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États-Unis : Biden agit pour réparer les dommages causés par Trump en matière de santé féminine

Des mesures supplémentaires sont cependant nécessaires pour promouvoir les droits liés à la sante sexuelle et reproductive

Cette femme portant son enfant passait devant une peinture murale près de l’entrée d’une clinique de l’association Family Health Options of Kenya (FHOK), qui fournit des services de santé sexuelle et reproductive, dans le quartier de Kibera à Nairobi, le 16 mai 2017. © 2017 Reuters

(Washington) – Le président des États-Unis, Joe Biden, a émis un mémorandum exécutif qui représente une première étape importante vers la réparation des préjudices causés par son prédécesseur aux droits liés à la sante sexuelle et reproductive, mais d’autres mesures sont nécessaires de la part des branches exécutive et législative du gouvernement, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Ce mémorandum, émis le 28 janvier 2021, a pour effet d’annuler certaines mesures régressives prises par l’administration de l’ex-président Donald Trump qui rendaient difficile pour les femmes de parler librement à leur médecin, d’accéder à certains services médicaux et d’obtenir les informations dont elles ont besoin pour prendre des décisions concernant leur santé, ce qui empiétait sur leurs droits à la santé et à l’information, entre autres. De telles politiques affectaient également leurs droits à la vie, à la protection contre tout traitement ou punition cruels, inhumains ou dégradants et de toute discrimination, au respect de leur vie privée et à la liberté d'expression – qui sont tous essentiels à la réalisation d’autres droits humains.

« Le président Biden a pris une mesure nécessaire pour mettre fin à des politiques américaines qui portent activement préjudice aux droits humains et à la santé des femmes et des filles aux États-Unis et dans le monde », a déclaré Amanda Klasing, co-directrice par intérim de la division Droits des femmes à Human Rights Watch. « L’administration Biden devrait maintenant prendre, dans le cadre de ses politiques étrangère et intérieure, des décisions positives visant à promouvoir et protéger la santé et les droits sexuels et reproductifs, et s’employer à réduire les disparités en matière de santé engendrées par des décennies de politiques intérieures et internationales nuisibles destinées à limiter l’accès des femmes aux soins médicaux. »

Le mémorandum présidentiel abolit quatre politiques ou mesures régressives de la précédente administration. Tout d’abord, il révoque la Politique de protection de la vie dans l’assistance médicale fournie au niveau mondial (« Protecting Life in Global Health Policy »), également connue sous le nom de « Règle du bâillon mondiale » (« Global Gag Rule ») ou « Politique de Mexico » Cette politique a été instituée par des administrations républicaines successives, puis par le président Trump dès son entrée en fonction. La loi des États-Unis interdit depuis 1973 de consacrer de l’argent provenant de l’aide américaine à l’étranger à des activités relatives à l’avortement. Cette règle a été élargie et a interdit l’utilisation de fonds américains pour soutenir des organisations étrangères qui se servent de leurs propres financements d’origine non américaine pour se livrer à des activités relatives à l’avortement, y compris le conseil, les recommandations ou le plaidoyer en faveur de services légaux et sûrs.

Cette politique a eu un impact déterminant dans la vie de femmes et de filles à travers le monde, a déclaré Human Rights Watch. Elle a perturbé la fourniture de services nécessaires en matière de santé à l’échelle mondiale, notamment des fonds dédiés au Plan d’urgence du président pour la lutte contre le sida (President’s Emergency Plan for AIDS Relief, PEPFAR) et des programmes anti-VIH/sida et nutritionnels, affaiblissant des organisations de la société civile déjà fragiles, ainsi que la capacité de gouvernements étrangers à remplir leurs obligations en matière de droits humains. En outre, elle a eu un impact disproportionné dans le monde sur les personnes appartenant à des communautés marginalisées et désavantagées.

Deuxièmement, le mémorandum ordonne aux agences gouvernementales de prendre les mesures nécessaires pour rétablir les contributions financières américaines au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUP), qui fournit notamment des soins de maternité dans des conditions sûres et des protections contre les violences sexistes en situation de crise à travers le monde. Le Département d'État a commencé à bloquer le financement américain de cette agence onusienne en 2017, mettant en danger des services clés dans les domaines de la santé et de la protection destinés à certaines des femmes et des filles les plus marginalisées dans le monde. Le FNUP et le gouvernement américain devraient travailler avec tous les autres pays pour mettre fin aux pratiques coercitives en matière de santé reproductive à travers le monde, a déclaré Human Rights Watch.

Troisièmement, le mémorandum appelle les agences compétentes à enclencher le processus règlementaire nécessaire pour abroger les Critères de respect de l’intégrité des programmes législatifs (« Compliance with Statutory Program Integrity Requirements »), aussi appelés « Règle du bâillon nationale » (« Domestic Gag Rule »). Cette règle impose des restrictions aux prestataires de soins médicaux dans le cadre du programme Title X, un programme mis en place à l’échelle nationale aux États-Unis et qui finance des services de planning familial destinés à plus de quatre millions de personnes et leur assure un accès à des soins médicaux de base dans le domaine reproductif. La règle a eu pour effet d’éliminer l’obligation faite aux médecins de donner aux femmes enceintes des informations neutres et factuelles et a empêché les prestataires de santé de donner aux femmes aux États-Unis des informations complètes sur leurs options en cas de grossesse, notamment sur l’avortement.

Il s’agit là de mesures significatives qui ont été prises dès le neuvième jour d’existence de la nouvelle administration américaine. Cependant, des mesures supplémentaires sont nécessaires pour assurer le droit des femmes, des filles – et de tout le monde – d’obtenir des soins médicaux complets.

L'alternance d’administrations démocrates et républicaines ayant des approches opposées sur ces questions a eu pour résultat des décennies de messages contradictoires aux agences exécutives, aux organisations actives sur le terrain, ainsi qu’aux autorités des États américains et aux gouvernements étrangers qui reçoivent des fonds de l’État fédéral américain. L’administration Biden devrait produire des directives soigneusement formulées clarifiant quelle sorte d’assistance fédérale est autorisée par la loi actuelle, dans toute l’étendue du possible, pour les services de santé reproductive, aux États-Unis et dans le reste du monde, y compris pour l'avortement.

L’administration Biden devrait appuyer les initiatives parlementaires, telles que le projet de Loi HER mondiale (Global HER Act), déposé le 28 janvier à la fois au Sénat et à la Chambre des représentants et qui vise à abolir de manière permanente la règle du bâillon mondial, mettant fin au dangereux mouvement d’oscillation entre déni et protection des droits des femmes et des filles découlant des changements de volonté politique de l’exécutif. Et le président devrait signaler au Congrès qu’il soutiendrait l’abolition des restrictions existantes au financement par l’État fédéral des services d’avortement sûrs, aux États-Unis et dans le monde. En outre, le gouvernement américain devrait non seulement faire de la protection de la santé et des droits sexuels et reproductifs une priorité de sa politique intérieure, mais aussi promouvoir cet objectif dans le monde entier et dans les forums multilatéraux. Le Département d’État devrait évaluer la réalisation de ces droits dans le monde dans son rapport annuel sur la situation dans les différents pays en matière de droits humains.

Le mémorandum de Biden a également ordonné au secrétaire d’État et au secrétaire à la Santé et aux services humains d’annuler le co-parrainage et la signature par les États-Unis de la Déclaration consensuelle de Genève (Geneva Consensus Declaration). L’administration devrait aller plus loin dans le rejet de cette déclaration, qui a résulté d’une initiative des États-Unis, lesquels ont été rejoints par les gouvernements de l’Arabie saoudite, de Bahreïn, du Brésil, de la Hongrie, de la Pologne, du Pakistan et du Soudan du Sud, et qui prétend promouvoir la santé des femmes mais a en réalité pour objectif spécifique de remettre en cause la santé et les droits reproductifs, en particulier le droit à l’avortement. Biden devrait également rejeter de manière définitive le rapport de la Commission des droits inaliénables créée par Trump, ainsi que le concept même de cette commission, qui visait à créer une hiérarchie entre les divers droits qui était contraire au droit international en matière de droits humains et aux obligations internationales des États-Unis. Le nouveau Secrétaire d’État, Antony Blinken, a indiqué, lors du processus de sa confirmation par le Sénat, qu’il désavouerait le rapport; les États-Unis devraient signifier clairement aux autres nations que ce rapport ne reflète pas la politique américaine ou ne lui sert pas de base.

L’administration Biden devrait suspendre ou abolir les règlementations qui facilitent la discrimination et réduisent l’accès aux services de santé reproductive aux États-Unis en raison d’objections basées sur la religion ou la morale, notamment la « Règle du refus de soins » (« Refusal of Care Rule ») et les règles prévoyant des exemptions de l’obligation de fournir des services préventifs incluses dans la Loi pour une médecine abordable (Affordable Care Act).

L’administration devrait également s’occuper des disparités en matière de santé résultant du racisme structurel, des discriminations et de la faillite du gouvernement américain à sa responsabilité de protéger les droits humains de toutes les femmes et filles. Un autre décret présidentiel, publié le 28 janvier et renforçant le système d’assurance santé des personnes à bas revenus (Medicaid) et la Loi pour une médecine abordable, constitue un pas important, a déclaré Human Rights Watch. Toutefois, Biden devrait travailler avec le Congrès pour élaborer et adopter une politique qui permette de fournir une couverture médicale abordable et accessible à tous aux États-Unis pendant la pandémie et au-delà. Soutenir l’expansion de Medicaid dans les 50 États aiderait à améliorer l’accès à une couverture médicale abordable pour les femmes marginalisées, à bas revenus et dépourvues d’assurance.

Le président devrait également agir promptement pour faire en sorte que les besoins médicaux des femmes incarcérées et des immigrantes placées en rétention soient satisfaits, y compris leur accès aux services de santé reproductive, comme les soins d’oncologie gynécologique et les services d’avortement.

En outre, les jeunes ont besoin d’informations sur leur santé sexuelle et reproductive, y compris d'informations sur le vaccin contre le papillomavirus humain (HPV), qui protège contre la plupart des souches du HPV qui peuvent mener à un cancer. En s’occupant des obstacles existants à l’accès au vaccin HPV, le gouvernement peut prendre des mesures concrètes vers l'amélioration de la santé et l’élimination des inégalités qui conduisent aux disparités raciales en matière de santé, y compris les taux de mortalité du cancer du col de l’utérus qui sont plus élevés pour les femmes noires aux États-Unis.

L'administration Biden devrait prendre des mesures pour s’assurer que tous les programmes fédéraux relatifs à l’éducation sur la santé sexuelle soient complets, exacts d’un point de vue médical et scientifique et ouverts à tous les jeunes. Elle devrait aussi utiliser son pouvoir d'influence auprès des 50 États pour les exhorter à supprimer de leur législation les exigences néfastes d’implication parentale qui retardent l’obtention de soins liés à l’avortement pour les jeunes de moins de 18 ans, ainsi que les autres obstacles que les États imposent pour limiter l'accès des jeunes aux soins en matière de santé reproductive.

L'administration Biden a également signalé son intention de s’occuper des impacts de la crise climatique en matière de santé et un décret présidentiel émis le 27 janvier promettait « justice dans le domaine de l’environnement », ainsi qu’une action de la part de tout le gouvernement pour renforcer la résilience du pays et protéger la santé publique contre les effets des changements climatiques. Une augmentation des fonds disponibles pour les efforts d’adaptation en matière de santé devrait inclure l’allocation d’un financement adéquat aux soins médicaux dans le domaine reproductif et à la santé infantile dans le cadre d’un effort de justice reproductive centré sur l’élimination du racisme et des inégalités raciales. L'administration Biden devrait également créer un poste de conseiller de haut niveau sur les questions liées au genre au sein de chaque organe ou groupe de travail fédéral chargé de faire face à la crise climatique aux niveaux national et international.

« Les droits reproductifs sont des droits humains et l’administration Biden devrait signaler clairement – par sa politique, ses déclarations publiques et ses pratiques – que les États-Unis s'efforceront de promouvoir la protection et la réalisation de ces droits sur leur territoire et à travers le monde », a affirmé Amanda Klasing.

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