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Maroc : Un Saoudien risque d’être renvoyé de force vers son pays

Hassan Al-Rabea serait pourtant confronté au risque de torture et d’un procès inéquitable en cas d'extradition

Hassan Al Rabea. © Privé

(Beyrouth, le 26 janvier 2023) – Les autorités marocaines envisagent d’extrader un citoyen saoudien vers l'Arabie saoudite, où il court un risque sérieux de détention arbitraire, de torture et de procès inéquitable, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Les autorités marocaines ont arrêté Hassan Al-Rabea à l'aéroport de Marrakech le 14 janvier 2023, alors qu'il tentait de se rendre en Turquie. Des procureurs saoudiens veulent traduire Al-Rabea en justice, l’accusant d’avoir collaboré avec des « terroristes » pour l'aider à quitter l'Arabie saoudite « de manière irrégulière », selon un mandat d'arrêt que Human Rights Watch a examiné.

« Compte tenu de la torture endémique en Arabie saoudite et des violations des normes de procédures régulières dans le système de justice pénale saoudien, le Maroc ne devrait pas renvoyer de force Hassan Al-Rabea vers ce pays ; le Maroc risquerait ainsi de se rendre complice d’exactions saoudiennes », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur l'Arabie saoudite à Human Rights Watch.

Les autorités saoudiennes ont déjà pris pour cible d'autres membres de la famille de Hassan Al-Rabea, dont deux cousins qui ont été exécutés en 2019 pour des infractions présumées liées à des manifestations et au terrorisme, ainsi qu’un frère qui risque la peine de mort pour terrorisme présumé. Hassan Al-Rabea appartient à la minorité chiite, qui fait l'objet d'une discrimination systémique de la part de l'État saoudien.

Un membre de sa famille a indiqué à Human Rights Watch qu’alors que Hassan Al-Rabea se trouvait à l'aéroport de Marrakech, il a envoyé un message à un ami : « Je ne sais pas ce qui se passe, mais il y a quelque chose d’anormal. » Ses amis et sa famille n'ont plus pu joindre Al-Rabea, après son envoi de ce message.

Human Rights Watch a obtenu une copie du mandat d'arrêt délivré par le parquet saoudien et estampillé par le Département saoudien de la coopération internationale. Ce document iniquee que le ministère public a ordonné l'arrestation de Hassan Al-Rabea le 19 octobre 2022, pour « collaboration avec des terroristes […]  pour l’aider à quitter l’Arabie saoudite de manière irrégulière », un crime passible d’une peine de prison maximale de 20 ans. Un mandat d'arrêt provisoire a été émis le 22 novembre 2022, à la demande des autorités saoudiennes.

Hassan Al-Rabea a comparu devant le Tribunal de première instance du Maroc le 14 janvier, puis a été incarcéré dans la prison de Tiflet 2, dans l’attente d’une décision de la Cour de cassation de Rabat au sujet de la demande d’extradition, selon des documents judiciaires consultés par Human Rights Watch.

Un proche de Hassan Al-Rabea a expliqué à Human Rights Watch qu'il avait quitté l'Arabie saoudite fin 2021 pour échapper au harcèlement continu des autorités saoudiennes. Al-Rabea s'est d'abord rendu en Ukraine, puis en Indonésie au début de l'invasion russe, avant d'arriver finalement au Maroc à l'été 2022, a déclaré ce membre de sa famille.

L'arrestation et la détention au Maroc de Hassan Al-Rabea est le dernier exemple du ciblage des membres de sa famille par le gouvernement saoudien. Ces dernières années, les autorités saoudiennes ont intensifié les mesures de représailles contre les familles de dissidents et détracteurs se trouvant à l'étranger, afin de les contraindre à rentrer en Arabie saoudite.

Le 7 février 2021, des membres des services de sécurité de l'État saoudien avaient effectué une descente au domicile de la famille Al-Rabea à Awwamiyya, et avaient arrêté Hassan Al-Rabea, ainsi que deux de ses frères, Ali et Hussein. Hassan et Hussein ont été libérés après un jour de détention, mais Ali a été détenu au secret pendant huit mois à la prison de Dammam.

Les autorités saoudiennes ont accusé Ali Al-Rabea d'une série de crimes liés au terrorisme, notamment de faciliter les mouvements de « terroristes », selon des documents judiciaires consultés par Human Rights Watch. Le 5 novembre 2022, un tribunal a condamné Ali Al-Rabea à mort. Un membre de sa famille, dans un entretien avec Human Rights Watch, a contesté la culpabilité d'Ali, affirmant qu'il n'était pas politiquement actif.

Deux cousins de Hassan Al-Rabea – Hussein et Ahmed Al-Rabea – ont été exécutés le 23 avril 2019, lors d'une exécution massive de 37 hommes, dont 33 chiites, qui avaient été condamnés à l'issue de procès inéquitables pour divers crimes présumés, dont terrorisme espionnage, et des délits liés à des manifestations,

De nombreux chiites saoudiens purgent de longues peines, sont dans le couloir de la mort ou ont été exécutés sur la base d’accusations liées à des manifestations, à la suite de procès manifestement inéquitables. Human Rights Watch a précédemment documenté l'utilisation d'« aveux » qui auraient été obtenus par le biais de la torture et des mauvais traitements, notamment des passages à tabac et l'isolement cellulaire prolongé.

L'extradition de Hassan Al-Rabea risquerait de violer les obligations internationales du Maroc, nortamment l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui stipule : « Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. »

Communiqué complet en anglais : en ligne ici.

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OLJ/AFP        Yabiladi

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