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(Washington, le 16 septembre 2009) - Le gouvernement militaire birman a au cours des deux dernières années plus que doublé le nombre de prisonniers politiques, dont plus d'une centaine emprisonnés ces derniers mois, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans un nouveau rapport. La Birmanie compte aujourd'hui plus de 2 200 prisonniers politiques, notamment des personnes condamnées à de longues peines d'emprisonnement pour avoir participé à des manifestations pacifiques en 2007 et aidé les civils au lendemain du terrible cyclone Nargis en 2008.

Le rapport de 35 pages, intitulé « Les prisonniers oubliés de Birmanie » (« Burma's Forgotten Prisoners »), expose le sort de dizaines de militants politiques, de moines bouddhistes, de défenseurs du droit des travailleurs, de journalistes et d'artistes de premier plan arrêtés depuis les manifestations politiques pacifiques de 2007 et condamnés à des peines de prison excessives après des procès inéquitables. Ce rapport a été rendu public le 16 septembre 2009, lors d'une conférence de presse à Washington, en présence de la sénatrice Barbara Boxer.

Human Rights Watch a déclaré que les dirigeants birmans devraient libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers politiques de Birmanie s'ils souhaitent que les élections de 2010 soient crédibles. « Les élections prévues par les généraux birmans pour l'année prochaine ne seront qu'une mascarade si leurs opposants sont en prison », a affirmé Tom Malinowski, directeur de plaidoyer de Human Rights Watch à Washington.  « Malgré les récentes visites conciliatrices effectuées par des officiels étrangers et les Nations Unies, le gouvernement militaire jette actuellement dans ses prisons sordides un nombre croissant de ses détracteurs. »

La publication du rapport marque le lancement de la campagne mondiale « 2100 avant 2010 » ( « 2100 by 2010 » ), organisée par Human Rights Watch et visant la libération de tous les prisonniers politiques en Birmanie avant les élections de 2010.

« Nous avons intitulé cette campagne "2100 by 2010"en juillet, mais depuis le nombre de prisonniers a augmenté pour atteindre environ 2 250 », a observé M. Malinowski. « Les États-Unis, la Chine, l'Inde et les pays voisins de la Birmanie en Asie du Sud- Est devraient faire de la libération de tous les prisonniers politiques un objectif central de leur engagement auprès de la Birmanie et utiliser tous les outils d'influence et les moyens de pression dont ils disposent pour atteindre cet objectif. »

Dans une lettre datée du 9 septembre et adressée à la Secrétaire d'État américaine Hillary Rodham Clinton, Human Rights Watch a appelé les États-Unis à terminer leur examen de politique générale sur la Birmanie et à se concentrer sur la défense des droits humains à travers une diplomatie fondée sur des principes, des sanctions financières plus dures et une aide humanitaire renforcée mais correctement encadrée.

Depuis des années, les opposants politiques, les militants et tous ceux qui ont eu le courage de se prononcer contre le gouvernement militaire, ou de critiquer ses actions ou sa politique ont été régulièrement enfermés dans les prisons birmanes. On connait l'existence de 43 prisons où sont détenus des militants politiques en Birmanie, ainsi que de plus de 50 camps de travail où les prisonniers sont forcés d'exécuter des travaux harassants.

La répression s'est intensifiée après que la révolte populaire menée en partie par des moines en août et septembre 2007 a été écrasée par le gouvernement. Des tribunaux siégeant à huis-clos et d'autres siégeant dans les prisons ont condamné à de lourdes peines carcérales plus de 300 personnalités politiques, défenseurs des droits humains, défenseurs du droit des travailleurs, artistes, journalistes, comédiens, auteurs de blogs, ainsi que des moines et nonnes bouddhistes. Certaines condamnations prononcées dépassaient cent ans. Les militants ont majoritairement été poursuivis en vertu des dispositions de l'archaïque Code pénal birman qui criminalise la libre expression, les manifestations pacifiques et la création d'organisations indépendantes. Plus de 20 militants et journalistes de premier plan, parmi lesquels le comédien le plus célèbre de Birmanie, Zargana, ont été arrêtés après avoir ouvertement parlé des obstacles à l'aide humanitaire ayant fait suite au passage du cyclone Nargis, qui a frappé la Birmanie en mai 2008.

La brutalité du gouvernement militaire a été à nouveau mise en évidence en août dernier avec l'arrestation, le procès prolongé et inéquitable puis la condamnation de la lauréate du prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, après qu'un Américain se soit introduit dans son domicile. Mme Suu Kyi, dont le parti, la Ligue nationale pour la démocratie, a remporté les dernières élections en Birmanie en 1990, a passé 14 de ces 20 dernières années en prison ou assignée à domicile.

« Il est important d'obtenir la libération de Suu Kyi non seulement pour son propre bien-être mais aussi car cela faciliterait la mise en place d'un processus qui autoriserait l'opposition à participer pleinement aux élections et aux activités civiques en Birmanie », a expliqué M. Malinowski. « Cependant, Mme Suu Kyi n'est pas la seule personne à subir des persécutions pour ses opinions politiques. Le comédien Zargana, emprisonné pour avoir critiqué la réaction affligeante du gouvernement face au cyclone Nargis, ou encore Su Su Nway, une militante courageuse qui a mené des manifestations dans les rues, méritent également que le monde leur prête attention. »

Le rapport « Les prisonniers oubliés de Birmanie » dresse le portrait de nombreux prisonniers politiques, dont :

  • Zargana: En novembre 2008, un tribunal de Rangoon a condamné le célèbre comédien et militant social Zargana à 59 ans d'emprisonnement (peine réduite par la suite à 35 ans) pour avoir participé à des actions d'aide humanitaire et avoir exprimé dans les médias internationaux sa frustration liée aux obstacles à l'aide apportée aux victimes du cyclone Nargis. Auparavant, Zargana avait déjà été placé en détention pendant un an suite aux manifestations de 1988 en faveur de la démocratie en Birmanie et emprisonné pendant quatre ans, entre 1990 et 1994, en raison de ses discours politiques. La police a de nouveau arrêté Zargana en septembre 2007 pour avoir soutenu publiquement les manifestations des moines et l'a placé en détention pendant 20 jours. Zargana purge actuellement sa peine dans une prison à Myitkyina, dans l'État de Kachin, au Nord de la Birmanie, région connue pour ses hivers très rudes et difficile d'accès pour les proches. La mère de Zargana, Daw Kyi Oo, est décédée en mars 2009, alors qu'il était en prison.
  • U Gambira: Le 4 novembre 2007, les autorités birmanes ont arrêté U Gambira, 28 ans, l'un des principaux leaders de l'Union des moines birmans (All-Burma Monks Alliance) qui a joué un rôle majeur lors des manifestations de septembre 2007. Le jour de son arrestation, le Washington Post a publié un article d'opinion qu'il avait rédigé et dans lequel on pouvait lire: «Le recours du régime aux arrestations de masse, au meurtre, à la torture ou à l'emprisonnement n'ont pas réussi à anéantir notre désir de retrouver la liberté qui nous a été volée il y a tant d'années.» Le 21 novembre 2007, U Gambira a été condamné à une peine totale de 68 ans de prison (réduite depuis à 63 ans), dont 12 ans de travaux forcés. Son frère Aung Ko Ko Lwin a été condamné à 20 ans d'emprisonnement pour l'avoir caché et a été envoyé à la prison de Kyaukpyu, dans l'État d'Arakan. Son beau-frère, Moe Htet Hlyan, a également été emprisonné pour avoir aidé U Gambira lorsque celui-ci était poursuivi par les autorités.
  • Su Su Nway: En 2005, la militante du droit des travailleurs Su Su Nway est devenue la première personne à avoir engagé avec succès des poursuites contre les autoritéslocales pour avoir eu recours aux travaux forcés, violation des droits humains courante en Birmanie. Su Su Nway, qui souffre de problèmes cardiaques, a été condamnée à un an et demi d'emprisonnement en octobre 2005 pour avoir «tenu des propos injurieux vis-à-vis des autorités». En 2006, elle a reçu le prix John-Humphrey pour la liberté, décerné par Droits et Démocratie, un groupe canadien de défense des droits humains. Elle a été arrêtée de nouveau en novembre 2007, après avoir pris la tête de manifestations pacifiques plus tôt dans l'année. En novembre 2008, elle a été condamnée à 12 ans et demi de prison après avoir été accusée de trahison et d'avoir «tenté de provoquer la peur ou de causer préjudice à la population».
  • Min Ko Naing: Né en 1962, Min Ko Naing est un ancien président de la Fédération des syndicats étudiants de Birmanie (ABFSU) et l'un des étudiants meneurs lors du «soulèvement du 08/08/88» contre la junte birmane qui a commencé le 8 août 1988. Arrêté en 1989, il a été condamné à 20 ans de prison pour avoir été l'instigateur de «troubles au détriment de la loi, de l'ordre et de la paix». En novembre 2004, il a été libéré après avoir passé 15 ans en prison. Suite à sa participation à des manifestations pacifiques en août 2007, il a été arrêté avec d'autres meneurs du mouvement du 08/08/88. Le 11 novembre 2008, il a été révélé par certaines sources que Min Ko Naing a été périodiquement victime de torture au cours de sa détention.

Human Rights Watch a fait part de sa profonde préoccupation quant à la santé d'un grand nombre de prisonniers détenus dans des endroits isolés, dans des conditions sanitaires et médicales déplorables. Le gouvernement birman devrait immédiatement autoriser la reprise des visites du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans les prisons afin que le CICR puisse fournir assistance aux détenus, et permettre l'accès aux autres organisations humanitaires indépendantes. Le gouvernement devrait également mettre un terme à sa pratique honteuse et punitive consistant à transférer les prisonniers dans des zones reculées, ce qui représente une énorme difficulté pour les familles souhaitant rendre visite aux prisonniers et leur apporter des médicaments et des vivres dont ils ont urgemment besoin.

« Au lieu d'être persécutées et emprisonnées, les personnes telles que Zargana, U Gambira, Su Su Nway et Min Ko Naing devraient être autorisées à venir en aide à leur pays », a conclu M. Malinowski. « Lors de leurs déplacements en Birmanie, les délégués officiels étrangers ne devraient pas uniquement demander à rencontrer Aung San Suu Kyi, mais également d'autres militants politiques birmans dans le but de solliciter leur opinion et de montrer leur soutien à leurs activités courageuses et importantes. »

Human Rights Watch a déclaré que durant cette période décisive, les alliés du gouvernement birman tels que la Chine, l'Inde, le Japon, la Russie et les membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), ainsi que les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Secrétaire général des Nations Unies et d'autres représentants de la communauté internationale devraient utiliser leur influence pour demander instamment la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques en Birmanie.

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