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Le couloir d'un établissement de soins pour personnes âgées, aux États-Unis. © 2009 iStock/Getty Images

À l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme (qui vient d’être fêté ce 10 décembre), Human Rights Watch publie plusieurs tribunes au sujet des droits humains à travers le monde. Cette tribune se penche sur les droits des personnes âgées, trop souvent relégués au second plan.

Nous vivons plus longtemps que jamais. Les experts estiment que plus d’un tiers de tous les enfants nés dans les pays riches en 2012 vivront centenaires. L’espérance de vie dans toutes les régions du monde est en hausse. L’ONU a établi qu’en Asie, où vivent la plus grande partie de personnes âgées dans le monde, l’espérance de vie a augmenté de près de 30 ans au cours des dernières décennies. L’Afrique devrait connaître la même tendance d’ici 2050.

Un tel bouleversement social nous contraint à réfléchir à ce que signifie vivre de façon indépendante et dans la dignité pour une personne âgée. La jouissance de nos droits humains fondamentaux devrait-elle décliner avec l’âge ? La réponse est non.

Les personnes âgées ont le droit de vivre de manière indépendante au sein de leurs communautés, sur un pied d’égalité avec les autres générations, et avec tout le soutien nécessaire. Mais actuellement, l’âgisme, c’est-à-dire la discrimination à l’égard des personnes sur la base de leur âge, persiste dans toutes les sociétés, avec pour conséquence des décisions politiques qui portent atteinte aux droits humains.

Ainsi, dans de nombreuses régions du monde, les personnes âgées sont prises entre le marteau et l’enclume lorsque vient, sous la contrainte des changements physiques, émotionnels ou mentaux liés au vieillissement, le moment de savoir où et comment vivre : dans un établissement spécialisé, ou chez soi et renoncer à recevoir un soutien crucial ?

Le fait de vivre dans un centre de soins pour personnes âgées peut avoir de sérieuses répercussions, outre l’éclairage au néon, les rideaux « séparateurs » entre patients partageant la même chambre et les murs sombres de parpaings caractéristiques de tant de ces résidences. Sont alors en péril nos droits fondamentaux à la liberté ; au consentement éclairé et à la santé ; à la vie familiale et privée ; et parfois même notre droit de ne pas subir de traitement inhumain et dégradant. Ce sont la liberté et l’indépendance mêmes de chacun d’entre nous qui peuvent se retrouver menacées.

En 2018, par exemple, Human Rights Watch a révélé qu’environ 179 000 personnes âgées vivant dans des établissements de soins infirmiers aux États-Unis, principalement des personnes atteintes de démence, se voyaient prescrire des médicaments dangereux qui multipliaient presque par deux leur risque de décès en quelques semaines, en l’absence de consentement éclairé, ou parfois même à leur insu. En Australie, la création d’une commission royale d’enquête sur la prise en charge des personnes âgées a été annoncée en septembre 2018, après la diffusion de reportages perturbants dans les médias sur les abus physiques et psychologiques et la négligence en vigueur dans certaines maisons de retraite. En Argentine, des recherches menées en 2017 par des universitaires spécialistes de la protection sociale des personnes âgées ont montré que les familles peuvent contraindre à l’internement, sans leur consentement, leurs parents âgés dans des structures non réglementées.

Être, littéralement, enfermé à l’écart du reste du monde rend les personnes âgées plus vulnérables à la prescription excessive de médicaments et à la violation d’autres droits.

Les risques associés à ces établissements sont de plus en plus dénoncés. Dans sa décision en date de 1999, Olmstead v LC, la Cour suprême des États-Unis a reconnu le droit des personnes handicapées à vivre dans le cadre le moins restrictif possible, de même que le fait de vivre dans un établissement lorsqu’une personne a besoin d’aide, « diminue considérablement les activités quotidiennes des individus ». Et que cela constitue une forme de discrimination lorsque ce placement est injustifié. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, entrée en vigueur en 2008 et ratifiée par 162 Etats, leur impose de garantir le droit de vivre au sein de leur communauté.

Les pays qui s’appuient massivement sur des centres de soins infirmiers pour fournir des services aux personnes âgées devraient faire en sorte que celles-ci puissent également exercer concrètement, et de manière véritable, leur droit de vivre chez elles, avec le soutien nécessaire. Pour les pays qui doivent encore développer des services et des systèmes de soutien pour les personnes âgées, la voie à suivre consiste à se concentrer sur les services communautaires. Vieillir ne devrait pas signifier renoncer à notre dignité, à notre sécurité et à notre indépendance.

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