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"Mesdames et Messieurs les eurodéputé.e.s, faites preuve de courage"

Alors que Bruxelles doit voter une sanction contre la Hongrie, Amnesty et Human Rights Watch interpellent les eurodéputés.

Publié dans: L'Express

Mercredi 12 septembre, Bruxelles vote pour enclencher une procédure de sanction vis-à-vis de la Hongrie. Dans cette tribune, également parue dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, El Mundo et EU Observer, les dirigeants d'Amnesty International et de Human Rights Watch appellent Bruxelles à clarifier sa position à l'égard des principes fondateurs de l'Europe. 

Pour rejoindre l'Union européenne (UE), les nouveaux États membres doivent répondre à des critères stricts en matière de valeurs démocratiques, de droits humains et d'Etat de droit. Or, l'UE est confrontée à une remise en cause de ces normes par certains de ses propres membres. Pour prouver leur attachement à ces valeurs communes, le 12 septembre, les eurodéputés français devront voter oui à une résolution épinglant les dérives autoritaires en Hongrie.  

La menace est bien réelle. Des dirigeants populistes radicaux portant une politique de démantèlement des garanties des droits humains ont récemment rejoint les coalitions au pouvoir en Autriche et en Italie. Le Parti de la liberté (FPÖ) et la Ligue du Nord utilisent leurs positions pour promouvoir des politiques de haine et d'intolérance. Mais dans ces deux pays, la complexité des coalitions au pouvoir fait qu'il leur est difficile, du moins pour le moment, de démanteler les institutions démocratiques. 

En Hongrie et en Pologne, en revanche, les partis populistes radicaux sont seuls au pouvoir. Le parti Fidesz et le parti Droit et Justice (PiS) en ont profité pour saper l'Etat de droit et d'autres contrôles démocratiques sur leur pouvoir.  

En Pologne, le parti Droit et Justice de Jaroslaw Kaczynski accélère sa purge du système judiciaire, dernier filet de sécurité contre les abus de ceux qui tiennent les rênes du pouvoir, au mépris de la procédure en cours à Bruxelles et au Luxembourg et du mécontentement de ses propres citoyens. Ces derniers voient leurs droits de manifester pacifiquement et d'exprimer leurs opinions se réduire comme peau de chagrin.  

De son côté, le Fidesz au pouvoir en Hongrie accélère l'adoption de "réformes" privant les citoyens de droits et de libertés qui, une fois supprimés, seront difficiles à rétablir. Le gouvernement a limité la capacité de contrôle de la cour constitutionnelle sur ses propres actions. Le Fidesz s'en prend également à la société civile très dynamique du pays, ainsi qu'à la communauté universitaire. Ces deux dernières années, le gouvernement a adopté une version de la loi russe relative aux "agents étrangers" qui stigmatise les organisations de défense des droits humains recevant des financements de l'étranger et criminalise les actions légitimes envers les migrants. De récents changements législatifs restreignent aussi le droit de manifester pacifiquement, criminalisent les sans-abris et compromettent l'indépendance de la justice. L'objectif visé est de limiter la capacité des Hongrois à se rassembler pour faire entendre leurs voix. 

Les dirigeants en Pologne comme en Hongrie justifient ces mesures en invoquant les victoires électorales de leurs partis. Pourtant, le fait de remporter une élection ne donne pas carte blanche à un gouvernement pour détricoter les protections en matière de droits humains. La réponse des gouvernements et des institutions européennes à l'autoritarisme forcené de la Hongrie - qui menace l'existence même d'un ordre fondé sur les droits - est bien timide. 

La Commission européenne a fait le bon choix lorsqu'en réaction à la crise judiciaire en Pologne, elle a activé le mécanisme de l'article 7 prévu par le traité de l'UE, destiné à préserver ses valeurs fondatrices. Il est désormais du ressort des gouvernements européens de veiller à ce que l'offensive menée contre le système judiciaire en Pologne ait de lourdes conséquences.  

Le mécanisme de l'article 7 est prévu pour être activé lorsque les principes fondateurs de l'UE sont gravement menacés : c'est aujourd'hui le cas en Hongrie, tout autant qu'en Pologne. Pourtant, à la différence de la Pologne, la Commission européenne n'a pas activé l'article 7 pour la Hongrie. Il incombe donc aux députés européens de voter pour déclencher cette procédure. Ce vote aura lieu le 12 septembre - un test important de la volonté de l'UE à faire respecter les droits humains et l'Etat de droit en son sein. 

Pour activer l'article 7, le Parlement européen a besoin d'une majorité des deux-tiers et le vote s'annonce serré. Pour l'instant, de nombreux partis démocrates-chrétiens - dont le groupe politique, le Parti populaire européen (PPE), est le plus important au Parlement - semblent plus soucieux de préserver leur position politique dominante, or de nouvelles élections parlementaires étant prévues l'an prochain, les membres du PPE pourraient bien avoir besoin des votes du Fidesz hongrois pour conserver leur majorité parlementaire. 

Plusieurs députés européens de centre-droite, dont les chrétiens-démocrates autrichiens et néerlandais et le Fine Gael irlandais, ont déclaré qu'ils soutiendraient l'activation de l'article 7 sur la Hongrie ou ont déjà voté en ce sens au sein des commissions du Parlement européen. Hélas, bien d'autres ne se prononcent toujours pas - c'est le cas par exemple de la plupart des élus du parti Les Républicains à Strasbourg, une grosse délégation qui compte vingt membres.  

Il est temps pour ces responsables politiques de faire connaître leur position à l'égard des principes fondateurs de l'Europe. L'heure n'est plus aux tergiversations : ils doivent faire preuve de courage et de leadership.

Kenneth Roth est directeur exécutif de Human Rights Watch ; sur Twitter : @KenRoth.  

Kumi Naidoo est secrétaire général d'Amnesty International ; sur Twitter : @KumiNaidoo.  

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