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L’Afrique – ou du moins la moitié du continent - soutient les victimes nord-coréennes d’atrocités

Publié dans: Mail and Guardian

Le 18 novembre, 111 pays ont démontré leur soutien à l’égard du peuple nord-coréen en votant à l'Assemblée générale de l'ONU pour une résolution appelant à la justice internationale, conformément aux recommandations d'un récent rapport de 400 pages des Nations Unies qui détaillait des crimes horribles contre l'humanité commis en Corée du Nord.

Parmi les 20 États africains qui ont voté « oui » figuraient le Botswana, qui a coparrainé la résolution, ainsi que le Burundi, la Côte d'Ivoire, le Rwanda et la Somalie, qui ont eux-mêmes été le théâtre de graves crimes contre l'humanité. Chacun des 20 États africains ayant voté pour la résolution devrait être félicité.

Toutefois, d'autres États qui ont dans le passé soutenu la résolution annuelle concernant la Corée du Nord — et qui sont par ailleurs des pays membres de la Cour pénale internationale (CPI) — se sont abstenus cette année, dont le Gabon, la Gambie et la Tanzanie. De manière significative, le Sénégal, en passe d’assumer la présidence de l'Assemblée des États parties de la CPI, s’est également abstenu de condamner les atrocités perpétrées en Corée du Nord.

Pourquoi certains pays africains ont-ils modifié leurs votes, et pourquoi 27 États africains se sont-ils abstenus au vu de violations des droits humains flagrantes que le rapport de l'ONU a caractérisées comme étant « [sans] aucun parallèle dans le monde contemporain » et perpétrées « dans le cadre de politiques établies au plus haut niveau de l'État » ?

Frustration au sujet de la CPI

L’une des raisons est peut- être liée à un sentiment de frustration éprouvé par certains États africains, compte tenu de l'accent mis exclusivement sur l’Afrique par la CPI à ce jour. Pourtant, le cas de la Corée du Nord est une occasion pour les États africains de montrer qu'ils soutiennent les victimes d'abus ignobles, où qu'elles se trouvent. En fait, l’éventuel renvoi de la situation en Corée du Nord à la CPI est attendu depuis longtemps.

Le bilan de la Corée du Nord en matière de droits humains constitue un défi flagrant au droit international, et la communauté internationale devrait prendre des mesures sérieuses afin que Pyongyang rende des comptes. Le soutien des États africains est essentiel pour contrer les arguments éculés du gouvernement nord-coréen, selon lesquels tout effort visant à améliorer la situation des droits humains ne serait qu’un complot visant à le renverser.

Une autre raison possible est la récente « offensive de charme » menée par la Corée du Nord. Dans les mois qui ont précédé le vote historique à l’ONU, la crainte que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un puisse un jour être tenu de rendre compte de ses crimes a propulsé le lobbying international de Pyongyang à des niveaux sans précédent.

Les diplomates se sont déployés de la Russie jusqu’à Bruxelles pour essayer de parer l'effort en faveur de la justice. L’Afrique a également été la cible de cette offensive de charme : Kim Yong-nam, le président du parlement nord-coréen, s’est récemment rendu en République démocratique du Congo, au Soudan et en Ouganda pour chercher du soutien. La RD Congo et l'Ouganda ont figuré parmi les États qui se sont abstenus lors du vote, tandis que le Soudan, l'Égypte et le Zimbabwe ont de manière honteuse été les trois pays de la région qui ont voté « non ».

Nouvelle stratégie nord-coréenne

En outre, pour la première fois depuis la création de son mandat en 2003, des diplomates nord-coréens ont fini par rencontrer le mois dernier le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits humains en Corée du Nord.  Ils ont fait miroiter la possibilité d'une visite de celui-ci dans le pays, en échange de la suppression de termes clés sur la responsabilisation qui figuraient dans la résolution. Mais une fois qu’il était clair que l’obligation de rendre des comptes n’était pas un élément négociable, la Corée du Nord a publié une déclaration furieuse faisant part de son refus de participer à d’autres consultations.

De toute évidence, ce pays n’est disposé à participer à un dialogue que selon ses propres termes, avec l'objectif principal d'éviter que justice soit rendue pour les crimes contre l'humanité.

Cependant les États africains qui se sont abstenus lors du vote du 18 novembre auront une nouvelle occasion de se ranger du bon côté de l'Histoire, en ce qui concerne les violations brutales commises par le régime nord-coréen.

L’Assemblée générale de l'ONU dans son ensemble examinera la résolution relative à la Corée du Nord vers le 15 décembre, et les gouvernements – dont le Sénégal – devraient saisir cette occasion pour voter « oui ». Un tel soutien enverrait un message clair que le monde soutient les innombrables victimes qui ont été persécutées depuis trop longtemps par le gouvernement nord-coréen. Ceci permettrait aussi de mieux isoler la Corée du Nord ainsi que ses alliés qui préfèrent fermer les yeux sur des crimes contre l'humanité, et de montrer que la justice internationale est réellement applicable partout dans monde.

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Daniel Bekele et Phil Robertson sont respectivement le directeur de la division Afrique et le directeur adjoint de la division Asie de Human Rights Watch.

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