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Macédoine : Nouveaux placements en détention de demandeurs d'asile

Ces personnes sont détenues sans bénéficier de garanties judiciaires adéquates

(Bruxelles, le 22 décembre 2015) – L'Ancienne République yougoslave de Macédoine a repris la pratique de la détention arbitraire visant les migrants et les demandeurs d'asile, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les détentions sont manifestement destinées à obtenir des témoignages dans le cadre des poursuites pénales ouvertes contre des individus soupçonnés de se livrer au trafic de migrants.

Selon des organisations non gouvernementales basées en Macédoine, le Bureau de l'Ombudsman de Macédoine, une agence internationale, ainsi que les informations de médias locaux, les autorités macédoniennes détiennent des dizaines de personnes, la majorité d'entre elles en provenance d'Iran et du Maroc, dans un centre d'accueil pour étrangers, le centre de détention de Skopje. Il est également connu sous le nom de Gazi Baba, d’après celui de la municipalité où il est situé. Les détenus ne sont pas informés des raisons juridiques et de la durée de leur détention et sont privés d’accès à des interprètes ou à des garanties judiciaires visant à contester la légalité de leur détention, ont signalé ces sources.

« Il est attristant de voir la Macédoine remettre en détention des demandeurs d'asile et des migrants sans aucune possibilité pour eux de contester leur détention », a déclaré Emina Ćerimović, chercheuse à Human Rights Watch. « La Macédoine viole la loi et devrait renoncer une fois pour toutes à mettre des témoins potentiels derrière les barreaux ».

Des hommes derrière le grillage du centre de détention de Gazi Baba, en Macédoine, le 21 janvier 2015. © 2015 Emina Ćerimović

La détention à durée indéterminée, lorsqu’elle n’a aucune justification et que la personne incarcérée n’a pas la capacité réelle de contester sa détention, constitue une détention arbitraire en violation du droit international, a rappelé Human Rights Watch. La détention motivée par le fait de trouver des témoins dans le cadre de procédures pénales est également illégal en vertu du droit national et devrait cesser.

En 2015, Human Rights Watch a documenté la détention arbitraire de migrants et de demandeurs d'asile à Gazi Baba, y compris d’enfants, afin de garantir leur disponibilité pour témoigner dans le cadre de poursuites pénales ouvertes à l’encontre d’individus soupçonnés de se livrer à un trafic de migrants. Human Rights Watch a constaté des maltraitances systématiques de la part des gardes de Gazi Baba, y compris des violences physiques et verbales, et des conditions de détention inhumaines et dégradantes. Certaines des femmes détenues ont subi des violences sexistes par les gardes. Aucun de ces détenus n’a eu accès à des garanties judiciaires pour contester leur détention.

En juillet, suite à l'intervention du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, d’organisations locales et de groupes internationaux, les autorités macédoniennes ont cessé la détention de migrants et de demandeurs d'asile, permettant à ce derniers de se déplacer librement à travers le pays.

Depuis le 18 novembre toutefois, la Macédoine a recouru à la pratique discriminatoire de triage par nationalité des demandeurs d'asile et des migrants à leur frontière, indépendamment de leurs demandes éventuelles de protection. Cette pratique a permis à ceux qui pouvaient prouver qu’ils sont originaires de Syrie, d'Afghanistan et d'Irak d’entrer dans le pays ou de déposer une demande d'asile. D'autres sont restés bloqués à la frontière avec la Grèce. D’autres pays des Balkans occidentaux, y compris des Etats membres de l'Union européenne comme la Croatie et la Slovénie, ont imposé des restrictions similaires.

Selon des organisations locales et le Bureau de l'Ombudsman de Macédoine, les personnes détenues à Gazi Baba ont été appréhendées pour avoir tenté de franchir clandestinement la frontière avec l'aide d'un passeur, après s’être vues refuser l'entrée sur la base de leur nationalité. On ignore combien de personnes sont détenues.

Le 17 décembre, jusqu'à 55 hommes et femmes se trouvaient à Gazi Baba, la majorité en provenance d’Iran et du Maroc. Le 19 décembre, 13 personnes ont été libérées et transférées au centre d'accueil pour y déposer une demande d'asile. La semaine du 14 décembre, le Bureau de l'Ombudsman de Macédoine a rendu visite à Gazi Baba. Un représentant a déclaré à Human Rights Watch avoir trouvé les détenus dans des chambres sales, sans accès adéquat à des lits, des matelas ou des oreillers, et insuffisamment alimentés.

Les détenus ont accès à des avocats de l'Association des jeunes avocats de Macédoine (MYLA), a précisé le groupe à Human Rights Watch. Cependant, ces derniers ne sont autorisés qu’à informer et conseiller les détenus sur la procédure de demande d'asile, pas à contester leur détention.

Le ministère de l'Intérieur macédonien n'a pas répondu à une requête en date du 11 décembre de Human Rights Watch sur les raisons pour lesquelles la Macédoine ne permet pas aux individus de certaines nationalités d'entrer dans le pays, ainsi que sur la base juridique de la détention des migrants et des demandeurs d'asile à Gazi Baba, et leurs conditions de détention.

La rétention administrative prolongée sans justification ou la possibilité d'un réexamen significatif viole l'interdiction de la détention arbitraire prévue par l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par l’article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. La détention systématique à Gazi Baba dans le but d’identifier des témoins à des fins de poursuites pénales n’est pas inscrite dans la législation nationale.

La ségrégation fondée sur la nationalité et le rejet sommaire des demandes sans détermination individuelle est contraire au droit de demander l'asile énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme; au principe de non-discrimination en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme; et au droit d'asile en vertu de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

« La Macédoine, qui aspire à intégrer l'Union européenne, doit cesser immédiatement la détention de migrants et de demandeurs d'asile en l’absence de justification légale », a déclaré Emina Ćerimović. « L'Union européenne devrait contraindre Skopje à mettre fin à ses pratiques discriminatoires à la frontière et à veiller à ce que les gens soient traités avec humanité et leur droit de demander l'asile respecté ».

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