Skip to main content

CPI : Le nouveau Procureur entre en fonction

Karim Khan devrait renforcer l’indépendance du Bureau du Procureur et répondre aux attentes des victimes en matière de justice

Le siège de la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas. © 2018 Marina Riera/Human Rights Watch

(La Haye) – Le nouveau Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) devrait saisir toutes les occasions de renforcer la capacité de ce tribunal à rendre justice aux victimes de graves crimes, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Karim Khan, qui devient le troisième Procureur de la Cour, doit prêter serment le 16 juin 2021, à l’entame d’un mandat de neuf ans, à la suite de son élection par les États membres de la CPI.

Citoyen du Royaume-Uni, Khan a été conseiller juridique auprès des procureurs des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda. Il a également été avocat de la défense dans plusieurs affaires jugées par la CPI, par le tribunal pour l’ex-Yougoslavie et par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Plus récemment, il a dirigé l’enquête mandatée par le Conseil de sécurité des Nations Unies sur les crimes commis en Irak par le groupe extrémiste armé État islamique (EI). À la CPI, il succède à Fatou Bensouda, de nationalité gambienne, qui était Procureure depuis 2012.

« La décision de la Procureure sortante de la CPI d’autoriser l’ouverture d’une enquête portant sur l’Afghanistan et d’une autre au sujet de la Palestine, en dépit d’intenses pressions politiques, a eu pour effet de renforcer l’indépendance de son bureau », a déclaré Liz Evenson, directrice adjointe du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Karim Khan devrait s’appuyer sur les efforts de sa prédécesseure pour s’assurer que les individus portant les plus lourdes responsabilités dans de graves crimes soient amenés à en répondre devant la justice, quel que soit leur pouvoir ou leur grade. »

Le mandat de Fatou Bensouda a été marqué par des efforts décisifs en vue d’étendre la portée de la Cour à travers le monde pour s’occuper de graves crimes internationaux. Lors de son mandat de Procureure de la CPI, outre l’Afghanistan et la Palestine, son bureau a ouvert des enquêtes au Bangladesh et au Myanmar  (enquête couplée), au Burundi, en Géorgie et au Mali, ainsi qu’une seconde enquête en République centrafricaine. Le Bureau a également annoncé que les situations au Nigéria, aux Philippines et en Ukraine méritaient de faire également l’objet d’enquêtes exhaustives. La Procureure a persévéré dans ses efforts pour ouvrir des enquêtes sur les situations en Afghanistan et en Palestine alors qu’elle faisait l’objet d’une campagne hostile de la part de la précédente administration des États-Unis, comprenant l’adoption de sanctions financières à son encontre et à l’encontre d’un autre responsable de la Cour, dans le but de gêner les investigations par la CPI d’abus présumés commis par des ressortissants américains et israéliens.

Human Rights Watch appelle le nouveau Procureur à garantir l’indépendance et l’impartialité de son Bureau, tout en donnant une haute priorité à l’accroissement de ses ressources, condition nécessaire à un exercice robuste du mandat de la Cour. Les 123 États membres de la Cour, qui financent son budget, l’ont limité à une croissance proche de zéro depuis 2017, en dépit d’une charge de travail en expansion. Ceci a ralenti les progrès dans certaines enquêtes et Fatou Bensouda a invoqué la question du financement comme étant l’un des facteurs ayant pesé dans sa décision de reporter l’ouverture d’enquêtes officielles en Ukraine et au Nigéria.

Khan peut également accroître l’efficacité de la Cour en donnant suite à un examen actuellement en cours du fonctionnement de la CPI visant à renforcer sa capacité à rendre la justice, a déclaré Human Rights Watch. Les pays membres, avec l’appui de la hiérarchie de la Cour, ont commandité cet examen par un groupe d’experts indépendants. Cette décision faisait suite à des revers décevants enregistrés par la Cour dans plusieurs affaires, ainsi qu’à la découverte d’autres lacunes dans son fonctionnement. Les experts ont présenté au Bureau du Procureur un certain nombre de recommandations afin de rendre les enquêtes plus efficaces et d’assurer que dans toute sorte de situation, son travail soit évalué et exécuté de manière plus stratégique.

Human Rights Watch a l’intention de rendre publiques prochainement ses remarques préliminaires sur les recommandations des experts concernant certaines questions clés pour le Bureau du Procureur. Le nouveau Procureur et son équipe sont censés évaluer ces recommandations, entre autres.

Khan soumettra aux États parties à la CPI une liste de candidats en vue de l’élection en décembre du Procureur adjoint. L’examen par les experts indépendants a fait état de plusieurs incidents et actes de harcèlement et d’intimidation au sein de la Cour, en particulier au sein du Bureau du Procureur. Répondant à un questionnaire, Khan a affirmé sa détermination à assurer un environnement de travail sûr pour tous les personnels. Il devrait s'assurer que les pays membres mettent en place un processus minutieux, s’inspirant des bonnes pratiques reconnues, d’examen et d’évaluation des candidatures au poste de Procureur adjoint, permettant notamment de vérifier que le candidat n’a pas fait l’objet dans le passé d’allégations de comportement déplacé sur le lieu de travail.

« Les États parties devraient modifier leur conception de la CPI, sinon les pressions financières et politiques risqueraient d’entraîner de graves limitations de la portée de la Cour et de couper l'accès des victimes à la justice », a affirmé Liz Evenson. « Khan devrait exhorter les pays membres à accroître le budget de la Cour afin qu’elle puisse faire face à ses besoins en termes de fonctionnement, tout en apportant au Bureau du Procureur une vision qui lui permette de s’acquitter judicieusement de son mandat dans ses diverses situations de pays. »

---------------------

Tweets

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.