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Libye : Les attaques indiscriminées mettent les civils en danger

Une enquête internationale doit être menée au sujet des abus

Deux combattants du Gouvernement d'union nationale basé à Tripoli, dans le nord-ouest de la Libye, avancent vers la caserne d'Al-Yarmouk, le 29 août 2019. Les forces gouvernementales ont combattu les forces de l'Armée nationale libyenne (autoproclamée) basée dans l'est du pays, au cours de l’année 2019. © 2019 Amru Salahuddien/Sipa USA (Sipa via AP Images)
 
 

(Beyrouth) – Des milices armées affiliées à l’un des deux gouvernements libyens rivaux, ainsi que leurs alliés internationaux, mettent les civils en danger en menant des attaques sans discernement, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui à l’occasion de la publication de son Rapport mondial 2020. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies devrait créer une Commission d’enquête afin de documenter les abus et d’en identifier les responsables, dans l’optique de les amener ultérieurement à rendre des comptes.

Les groupes armés rivaux et leurs alliés ont effectué des centaines de frappes aériennes et de drones sur la capitale, Tripoli, et ses alentours depuis le début du conflit dans cette région en avril 2019, tuant et déplaçant de nombreux civils. Dans un rapport ayant fait l’objet d’une fuite en novembre, l’ONU a établi que les Émirats arabes unis, la Turquie, le Soudan et la Jordanie avaient violé à plusieurs reprises l’embargo sur les armes à destination de la Libye en fournissant des armements, des drones et des combattants aux parties en conflit. Les migrants et les demandeurs d’asile sont toujours exposés à de graves risques de détention arbitraire, de mauvais traitements et de détention dans des conditions inhumaines dans tout le pays.

« Tant que les groupes armés jouiront de l’impunité, ce sont les civils qui paieront le prix fort », a déclaré Hanan Salah, chercheuse senior sur la Libye à Human Rights Watch. « Les pays qui aident les parties au conflit devraient réexaminer leur soutien à ces groupes armés irresponsables et abusifs, qui pourrait les rendre complices de graves violations des droits humains. »

Dans l’édition 2020 de son Rapport mondial, la 30ème, qui compte 652 pages (version abrégée en français 153 pages), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans près de 100 pays. Dans son essai introductif, le Directeur exécutif Kenneth Roth affirme que le gouvernement chinois, qui s'appuie sur la répression pour se maintenir au pouvoir, se livre à l'offensive la plus intense depuis des décennies contre le système mondial de protection des droits humains.  Il explique que l’attitude de Pékin encourage les autocrates populistes à travers le monde et gagne leur soutien, et que les autorités chinoises utilisent leur puissance économique pour dissuader les autres gouvernements de les critiquer. Il est urgent de résister à cet assaut, qui menace plusieurs décennies de progrès en matière de droits humains, ainsi que notre avenir.

En avril, des combattants membres du groupe armé connu sous le nom d’Armée nationale libyenne (ANL) basé dans l’est du pays, commandé par Khalifa Haftar et affilié au Gouvernement intérimaire qui contrôle cette région, ont attaqué d’autres milices armées affiliées au Gouvernement d’union nationale (GUN) basé à Tripoli et reconnu internationalement. L’ANL a reçu un soutien militaire de la part des Émirats arabes unis (EAU) et de la Jordanie, en violation de l'embargo sur les armes à destination de la Libye. Des combattants étrangers en provenance du Soudan et du Tchad auraient également appuyé le GUN et l’ANL, tandis que des combattants russes auraient prêté main forte à l’ANL. En même temps, la Turquie aurait apporté un appui au GUN sous forme de drones armés, tandis que les EAU faisaient de même pour l’ANL.

Les Nations Unies estiment qu’à fin décembre, le conflit à Tripoli et dans sa région avait provoqué la mort d’au moins 284 civils, et le déplacement de plus de 128 000 personnes. Selon un rapport de l’ONU ayant fait l’objet d’une fuite, lors d’un incident en juin, une frappe aérienne effectuée par un pays étranger non spécifié sur un centre de rétention de migrants également utilisé par des miliciens, installé dans une enceinte close à Tajoura, dans les faubourgs de Tripoli, a tué plus de 43 civils. Dans un autre incident, survenu le 14 octobre, une frappe aérienne apparemment illégale effectuée par les forces de l’ANL ou par leurs alliés a tué trois jeunes enfants dans leur maison à Tripoli.

Une parlementaire, Seham Sergewa, est toujours portée disparue après avoir été enlevée en juillet à son domicile de Benghazi par un groupe armé lié à l’ANL. Elle avait exprimé publiquement et sans ambigüité son opposition à l’offensive de l’ANL contre Tripoli.

Plusieurs milliers de migrants et de demandeurs d’asile détenus vivent dans des conditions inhumaines dans les prisons gérées par le ministère de l’Intérieur du GUN et par des passeurs et des trafiquants, et courent le risque d’être mis aux travaux forcés et de subir des passages à tabac et des agressions sexuelles. Le soutien apporté par l’Union européenne et certains de ses États membres, dont l’Italie et la France, aux autorités libyennes pour intercepter et refouler les migrants vers la Libye est un élément facilitateur de ces abus.

La Cour pénale internationale (CPI), qui est mandatée pour enquêter sur les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide commis en Libye depuis 2011, a émis deux mandats d’arrêt à l’encontre de Mahmoud al-Werfalli, un commandant basé à Benghazi et affilié à l’ANL, pour « meurtres en tant que crimes de guerre ». Il est toujours en liberté.

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