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Chine : En finir avec la thérapie de conversion en milieu médical

Pékin devrait promulguer et faire appliquer des mesures de protection des personnes LGBT pour lutter contre les abus

© 2017 Jun Cen pour Human Rights Watch

(Hong Kong, le 15 novembre 2017) - Le gouvernement chinois devrait prendre des mesures immédiates pour empêcher les hôpitaux publics et les cliniques privées d’offrir des thérapies de conversion, a déclaré Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd’hui. Les « traitements » proposés par ces établissements, qui visent à changer l’orientation homosexuelle ou bisexuelle d’un individu en orientation hétérosexuelle, sont intrinsèquement discriminatoires et abusifs.

« Cela fait plus de 20 ans que la Chine a dépénalisé l’homosexualité, mais les LGBT sont toujours internés, traités avec des médicaments et même soumis à des chocs électriques pour changer leur orientation sexuelle », a déclaré Graeme Reid, Directeur de la division Droits des personnes LGBT à Human Rights Watch. « Si les autorités chinoises veulent vraiment mettre fin à la discrimination et aux abus contre les personnes LGBT, il est temps de mettre fin à cette pratique dans les centres médicaux. »

Le rapport de 52 pages, intitulé “« ‘Have You Considered Your Parents’ Happiness?’: Conversion Therapy Against LGBT People in China » (« Avez-vous pensé à ce que vos parents vont dire ? Les thérapies de conversion des personnes LGBT en Chine »), s’appuie sur des entretiens avec 17 personnes ayant vécu une thérapie de conversion. Il décrit comment des parents ont menacé, contraint et parfois forcé physiquement leurs enfants, qu’ils soient adultes ou adolescents, à se soumettre à une thérapie de conversion. Dans les établissements qui la proposent – dont certains sont des hôpitaux publics gérés et contrôlés par le gouvernement et des cliniques privées agréées et supervisées par la Commission nationale de la Santé et du Planning familial – les professionnels de santé les ont soumis à une « thérapie » entraînant dans certains cas des placements d’office en hôpital et l’administration forcée de médicaments et d’électrochocs, qui peuvent constituer des formes de torture.

La Société chinoise de Psychiatrie a officiellement retiré le terme d’« homosexualité » de la Classification chinoise des troubles mentaux en 2001. La loi chinoise de 2013 sur la santé mentale exige que le diagnostic et le traitement des troubles mentaux soient conformes aux normes de diagnostic. Puisque l’attirance pour une personne du même sexe n’est pas une pathologie, la loi rend la thérapie de conversion illégale. La loi exige en outre que le diagnostic et le traitement des troubles mentaux respectent les droits fondamentaux des individus et la dignité humaine.

Pourtant, les autorités chinoises n’ont pas pris de mesures proactives pour empêcher les établissements de santé ou les praticiens de proposer des traitements de conversion, comme la publication de lignes directrices claires interdisant ce type de traitements ou la surveillance des établissements pour déterminer si ces thérapies sont pratiquées, et le cas échéant, pour faire en sorte que ces établissements soient tenus responsables.

Si la Société chinoise de Psychiatrie a publié des règles professionnelles interdisant la discrimination en raison de l’orientation sexuelle pendant les consultations des psychologues, les associations professionnelles n’ont pas empêché les praticiens de mettre en place des thérapies de conversion. Les 17 personnes interrogées par Human Rights Watch ont insisté sur le fait qu’elles ne se seraient pas soumises à une thérapie de conversion si elles n’avaient pas subi de fortes pressions familiale et sociale. Aucune de ces personnes n’a consenti au traitement de manière libre et éclairée. Trois d’entre elles ont dit avoir tenté de s’échapper des établissements où ils étaient hospitalisés. L’un d’entre eux, Luo Qing, a décrit sa tentative de fuite: « Je m’étais approché très près de la porte qui n’était pas gardée, mais avant que je puisse l’ouvrir, deux agents de sécurité m’ont rattrapé. Juste après, je me suis retrouvé au sol. »

Cinq personnes ont raconté à Human Rights Watch la « thérapie » par électrochocs qu’ils avaient subie dans le cadre de leur «traitement» de conversion. Ils étaient stimulés – le plus souvent avec des images, des vidéos ou des descriptions verbales d’actes homosexuels – et recevaient simultanément des électrochocs qui leur faisait ressentir une douleur ou de l’inconfort. Les patients étaient ainsi censés associer leur homosexualité à des sensations désagréables ou douloureuses, en vue de réprimer leurs pulsions sexuelles envers les personnes du même sexe. Sur ces cinq personnes, quatre ont assuré qu’ils ignoraient qu’ils allaient subir à un tel traitement, ce qui a encore aggravé leur traumatisme. Comme l’a expliqué Liu Xiaoyun (pseudonyme) : « Ils ont augmenté l’intensité des électrochocs et au lieu d’être simplement engourdi, j’ai commencé à ressentir de la douleur. J’avais l’impression ... d’avoir des aiguilles qui me perçaient la peau. Quelques minutes plus tard, mon corps s’est mis à trembler... Ce n’est que plus tard encore que j’ai réalisé que c’était une machine à électrochocs. »

Onze personnes interviewées par Human Rights Watch ont également été forcées de prendre des médicaments par voie orale ou par injection dans le cadre de leur « traitement ». Aucune n’a été informée du rôle des médicaments ou des risques potentiels liés à leur usage. Le personnel médical s’assurait toujours que les individus concernés prenaient ces médicaments, même en cas de résistance.

Presque toutes les personnes interrogées par Human Rights Watch ont affirmé avoir été victimes de harcèlement verbal et avoir été la cible d’insultes de la part de médecins et de psychiatres, notamment des termes tels que « malade », « pervers », « maladie », « anormal » et « sale ». Zhikun a raconté sa conversation avec un médecin, qui s’est déroulée dans ces termes : « C’est ce que m’a dit le docteur: “ [L’homosexualité] relève de la promiscuité sexuelle et elle est immoral. Si vous ne changez pas sur ce point, vous tomberez malade et vous mourrez du SIDA. Votre vie de famille ne sera jamais heureuse ... Avez-vous pensé à ce que vos parents vont dire?” »

Selon les directives de la Commission nationale de la Santé et de la Planification familiale, toutes les provinces, municipalités et régions autonomes doivent enquêter sur les activités menées dans les hôpitaux et cliniques en violation de la loi de 2013 sur la santé mentale. Mais lorsque Human Rights Watch a contacté le bureau chargé de surveiller la mise en œuvre de cette loi, un agent a déclaré ne pas être au courant d’abus liés à la thérapie de conversion.

Aucune des personnes interrogées par Human Rights Watch qui ont suivi une thérapie de conversion n’a choisi de porter plainte. Certains ont expliqué qu’ils craignaient que leur orientation sexuelle soit rendue publique.

Deux affaires ont contesté certains aspects de la thérapie de conversion, et les tribunaux se sont rangés du côté des plaignants : dans la première affaire, le tribunal a jugé que l’hôpital s’était rendu coupable de séquestration envers le plaignant ; dans la seconde affaire, le tribunal a accordé des dommages et intérêts au plaignant pour les souffrances physiques et psychologiques subies du fait du traitement aux électrochocs. Mais ces décisions judiciaires n’ont pas encore eu d’effet dissuasif évident sur les praticiens de la thérapie de conversion.

La Chine ne dispose pas de lois pour protéger les individus contre la discrimination fondée sur l’orientation ou l’identité sexuelle et cette lacune pourrait empêcher d’autres victimes de la thérapie de conversion de chercher à obtenir justice.

La Chine est partie à la Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à la Convention relative aux Droits de l’enfant. Elle a aussi signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Tous ces instruments contiennent des dispositions qui interdisent plusieurs aspects de la thérapie de conversion.

« Il est temps pour la Chine de rejoindre le consensus mondial, de reconnaître que la thérapie de conversion forcée ou médicalisée est une pratique abusive et discriminatoire et de l’interdire », a déclaré Graeme Reid. « Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que la dépénalisation prendra tout son sens sur les plans juridique et social, et qu’elle permettra aux personnes LGBT d’être protégées dans toute la Chine contre cette sinistre pratique. »

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