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Le siège de l'Instance Vérité et Dignité, à Tunis. © Instance de Vérité et Dignité

Une course contre la montre pour obtenir la justice s’est engagée en Tunisie.

Le mandat de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), une commission instaurée en 2014 pour enquêter sur les violations graves des droits humains commises dans le passé, risque de subir une expiration forcée à la fin du mois de mai. En vertu de la loi sur la justice transitionnelle l’ayant instaurée, l’instance avait quatre ans pour achever son travail mais pouvait obtenir une année supplémentaire par une décision motivée qu’elle prendrait elle-même et qui devait être transmise au Parlement. L'Instance a décidé le 27 février de prolonger son mandat de sept mois, jusqu’en décembre 2018. Mais le Parlement tunisien, dans lequel siègent des partis qui ont montré une hostilité constante envers l’IVD, a décidé, lors d’un vote contesté et d’une séance houleuse, de voter contre la prolongation de ce mandat,

Ce vote, qui est intervenu peu de temps après le transfert du premier dossier par l’IVD aux chambres spécialisées, risque de fragiliser un pilier essentiel de la justice transitionnelle, à savoir la lutte contre l’impunité pour les crimes commis par les régimes successifs en Tunisie. L’IVD a transmis, jusqu’à présent, six dossiers emblématiques à la justice, qui concernent des cas de disparitions forcées, de mort sous la torture ou d’exécution extra judiciaires. Une course contre la montre s’est engagée pour pouvoir clore les enquêtes et transférer les dossiers à des chambres spécialisées, instaurées dans 13 tribunaux ordinaires, avec des juges spécialement formés pour juger ce genre de crimes de masse. Le premier procès de ce genre, qui doit s’ouvrir le 29 mai auprès de la chambre spécialisée de Gabes sera sans doute un moment historique pour la justice en Tunisie., concerne le cas de disparition forcée d’un activiste islamiste en 1991.

Les enquêtes engagées par l’IVD sur les nombreuses violations des droits humains commises dans le passé ont souvent rencontré un refus obtus de collaboration de la part des autorités de l’Etat. « Nous avons envoyé plus de 100 correspondances au Ministère de l’intérieur pour demander les archives de la police politique ainsi que les coordonnées d’auteurs de violations toujours en activité, sans jamais obtenir de réponses ou en recevant des réponses évasives », nous a déclaré Sihem Bensedrine, présidente de l’Instance. « Pire encore, nous avons cité à comparaître des dizaines d’auteurs de violations, mais ils ne sont pas venus, preuve qu’ils se sentent protégés par le système », a-t-elle surenchéri.

Le vote du Parlement est encore un exemple du manque de soutien politique et des tentatives de sabotage de son travail. Malgré ce vote, la Commission s’est engagée à transférer le maximum de dossiers à la justice jusqu’en décembre 2018.

L’IVD affirme avoir reçu plus de 62.000 dossiers déposés par des victimes. Lors d’auditions publiques, transmises en direct à la télé en prime time, elle a donné la parole à de nombreuses victimes qui ont souffert de crimes odieux tels que la torture, les disparitions forcées, les détentions arbitraires. Beaucoup ont réclamé justice pour ces violations. Cet espoir placé par les victimes dans la justice transitionnelle et les chambres spécialisées ne doit pas être déçu. C’est essentiel à la fois pour les victimes et pour toute la transition démocratique en Tunisie, où la lutte contre l’impunité est encore faible et sans soutien politique.

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