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À son arrivée à l'aéroport de Tunis le 24 mai, Rihab May était prête à partir en vacances. Cette jeune femme de 24 ans avait préparé ses bagages, était en possession d'un passeport valide, d'un billet d'avion aller-retour, d'une réservation d'hôtel et d'une autorisation de voyager de son père dûment légalisée à la municipalité.

Vous avez bien lu: une autorisation de son père. Ce document est exigé de tout citoyen tunisien de moins de 35 ans souhaitant se rendre dans certains pays. Le gouvernement a commencé à l'exiger pour les femmes en 2013, puis l'a étendu aux deux sexes en 2015, affirmant que cela aiderait à contenir le flux de jeunes Tunisiens qui partent rejoindre les causes djihadistes en Syrie, en Irak ou en Libye.

Cependant, comme Rihab l'a appris à ses dépens, la police de l'aéroport peut éconduire arbitrairement des voyageurs même s'ils se conforment à cette exigence, qui n'a aucun fondement juridique dans la loi tunisienne.

Quand Rihab a présenté l'autorisation de voyager signée par son père, l'agent de police chargé du contrôle des passeports lui a demandé de se mettre à l'écart et d'attendre, m'a-t-elle dit. Elle l'a alors entendu dire à son collègue: « Les femmes deviennent trop émancipées ces temps-ci. » Une heure plus tard, deux autres agents de police sont arrivés. L'un d'eux lui a demandé: « Que faites-vous dans la vie? » et « Pourquoi vos cheveux sont-ils blonds? » Puis ils lui ont dit qu'elle ne voyagerait pas ce jour-là. Quand Rihab a demandé pourquoi, l'un d'eux a répondu: « Allez poser la question au ministre de l'Intérieur. »

Au-delà du ton sexiste employé par les agents, cet incident est la dernière illustration d'une tendance aux restrictions arbitraires de voyage par la police. Human Rights Watch a documenté huit cas, en 2015, dans lesquels les autorités chargées du contrôle des passeports à l'aéroport de Tunis ont refusé de laisser partir des Tunisiens, certains parce qu'ils n'étaient pas munis d'une autorisation parentale, d'autres pour des raisons qu'ils n'ont pas précisées.

Exiger que des adultes se munissent de l'autorisation de leur père pour voyager n'a aucun fondement juridique en Tunisie. La constitution du pays, tout comme le droit international, consacre le droit à la liberté de mouvement et la garantit contre toute discrimination. La police a besoin du mandat d'un tribunal ou, dans certains cas, d'un ordre d'un procureur pour empêcher quelqu'un de voyager à l'étranger.

Les médias tunisiens ont déclenché un tollé en rapportant la mésaventure de Rihab et les autorités de l'aéroport l'ont laissée partir pour Belgrade trois jours plus tard. Mais si le gouvernement ne contient pas ce genre de dérives, Rihab ne sera sans doute pas la dernière des citoyens tunisiens à être éconduits sans raison valable au contrôle des passeports.

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MosaiqueFM.net 30.05.16


 

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