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Cameroun : Une proviseure détenue par des séparatistes armés

Tout en gérant les troubles, le gouvernement doit protéger les droits humains

Une salle de classe d’une école située dans la région anglophone du Cameroun. © 2018 Bede Sheppard/Human Rights Watch

(Nairobi) – Les ravisseurs de la proviseure d’un lycée de la région du Sud-Ouest du Cameroun doivent immédiatement la libérer saine et sauve, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les enlèvements de deux chefs d’établissement se sont produits le 25 mai 2018, dans le cadre d’un accroissement des violences et des abus dans les régions anglophones du Cameroun, quelques jours seulement avant le début des examens nationaux.

Ces deux chefs d’établissement, enlevés dans des endroits séparés, sont Georgiana Enanga Sanga, du lycée public Bolifamba à Mile 16-Buea, et Eric Ngomba, de l’Académie baptiste camerounaise Yoke-Muyuka. Ngomba a été libéré le 29 mai, avec des blessures causées par des machettes, mais on ne sait pas ce qu’est devenue Georgiana Enanga. Les groupes plaidant pour l’indépendance des régions anglophones devraient mettre fin à leurs menaces et violences à l’encontre des élèves, des enseignants et des établissements, tandis que le gouvernement, dans le cadre de ses actions pour y faire face, devrait veiller au respect des droits humains.

« Les ravisseurs de Georgiana Enanga doivent immédiatement lui rendre sa liberté et les groupes séparatistes doivent mettre un terme décisif à toutes les attaques visant à faire obstacle à la scolarité des enfants », a déclaré Philippe Bolopion, directeur adjoint du plaidoyer mondial à Human Rights Watch. « Les agressions visant les élèves, les enseignants et les écoles causent un tort durable aux enfants et ternissent la réputation de ceux qui les commettent. »

En novembre 2016, des enseignants anglophones avaient fait grève pour protester contre la discrimination que subissent, selon eux, les enseignants et les élèves s’exprimant en anglais, dans ce pays à majorité francophone. La majorité des syndicats de l’enseignement ont appelé à cesser la grève en février 2017. Toutefois, des activistes séparatistes ont continué à faire pression sur la population locale pour qu’ils n’envoient plus leurs enfants en classe, une tactique visant à influencer le gouvernement.

Certains ont cherché à mettre en place ce boycott en menaçant les enseignants et les parents, via des lettres ou les médias sociaux, mais aussi en pillant et incendiant des établissements. Voilà presque deux années scolaires que des milliers d’enfants sont privés d’éducation.

Georgiana Enanga a été enlevée le matin du 25 mai, alors qu’elle se déplaçait en taxi, à une cinquantaine de mètres de l’enceinte de son lycée. Les agresseurs ont pris le contrôle du véhicule par la force et se sont enfuis avec la proviseure. Quant à Eric Ngomba, il a été enlevé le même jour vers 19h30, à son domicile situé dans l’enceinte de l’établissement.

Dans une vidéo diffusée sur Internet après l’enlèvement, on voit Ngomba assis par terre, entouré d’au moins trois hommes qui pointent leur arme sur sa tête tout en l’interrogeant. On entend une personne hors champ déclarer que Ngomba est détenu parce qu’il est le directeur d’une école qui continue à accueillir des élèves. Les hommes ordonnent à Ngomba d’appeler ses collègues, enseignants et principaux, à fermer tous les établissements scolaires « dans cette région Amba » – référence aux régions anglophones du Cameroun, et avertissent ses collègues qu’ils ne doivent pas faire passer les examens nationaux.

La vidéo se termine par une voix hors champ qui dit : « Voilà, vous êtes avertis, vous êtes avertis, vous êtes prévenus, et vous êtes prévenus... Faites attention, faites attention, faites attention. »

On peut apercevoir, en arrière-plan de la vidéo, des personnes identifiables, qui pourraient être aussi bien des témoins que des participants de l’incident. Les autorités locales doivent veiller à ce que les responsables des enlèvements soient identifiés et traduits en justice devant des tribunaux civils, de façon transparente et conformément aux normes internationales des droits humains.

Le gouvernement a réagi à cette « crise anglophone » par des opérations anti-insurrection lors desquelles on a rapporté que les forces armées avaient commis de graves abus contre des civils de la région, aggravant ainsi la situation. Alors même qu’il fait face à cette situation, le gouvernement du Cameroun est lié par le droit international des droits humains. Il doit garantir que tout membre des forces de sécurité impliqué dans des violations des droits humains en soit tenu responsable.

Quant aux groupes et aux chefs du mouvement séparatiste, ils devraient annoncer publiquement qu’ils mettent fin à leur boycott scolaire, a déclaré Human Rights Watch. Ils devraient immédiatement cesser d’attaquer des établissements, des enseignants et des fonctionnaires de l’éducation, pour permettre à tous les élèves de retourner en classe en toute sécurité et sans entraves. Ces groupes devraient transmettre à tous leurs membres l’interdiction claire de menacer des élèves ou des enseignants, d’attaquer des écoles ou d’interférer avec les établissements ou la scolarité des enfants de quelque façon que ce soit.

Le gouvernement devrait immédiatement établir, en s’appuyant si nécessaire sur une coopération et une assistance internationales, des formes alternatives d’accès à l’éducation pour les élèves qui ne sont pas en mesure d’aller en classe dans les établissements ordinaires, ainsi que des programmes de remédiation pour les élèves qui ont été déscolarisés.

Le Cameroun devrait également adhérer à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, un accord politique international déjà soutenu par 75 pays, qui contient des engagements pratiques pour mieux protéger les élèves, les enseignants et les établissements pendant les périodes de conflit. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a d’ailleurs appelé tous ses pays membres à soutenir la Déclaration.

« Les attaques contre des élèves, des enseignants et des écoles nont leur place dans aucun conflit ou combat politique », a conclu Philippe Bolopion. « Les séparatistes doivent immédiatement cesser ce genre dattaques afin que les enfants puissent étudier en paix. »

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