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Des Égyptiens votent dans un bureau de vote au Caire lors de l'élection présidentielle, le 10 décembre 2023. © 2023 Nader Nabel/picture-alliance/dpa/AP Photo

Lorsque je vois des régimes autoritaires organiser des pseudo-élections et annoncer ensuite des résultats avec des scores absurdes pour le dictateur, je me demande souvent comment est décidé le pourcentage de voix qui l'emporte. J'imagine un comité de personnes assises autour d'une table et des débats houleux du genre :

"Je dis qu'il devrait gagner avec 95 %. Tout autre résultat serait une honte et une insulte pour notre grand leader !"

"Non, non, il faut qu'il ait l'air plus crédible, comme 85 %. Les gens ne croiront pas 95 % !"

"De l'ordre, de l'ordre ! Mesdames et Messieurs du Haut Conseil du truquage électoral, il se fait tard et nous devons prendre une décision. Pouvons-nous, s'il vous plaît, trouver un chiffre de compromis sur lequel nous pouvons nous mettre d'accord ?"

Je doute que mon scénario imaginaire corresponde à la réalité des dictatures mais je sais que les autorités égyptiennes ont annoncé hier que le président Abdel Fattah al-Sisi avait "remporté" un troisième mandat de six ans avec 89,6 % des voix.

Je sais également que cette invraisemblable victoire fait suite à une vague d'arrestations, d'intimidations et d'exigences excessives à l'égard des candidats, qui ont fondamentalement empêché une véritable concurrence. Dans les mois qui ont précédé l'élection, les forces de sécurité ont étouffé les manifestations pacifiques. Elles ont harcelé, détenu et poursuivi des dizaines de journalistes, ainsi que des militants politiques et des défenseurs des droits humains.

En particulier, les autorités ont ciblé les partisans et les membres de la famille d'Ahmed Tantawy, un opposant virulent aux dirigeants du pays et un candidat potentiel à l'élection présidentielle dont les autorités ont éliminé la candidature en l'empêchant de se qualifier.

Pour reprendre les termes de mon collègue et expert, Amr Magdi : "Il est clair que l'élection n'était qu'une mascarade vide de sens dans laquelle Sisi n'était pas disposé à affronter un véritable adversaire".

Rien de tout cela n'est nouveau pour l'Égypte, explique-t-il. Sous le régime de Sisi, l'armée a renforcé son contrôle sur tous les aspects de la vie des Égyptiens, et la répression a largement détruit l'espace civique, c'est-à-dire les activités indépendantes des autorités. Le droit à la participation politique est essentiellement ignoré dans le pays.

Des milliers de personnes perçues comme des détracteurs ont été emprisonnées à tort, souvent dans des conditions épouvantables. Les tribunaux ne sont rien de plus qu'un autre outil obéissant de la répression du gouvernement.

Pendant ce temps, l'Union européenne cherche à resserrer ses liens avec le régime de Sisi, en poursuivant les négociations sur un accord de partenariat bilatéral amélioré. Cet accord comprendra probablement un soutien politique et économique supplémentaire à l'Égypte, sans s'attaquer à certaines des causes profondes de la situation économique désastreuse du pays, comme sa répression systématique.

La vision d'un "Haut Conseil du trucage des élections" que j'ai exposée au début de cet article n'était que pure fantaisie, bien sûr. Mais ce n'est rien comparé au monde imaginaire dans lequel les partenaires de l'Égypte semblent vivre avec leur approche de soutien à la brutalité autoritaire.

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