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Kazakhstan : Obstacles à la scolarisation des enfants handicapés

Il faut mettre fin à l’approche ségrégative et dispenser un enseignement inclusif dans les écoles

Une enseignante participe à un jeu éducatif avec un enfant autiste au Centre Balama – dédié aux enfants qui présentent ce type de handicap – à Almaty, au Kazakhstan. © 2018 Timur Karpov

(Almaty) – La plupart des enfants en situation de handicap au Kazakhstan ne reçoivent pas une éducation inclusive et de qualité, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Bien que le gouvernement kazakh ait pris des mesures importantes pour mieux protéger les droits des enfants handicapés, il reste beaucoup à faire pour garantir à tous les enfants un accès équitable à l’éducation.

Le rapport de 72 pages, intitulé « ‘On the Margins’: Education for Children with Disabilities in Kazakhstan » (« Toujours en marge : Scolarisation des enfants handicapés au Kazakhstan »), montre que le système scolaire kazakh induit une ségrégation et un isolement des enfants en situation de handicap. Même les enfants qui peuvent intégrer un établissement au sein de leur communauté, dans la plupart des cas, reçoivent un enseignement dans des salles de classe séparées, avec d’autres enfants handicapés. Des milliers d’enfants vont dans des établissements pour enfants handicapés, souvent loin de chez eux. D’autres sont scolarisés à la maison, par le biais d’un enseignant qui vient leur faire cours, au mieux, quelques heures par semaine. Enfin les enfants placés dans les institutions psychiatriques fermées ne reçoivent aucun enseignement ou presque.

« Les enfants en situation de handicap ont droit à une éducation inclusive de qualité, avec des dispositifs d’assistance raisonnables pour faciliter leur apprentissage, sur un pied d’égalité avec les autres », a déclaré Mihra Rittmann, chercheuse senior de Human Rights Watch sur l’Asie centrale et auteure du rapport. « Pourtant, au Kazakhstan, de nombreux enfants handicapés restent en marge du système scolaire, et d’une manière plus générale, de la société dans son ensemble. »

Pour ce rapport, les chercheurs de Human Rights Watch se sont entretenus avec plus de 150 personnes entre septembre 2017 et décembre 2018. Il s’agissait notamment de 49 enfants et jeunes gens ayant des handicaps physiques ou mentaux, de dizaines de parents, mais aussi d’activistes des droits des personnes handicapées, de défenseurs des droits humains et d’organisations internationales. Human Rights Watch a également rencontré des responsables du gouvernement, ou correspondu avec eux, et analysé la législation nationale et internationale qui s’applique.

L’un des principaux obstacles à l’éducation inclusive au Kazakhstan découle des organes chargés de Consultations psycho-médico-pédagogiques (PMPK), et formés de médecins et d’experts de l’éducation. Ces organes effectuent une rapide évaluation de l’enfant handicapé, avant d’émettre une décision sur le type d’école où il peut être inscrit. Bien que techniquement, ces organes n’émettent qu’une recommandation sur le parcours éducatif de l’enfant, des parents ont confié à Human Rights Watch que leur accord était exigé pour l’inscription scolaire. Par ailleurs, certains parents ont estimé que l’évaluation de leur enfant avait été menée de manière hâtive, hostile et superficielle.

Des enfants interrogés par Human Rights Watch ont décrit l’isolement qu’ils ressentaient du fait de ne pas pouvoir aller à l’école. Misha, 13 ans, qui se déplace en fauteuil roulant à cause d’un handicap moteur d’origine cérébrale, est scolarisé à la maison, dans un village près d’Almaty, la plus grande ville du Kazakhstan. Il a témoigné que son rêve était d’être scolarisé avec les autres enfants : « Je voudrais aller au collège, bien sûr ! Là-bas, c’est amusant. C’est beaucoup plus intéressant au collège – on peut assister à tous les cours. Et il y a plein d’enfants ! Apprendre au collège, c’est mieux. »

En 2015, le Kazakhstan a ratifié la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), qui garantit le droit à un enseignement inclusif et de qualité. Cela implique de veiller à ce que les enfants avec et sans handicap apprennent ensemble, dans les classes ordinaires mais dans un environnement rendu inclusif grâce à des aménagements raisonnables. On peut notamment prévoir des manuels en braille, des supports d’apprentissage audio, vidéo ou faciles à lire, des consignes en langue des signes pour les enfants ayant un handicap auditif, ainsi que des personnes qui assistent les enfants en classe en leur apportant par exemple un appui comportemental ou en les aidant à prendre soin d’eux-mêmes.

Le gouvernement kazakh s’est engagé à prendre des mesures afin que 70 % des établissements scolaires ordinaires soient inclusifs en 2019. En décembre 2018, Human Rights Watch a visité plusieurs de ces établissements à Almaty.

Même dans les écoles dites inclusives, les enfants en situation de handicap peuvent rencontrer des obstacles, comme l’impossibilité d’y accéder physiquement, l’insuffisance des supports d’apprentissage disponibles ou le manque de personnel d’assistance. Par ailleurs les établissements inclusifs kazakhs ne peuvent actuellement accueillir les enfants que pour l’enseignement primaire, a constaté Human Rights Watch.

Les enfants qui sont scolarisés dans les établissements ordinaires et leurs familles ont décrit à quel point une éducation inclusive était importante pour eux. Ainsi Malika, dont le fils Ilya, 9 ans, a le syndrome de Down, a expliqué qu’Ilya « aime apprendre. Il voit comment les autres font quelque chose, et il fait pareil... Il est devenu beaucoup plus communicatif parce qu’il est dans un environnement où il entend les gens parler. Il acquiert des compétences sociales en imitant [les autres]. »

Le gouvernement kazakh devrait faire davantage d’efforts pour garantir une éducation inclusive de qualité à tous les enfants du Kazakhstan. Dans le cadre de ces efforts, il devrait veiller à ce que les conclusions des organes consultatifs ne constituent pas une condition préalable à l’inscription dans les établissements ordinaires. Au contraire, le gouvernement, en consultation avec des personnes handicapées, devrait réformer le système pour prendre en compte, entre autres, les opinions et évaluations des enseignants et des parents, ainsi que des médecins, afin de déterminer de quel appui un enfant a besoin pour aller en classe avec tout le monde.

« Le gouvernement kazakh devrait veiller à inclure les enfants en situation de handicap dans les établissements ordinaires et leur apporter les outils dont ils ont besoin pour réussir sur un pied d’égalité avec les autres enfants », a conclu Mihra Rittmann. « Il peut commencer par réformer le système d’organes consultatifs, de façon à ce qu’il aide les enfants à aller en classe dans les écoles ordinaires, au lieu de leur en bloquer l’accès. »

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