils soutiennent avaient eu recours à des menaces et à des mesures d’intimidation pour empêcher des journalistes à Aden qui s’étaient montrés critiques envers les Émirats arabes unis d’accéder à des zones sous leur contrôle.

Travailleurs migrants

D’après les chiffres 2015 de l’Organisation internationale du travail, les ressortissants étrangers constituent plus de 80 % de la population des Émirats arabes unis.

Le système de kafala, qui permet d’obtenir un visa par parrainage, a continué de lier les visas des travailleurs migrants à leurs employeurs. Celles et ceux qui quittaient leur employeur sans autorisation étaient passibles de sanctions pour « abandon de poste », y compris d’amendes, de peines de prison et d’expulsions. De nombreux travailleurs migrants à faibles revenus restent à la merci du travail forcé.

Le droit du travail des Émirats arabes unis n’a prévu aucune protection pour les travailleuses et travailleurs domestiques, qui se sont retrouvés face à une multitude d’abus, tels que salaires impayés, séquestration, jusqu’à 21 heures de travail par jour, ainsi qu’abus physiques et sexuels commis par les employeurs. Les travailleuses et travailleurs domestiques ont rencontré des obstacles pratiques et juridiques pour obtenir réparation. S’il est vrai qu’une loi de 2017 sur les travailleurs domestiques leur garantit certains droits, ces protections sont inférieures à celles prévues dans le droit du travail et restent en deçà des normes internationales.

Droits des femmes

La définition de la discrimination inscrite dans la loi anti-discrimination émiratie de 2015 n’inclut pas la discrimination fondée sur le sexe et le genre.

Certaines dispositions de la loi fédérale n° 28 de 2005, qui réglemente les questions de statut personnel, sont discriminatoires à l’égard des femmes. Pour qu’une femme émiratie puisse se marier, son tuteur doit signer son contrat de mariage. Si une femme décide de divorcer, elle doit demander une ordonnance du tribunal tandis que les hommes peuvent divorcer unilatéralement de leur femme. Une femme peut perdre son droit à un soutien financier si elle refuse d’avoir des relations sexuelles avec son mari sans une excuse légitime, et la loi oblige les femmes à « obéir » à leur mari. Une femme peut être considérée comme désobéissante si elle travaille sans avoir obtenu le consentement préalable de son époux.

Depuis des modifications apportées en 2016, le Code pénal émirati ne permet plus explicitement les violences conjugales. Toutefois, il n'existe pas de loi qui qualifie les violences domestiques de crime. De même, le viol conjugal n'est pas considéré comme un crime.

Orientation sexuelle et identité de genre

L’article 356 du code pénal fédéral érige en crime (sans les définir) les « attentats à la pudeur », pour lesquels il prévoit une peine de prison d’un an minimum. Les tribunaux des Émirats arabes unis se servent de cet article pour inculper et condamner des personnes ayant eu des relations homosexuelles ou des rapports hétérosexuels hors mariage consentis. Les femmes sont plus largement touchées car la grossesse est utilisée comme preuve de relation sexuelle extraconjugale et les femmes signalant un viol peuvent au lieu de cela se voir poursuivies pour rapport sexuel consenti. Le code pénal émirati punit « tout homme portant des vêtements féminins qui se trouve dans un endroit dont l’accès est réservé aux femmes » d’une peine d’un an de prison, d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 dirhams (environ 2500 euros), voire des deux. En réalité, des femmes transgenres ont été arrêtées en application de cette loi même si elles se trouvaient dans des lieux mixtes.

Plusieurs émirats disposent de lois dans lesquelles les relations homosexuelles sont considérées comme un crime. À Abou Dhabi, « tout acte sexuel non naturel avec une autre personne » est punissable d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 14 ans. Selon l’article 177 du code pénal de Dubaï, la sodomie consensuelle peut être sanctionnée d’une peine de prison maximale de 10 ans.

Principaux acteurs internationaux

En janvier, le Danemark a annoncé qu’il cessait ses ventes d’armes aux Émirats arabes unis. En février, des enquêtes menées par CNN et Amnesty International ont révélé que les Émirats arabes unis fournissaient des armes de fabrication américaine et européenne à plusieurs milices au Yémen. En juillet 2019, aux États-Unis, une tentative d’embargo du Congrès sur la vente de plusieurs milliards de dollars d’armes aux Émirats arabes unis et à l’Arabie saoudite a échoué après que le président Donald Trump a opposé son véto à ces résolutions. Entre janvier et juin, le gouvernement allemand a accepté d’exporter pour 26,1 millions de dollars US (23,4 millions d’euros) d’armements aux Émirats arabes unis.

En 2019, les autorités émiraties ont adopté une stratégie de « soft power » visant à présenter leur pays comme un État progressif, tolérant et respectueux des droits. En février, à la suite de l’invitation du cheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyane, prince héritier d’Abou Dhabi, le pape François s’est rendu aux Émirats arabes unis, où il a célébré une messe publique, s’est réuni en privé avec le prince héritier et a assisté à une rencontre interreligieuse. Le pape n’a pas soulevé publiquement la question des abus perpétrés par les Émirats arabes unis et rien ne semble indiquer qu’il ait abordé la question des droits humains en privé.