Rethinking the War on Drugs

La guerre contre la drogue

Mettre fin à la guerre contre la drogue : le contexte des droits humains

Depuis plus de 50 ans, une « guerre contre la drogue » est menée à l’échelle internationale. Mais l’objectif avéré – un monde sans consommation illicite de drogues – est loin d’être atteint. Malgré les milliards de dollars dépensés, l'utilisation de drogues illicites a en fait augmenté et ces drogues sont même aujourd’hui plus accessibles, à un moindre prix, qu’auparavant. En outre, la guerre contre la drogue a engendré de manière imprévue des conséquences désastreuses, comme la multiplication d'actes de violence et d'atteintes aux droits humains, ainsi que la propagation de maladies infectieuses dans de nombreux pays. En 2013, la Colombie, le Guatemala et le Mexique – trois des pays les plus affectés – ont appelé à une session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies à ce sujet, en soulignant que « la révision de l'approche sur les drogues ... ne peut plus être reportée ». À l’approche de cette session, prévue en avril 2016, Human Rights Watch publie une série de blogs expliquant les enjeux en matière de droits humains de la « guerre contre la drogue » dans divers pays. Liste complète en anglais : www.hrw.org/blog-feed/revisiting-war-drugs . Ci-dessous figurent les blogs traduits en français.

Guerre contre la drogue en Tunisie : en prison pour un joint

« Mon neveu a été arrêté hier. Il fait des études d’ingénieur à Paris et était en vacances dans le sud [de la Tunisie]. La police l'a contraint à faire un test d'urine, qui s’est avéré positif [au cannabis] ».

Des appels comme celui-ci, j’en ai beaucoup reçu depuis que Human Rights Watch a publié un rapport sur les peines sévères infligées aux personnes arrêtées en possession de même une petite quantité de cannabis en Tunisie. Mes interlocuteurs veulent savoir comment nous pouvons aider leurs enfants ou leurs amis ayant été arrêtés.

La vérité, c’est que nous ne pouvons pas faire grand-chose. Jusqu'à ce que le Parlement révise la Loi n° 92-52 relative aux stupéfiants, dite « Loi 52 », qui prévoit un an de prison an obligatoire pour les individus arrêtés pour la première fois en possession de cannabis ou qui en consomment, la police continuera d’incarcérer les suspects en attendant les résultats du test d'urine. Un test positif se traduit généralement par un an de prison.

Adoptée en 1992, la « Loi 52 » prive les juges de toute latitude pour réduire la peine ou envisager des sanctions alternatives. Elle impose une durée minimale de cinq ans de prison pour les récidivistes.

En 2015, 7 451 personnes condamnées pour des infractions liées aux stupéfiants étaient incarcérées en Tunisie, selon les statistiques officielles. Environ 70 pour cent d'entre elles – près de 5 200 personnes – ont été reconnues coupables de consommation ou de possession du cannabis, connu localement sous le terme de « zatla ». Cela signifie que des milliers de jeunes gens pour la plupart, sans casier judiciaire, échouent dans des cellules surpeuplées aux côtés de criminels endurcis. Une fois remis en liberté, ils font face à un marché du travail difficile, même pour les personnes n’ayant pas de casier judiciaire. Le coût pour l’État tunisien est considérable: les personnes condamnées pour infractions relatives aux stupéfiants forment 28% de la population carcérale nationale.

Ces problèmes sont reconnus par le gouvernement tunisien. Fin 2015, il a présenté un projet de loi au Parlement qui abolirait des peines de prison pour les primo-délinquants dans les cas de consommation ou de possession de stupéfiants sans précédent. Ce texte vise également à faire disparaître le caractère obligatoire de la peine de prison, ce qui autoriserait les juges à préférer des sanctions non privatives de liberté. Mais, trois mois plus tard, la loi n'a pas encore été examinée par le Parlement, sans justification apparente à ce retard. Simultanément, l'application de la « Loi 52 » par la police continue d’avoir un impact considérable sur la vie de nombreux jeunes Tunisiens. Le Parlement devrait agir rapidement pour remédier à cette situation ou, s’il continue à tergiverser, un moratoire sur l'application des lois relatives à la possession de stupéfiants pour les délinquants sans casier judiciaire devrait être envisagé.