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Résoudre la crise au Burundi

Vers une approche fondée sur les droits humains et un nouveau leadership régional

Publié dans: AllAfrica.com
Des policiers face à des manifestants protestant contre la candidature du président burundais, Pierre Nkurunziza, à un troisième mandat, en mai 2015 à Bujumbura. © 2015 Goran Tomasevic/Reuters

La crise qui frappe le Burundi depuis que le président Pierre Nkurunziza a pris la décision controversée de briguer un troisième mandat en 2015 demeure irrésolue. Après l’absence remarquée du gouvernement burundais lors du cinquième et dernier tour du dialogue organisé le 30 octobre dans le cadre de l’initiative de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) visant à dénouer la crise, les pourparlers se sont achevés sans résultats tangibles.

Le processus a été entravé par la réticence manifeste des dirigeants régionaux à critiquer les violations des droits humains par Nkurunziza ou à faire pression pour obtenir l’établissement des responsabilités, beaucoup d’entre eux ayant leurs propres bilans préoccupants en ce domaine. Ils semblent préférer défendre le principe de non-ingérence plutôt que de réclamer un changement réel susceptible d’aider à mettre fin à la violence, à la répression et à l’impunité quasi totale qui sévit au Burundi depuis le début de la crise.

Les forces de sécurité ont tué des centaines de personnes lors de la répression de manifestations pacifiques. Les médias et organisations de la société civile du pays, autrefois florissants, ont été décimés et plus de 390 000 Burundais contraints de fuir vers les pays voisins. Nkurunziza a encore consolidé son pouvoir au moyen d’un référendum constitutionnel organisé plus tôt cette année. Le vote – qu’il a remporté et qui lui permettrait de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034 – s’est déroulé dans un climat d’exactions généralisées des citoyens par les autorités locales, la police et des membres de la ligue de la jeunesse du parti au pouvoir, les Imbonerakure. Human Rights Watch et d’autres organisations continuent de documenter des récits de disparitions forcées, d’assassinats extrajudiciaires, de viols et de tortures, qui leur sont rapportés par des Burundais en fuite.

Certains dirigeants de la région ont eu recours à des tactiques similaires pour consolider leur emprise sur le pouvoir, en essayant de conserver un vernis démocratique à l’aide de référendums constitutionnels et d’élections tout en réprimant les militants de l’opposition politique et pro-démocratie. C’est la raison pour laquelle l’implication de ces dirigeants dans les efforts visant à résoudre la crise burundaise semble insincère.

Malgré cette tendance inquiétante dans certaines régions d’Afrique orientale et centrale, la situation n’est pas aussi sombre ailleurs sur le continent. D’importantes leçons peuvent être tirées de l’Afrique de l’Ouest, où le bloc régional de la Communauté économique des États de l'Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a agi de manière décisive face aux tentatives de remettre en cause la démocratie et parfois dénoncé les violations des droits humains et protégé les civils.

En tant qu’organisation politique sous-régionale, la CEDEAO – parfois avec le concours de l’Union africaine – s’est fermement opposée aux renversements de pouvoir anticonstitutionnels, notamment en Guinée en 2009, en Guinée-Bissau en 2012, au Burkina Faso en 2015 et au Mali en 2012. Elle a imposé des interdictions de voyager et un gel de leurs avoirs aux auteurs de violations des droits humains. Plus récemment, en 2017, la CEDEAO a persuadé le dirigeant gambien, Yahya Jammeh, de respecter les résultats des élections et de renoncer au leadership de son pays.

L’expérience de la CEDEAO démontre à quel point un engagement en faveur des normes des droits humains et des principes démocratiques peut permettre de surmonter les contraintes financières, les divergences de vues entre pays anglophones et francophones de la sous-région et les préoccupations relatives à l’ingérence. Le protocole novateur de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance, qui fait obligation aux États membres de respecter les principes fondamentaux de la gouvernance démocratique, des droits humains et de l’état de droit, est l’un des éléments déterminants du succès de ce bloc régional.

De tels efforts seraient difficiles à reproduire aujourd’hui en Afrique centrale et orientale, où la domination et la solidarité entre dirigeants implantés de longue date et souvent responsables d’abus limitent leur capacité à mobiliser la volonté politique de dénoncer publiquement les violations des droits humains perpétrées par leurs homologues.

Alors que les dirigeants régionaux poursuivent leurs efforts ardus visant à résoudre la crise burundaise, l’intervention d’acteurs « externes » dotés d’un puissant levier régional et d’une légitimité morale pourrait relancer le processus. Ainsi, l’Afrique du Sud aurait tout intérêt à contribuer à la résolution de la crise burundaise, compte tenu de son rôle historique d’intermédiaire du processus de paix d’Arusha en 2000, lorsque les efforts de Nelson Mandela ont permis de mettre fin à la guerre civile meurtrière qui sévissait depuis 12 ans dans ce pays. Une nouvelle initiative sous conduite de l’Afrique du Sud pourrait être initiée sous les auspices de l’Union africaine.

En jouant un rôle de premier plan, l’Afrique du Sud – dont le président actuel, Cyril Ramaphosa, s’est engagé à rétablir l’héritage du leadership de Mandela qui transcendait les intérêts nationaux de courte vue en Afrique et au-delà – offrirait un nouvel espoir pour la résolution de la crise burundaise. Une telle initiative africaine aurait pour mandat important de placer la justice et la responsabilité au cœur des négociations, en réaffirmant les normes relatives aux droits humains énoncés dans la charte de l’UA et ses autres documents fondateurs. En fin de compte, comme le montre l’expérience de la CEDEAO, la paix et la sécurité régionales sont mieux préservées lorsqu’elles sont secondées par une approche axée sur les droits humains et un ordre du jour démocratique. Dans le cas du Burundi, les dirigeants africains devraient œuvrer à un véritable effort en faveur d’une sécurité garante des droits, pour porter secours aux victimes, sanctionner les auteurs de violations, prévenir les atrocités à grande échelle et, finalement, poser la fondation d’une stabilité et d’un leadership régional éthique.

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