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COVAX : Accroître la transparence et partager la propriété intellectuelle

L’initiative vaccinale mondiale COVAX devrait remplir ses responsabilités en matière de droits humains

Une femme reçoit une injection du vaccin anti-Covid-19 d'Astra Zeneca, dans un immeuble d'appartements à Bangalore, en Inde, le 24 avril 2021.  © 2021 AP Photo/Aijaz Rahi

(New York) – Les responsables de l’initiative vaccinale mondiale COVAX devraient rendre publics les contrats avec les fabricants de vaccins et faciliter le partage de propriété intellectuelle, afin de rendre les vaccins rapidement disponibles et financièrement abordables pour tous, ont déclaré aujourd’hui Human Rights Watch, Amnesty International et Public Citizen. Le mécanisme COVAX, qui a été créé en avril 2020 pour accélérer la production et la distribution de vaccins aux pays à bas et moyen niveau de vie, devrait intégrer les normes internationales en matière de droits humains et les principes de transparence et de responsabilité.

Les organisations ont écrit aux dirigeants du partenariat COVAX le 14 décembre, posant des questions concernant ses politiques et ses pratiques en matière de droits humains et formulant des recommandations sur la transparence et sur la disponibilité et le coût des vaccins, entre autres. Le COVAX a répondu en détail dans une lettre du 25 mars 2021, après avoir donné une réponse préliminaire le 6 janvier.

« Le COVAX devrait mettre davantage l’accent sur les droits humains et la transparence, afin de pouvoir livrer rapidement des vaccins d’une importance vitale aux dizaines de pays qui en dépendent », a déclaré Arvind Ganesan, directeur de la division Entreprises et droits humains à Human Rights Watch. « Rendre publics les contrats et les prix, tout en partageant les éléments relevant de la propriété intellectuelle, est un bon moyen de commencer à s’assurer que les vaccins soient financièrement abordables et disponibles pour les milliards de personnes qui en ont désespérément besoin. »

Il incombe juridiquement au COVAX d’agir avec diligence raisonnable en matière de droits humains, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et aux Principes directeurs à l’intention des sociétés pharmaceutiques concernant les droits de l’homme et l’accès aux médicaments, émis en 2008 par le Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la santé. Dans le cadre de cette obligation de diligence raisonnable en matière de droits humains, le COVAX devrait répondre aux préoccupations relatives à l’approvisionnement, aux capacités de fabrication, aux questions de propriété intellectuelle et à la tarification, et devrait publier régulièrement les résultats et les impacts de ses actions, ont affirmé les organisations.

Qu’est-ce que le COVAX?

Le COVAX est codirigé par trois organisations: la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations, CEPI), qui finance des efforts de mise au point et de fabrication de vaccins ; l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (Global Alliance for Vaccines and Immunization, GAVI), qui œuvre à la fabrication et à l’acheminement conjoints de vaccins ; et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui coordonne les allocations de vaccins.

Le COVAX a été créé pour aider les pays à bas et moyen niveau de vie à accéder aux vaccins en mutualisant les risques et en organisant des stratégies d’approvisionnement groupé, et il est financé dans une large mesure par des gouvernements. Il a également pour objectif de constituer une réserve humanitaire de 5 % de doses de ces vaccins pour les allouer en « dernier ressort » à des segments de population particulièrement exposés aux risques de contamination en raison de failles dans la couverture vaccinale, notamment dans des zones contrôlées par des groupes armés non-étatiques et donc non accessibles aux gouvernements.

Le programme COVAX a commencé à livrer des doses de vaccin fin février. Au 30 avril, il n’avait pu fournir que 49 millions de doses à plus de 100 pays. Il vise à procurer des vaccins à au moins 20 % des populations des pays participants. Il est également confronté à une sérieuse insuffisance de financement. Le 8 avril, le COVAX a annoncé qu’il avait besoin de recueillir 2 milliards de dollars supplémentaires pour atteindre son but consistant à fournir 2 milliards de doses cette année. Pour les pays qui dépendent largement du COVAX pour leurs campagnes de vaccination, même la réalisation de cet objectif les laisserait loin de la couverture vaccinale jugée nécessaire pour atteindre le seuil de l’immunité collective. Par exemple, le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa Center for Disease Control and Prevention) a fixé un objectif de vaccination d’au moins 60 % de la population du continent d’ici à 2022.

Un besoin urgent de transparence

Le COVAX a affirmé son intention d’entretenir la transparence concernant ses plans et opérations, sauf quand leur divulgation constituerait une violation d’obligations de confidentialité. Depuis la mi-décembre, le COVAX a accru les diffusions dans le public d’informations relatives à son travail, notamment sur la distribution de vaccins, a fourni des états de financement de la CEPI et s’est engagée à rendre public un compte-rendu des accords passés par Gavi pour le compte du COVAX.

Les organisations ont exhorté le COVAX à rendre publics tous les contrats concernant la recherche et le développement en matière de vaccins et les processus d’approvisionnement, et de divulguer des détails supplémentaires concernant la participation de pays et de l’industrie pharmaceutique, et la tarification. Mais le COVAX a répondu que ses contrats « contenaient des informations commercialement sensibles et exclusives, qui sont protégées par des clauses de confidentialité » et qui, par conséquent, ne peuvent être rendues publiques. Au lieu de s'appuyer sur des clauses de confidentialité, le COVAX devrait s’assurer que son travail soit totalement en phase avec la longue pratique de transparence des prix de l’UNICEF et rendre publics tous ses contrats afin de faciliter la responsabilisation des acteurs dans l’utilisation des dépenses publiques, ont affirmé les organisations.

Bien que le COVAX ait affirmé qu’il « travaillait avec des fabricants qui se sont engagés à fixer leurs prix avec une marge de profit minimale », il n’a pas encore rendu publics les détails concernant les tarifs de livraison et les profits contenus dans les accords qu’il a passés avec les concepteurs et les fabricants de vaccins. Le COVAX ne s’est pas encore engagé publiquement à exercer un contrôle de cette tarification par le biais d’un audit effectué par une tierce partie.

Les gouvernements et les autres bailleurs de fonds du COVAX devraient exiger un maximum de transparence et de responsabilité, notamment afin de vérifier le respect par les compagnies pharmaceutiques de leurs engagements à fournir le COVAX à prix coûtant ou avec une marge de profit minimale, grâce à des audits assurés par des tierces parties dont les résultats doivent être rendus publics. Ceci est particulièrement important, du fait que les gouvernements achètent des vaccins par l’intermédiaire du COVAX avec de l’argent et des financements publics. La publication des contrats et des prix d’acquisition des vaccins est essentielle pour donner au public le moyen de superviser les dépenses gouvernementales et constitue un rempart contre les conflits d’intérêt et la corruption.

« Le COVAX devrait être un meneur en termes de transparence, pas un suiveur », a déclaré Peter Maybarduk, directeur de la division Accès aux médicaments au sein de Public Citizen. « Il devrait montrer la voie en matière de transferts de technologie et de savoir-faire, de sorte qu’à l’avenir, le monde puisse être en mesure de résister aux pandémies, au lieu de permettre aux compagnies pharmaceutiques de dicter leurs conditions. L’Organisation mondiale de la santé doit fortement inciter ses partenaires au sein du COVAX, c’est-à-dire Gavi et la CEPI, à être plus exigeants vis-à-vis des géants de la pharmacie qui bénéficient de leurs ressources. »

Recommandations pour accroître l’approvisionnement mondial en vaccins

La distribution mondiale de vaccins a été jusqu’ici fortement déséquilibrée à l’avantage des pays à haut niveau de vie. Bien que près de 200 pays aient commencé leurs campagnes de vaccination, plus de 87 % des doses de vaccin sont allées vers les pays à haut ou à relativement haut niveau de vie, tandis que 0,2 % seulement sont allées vers les pays à bas revenus, selon des statistiques publiées le 9 avril par l’Organisation mondiale de la santé.

Des pénuries de vaccins ont gêné et retardé de manière significative l’action du COVAX. Parmi les facteurs ayant causé ce problème, figurent des manques et des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement en matières premières entrant dans la composition des vaccins et nécessaires pour amener la production à une échelle mondiale, la pratique par les gouvernements des pays à haut niveau de vie consistant à réserver à l’avance un vaste surplus de vaccins, le recours aux licences d’exclusivité et des politiques d’exportation qui changent constamment. L’accroissement et la diversification de la production grâce aux transferts de technologie et à des contrats de licence ouverts et non exclusifs sont des conditions essentielles pour le succès du COVAX à court et à long terme, ont affirmé les organisations.

Les organisations ont en particulier exhorté le COVAX à soutenir publiquement et à aligner son action sur celle du Groupe d’accès à la technologie contre le Covid-19 de l’OMS (Covid-19 Technology Access Pool, C-TAP), une plateforme de partage de connaissances, de propriété intellectuelle et de données nécessaires pour la riposte au Covid-19.

Le COVAX a répondu que s'aligner et coopérer avec C-TAP « n'est pas une priorité immédiate », étant donné les pressions auxquelles il est soumis pour remplir ses objectifs de livraison de vaccins cette année. « Le COVAX devrait reconnaître que le partage des connaissances et de la propriété intellectuelle est essentiel pour remplir sa mission de garantir à tous les pays du monde un accès juste et équitable au vaccin », a déclaré Tamaryn Nelson, conseillère en matière de santé à Amnesty International. « En refusant de s'engager dans des initiatives qui ont le potentiel d'augmenter considérablement l'approvisionnement mondial en vaccins, COVAX semble se tirer une balle dans le pied, et entraver son propre travail. »

En outre, en octobre 2020, l’Inde et l’Afrique du Sud ont présenté une proposition à l’Organisation mondiale du commerce, visant à lever à titre temporaire certaines des règles régissant la propriété intellectuelle en vertu de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights, TRIPS), jusqu’à ce qu’une vaccination généralisée ait été mise en place à l’échelle mondiale. L’approbation de cette proposition aurait pour effet de stimuler la fabrication mondiale de vaccins.

La proposition a le soutien de plus de 100 pays et de centaines d’organisations de la société civile, mais a été bloquée pendant plus de six mois par un petit groupe de gouvernements de pays à haut niveau de vie, dont les États-Unis, l’Union européenne (représentée par sa Commission), le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, la Suisse, le Japon et le Brésil. Certains de ces gouvernements ont invoqué leurs engagements de financement du COVAX tout en continuant de bloquer la proposition, alors même que les deux efforts sont complètement différents, mais complémentaires par nature.

L'OMS a apporté publiquement son soutien à cette idée de dérogation. La CEPI et Gavi devraient également la soutenir et exhorter les gouvernements à en faire autant, ont déclaré les organisations. Cependant, le COVAX a affirmé ne pas être convaincu que les questions relatives à la propriété intellectuelle constituaient le principal obstacle à la production et à la distribution de vaccins. Il estime que les principaux obstacles sont les coûts élevés de démarrage et le caractère compliqué des processus de production.

La CEPI, qui finance les concepteurs de vaccins, exige de leur part des informations concernant les brevets et les éventuels conflits juridiques, mais elle ne rend pas ces informations publiques. La CEPI pourrait demander aux bénéficiaires de son financement d’effectuer des transferts de technologie comme condition nécessaire à l’obtention des fonds, et imposer de manière plus ferme le respect de sa politique visant à assurer l’équité dans l’accès aux vaccins, notamment en délivrant des licences de santé publique, mais elle ne l’a pas encore fait.

Les experts en matière de droit de propriété intellectuelle ont souligné publiquement comment la pratique des licences exclusives, par lesquelles une compagnie décide à qui et selon quels termes elle accorde une licence pour produire des biens à partir de sa technologie, souvent avec des conditions restrictives et un contrôle sur les prix et les volumes, a exacerbé les pénuries de vaccins anti-Covid-19, en particulier sur le court terme. Le COVAX devrait faire preuve de diligence raisonnable face à ces préoccupations et agir pour remédier aux risques potentiels, en conformité avec les normes internationales en matière de droits humains, ont affirmé les organisations.

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