Le risque du retour

Rapatriement des personnes déplacées dans le contexte du conflit dans l’est du Tchad

 

Le risque du retour

Rapatriement des personnes déplacées dans le contexte du conflit dans l’est du Tchad

I. Cartes
Est du Tchad
Cantons et sous-préfectures du Dar Sila
II. Glossaires
Termes
Groupes ethniques
Groupes rebelles tchadiens
III. Résumé
IV. Recommandations
Au gouvernement du Tchad
A la MINURCAT
Au Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies
Au Conseil de sécurité des Nations Unies
Au Bureau de la coordination des affaires humanitaires au sein de l’ONU..
A l’Union européenne
Aux organisations non gouvernementales
V. Méthodologie
VI. Contexte
Factions et politiques au Tchad
« La guerre ethnique » au Dar Sila, 2005 à 2007
La Mission de l’ONU au Tchad
Nature et ampleur des déplacements internes
VII. Incapacité à protéger les personnes déplacées à l’intérieur du pays
Le gouvernement tchadien
La Mission des Nations Unies au Tchad
VIII. Nature et ampleur des retours
IX. Risques et obstacles au retour
Instabilité liée aux activités paramilitaires
Manque d’informations sur les conditions de sécurité dans les régions d’origine
Menaces et attaques contre des personnes déplacées retournant chez elles
Absence de mécanismes de protection traditionnels
Distribution inéquitable de l’aide humanitaire
Attaques contre des humanitaires et accès humanitaire restreint
Problèmes non résolus liés au régime foncier
Occupation de la terre

I. Cartes

Est du Tchad

© 2009 John Emerson

Cantons et sous-préfectures du Dar Sila

© 2009 John Emerson

II. Glossaires

Termes

ANT

Armée nationale tchadienne, armée régulière du Tchad.

Arabisation

Processus d’acquisitionde l’identité arabe, en particulier par les mariages mixtes.

Autochtones

Communauté locale ayant acquis l’accès à la terre.

Chef de canton

Chef traditionnel non arabe chargé de la résolution de conflits, de la collecte des taxes et des décisions en matière de gestion foncière dans les zones rurales.

Chef de ferik

Autorité nomade qui négocie l’accès aux pâturages avec les communautés agricoles.

Chef de tribu  

Chef traditionnel arabe.

CONAFIT

Coordination nationale d’appui à la force internationale à l’Est du Tchad, organisme gouvernemental tchadien créé pour assurer la liaison avec la MINURCAT.

Damré

Campement nomade permanent.

Dia

Prix du sang que les auteurs de crimes graves doivent payer à la famille de la victime.

DIS

Détachement intégré de sécurité, composante de la police tchadienne dans la Mission de l’ONU au Tchad.

EUFOR

Force militaire de l’Union européenne, connue aussi sous le nom d’EUFOR Tchad/RCA.

Faction dormante

Groupe rebelle qui continue d’exister après que ses dirigeants ont abandonné la rébellion selon les termes d’accords de paix.

Ferik

Campement nomade temporaire.

GNNT

Garde nationale et nomade du Tchad, branche des services de sécurité responsable des zones rurales.

IDP

Personne déplacée interne (en anglais Internally displaced person), personne obligée de quitter son lieu de résidence habituel mais qui n’a pas franchi une frontière reconnue internationalement.

Janjawids

Forces auxiliaires recrutées en général parmi les Arabes tchadiens et soudanais par le gouvernement soudanais pour mener des opérations contre-insurrectionnelles contre les rebelles soudanais au Darfour.

Janjawids tchadiens

Dans le contexte de ce rapport, groupe atypique s’appuyant sur des milices tchadiennes communautaires, des Janjawids soudanais et des groupes rebelles tchadiens.

JEM

Mouvement pour la justice et l’égalité (en anglais, Justice and Equality Movement), groupe rebelle soudanais soutenu par le gouvernement tchadien.

MINURCAT

La  Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad.

Nazim

Terme arabe tchadien désignant une personne déplacée à l’intérieur du pays, parfois employé de façon péjorative.

SAF

Forces armées soudanaises (en anglais, Soudanese Armed Forces), armée régulière du Soudan.

Sahel

Zone climatique qui s’étend d’est en ouest à travers l’Afrique au sud du désert du Sahara.

SLA

Armée soudanaise de libération (en anglais, Soudanese Liberation Army), groupe rebelle soudanais.

Tora Bora

Dans l’est du Tchad, désigne les milices d’autodéfense communautaires. Au Darfour, ce terme désigne des groupes rebelles soudanais.

UNHCR

Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Groupes ethniques

Il ya plus de 200 groupes ethniques au Tchad. Nous avons listé ci-dessous ceux qui sont pertinents pour ce rapport. Les distinctions entre Arabes et non-Arabes recouvrent une réalité beaucoup plus nuancée.

Arabes

Arabes

Dans le contexte de ce rapport, groupes ethniques nomades et semi-nomades arabisés et arabophones. 

Beni Halba

Groupe nomade et semi-nomade localisé dans l’est du Tchad et au Darfour occidental.  Associé aux milices janjawids au Darfour. Historiquement allié aux tribus ouaddaïennes et hemat au Tchad.

Hemat

Tribu de l’est du Tchad historiquement alliée aux Arabes salamat et beni halba. Connue sous le nom de Ta’aisha au Darfour.

Mahamid

Tribu nomade et semi-nomade associée aux rebelles tchadiens et aux groupes janjawids au Tchad et au Soudan.

Mahariya

Tribu nomade et semi-nomade associée aux groupes janjawids au Tchad et au Soudan.

Nowaybe

Groupe semi-nomade dans l’est du Tchad divisé en deux sections, les Samras, qualifiés de rouges, et les Djamouls, qualifiés de noirs, derniers descendants d’un groupe arabisé. Associé aux groupes janjawids au Tchad et au Soudan.

Salamat

Tribu arabisée semi-sédentaire concentrée dans la région  du Salamat dans le sud-est du Tchad. Le groupe de migrants tchadiens le plus nombreux au Darfour occidental. Associé aux groupes janjawids au Tchad et au Soudan ainsi qu’aux groupes rebelles tchadiens.

Non-Arabes

Bideyat

Sous-clan zaghawa du président tchadien Idriss Déby Itno. Prédominant aussi bien dans les groupes rebelles tchadiens que soudanais.

Dajo

Agriculteurs sédentaires, premiers habitants du Dar Sila. Associés aux milices Tora Bora et à la GNNT au Dar Sila.

Goran

Tribu essentiellement nomade du nord du Tchad associée aux rebelles tchadiens de l’UFDD.

Kobe

Sous-clan zaghawa d’Iriba et Tine dans l’est du Tchad, et en moindre mesure de Tine, Soudan. Groupe ethnique prédominant parmi les rebelles soudanais du JEM.

Massalit

Agriculteurs sédentaires de l’est du Tchad et du Darfour occidental, associés aux rebelles soudanais de la SLA.

Mimi

Agriculteurs sédentaires de la région de l’Ouaddaï au nord et du Darfour occidental associés aux Janjawids tchadiens.

Non-Arabe

Dans le contexte de ce rapport, désigne les Dajo, Massalit, Mouro, Sinyar, Kadjeske, Moubi, Kibet, Dagal et autres groupes d’agriculteurs sédentaires non-arabes au Dar Sila.

Ouaddaїen

Terme géographique qui décrit les agriculteurs sédentaires originaires de la région du Ouaddaï et qui parlent le maba, issus principalement du groupe ethnique khosta. Présents également au Darfour, où ils sont connus sous le nom de Bergos. Associés aux groupes janjawids au Tchad et à divers groupes rebelles tchadiens.

Tama

Agriculteurs sédentaires de la région du Wadi Fira dans l’est du Tchad et dans des parties du Darfour occidental. Associés aux groupes janjawids au Tchad et au Soudan, ainsi qu’à des rebelles tchadiens du FUC.

Zaghawa

Terme générique recouvrant plus de 100 clans nomades et semi-nomades dans l’est du Tchad et au Darfour septentrional. Le clan dirigeant dans le gouvernement tchadien, prédominant dans les groupes rebelles tant tchadiens que soudanais.

Groupes rebelles tchadiens

Il y a de nombreux groupes rebelles tchadiens. Nous avons listé ci-dessous ceux qui sont pertinents pour ce rapport.

CNT     Concorde nationale du Tchad. Alliance rebelle à majorité arabe formée en octobre 2005 à Khartoum par Hassan Saleh Al-Djinnédi, un Arabe hemat. A rejoint la coalition du FUC en décembre 2005, pour s’en séparer en juin 2006.

FUC     Front uni pour le changement. Coalition formée le 28 décembre 2005 dirigée par Mahamat Nour Abdelkerim.

UFCD     Union des forces pour le changement et la démocratie. Groupe séparatiste de l’UFDD majoritairement ouaddaïen fondé en mars 2008 par Adouma Hassaballah Djadalrab, ancien commandant de l’armée tchadienne mi-arabe, mi-ouaddaïen.

UFDD     Union des forces pour la démocratie et le développement. Groupe à majorité goran fondé en octobre 2006 par l’ancien ambassadeur du Tchad en Arabie Saoudite, Mahamat Nouri, un Goran du sous-clan des Anakazas.

UFDD-F     Union des forces pour la démocratie et le développement fondamental. Groupe séparatiste de l’UFDD majoritairement arabe fondé en mai 2007 par Acheikh Ibn Oumar et Abdelwahid Aboud Makaye.

UFR     Union des forces de la résistance. Coalition de huit groupes rebelles créée le 19 janvier 2009. Dirigée par Timan Erdimi, neveu du président tchadien Idriss Déby et son ancien directeur de cabinet.

III. Résumé

Il n’y a pas d’armée, et tous les hommes de notre village sont morts. Tous les hommes sont morts, et les enfants sont trop jeunes pour se battre. Nous avons décidé de revenir à notre village pour semer des récoltes, mais ce n’était pas sûr, et maintenant il n’y reste plus personne. Il ne reste que les arbres.
—Femme déplacée à l’intérieur du pays qui a fui le village de Faradjani dans la région du Dar Sila, dans l’est du Tchad, à la suite d’une attaque des milices en décembre 2005. Interrogée au camp de personnes déplacées de Kaloma, 11 juin 2008.

Les combats dans l’est du Tchad début mai 2009 entre les rebelles tchadiens et les forces gouvernementales soulignent la façon dont les guerres entrecroisées au Tchad et au Soudan créent les conditions dans lesquelles les fermiers tout comme les nomades continuent d’être confrontés au risque du déplacement. La vaste majorité des 167 000 personnes déplacées internes (communément appelées IDP, pour internally displaced persons) qui se trouvent déjà dans des camps dans l’est du Tchad sont dans l’incapacité de rentrer chez elles en sécurité et dans la dignité. Un cocktail de groupes armés —factions rebelles tchadiennes et soudanaises, milices ayant une base communautaire et gangs criminels peu organisés— représente un risque permanent pour les IDP qui s’aventurent à retourner vers leurs régions d’origine, en particulier dans la partie sud-est du Dar Sila. En même temps, les litiges portant sur l’accès à la terre et au régime foncier demeurent un facteur sensible qui alimente une grande partie des violences, aussi bien actuellement que par le passé.

Les combats entre les forces rebelles et gouvernementales ont à nouveau éclaté près de Koukou-Angarana début mai 2009, entraînant l’évacuation forcée du personnel des agences humanitaires. Koukou-Angarana abrite environ 40 000 IDP et 20 000 réfugiés soudanais et se trouve cependant dans une zone où la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad (MINURCAT), envoyée dans l’est du Tchad par le Conseil de sécurité en 2007 pour protéger les civils et faciliter l’accès de l’aide humanitaire, n’avait pas de présence permanente jusqu’à peu de temps après que les combats entre forces gouvernementales et troupes rebelles dans la zone se soient calmés.

La vaste majorité des IDP dans l’est du Tchad préfèrent actuellement rester sur les sites où elles sont déplacées par peur de la violence et de l’insécurité. Cependant avec le début de la saison des semailles, de nombreuses personnes déplacées qui n’ont pas la possibilité de trouver de la terre à proximité des camps vont retourner dans leur région d’origine pour semer et récolter, afin de compléter les rations fournies par les agences humanitaires et pour réaffirmer leurs droits sur la terre, même si les informations sur les conditions sécuritaires à l’extérieur des camps sont rares et difficiles à évaluer pour les IDP. Si la majeure partie de la frontière de l’est est instable et précaire, les degrés d’insécurité varient d’un canton à l’autre. Pour nombre d’IDP, le retour est envisagé explicitement comme temporaire — le retour de certains membres de la famille pour cultiver, les autres restant dans la sécurité plus grande des camps pour IDP.

Nombre des 40 000 IDP qui sont rentrées chez elles en 2008, dont près de la moitié de façon temporaire, ont retrouvé les écoles et centres de santé en ruines. Toutefois, des conditions sûres pour un retour dans la dignité ne sont pas seulement une question de services et d’infrastructures. Dans de nombreuses régions, les IDP ont aussi retrouvé une absence complète de l’Etat de droit, qui est essentiel à un retour sûr et dans la dignité des IDP et pour mettre un terme aux atteintes aux droits humains. Si l’aide humanitaire dans les zones de retour laisse de côté l’assurance d’une véritable sécurité, elle peut devenir un facteur d’attraction qui met les gens en danger. Ce sont là des questions fondamentales qui doivent être traitées alors que le gouvernement, l’ONU, l’UE et des gouvernements bailleurs de fonds clés examinent des solutions durables pour les IDP tchadiens. Le gouvernement tchadien, soutenu par la MINURCAT et les agences de l’ONU, devrait renforcer les institutions judiciaire et de police afin d’encourager l’Etat de droit, notamment en exigeant que les auteurs d’atteintes brutales aux droits humains répondent de leurs crimes.

Les conflits militaires qui se poursuivent au Tchad et au Soudan signifient que l’idée d’un véritable retour des IDP semble improbable, et jusqu’à maintenant il n’est pas question d’une politique gouvernementale soutenue par l’ONU et l’UE pour favoriser un retour organisé. Il demeure que l’accès humanitaire tant pour les IDP que pour les personnes qui sont rentrées chez ellesest gêné par l’insécurité —et que les conditions sur le terrain peuvent changer rapidement d’une semaine à l’autre, comme l’ont démontré les combats autour de Koukou-Angarana début mai.

Toutefois, ni le gouvernement, ni l’ONU ou l’UE ne sont désireux de soutenir un déplacement à long terme et, quand les conditions le permettent, le retour limité est une option pour les IDP, les autorités et les agences. A vrai dire, soutenir la création de conditions pour le retour volontaire, sécurisé et durable des IDP est au cœur de la mission de la MINURCAT. La  Commission européenne finance déjà des projets pour réinstaller des IDP dans leurs régions d’origine. Pendant ce temps, le gouverneur du Dar Sila, reconnaissant que la majorité des IDP viennent de zones insécurisées, se prépare à transférer des IDP dans de nouveaux sites de déplacement où le gouvernement peut mieux assurer la sécurité.

La protection des civils, y compris des IDP, ainsi que la fourniture de l’assistance humanitaire, est le premier devoir et la responsabilité des autorités nationales du Tchad. Une partie intégrante de cette protection est la garantie que les IDP ont la possibilité de faire des choix —elles ont les mêmes droits que tout autre citoyen— et qu’elles ne sont pas contraintes à rester ou à se rendre dans des endroits qui ne sont pas sûrs, ni forcées de vivre dans des conditions indignes. Dans des zones appropriées, un processus conduit par le gouvernement et appuyé par l’ONU d’assistance échelonnée et délibérée pourrait soutenir des retours spontanés, tout en poursuivant une assistance auprès des personnes qui décident de rester dans leurs sites de déplacement ou qui souhaitent être transférées dans des parties plus sûres du pays.

Le résultat final cependant, c’est que les personnes déplacées ne devraient pas être encouragées à rentrer chez elles tant qu’elles ne se sentent pas en sécurité. On doit leur fournir des informations correctes sur les conditions de sécurité dans leurs régions d’origine, mais en leur donnant aussi les moyens de tirer leurs propres conclusions quant aux risques (par exemple, en facilitant une évaluation en situation par des membres de confiance de la communauté). De la même façon, elles doivent avoir la possibilité d’intégration ou de relocalisation dans des parties plus sûres du pays. Toute initiative de relocalisation doit garantir la pleine participation des personnes déplacées tout comme des membres des communautés locales non déplacées.

Les causes profondes des récentes violences dans le Dar Sila sont complexes, mais parmi elles figurent en priorité les différences entre des groupes historiquement privilégiés cherchant à défendre leur suprématie au sein des systèmes traditionnels de régime foncier, et des groupes marginalisés cherchant à obtenir des droits à la terre, y compris la propriété. Les tentatives de réconciliation encouragées par les leaders traditionnels, le gouvernement et l’ONU ne font pas grand-chose pour traiter les problèmes associés au régime foncier. Si les questions relatives aux droits de la terre sont immensément complexes et sont rendues encore plus difficiles alors que le conflit altère les contours des étendues nomades et des zones cultivées pour de nombreuses communautés différentes, des mécanismes efficaces devraient être mis en place pour gérer les litiges qui peuvent surgir lorsque des personnes déplacées retournent sur leurs lieux d’origine et trouvent leur propriété occupée.

Certaines familles, par exemple celles des mères célibataires, risquent d’être particulièrement vulnérables en cas de litiges, et des interventions pour garantir la protection de leurs droits seront nécessaires.

Pendant ce temps, un nouveau ressentiment s’est fait jour entre les communautés au Dar Sila à propos d’une distorsion perçue dans l’accès à l’aide, entraînée par un accès différentiel à l’assistance humanitaire causé par des contraintes logistiques et de sécurité. Si ces contraintes ont des causes profondes, les programmes d’assistance humanitaire devraient être révisés pour garantir qu’ils bénéficient aux civils qui en ont le plus besoin, et dans la mesure du possible des mesures devraient être prises pour empêcher que l’accès différentiel à l’aide n’aggrave les tensions entre communautés.

La MINURCAT a un rôle essentiel de protection des civils à jouer, en liaison avec les forces tchadiennes de l’armée, de la gendarmerie et de la police, dans le cadre de son mandat pour contribuer à la création d’un environnement sûr favorable au retour sûr des IDP et des réfugiés. La MINURCAT, cependant, est étirée sur le terrain, avec moins de la moitié de ses 5200 soldats supplémentaires autorisés qui ne sont pas encore déployés.

Les attaques fréquentes de milices dans l’est du Tchad qui ont commencé fin 2005 ont fait des centaines de morts parmi les civils et ont forcé au moins 180 000 personnes à rejoindre des camps pour personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (IDP), essentiellement dans la région frontalière du sud-est au Dar Sila. Les forces de sécurité gouvernementales ont permis aux violences de se poursuivre sans pratiquement s’y opposer.

En réponse aux violations systématiques des droits dans l’est du Tchad, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé la MINURCAT en septembre 2007. Une force temporaire de l’Union européenne (EUFOR) semble avoir empêché une reprise des massacres, mais elle a été largement incapable de combler le vide sécuritaire laissé par le manque de présence du gouvernement dans l’est. En janvier 2009, le Conseil de sécurité de l’ONU a remplacé l’EUFOR par des soldats de maintien de la paix de l’ONU, et a établi un ensemble de critères pour évaluer la réussite de la mission, comprenant le retour des IDP vers leurs lieux d’origine. En mars 2009, prenant le relais de l’EUFOR, l’ONU a pris le contrôle de la composante militaire de la mission.

IV. Recommandations

Au gouvernement du Tchad

  • Réoccuper toutes les garnisons au Dar Sila et reprendre des patrouilles régulières pour garantir la protection des civils.
  • Continuer l’assistance aux IDP qui choisissent d’intégrer des sites de déplacement.
  • Distribuer des terres arables aux IDP qui souhaitent cultiver des champs proches de leurs sites de déplacement, et garantir que les populations locales sont consultées lors de toutes les campagnes de distribution de terre et que leurs droits sont préservés.
  • Mener des enquêtes et engager des poursuites contre les responsables de violations du droit humanitaire international ou du droit des droits humains.
  • Donner des instructions à l’Observatoire national du foncier pour 1) conseiller les fonctionnaires locaux et nationaux sur les droits fonciers au Dar Sila, et 2) identifier les propriétaires déplacés des terres abandonnées.
  • Soutenir et valider les structures traditionnelles de résolution de conflits tout en évitant des interférences partisanes et inappropriées.
  • Garantir que les représentants civils et militaires du gouvernement au service de communautés multiraciales sont réellement sensibles aux préoccupations de toutes les communautés, et qu'ils ont la capacité, notamment les compétences linguistiques nécessaires, de remplir leurs fonctions avec efficacité.
  • Développer et publier un plan détaillé à durée limitée pour fournir aux civils déplacés de l’eau, des installations sanitaires et un accès aux soins médicaux et à l’éducation.
  • Fournir une protection aux personnes déplacées qui retournent temporairement chez elles pendant la saison agricole.

A la MINURCAT

  • Contrôler et rendre compte des conditions sécuritaires au Dar Sila et dans d’autres zones peu sûres, et identifier les lieux où une évaluation supplémentaire est nécessaire pour estimer les risques encourus par les IDP qui pourraient rentrer chez elles.
  • Nouer un partenariat avec les forces de sécurité et la police tchadiennes pour combattre l’impunité, en mettant l’accent sur les arrestations et les poursuites judiciaires.
  • Assurer un contrôle en matière de droits humains de toutes les initiatives gouvernementales visant au retour ou à la réinstallation des IDP.
  • Soutenir la création d’un organe permanent de chefs traditionnels pour lier les efforts de protection et d’assistance avec les processus de réconciliation et de retour, en coordination avec l’Association de chefs traditionnels du Tchad (ACTT).
  • Evaluer l’opportunité de la création de couloirs sûrs pour les IDP rentrant temporairement chez elles lors des saisons agricoles —et, s’ils s’avèrent appropriés, les assurer.

Au Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies 

  • Souligner la nécessité de programmes d’assistance pour soutenir les retours spontanés, seulement dans la mesure où des moyens locaux pour assurer la sécurité sont en place, et insister auprès des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux pour qu’ils présentent aux IDP des alternatives sûres et volontaires de retour, par exemple l’intégration ou la réinstallation dans d’autres parties du pays.
  • Souligner la nécessité tant pour la MINURCAT que pour le gouvernement tchadien d’aider à créer les conditions permettant aux personnes déplacées un retour sûr et dans la dignité chez elles, et de patrouiller dans des couloirs de retour saisonnier et des sites de retour temporaire, en particulier pendant les périodes agricoles, selon les moyens et les capacités.

Au Conseil de sécurité des Nations Unies

  • Mandater la MINURCAT pour soutenir le gouvernement tchadien afin de mener des enquêtes et d’engager des poursuites pour les violations du droit humanitaire international ou du droit des droits humains, et exiger que la MINURCAT et le gouvernement tchadien coopèrent pour appréhender les coupables présumés de graves violations des droits humains au Dar Sila.
  • Inscrire Hamid Dawai, Abdullah Ahmad Shinebad, Hassan Saleh Al Gadam al-Djinnedi et d’autres individus responsables d’attaques contre les civils sur la liste des personnes passibles de sanctions par le Comité de sanctions de l’ONU.

Au Bureau de la coordination des affaires humanitaires au sein de l’ONU

  • Garantir la poursuite de l’aide alimentaire pour les personnes déplacées dont les villages d’origine sont situés dans des zones insécurisées.
  • Elaborer un ensemble de critères précis utilisés pour distinguer les retours temporaires et permanents.
  • Mener une enquête sur les déplacements internes dans l’est du Tchad, notamment, si la sécurité est suffisante, dans les zones non étudiées précédemment du fait de l’insécurité dans les sous-préfectures d’Adé, Koloye et Mongororo.
  • Examiner et contrôler les pratiques et les politiques humanitaires en vue de diminuer les tensions liées à l’accès différentiel à l’aide humanitaire.

 

A l’Union européenne

  • Fournir un soutien financier maximum au fonds volontaire de la MINURCAT destiné aux projets à impact rapide.

Aux organisations non gouvernementales

  • Contrôler les efforts de la MINURCAT pour apporter la sécurité dans les zones de retour et évaluer dans quelle mesure ces efforts créent les conditions pour des retours à long terme.
  • Etendre les opérations aux zones rurales le plus possible selon les moyens et les capacités.
  • Garantir que des plaintes officielles sont déposées auprès des autorités tchadiennes après les attaques et les exactions commises contre le personnel humanitaire, et exiger que l’unité de la MINURCAT chargée de l’Etat de droit suive la progression de chaque plainte dans le système judiciaire tchadien.

V. Méthodologie

Ce rapport s’appuie sur des recherches de Human Rights Watch menées dans le sud-est du Tchad, notamment les résultats d’enquêtes de missions à Koukou-Angarana et ses environs en février 2009, à Goz Beida et ses environs en juin 2008 et dans des zones rurales situées entre Dogdoré et Tiero-Marena en juillet/août 2007.

 Ce rapport s’appuie aussi sur plusieurs centaines d’entretiens conduits auprès de témoins oculaires, de victimes de violence, de personnes déplacées à l’intérieur du pays, de personnes ayant regagné leur lieu d’origine, de chefs tribaux et communautaires, de fonctionnaires et de membres de groupes armés. Des résultats de recherches menées par Human Rights Watch au cours d’années précédentes ont été utilisés pour fournir le contexte des évolutions plus récentes, notamment les résultats de missions menées à bien dans le sud-est du Tchad en janvier 2006, mars/avril 2006, et octobre/novembre 2006.

Dans la mesure du possible, les entretiens auprès de sources ont été conduits en privé, avec seulement le chercheur de Human Rights Watch, la personne interrogée, et (au besoin) la présence d’un interprète. Les entretiens ont été menés en français ou en anglais avec une traduction à partir de l’arabe ou d’autres langues locales. Il a été demandé aux personnes interrogées de ne relater que les événements qu’elles ont personnellement vécus et observés. Dans la plupart des cas, les noms des personnes interrogées ont été dissimulés afin de protéger leur vie privée et de garantir leur sécurité.

L’évaluation par Human Rights Watch du traitement des personnes déplacées dans ce rapport est basée sur les normes établies dans les Principes directeurs de l’ONU relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays.

VI. Contexte

Factions et politiques au Tchad

Depuis que le pays est devenu indépendant de la France en 1960, une  succession de gouvernements corrompus, auteurs d’abus et n’ayant pas à répondre de leurs actes, ont porté atteinte aux droits des citoyens tchadiens de choisir librement leurs dirigeants.[1] Dans la culture politique tchadienne violente et minée par les factions, les préoccupations de l’opposition s’expriment souvent par le biais de groupes rebelles anti-gouvernementaux, généralement organisés selon des critères ethniques.[2]

Depuis que le président tchadien Idriss Déby Itno est arrivé au pouvoir lors d’un coup d’Etat en 1990, il s’est régulièrement servi du clientélisme présidentiel pour acheter le soutien de seigneurs de guerre et de chefs de clans qui constituent la base du pouvoir politique au Tchad. En mars 2007 le chef rebelle tchadien Mahamat Nour Abdelkerim s’est vu attribuer le ministère de la Défense, moins d’un an après que son parti le Front uni pour le changement(FUC) ait combattu les troupes du gouvernement dans les rues de la capitale. Le clientélisme prend souvent la forme d’un paiement en liquide, communément appelé « l’enveloppe ». Par exemple, en décembre 2006, des fonds publics s’élevant à 60 000 CFA (13 000 USD) ont été offerts à chacun des 19 chefs de tribus nomades arabes de la sous-préfecture d’Abougoudam, au sud-ouest d’Abéché, après une campagne de recrutement effectuée par les chefs paramilitaires soudanais. Un des chefs de tribu a déclaré : « La situation militaire est peut-être calme, mais la guerre des enveloppes continue toujours, et c’est une guerre qui est très difficile à livrer. »[3] Face à une insurrection menée par des membres de sa famille proche, le président Déby a lourdement investi pour acheter la loyauté de membres de son propre groupe ethnique Zaghawa.[4]

Un système de gratification qui récompense la loyauté mais aussi la trahison  perpétue les conflits au Tchad, cependant que des alliances reposant sur l’appartenance ethnique de part et d’autre des frontières contribuent également à déstabiliser le Darfour. Le gouvernement tchadien subventionne des groupes rebelles soudanais tels que le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM), une faction à dominante zaghawa qui a fini par tenir un rôle central dans la défense nationale au Tchad. Le ministre tchadien de la Défense Mahamat Ali Abdullah, un Zaghawa appartenant au même sous-clan Kobe qui domine le JEM, a fourni le JEM en véhicules utilisés pour un  raid en mai 2008 qui s’était étendu jusqu’aux banlieues de Khartoum.[5]

Le gouvernement soudanais quant à lui soutient des groupes rebelles tchadiens qui comptent parmi eux de nombreux ressortissants tchadiens recrutés dans les rangs des milices janjawids au Darfour.[6] L’opportunisme explique en partie cette fluidité entre les groupes armés, mais les problèmes liés à la terre sont communs aux groupes rebelles tchadiens et aux milices janjawids. Les rebelles arabes tchadiens constituent l’épine dorsale du Rassemblement arabe (en anglais Arab Gathering) et de la Légion islamique, des groupes paramilitaires soutenus par la Lybie et basés au Darfour qui se sont concentrés sur la création de droits fonciers pour les Arabes dans les années 1970 et 1980.[7] Les rebelles de la CNT ont fondé l’Association des Arabes tchadiens pour l’alphabétisation, la sédentarisation et la solidarité (AATASS), afin d’encourager l’établissement permanent de nomades arabes, en vue d’une amélioration de l’accès à la santé et à l’éducation.

« La guerre ethnique » au Dar Sila, 2005 à 2007

Le Dar Sila, une région administrative au sud-est du Tchad,[8] fut la scène de violences paramilitaires importantes entre 2005 et 2007 qui firent des centaines de victimes parmi les civils, une série de massacres désignés localement comme « La guerre ethnique » .[9] La cause immédiate des violences n’était pas tellement l’hostilité ethnique mais une communauté d’intérêts entre les milices janjawids soudanaises, les groupes rebelles tchadiens et les communautés au Dar Sila ayant des griefs exploitables.

De par le fait que la région a une terre riche et une nappe phréatique abondante permettant à certains agriculteurs de récolter deux productions à chaque saison de culture, le Dar Sila a attiré les IDP au milieu des années 1980 où une grave sécheresse a forcé 10 pour cent de la population tchadienne à fuir leurs foyers.[10] Les chefs de canton, dirigeants traditionnels chargés de collecter les impôts et de résoudre les litiges, ont dirigé les victimes de la sécheresse vers des parcelles de terres cultivées et des pâturages conformément au droit coutumier qui réservait les droits à la propriété de la terre aux membres de communautés locales, désignés localement comme les autochtones.[11]

L’extinction de grandes quantités de bétail au cours des années de sécheresse a forcé de nombreux nomades arabes arrivant au Dar Sila à se tourner vers l’agriculture afin de survivre, ce qui a fait de l’accès à la terre avec une sécurité d’occupation un problème particulièrement aigu.[12] Les Ouaddaïens, une tribu d’agriculteurs non-arabes qui est arrivée au Dar Sila en grand nombre pendant les années de sécheresse, a tenté de contester le régime coutumier de la terre qui les empêchait d’acquérir des droits de propriété au Dar Sila. En 1993, les migrants ouaddaïens ayant fui la sécheresse ont cherché à obtenir un système administratif qui aurait transféré au Dar Sila les droits à la terre  dont ils auraient bénéficié dans leurs régions d’origine. Comme l’a expliqué un chef de village Dajo à Human Rights Watch, le plan a été vigoureusement rejeté par les Dajos locaux :

Jusqu’en 1993 nous avons vécu ensemble sans aucun problème. Mais ensuite les Ouaddaïens ont dit : « Maintenant, le Dar Sila —ce serait mieux de l’appeler le Dar Ouaddaï. Ça ne devrait plus s’appeler le Dar Sila. » C’était de la provocation.[13]

Le statut des Ouaddaïens au Dar Sila s’est d’autant plus détérioré lorsqu’ils ont commencé à payer les taxes sur leurs concessions terriennes directement au sultan, la plus haute autorité coutumière au Dar Sila, mettant hors circuit les chefs de canton locaux en signe de protestation.[14] Un agriculteur ouaddaïen de 54 ans qui a fui les conditions de la sécheresse à Abéché pour le Dar Sila en 1985 se rappelle :

Les Dajos sont venus vers nous et ont dit : « Pourquoi êtes-vous venus ici ? » Nous leur avons répondu : « à cause de la sécheresse».  Les  Dajos ont dit : « Votre ventre est plein à présent. Il est temps pour vous de retourner là d’où vous êtes venus. » Nous sommes venus ici et avons débroussaillé et cultivé la terre il y a de ça plus de 20 ans, et maintenant les Dajos nous disent qu’il faut qu’on rentre chez nous ? Nous ne pouvons l’accepter.[15]

Les tensions entre les migrants ayant fui la sécheresse et les autochtones au sujet de l’accès à la terre dans les années 1980 et 1990 étaient entrain de démanteler la structure sociale du Dar Sila, une situation qui a été exploitée au début du siècle à des fins de recrutement par une alliance d’acteurs armés venant des deux côtés de la frontière Tchad-Soudan. L’une des clés des alliances paramilitaires transfrontalières était Mahamat Tahir Nouradine, un chef arabe Nowaybe de Modoyna qui avait mené les colons Nowaybes jusqu’à la périphérie de la ville de Goube dans la région Wadi Saleh au  Darfour Occidental en 2004.[16] A l’époque, Goube était une base d’opérations pour le commandant janjawid Abdullah Ahmad Shinebad, un Arabe Beni Halba, ainsi que pour le chef rebelle  tchadien Hassan Saleh Al Gadam al-Djinnedi, un Arabe Hemat qui a réparti des éléments de son mouvement la Concorde nationale du Tchad (CNT) entre  Goube et la ville voisine de Tandousa.[17]

Depuis Goube, des Arabes Nowaybes dirigés par Mahamat Tahir Nouradine ont conduit une campagne de recrutement au Dar Sila pour les groupes de milices qui deviendraient les Janjawids tchadiens, lançant un appel aux armes qui trouva écho parmi les groupes sans terre dont les nomades arabes, les Ouaddaïens et d’autres membres de groupes ethniques non-arabes ayant migré au Dar Sila au cours des années de sécheresse, tels que les Mimis.[18] Grâce aux armes fournies par Hassan al-Djinnedi,[19]les Janjawids tchadiens étaient prêts à dévaster l’est du Tchad.[20] Les attaques de milices transfrontalières contre des civils au Tchad débutèrent juste après un raid du  25 septembre 2005 près de la ville de Modoyna qui a été liée Hassan al-Djinnedi, et qui a entraîné la mort d’au moins 60 civils.[21] La milice dirigée par Mahamat Tahir Nouradine a été liée à des attaques contre les civils dans la zone frontalière immédiate fin 2005, notamment des raids menés en septembre contre les villages de Khadera, Agnata, Am Deguel et Djerena, et en novembre contre Taroura, Tireya, Koumou et Abiribiri.[22]Les opérations des groupes rebelles coïncidaient souvent avec des attaques contre les civils par les milices janjawids tchadiennes, surtout celles menées par Mahamat Nour Abdelkerim.[23]

Des attaques de représailles menées par les milices locales « Tora Bora » (groupes d’autodéfense communautaires recevant divers degrés de soutien de la part du gouvernement tchadien) ont visé des civils arabes et ouaddaïens suspectés de complicité dans les attaques janjawids. Les soldats du gouvernement ont fait peu pour protéger les civils de ces exactions, et dans de nombreux cas ont été eux-mêmes responsables d’exactions. En août 2007, les chercheurs de Human Rights Watch ont reçu 43 rapports distincts de meurtres, d’actes de torture et d’arrestations arbitraires commis par des soldats de l’Armée nationale tchadienne (ANT) et des groupes paramilitaires alliés menant des opérations contre les rebelles arabes tchadiens avec le CNT au Dar Sila.[24]

La Mission de l’ONU au Tchad

A l’apogée des violences commises par les milices à l’est du Tchad en décembre 2006, Kofi Annan, qui était alors Secrétaire général des Nations Unies, a présenté les grandes lignes d’une force de protection des civils capable de défendre les droits humains à l’est du Tchad et d’appuyer des pourparlers de paix au Tchad et dans toute la région.[25] Le président Déby était fermement opposé à un rôle de pacification pour l’ONU, une position néanmoins soutenue par la France au Conseil de sécurité.[26] Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi  n’était pas du tout à l’aise quant au déploiement des troupes de l’ONU dans la région. En conséquence, la résolution 1778 du Conseil de sécurité de l’ONU, approuvée en septembre 2007, a établi une présence multinationale au Tchad qui ne comprenait pas de soldats de maintien de la paix et qui ne détenait pas de mandat politique. La Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) comprenait des observateurs des droits humains et des conseillers juridiques pour promouvoir l’Etat de droit, une section des affaires civiles et politiques pour favoriser la réconciliation locale et une unité de policiers pour aider à professionnaliser le système carcéral, mais pas de troupes de combat. Au lieu de casques bleus, la Force militaire de l’Union européenne dans l’est du Tchad et dans le nord-est de la République Centrafricaine (EUFOR Tchad/RCA) comprenait le bras armé de la force.[27]

En septembre 2008, la résolution 1834 du Conseil de sécurité  a prorogé le mandat de la MINURCAT de six mois.[28]En janvier 2009, la résolution 1861du Conseil de sécurité de l’ONU a remplacé les 3 400 soldats EUFOR au Tchad par 5 200 soldats de maintien de la paix de l’ONU et a prolongé d’un an le mandat de la force, jusqu’au 15 mars 2010.[29]

Nature et ampleur des déplacements internes

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA)indique que 166 718 civils ont été déplacés dans l’est du Tchad à avril 2009, même si le vrai chiffre est probablement plus élevé, considérant que seulement une poignée de villages dans les sous-préfectures d’Adé, Modoyna et Mongororo ont été étudiés à cause de l’insécurité.[30]

Les attaques contre des civils perpétrées par les milices au Dar Sila ont provoqué deux types distincts de déplacement interne. Les Dajos, les  Massalits et d’autres IDP non-arabes se sont généralement enfuis vers la périphérie de grandes villes où les soldats du gouvernement  et les travailleurs humanitaires maintiennent une présence active. Au moins 110 000 IDP sont concentrées à l’intérieur et autour des villes de Goz Beida, Koukou-Angarana et Dogdoré, la plupart d’entre elles n’étant pas Arabes.[31] Par peur des représailles, les Arabes, les Ouaddaïens et d’autres groupes associés avec les Janjawids tchadiens ont eu tendance à chercher refuge dans des zones rurales et éloignées, laissant beaucoup d’entre eux hors de portée des organismes humanitaires. Les membres de ces groupes sont parfois appelés les déplacés « non officiels » ou « invisibles » par les travailleurs humanitaires.[32]

VII. Incapacité à protéger les personnes déplacées à l’intérieur du pays

Au regard des Principes directeurs de l’ONU relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, la protection et l’assistance des personnes déplacées internes relèvent de la responsabilité fondamentale du gouvernement.[33] L’engagement du gouvernement tchadien à remplir cette responsabilité a été faible. Pendant ce temps, la menace que représente pour les civils l’insécurité régnante dans l’est du Tchad et au Darfour a été reconnue dans la résolution 1778 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui impose à la MINURCAT d’aider à créer les conditions de sécurité propices à un retour volontaire, sûr et durable des réfugiés et des personnes déplacées. La résolution 1778 autorise la MINURCAT, agissant selon le Chapitre VII de la Charte de l’ONU, à employer tous les moyens nécessaires (en d’autres termes, jusqu’à et y compris l’usage de la force) pour contribuer à protéger les civils en danger, en particulier les réfugiés et les personnes déplacées internes.[34]

Le gouvernement tchadien

La décision du gouvernement tchadien de retirer des unités de l’armée de positions frontalières au Dar Sila fin 2005 a permis aux violences des milices de se poursuivre sans pratiquement aucune opposition, causant de nombreux morts et blessés qui auraient pu être évités.[35] Le départ de 35 soldats de l’ANT de la ville de Koloye, au nord-est de Goz Beida, a laissé un seul gendarme, âgé de 22 ans, en charge de la protection d’environ 10 000 IDP. Quand la ville a été attaquée par des milices janjawids tchadiennes le 11 novembre 2006, 67 civils au moins ont été tués.[36]

Les civils ont réagi au vide sécuritaire en organisant des groupes d’autodéfense Tora Bora qui ont reçu de la part des autorités différents degrés de soutien et qui à maintes reprises ont participé à des opérations conjointes avec des unités de l’ANT. Les civils arabes et ouaddaïens du Dar Sila se sont plaints de nombreuses exactions commises par une unité Tora Bora basée dans les villages adjacents de Tiero et Marena, à quelques kilomètres à l’est de Goz Beida, notamment durant des opérations conjointes avec l’ANT.[37] Une unité Tora Bora était responsable de la protection d’environ 6000 IDP dans les villes adjacentes de Marena et Tiero lorsque des rebelles tchadiens et des milices janjawids tchadiennes ont attaqué le 31 mars 2007, faisant au moins 200 morts. Un chef de tribu arabe tchadien a affirmé à Human Rights Watch que l’unité Tora Bora basée à Tiero était la cible de l’attaque parce qu’elle avait commis des exactions à l’encontre de civils arabes. Il a déclaré : « Nous n’allions pas rester les bras croisés. »[38]

Les massacres à Koloye et Tiero-Marena en 2006 et 2007 représentent des manques de protection des IDP par le gouvernement directement liés à des décisions politiques, soit de réduire la protection des communautés vulnérables, soit de déléguer cette protection à des milices communautaires. Les forces de sécurité gouvernementales continuent de faire preuve d’un engagement limité pour la protection des civils. La ville frontalière de Daguessa est tombée aux mains d’un groupe rebelle par ailleurs dormant en septembre 2008, peu après que l’unité de l’ANT qui y était stationnée soit redéployée à Modoyna ; alors que les ex-rebelles usaient de menaces de mort pour extorquer de l’argent aux habitants de la ville, dont 600 IDP, près de quatre mois se sont écoulés avant que l’ANT ne revienne restaurer l’autorité de l’Etat.[39]

Le plan du gouvernement tchadien pour stabiliser le Dar Sila, annoncé début 2008, semble se limiter à la création d’un poste de police nationale à Koukou-Angarana.[40] Bien que la MINURCAT ait déployé 120 soldats à Koukou-Angarana en mai 2009, le gouvernement doit encore remplir sa promesse.[41] L’engagement du gouvernement à assumer ses responsabilités est loin d’être suffisant. En plus de restaurer la sécurité dans la zone frontalière, le gouvernement doit discipliner et punir des fonctionnaires locaux civils et militaires qui très souvent constituent une menace pour les civils qu’ils devraient protéger. Des travailleurs humanitaires internationaux ont expliqué à Human Rights Watch, par exemple, que des tâches administratives courantes comme le recrutement ou le licenciement ont occasionné des menaces et des actes de violence de la part de fonctionnaires locaux cherchant à influencer la décision. Un travailleur humanitaire a raconté :

Le [fonctionnaire local] voulait que je réembauche quelqu’un que je venais juste de licencier. Je lui ai dit que je ne pouvais pas faire ça. C’est alors qu’il m’a déclaré qu’il ne pouvait plus garantir ma sécurité.[42]

La résidence du travailleur humanitaire a été par la suite la cible d’une attaque violente.[43] L’impunité qui prévaut dans l’est du Tchad fonctionne à la manière du clientélisme en permettant aux fonctionnaires de vivre aux dépens des agences d’aide humanitaire et de la population locale. Une série d’attaques contre les bureaux de Médecins sans frontières (MSF) à Koukou-Angarana serait l’œuvre du sous-préfet résident, Mahamat Mousa, membre de l’ethnie zaghawa qui serait lié à de hauts fonctionnaires.[44] Des soldats de l’ANT se sont rendus coupables de raids simultanés contre des installations de MSF à Adé et Goz Beida le 4 décembre 2008, selon des travailleurs de l’aide internationale et des sources locales.[45]

Craignant des représailles exercées par les fonctionnaires, de nombreux travailleurs humanitaires hésitent à déposer plainte auprès des autorités tchadiennes après des attaques et des menaces. Paradoxalement, en nourrissant l’impunité, une telle complaisance aide à renforcer le système de prédation qui met le personnel humanitaire en danger.

L’impunité demeure l’un des principaux obstacles à l’amélioration de la protection des IDP. Le gouvernement devrait prendre des mesures pour que les responsables de graves atteintes aux droits humains répondent de leurs crimes, et il doit faire davantage pour garantir que des systèmes de mise en application de la loi et de la justice sont en place, afin que ceux qui commettent des crimes moins graves rendent des comptes pour leurs actes. En dépit d’allégations de crimes graves contre des civils au Dar Sila, le chef rebelle tchadien Hassan al-Djinnedi a été nommé secrétaire d’Etat du Tchad à la Défense nationale chargé des victimes et vétérans de guerre à la suite d’un accord de paix de décembre 2007 avec le gouvernement tchadien.

La Mission des Nations Unies au Tchad

L’EUFOR a commencé à déployer des troupes au Tchad en février 2008, sept mois après la date prévue mais bien avant la MINURCAT, qui n’a pas atteint sa capacité opérationnelle avant la fin de l’année.[46]

Le déploiement de l’EUFOR a sans doute empêché la poursuite des violences des milices au Dar Sila. Un dirigeant arabe tchadien ayant des liens de parenté avec des groupes janjawids tant au Tchad qu’au Soudan a affirmé à Human Rights Watch que les attaques contre les civils qui devaient avoir lieu fin 2007 ont été rendues impossibles par l’arrivée imminente de la mission. Il a déclaré : « La guerre ethnique est terminée. »[47] Au Dar Sila, les patrouilles de l’EUFOR ont amené un sentiment généralisé de sécurité dans de grandes villes comme Goz Beida et Koukou-Angarana.[48]

Toutefois, l’EUFOR n’a pas été capable de remplir le vide sécuritaire laissé par le manque d’un appareil de sécurité d’Etat en état de fonctionnement. De fait, selon des IDP, les patrouilles de l’EUFOR dans des zones agricoles n’ont pas soutenu la comparaison avec la protection fournie par les rebelles du FUC après que leurs forces ont rejoint le gouvernement tchadien fin 2006. Une personne déplacée à Gassire a déclaré :

L’ONU devrait patrouiller là où nous travaillons. S’ils ne viennent pas assez près, ça n’aide pas. Certains champs sont loin de la route, et ce qui se passe loin de la route, personne n’en entendra jamais parler.[49]

En 2008, des fonctionnaires de l’EUFOR ont confié à Human Rights Watch que leurs efforts pour protéger les civils sont limités par les ressources, en particulier un manque de personnel.[50] La mission a aussi été gênée par les concessions faites par l’ONU au gouvernement tchadien sur la zone des opérations, qui ont été jugées nécessaires pour obtenir l’approbation du déploiement par le Président Déby.[51] Le rapport du 10 août 2007 du Secrétaire général Ban Ki-Moon, qui constituait un avant-projet de la mission de l’ONU au Tchad, indiquait que la force n’aurait aucune « implication directe »  dans la zone frontalière Tchad-Soudan,[52] un concept révisé du domaine d’opérations de la mission par rapport à celui qui avait été originellement proposé.[53] Les IDP se déplacent fréquemment de part et d’autre de la frontière Tchad-Soudan en tentant d’échapper à une insécurité variable, cependant, et des civils vulnérables ont de ce fait été laissés en dehors de la zone d’opérations de l’EUFOR.[54]

La résolution 1861du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée en janvier 2009, permet davantage de liberté d’action pour la protection des civils dans les zones frontalières,[55] mais cela reste difficile pour les forces internationales d’opérer dans la zone frontalière. Le 9 février 2009, des unités de la GNNT ont ouvert le feu sur une patrouille de l’EUFOR près de Birak, dans la région d’Ouadi Fira au nord-est d’Abéché, obligeant la force à cesser les patrouilles le long de la frontière. Deux jours plus tard, des soldats de la Garde nationale et nomade du Tchad (GNNT) ont effectué des tirs de sommation sur une patrouille de l’EUFOR dans la région de Dogdoré à l’est de Goz Beida, l’empêchant aussi de s’approcher de la frontière.[56]

Au cours d’une attaque menée par des rebelles tchadiensle 14 juin 2008 contre Goz Beida, l’EUFOR a pris une position défensive autour des camps d’IDP et de réfugiés et a évacué 250 travailleurs humanitaires,[57] mais l’EUFOR n’a pas essayé d’empêcher les violences en représailles contre les citoyens de Goz Beida. Les rebelles qui ont pénétré dans la ville ont abattu Aboubakar Mahamat, 30 ans, d’un tir dans le ventre, le soupçonnant d’être un soldat du gouvernement à cause de son uniforme noir de restaurant.[58] Deux sœurs, Habi Sharif âgée de 15 ans et Zene Baissa, 17 ans, ont été abattues en essayant d’empêcher un garçon de rejoindre les rebelles.[59] L’attaque a aussi révélé de graves insuffisances en matière de renseignement : la colonne d’invasion comptant plus de 100 véhicules rebelles est descendue sur Goz Beida quelques heures à peine après que l’EUFOR ait prévenu les travailleurs humanitaires que les forces rebelles signalées dans la région deux jours plus tôt étaient parties et  qu’il était sans danger de retourner travailler dans les camps d’IDP et de réfugiés.[60] La colonne rebelle venait de la poche de Modoyna, zone située hors des limites des hélicoptères Mi-8 de l’EUFOR à cause du risque de tirs anti-aériens depuis les deux côtés de la frontière.[61]

Le 15 mars 2009, les Nations Unies ont pris le contrôle de la composante militaire de la MINURCAT, remplaçant les soldats de l’UE par des soldats de maintien de la paix de l’ONU suite à l’expiration du mandat annuel de l’EUFOR.[62] A mai 2009, la MINURCAT fonctionnait à moins de la moitié des effectifs, avec 2115 sur 5200 soldats déployés sur le terrain.[63] La force devrait atteindre son plein effectif d’ici la fin de 2009.

VIII. Nature et ampleur des retours

On estime que 40 000 IDP sont retournées dans leurs villages en 2008, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), un calcul qui comprend celles qui sont rentrées temporairement.[64] En mars 2009, OCHA a communiqué des chiffres révisés et provisoires évaluant le nombre de retours permanents, excluant les retours saisonniers, à environ 27 000.[65]La plupart de ces retours se sont faits dans des régions éloignées de la frontière et proches de zones d’activités humanitaires telles que  Kerfi, Goz Beida, et Koukou-Angarana, scène de combats en mai 2009. Cependant, les autorités tchadiennes, la MINURCAT, les agences des Nations Unies et les ONG ne devraient pas considérer ces retours comme étant l’indication d’un environnement favorable à des retours sans dangers. Dans de nombreux cas, l’insécurité répandue oblige les IDP à envoyer quelques membres de la famille pour  cultiver les champs dans leurs villages d’origine tandis que d’autres restent en sécurité dans les camps.

Human Rights Watch considère que les déplacements s’arrêteront grâce à l’une des trois « solutions durables » approuvées par le Comité directeur inter-agence (IASC) : retour permanent à la région d’origine, intégration à la communauté locale, ou réinstallation dans une autre région du pays.[66] La sécurité doit être en place pour que les retours s’inscrivent dans la durée, comme l’a dit une IDP:

Si les Nations Unies assument leur responsabilité et assurent la sécurité, les personnes présentes dans les villages pourront y rester. Sinon, elles resteront le temps qu’il faudra pour planter et récolter, et ensuite elles retourneront au camp.[67]

De nombreuses personnes déplacées ont déclaré à Human Rights Watch que les rations de nourriture diminuant et l’incapacité à trouver une terre arable près de leurs sites de déplacement les obligeaient à s’aventurer dans des zones d’agriculture éloignées où l’insécurité et le banditisme rendent impossible le fonctionnement de la plupart des organisations humanitaires. Des prix élevés de marchandises combinés à deux années consécutives de faibles récoltes ont rendu les IDP dépendantes de l’aide alimentaire en 2008,[68] mais le Programme alimentaire mondial (PAM) élimine progressivement les rations de nourriture pour les IDP pendant l’année, les dernières distributions se faisant en juillet.[69] En novembre 2008, à la suite d’une évaluation sur la sécurité alimentaire d’urgence, le PAM a conclu que la distribution de l’aide alimentaire pour les IDP devait reprendre et a distribué de la nourriture aux IDP à Goz Beida et à Koukou-Angarana en avril 2009.[70]

Les conflits de mai 2009 à l’est du Tchad ont poussé trois agences des Nations Unies et 11 ONG à se séparer du personnel non essentiel, ce qui a porté atteinte à l’aide d’urgence pour des centaines de civils.[71] Bien qu’il n’y ait pas eu de déplacements significatifs à noter, les précédentes incursions rebelles ont été fortement liées à la violence opportuniste des milices dans les zones rurales du sud-est et ont dissuadé les IDP de rentrer chez elles.

Un plan diffusé par le gouverneur du Dar Sila, M. Toké Dady, reconnaît que la grande majorité des IDP viennent de régions rurales et éloignées qui demeurent dangereuses et propose de transférer les IDP vers de nouveaux sites de déplacement où le gouvernement pourrait mieux garantir la sécurité.[72] Des plans concrets pour soutenir les personnes déplacées sont les bienvenus, surtout sous la forme d’un accès temporaire, bien que des efforts de ce genre doivent inclure les communautés locales, s’assurer que les droits fonciers locaux sont respectés et éviter  de créer des conflits.

De plus, plusieurs aspects du plan du gouverneur soulèvent des questions en matière de droits humains. Lors d’un entretien avec Human Rights Watch, le gouverneur Dady a rejeté l’idée que les IDP n’avaient peut être pas envie de se déplacer, déclarant que : « Si on les laisse décider, elles prendront la mauvaise décision. »[73] Les initiatives de relocalisation doivent assurer la participation totale des déplacés internes, comme l’exigent les normes internationales,[74] et devraient être en accord avec le principe du volontariat, qui est essentiel à la protection des IDP.[75] Le gouvernement tchadien doit être préparé à garantir une assistance prolongée pour celles qui souhaitent s’intégrer aux communautés d’accueil.

La résolution 1861 du Conseil de sécurité de l’ONU a établi trois critères pour mesurer le succès de la MINURCAT : la démilitarisation de l’environnement des camps, une meilleure protection des civils par le gouvernement et le retour d’une « masse critique » d’IDP.[76] La MINURCAT doit veiller à ne pas donner aux civils une fausse impression de sécurité dans les zones qui peuvent être à risques, que ce soit à cause de menaces immédiates ou d’une instabilité à long terme.

IX. Risques et obstacles au retour

Les violences des milices qui ont vidé de ses habitants une grande partie du Dar Sila ont laissé des centaines de villages en ruines, aggravant les privations occasionnées par le grave sous-développement de la région. Sur les 326 villages étudiés au Dar Sila en 2008 par INTERSOS, une ONG italienne, 18 seulement disposaient d’écoles primaires en état de fonctionnement et seules les localités de Goz Beida, Kerfi, Koukou-Angarana, Dogdoré et Adé disposaient de centres de soins en état de fonctionnement.[77] La reconstruction des infrastructures civiles sera une question critique pour le gouvernement, les communautés, l’ONU et les ONG quand les conditions de sécurité changeront pour permettre le retour sûr et durable des IDP.

Les personnes déplacées internes qui retournent dans leurs régions d’origine au Dar Sila continuent d’être confrontées à des obstacles allant de menaces et d’attaques directes à une insécurité générale, ce qui limite l’accès humanitaire. De plus, nombre des facteurs sous-jacents au conflit dans la région, notamment les droits à l’accès et à la gestion de la terre et de l’eau, ne sont toujours pas résolus. Même si ce sont là des questions complexes et à long-terme, les nombreux incidents d’intimidation et de violence signalés contre des personnes retournant chez elles indiquent que les processus et les mécanismes permettant de traiter les litiges portant sur la terre et l’eau sont essentiels pour empêcher les confrontations violentes ainsi que l’aliénation des droits de groupes particulièrement vulnérables, comme les foyers de mères célibataires.

Instabilité liée aux activités paramilitaires

Les groupes armés allant des factions rebelles tchadiennes à des gangs criminels peu organisés représentent un risque permanent pour les civils déplacés qui cherchent à retourner dans leurs lieux d’origine.

Les rebelles tchadiens sont fermement installés dans la poche de Modoyna, un point frontalier du canton d’Ouadi Khadja à l’extrême nord-est du Dar Sila, notamment des groupes qui se sont rendus coupables du recrutement forcé d’enfants.[78] Le 11 mai 2008, un groupe de 30 soldats de l’EUFOR effectuant une patrouille de huit jours dans la région de Modoyna a été encerclé par 200 rebelles tchadiens.[79] Le 26 octobre 2008, les rebelles ont ouvert le feu sur une patrouille de l’EUFOR dans la même zone.[80] Les rebelles tchadiens maintiennent une présence ancienne dans la région de Tissi, dans l’extrême sud-est du Tchad, où l’insécurité a contribué à l’exode d’environ 6 000 civils vers Um Dukhun, au Darfour Occidental, entre février et mai 2008.[81]

Une faction auparavant dormante de la CNT a pris le contrôle de la ville frontalière tchadienne de Daguessa de septembre à décembre 2008 et a recouru à des menaces de mort pour extorquer de l’argent aux civils, dont 600 IDP. Un témoin oculaire s’est rappelé : « Ils sont arrivés et ils ont dit : ‘Maintenant le gouvernement c’est nous.’ »[82]

A l’ouest de Modoyna dans le canton de Koloye, les villes frontalières de Koumou et d’Abiribiri sont sous le contrôle effectif des milices janjawids tchadiennes dirigées par Mahamat Tahir Abdelkerim, qui a été impliqué dans des attaques délibérées contre des civils au plus fort des récentes violences au Dar Sila. La zone d’opérations des milices de Mahamat Tahir s’étendrait à l’est depuis Adé jusqu’aux villes soudanaises de Tandousa et Goube.[83] Koumou est une destination pour des personnes qui retournent chez elles de façon saisonnière et un site temporaire de déplacement pour des demandeurs d’asile essayant d’atteindre Um-Shalaya, un camp de réfugiés au Darfour Occidental. En mai 2008, un agriculteur  du nom d’Abbas Anour qui était resté à Abiribiri a été tué par des membres des milices après s’être opposé au vol de son bétail. Le chef de village d’Abiribiri a expliqué : « Ils sont venus prendre ses bêtes. Il a refusé. Ils l’ont tué. »[84]

Des membres des milices de Koumou auraient extorqué de l’argent à des personnes retournant chez elles pour cultiver leurs champs et recruté par la force dans leurs rangs des hommes en âge de se battre. Depuis son site de déplacement à Gourounkoum, un homme IDP de 37 ans a fait le récit de son retour à Koumou au début de la saison de plantation de 2008 :

Quand je suis arrivé, j’ai vu le chef de village et il m’a dit de me présenter aux Janjawids pour qu’ils sachent que j’étais là. J’ai dû jurer sur Ie Coran de me joindre à eux.[85]

Ailleurs au Dar Sila, d’anciens combattants janjawids tchadiens et des déserteurs rebelles tchadiens peu incités à rechercher des moyens de subsistance non-violents représentent une menace permanente pour les civils. Une femme dajo de 33 ans ayant quitté le camp de Kaloma pour 11 jours durant la saison de plantation en 2008 pour défricher les champs près de son ancienne maison à Djorlo, à l’ouest de Kerfi, a raconté à Human Rights Watch :

Bon nombre de ces gens qui nous ont attaqués sont encore là. Nous les voyons. Parfois nous sommes dans les champs et nous entendons des coups de feu. Ce n’est pas sûr.[86]

Manque d’informations sur les conditions de sécurité dans les régions d’origine

Pour que les IDP puissent retourner chez elles volontairement en sécurité et dans la dignité, elles ont besoin d’informations exactes et objectives sur lesquelles baser leurs décisions. Les autorités ont la responsabilité de garantir la disponibilité de ces informations dans le cadre de leur obligation de mettre en place les conditions et de fournir les moyens permettant un retour sûr et volontaire.[87] En partie, il appartient  aux autorités de fournir des informations, mais il est également juste qu’elles assistent et soutiennent les IDP pour faire leur propre évaluation. Ce point est affaire de bon jugement et d’organisation de la part des autorités, parce qu’elles ne devraient ni encourager ni sembler encourager un retour vers des lieux qui ne sont pas sûrs.

En pratique, de nombreuses  IDP dans l’est du Tchad] peinent à obtenir des informations fiables sur les conditions régnant dans leurs régions d’origine. La plupart des personnes qui retournent chez elles collectent des informations sur les conditions sécuritaires dans leurs villages d’origine toutes seules, sans aucune aide. Au début de la saison de plantation en mai 2008, 20 veuves qui se sont réfugiées à Am Timan après le massacre le 7 novembre 2006 de 36 civils à Djorlo sont arrivées dans la ville de Kerfi, au sud-ouest de Goz Beida, avec leurs enfants. Bien que cherchant des informations sur les conditions sécuritaires à Djorlo, elles prévoyaient de rester à Kerfi et de planter des cultures pour une saison, ce qui est typique de la nature conjoncturelle de la collecte d’informations sur les conditions sécuritaires parmi les IDP cherchant à rentrer chez elles.[88] Une enquête de l’ONU de novembre 2008 a observé que seulement 30 pour cent des personnes déplacées se considéraient comme informées sur les conditions sécuritaires dans leurs villages d’origine. Dans la plupart des cas, les informations sur les conditions sécuritaires provenaient non pas de sources gouvernementales ni d’agences humanitaires, mais de membres de la famille qui étaient rentrés.[89] Si les échanges d’informations entre les IDP devraient être encouragés, les informations provenant d’une diversité de sources sont plus à même de permettre aux IDP de parvenir à une évaluation complète et fiable. Une initiative de l’unité des Affaires politiques et civiles de la MINURCAT pour distribuer des radios à énergie solaire aux comités de femmes dans les sites d’IDP et les communautés d’accueil en connexion avec des programmes sur le dialogue intercommunautaire pourrait être particulièrement utile à cet égard.[90]

Menaces et attaques contre des personnes déplacées retournant chez elles

Les frictions entre agriculteurs et bergers sont historiquement à leur apogée à la fin de la saison des pluies en octobre et novembre, lorsque les nomades retournent avec leurs bêtes vers la ceinture agricole et que les agriculteurs se préparent à récolter leurs productions. Des attaques récentes contre des civils ont également eu lieu au cours de la saison de plantation en mai et juin, quand des IDP retournant chez elles ont du faire face dans de nombreux cas à d’autres civils contestant ou ignorant leurs prétentions à la terre.

La  saison de plantation 2008 a occasionné de nombreuses menaces et attaques contre des personnes déplacées retournant dans leurs villages pour cultiver des productions. En juin 2008, le chef de village de Bandar a abandonné son site de déplacement à Gourounkoum et il plantait des cultures dans ses champs quand il a été approché par un petit groupe d’hommes armés qu’il a reconnus immédiatement :

C’étaient les Ouaddaïens qui vivaient depuis longtemps dans la région. Ils sont venus à Bandar après la sécheresse. Ils m’ont dit : « Pas de nazim ici. Ces champs ne sont pas à vous. Les champs sont à nous maintenant. Pas pour vous. Vous devriez vous en aller. »[91]

Un homme déplacé revenu du site de déplacement d’Aradib près de Koukou-Angarana a expliqué à Human Rights Watch qu’un groupe d’Ouaddaïens armés l’avait chassé de Tesou, son village d’origine, en juin 2008 alors qu’il défrichait les champs. Il a déclaré :

L’un d’eux a dit : « A partir de maintenant, nous ne voulons plus vous voir à Tesou. Sinon, nous vous tuerons. A partir d’aujourd’hui, nous ne voulons pas voir un Dajo venir travailler dans les champs. »[92]

A mi-juin 2008, une milice non identifiée a attaqué des personnes déplacées de retour chez elles à Goz Arbaine II, à six kilomètres de la ville frontalière de Mongororo, mettant le feu à leurs maisons et les forçant à prendre la fuite.[93] Egalement en juin, un groupe de sept personnes déplacées a quitté le camp de Gourounkoum dans la région de Goz Beida pour cultiver des parcelles de terre disponibles à Mahargal, entre Goz Beida et Kerfi dans le canton de Goz Beida. Suivant les règles tribales, le groupe avait demandé au chef de canton local l’autorisation de cultiver la terre, mais un groupe de nomades armés qu’ils avaient rencontrés à leur arrivée a menacé de les tuer s’ils restaient.[94] Des récoltes entières ont été abandonnées du fait de pareilles menaces.[95]

Pendant les récoltes de novembre 2008, Djima Gasi, un homme déplacé interne vivant à Agadibr, près de Koukou-Angarana, a été tué en cultivant des productions dans son village, Amjarruba, par le frère d’un homme arabe qu’il avait tué plusieurs semaines auparavant lors d’un litige à propos de la terre.[96] Egalement en novembre, Moussa Abdelkerim, un résident de Gourounkoum, a été abattu alors qu’il se rendait à son village d’origine à Goz Darod. Son corps a été découvert près du village de Taroura après des recherches prolongées.[97]

Absence de mécanismes de protection traditionnels

Les institutions traditionnelles de gestion et de résolution de conflit qui régissent depuis longtemps les relations sociales dans les zones rurales dans l’est du Tchad sont les seules structures existantes potentiellement capables de favoriser la sécurité et la protection des communautés dans les régions où les institutions étatiques modernes sont largement absentes. Ces structures ont été désorganisées par le conflit ou sont inexistantes dans la plus grande partie de l’est du Tchad, laissant les IDP qui retournent chez elles sans structures organisées d’aucune sorte pour assurer le devoir de rendre des comptes dans de nombreuses localités. Sur 62 villages situés entre Goz Beida et Dogdoré étudiés par deux rapports de profilage de l’UNHCR, seulement trois indiquaient que les organismes traditionnels de résolution de conflit fonctionnaient, tandis que cinq autres villages signalaient que des systèmes traditionnels pour régler les litiges entre agriculteurs et bergers étaient en fonctionnement.[98]

Ces dernières années, le Président Déby est fréquemment intervenu dans ce que les administrations tchadiennes ont généralement représenté comme des  structures administratives et judiciaires traditionnelles, faisant une habitude de l’attribution de  fonctions de leadership traditionnelles comme celles de chef de cantonà des alliés potentiels afin d’incorporer des groupes de soutien au système de clientélisme qui l’aide à se maintenir au pouvoir. Cette pratique a dégradé la capacité des autorités traditionnelles à régler les litiges, tout comme l’ont fait des formes plus évidentes d’ingérence de l’exécutif. Par exemple, Saïd Ibrahim Mustapha Bahid Abunisha, sultan du Dar Sila, qui est installé à Goz Beida, a été relevé de ses fonctions en décembre 2006 par le ministre de l’Intérieur Ahamat Mahamat Bashir et remplacé par son fils.[99] Si le sultan âgé a été critiqué par de nombreux Dajos pour des décisions qu’ils jugeaient favorables aux groupes arabes au Dar Sila, les jugements rendus par son fils seraient favorables à la tribu majoritairement dajo. Par exemple, en avril 2007, lorsque des animaux appartenant à des nomades arabes ont détruit des cultures plantées par des personnes déplacées du site IDP de Gassire sur un passage de transhumance reconnu, le secrétaire général et le sous-préfet de Goz Beida ont jugé que les champs devaient être déplacés, mais le sultan qui avait récemment pris ces fonctions a annulé leur décision.[100]

Le Président Déby ne se contente pas de placer des alliés à des postes de chef de canton, il crée aussi de nouveaux cantons. Quand Déby est arrivé au pouvoir en 1990, il y avait à peine 100 chefs de canton au Tchad, mais après 19 ans d’un régime basé sur des divisions, il y en a 218.[101]Le résultat est de « diviser pour régner » ainsi que la désintégration de groupes de pouvoir traditionnel plus grands, encourageant des sous clans à réclamer leur propre statut indépendant. Certains chefs de canton, devant la perspective de perdre une partie de leur territoire au bénéfice d’un rival nommé par le gouvernement, ont menacé de rejoindre la rébellion, essayant ainsi de dissuader le gouvernement de manipuler les systèmes traditionnels.[102]

Distribution inéquitable de l’aide humanitaire

L’impartialité dans l’aide humanitaire exige que la priorité soit donnée aux personnes qui en ont le plus besoin. Dans l’est du Tchad, les organismes d’aide opèrent dans un environnement où la sécurité restreint souvent leur capacité à accéder systématiquement aux personnes dans le plus grand besoin. En août 2007 et juin 2008, par exemple, Human Rights Watch s’est rendu dans 11 sites de déplacement arabes et ouaddaïens dans des zones rurales que des considérations logistiques et sécuritaires empêchent les travailleurs humanitaires d’atteindre.[103] A Tcharo, un site de déplacement rural aux abords de Goz Beida, des Arabes Alaounie qui avaient abandonné leurs maisons à Bahar Azum et Tissi en août 2006 complétaient leur alimentation avec des racines et des feuilles ramassées dans les champs environnants.[104] A Taybeh, le site le plus important visité par Human Rights Watch, des IDP de la tribu arabe zaghawa qui avaient fui la région de Kerfi fin 2006 ont indiqué que cinq enfants étaient morts de maladie et de malnutrition en 2008, dont trois nouveau-nés.[105]

Malheureusement, nombre d’Arabes tchadiens pensent qu’ils sont victimes de parti pris. Un chef de tribu arabe tchadien a déclaré :

Dans tout conflit, il faut comprendre les deux côtés, mais les humanitaires écoutent un côté et pas l’autre. Tout le monde souffre, mais personne ne voit la souffrance des Arabes.[106]

De tels ressentiments sont aisément exploités par des groupes armés cherchant à recruter.[107] Selon un chef de tribu arabe tchadien, des chefs tribaux et paramilitaires arabes soudanais ont tenté d’utiliser les rancœurs relatives aux inégalités de l’aide humanitaire au cours d’une visite de recrutement en décembre 2006 à la  sous-préfecturenomade arabe d’Abougoudam :

Ils ont dit : « Au Tchad, votre gouvernement vous considère comme l’ennemi. Si vous êtes Arabe, vous ne pouvez pas obtenir d’assistance humanitaire. Rejoignez-nous au Darfour. »[108]

L’accès inégal à l’assistance humanitaire ajoute aux tensions entre factions, mais il est le résultat de contraintes logistiques et sécuritaires, et non d’un parti pris, et il n’affecte pas seulement les Arabes, ni même ceux qui sont situés dans des zones rurales et écartées. Les groupes communautaires du Dar Sila qui n’ont pas été déplacés de leurs villages d’origine ne reçoivent généralement pas d’assistance humanitaire, qui est destinée spécifiquement aux IDP et aux réfugiés. Parmi les communautés d’accueil dans l’est du Tchad, plus de 20 pour cent des enfants de moins de cinq ans sont touchés par une malnutrition aiguë globale, bien supérieure au seuil de15 pour cent établi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En 2004, avant l’afflux de réfugiés et d’IDP, l’incidence de la malnutrition aiguë globale chez les enfants de moins de cinq ans dans l’est du Tchad était de 13 pour cent.[109]

Les interventions humanitaires qui servent d’incitation au retour des personnes déplacées dans leurs régions d’origine devraient être soigneusement dosées par rapport aux besoins des personnes qui n’ont peut-être pas été déplacées mais qui luttent pour leur survie dans des zones d’où les forces de police sont absentes et où les structures traditionnelles de résolution de conflit peuvent être fragiles ou non-existantes.[110] Des organisations humanitaires ont distribué des semences et des outils dans des zones de retour, en dépit du fait que les violences ont éclaté entre groupes d’accueil et IDP à propos de l’accès à l’assistance dans certaines de ces mêmes zones.[111]

Par exemple, les rancœurs entre groupes d’accueil et IDP ont explosé le 8 juillet 2008 à Kerfi, où des Mouros locaux ont pillé les installations des ONG et ont pourchassé les IDP dajos vers les villages voisins d’Arata, Agourtoulou, Gagnan, Arangou et Bakigna, volant l’aide alimentaire récemment distribuée. Trois jours plus tard, des hommes armés non identifiés ont ouvert le feu sur des IDP revenues récemment à Bakigna. Une mission d’enquête a déterminé plus tard que les violences étaient liées à la frustration des Mouros à propos du traitement inégal fourni par les ONG, qui étaient encouragées à étendre leur assistance aux habitants locaux.[112]

Des préoccupations justifiées portant sur la sécurité et la logistique militent contre la distribution de l’aide dans de nombreuses zones rurales. Toutefois, tous les civils dans le besoin ont un droit d’accès à l’assistance humanitaire et à sa distribution.[113] Il est urgent que ce droit soit appliqué au Dar Sila, où certains groupes reçoivent encore la plus grosse part de l’assistance humanitaire tandis que d’autres y ont peu ou pas du tout accès.

Attaques contre des humanitaires et accès humanitaire restreint

L’économie de guerre qui a vu détruire une grande partie du bétail au Dar Sila entre 2005 et 2007 se perpétue aussi maintenant avec le pillage de biens humanitaires facilement transférable, par exemple des véhicules quatre-quatre, au détriment considérable des IDP ayant besoin d’assistance.

Plus de 160 attaques contre des travailleurs humanitaires dans l’est du Tchad ont été signalées en 2008, dont quatre mortelles.[114] Le 10 juillet 2008, Oxfam s’est retirée de Kerfi, au sud-est de Goz Beida, après une attaque armée contre ses installations, interrompant l’aide bénéficiant à plus de 11 000 personnes.[115] L’assistance humanitaire à  26 000 civils affectés par le conflit a été suspendue à Dogdoré, à 30 kilomètres à l’ouest de la frontière soudanaise, à la suite d’attaques contre des travailleurs humanitaires en octobre 2008.[116]

Lors d’une réunion de juillet 2008 présidée par le Coordonnateur humanitaire de l’ONU, des humanitaires travaillant dans l’est du Tchad se sont plaints que les fonctionnaires tchadiens ne réagissaient pas aux menaces de mort, actes de harcèlement et d’intimidation et car-jackings auxquels ils étaient confrontés.[117] En décembre 2008, l’ONG britannique Save the Children a annoncé qu’elle clôturait son programme au Tchad après qu’en mai 2008 son directeur pour le Tchad, Pascal Marlinge, ait été tué par balles.[118] Les gendarmes chargés de l’enquête sur le meurtre ont récupéré l’arme du crime mais pas les douilles de la scène du crime, ils n’ont pas relevé les empreintes sur l’arme du crime et n’ont pas conservé l’arme.[119]

Les attaques qui sont sciemment et intentionnellement dirigées contre des travailleurs humanitaires sont des violations graves du droit humanitaire,[120] et peuvent constituer des crimes de guerre.

Problèmes non résolus liés au régime foncier

Les efforts humanitaires pour répondre aux besoins immédiats devraient être complétés par des initiatives permettant d’aborder des questions clés figurant parmi les causes premières du conflit et de l’insécurité, tels que les problèmes liés aux droits à la terre et à l’eau, tant la propriété que l’accès, qui à leur tour sont sujets à l’instrumentalisation de la part des groupes armés ayant des préoccupations plus nationales. Les autorités et la société civile, soutenues par les Nations Unies, doivent traiter les problèmes liés à la terre dans le cadre des initiatives de réconciliation.

En juin 2008, des chefs tribaux arabes participant à des pourparlers de paix traditionnels à Goz Beida ont annoncé qu’ils souhaitaient se réconcilier avec leurs anciens voisins, mais le dialogue a été interrompu par le refus de participer des chefs tribaux ouaddaïens.[121] Au même moment, des Ouaddaïens du Dar Sila auraient rejoint des groupes rebelles tchadiens au Darfour en nombre considérable.[122] Les Ouaddaïens ont été très présents parmi les groupes insurgés depuis une série de massacres perpétrés par le gouvernement au début des années 1990.[123] Pas plus tard qu’en septembre 2008, des agriculteurs ouaddaïens au village de Titiri III, à sept kilomètres de la ville frontalière de Daguessa au Dar Sila, ont été informés par les dirigeants dajos locaux qu’ils n’avaient plus le droit de vivre sur la terre qu’ils avaient longtemps cultivée.[124]

Les conflits relatifs à la terre peuvent être extrêmement localisés. Les tensions concernant l’accès à la terre ont augmenté dans certaines zones du fait que des personnes déplacées louent des terres arables à des communautés d’accueil et ne reçoivent que des terres médiocres.[125] Le fait que des chefs locaux ont loué ou vendu des terres abandonnées est particulièrement inquiétant. Par exemple, le village de Kreta I a été occupé par des nomades arabes qui ont creusé des puits traditionnels pour leurs animaux, ce qui a sans doute impliqué un paiement à un chef de canton localviolant les droits des déplacés et des propriétaires.[126]

Les problèmes de propriété foncière sont d’une urgence immédiate pour les femmes, surtout les veuves. Face à une pénurie de terres, les chefs traditionnels pourraient négliger les droits fonciers des femmes, surtout dans le cas des femmes essayant d’obtenir de la terre après la mort d’un homme de la famille.[127] L’Article 161 de la constitution du Tchad interdit les coutumes discriminatoires, mais dans la pratique, les veuves perdent souvent leur héritage quand un frère ou un cousin hérite traditionnellement des possessions de son parent, y compris la veuve et les enfants.[128]

Le régime foncier du Tchad est régi par les Actes n° 23, 24, et 25 du 22 juillet 1967. L’Observatoire national du foncier a été créé en 2001 pour rédiger la législation de la terre, pour former les dirigeants locaux aux exigences de la loi nationale et internationale et pour familiariser les magistrats aux pratiques coutumières. Les droits fonciers nouvellement attribués dans des zones où la terre a été abandonnée temporairement pour des raisons de sécurité devraient être suspendus jusqu’à ce que le gouvernement ait clarifié les obligations du gouvernement et des autorités traditionnelles relatives à  l’attribution des terres et la régulation de leurs transferts.

Occupation de la terre

La nature et l’ampleur de l’occupation des terres au Dar Sila varient considérablement selon les localités. Dans certaines régions, des groupes paramilitaires organisés ont pris le contrôle de zones qu’ils revendiquent comme les leurs à présent, où les IDP sont obligées de verser des sommes extorquées et vivent parfois dans des conditions effroyables. Les nomades peuvent utiliser la violence et les menaces de violence pour empêcher les retours dans des zones qu’ils n’ont aucune intention d’occuper, et ce que les IDP décrivent comme de l’occupation de terre n’est en fait que l’invasion d’autres personnes déplacées qui prennent temporairement possession de structures abandonnées pendant qu’elles sont en transit ou qu’elles évaluent les conditions de sécurité de leurs villages d’origine.

L’occupation illégitime de la terre semble être plus répandue dans les régions frontalières comme le canton d’Ouadi Khadja, l’une des terres les plus fertiles de la région. Une enquête menée par l’ONG italienne INTERSOS dans le canton de Koloye a établi que des Ouaddaïens du village d’Agougou Ouaddaï cultivaient des récoltes dans les villages de Kayawa, Kawaya Moubi et de Kalkibedo Dajo I, II et III. Dans la même région, il a été établi que des IDP d’Adé cultivaient des récoltes dans les villages abandonnés de Hille Mana et Kobalka Massalit.[129] Une autre enquête d’INTERSOS effectuée dans huit villages du canton de Koloye a eu des informations à propos d’Ouaddaïens occupant chaque fois des terres cultivées  abandonnées par des IDP.[130] Il y avait aussi parmi ceux qui occupaient des villages abandonnés des réfugiés dajos revenant chez eux qui s’étaient réfugiés à Tandousa et Goube à l’ouest du Darfour.[131]

A mi-2007, des IDP rentrant chez elles ont commencé à signaler que les régions du Dar Sila contrôlées par les groupes paramilitaires anti-gouvernementaux avaient été déclarées comme faisant partie du Nouveau Soudan (Sudan Djadid en arabe). De tels évènements soulèvent des inquiétudes quant à la possibilité que l’occupation des terres progresse de manière organisée. Koumou et Abiribiri dans le canton de Ouadi Khadja sont aussi considérés comme faisant partie du Sudan Djadid,[132] qui comprendrait la zone est de Koloye, uniquement accessible par le Soudan pendant la saison des pluies. Un agriculteur dajo qui est rentré pour cultiver la terre dans son village natal près de Mongororo, également inaccessible depuis le Tchad pendant la saison des pluies, a expliqué à Human Rights Watch :

Nous préparions les champs quand les nomades arabes sont venus nous voir et nous ont dit : « Ce n’est pas votre terre. Vous êtes nazim [personne déplacée à l’intérieur du pays]. Cette terre appartient aux nomades arabes. »[133]

Il en va de même pour la ville de Hadjer Beit, au sud de Modoyna près de la frontière soudanaise, comme un homme nous l’a raconté :

Les soldats du gouvernement ne sont pas allés à Hadjer Beit, mais les rebelles tchadiens y sont. Ils l’appellent le Sudan Djadid.[134]

Un homme déplacé de Gourounkoum a expliqué qu’il était retourné à la ville de Djedide, adjacente à Koumou, où il avait noté la présence de Tchadiens rebelles en uniforme, dont l’un d’eux a tiré en l’air et dit : « C’est de la part d’Omar al-Bashir [le président soudanais]. »[135]

Les civils transférés par force hors de leurs foyers en violation des normes internationales ont le droit de rentrer chez eux selon ce qu’on appelle le « droit au retour ».[136] Les personnes déplacées à l’intérieur du pays sont protégées contre l’occupation illégale par le droit international.[137] Ces garanties doivent êtres assurées de façon à défendre tous les droits que des occupants secondaires pourraient avoir au regard du droit national ou international.[138]

[1] L’unique chef d’Etat tchadien à avoir été élu au cours d’élections libres et équitables était François Tombalbaye, le premier président tchadien, qui a été assassiné par des membres de ses forces armées en 1975.

[2] A propos du sectarisme au Tchad, voir Roy May et Simon Massey, « The Chadian Party System: Rhetoric and Reality », Democratization, Vol. 9, No. 3, automne 2002, pp. 72-91; et René Lemarchand, « Chad: The misadventures of the north-south dialectic », African Studies Review, No. 29 (3), 1986, pp. 27-41.

[3] Un seul chef de tribu a accepté l’offre. Entretien de Human Rights Watch, Goz Beida, Tchad, 4 août 2007.

[4] Timan Erdimi, le neveu du Président Déby, dirige l’Union des forces de la résistance (UFR), une coalition de huit groupes rebelles tchadiens qui ont combattu les forces gouvernementales à l’est du Tchad en mai 2009.

[5] Entretien de Human Rights Watch avec un rebelle ayant participé aux attaques d’Omdurman, N’Djamena, Tchad, 5 juin 2008.

[6] A propos des origines tchadiennes des Janjawids, voir Julie Flint et Alex de Waal, Darfur: A Short History of a Long War, (Londres, UK: Zed Books, 2005); et Ali Haggar, « The Origins and Organization of the Janjaweed in Darfur », dans War in Darfur and the Search for Peace, (Global Equity Initiative, Harvard University, 2007). La plupart des Arabes tchadiens dans les Janjawids venaient à l’origine des régions de l’Ouaddaï et de Salamat à l’est du Tchad. Jérôme Tubiana, « Darfour, un conflit pour la terre ? » Politique Africaine, No. 101, mars-avril 2006, p. 117. Sur l’esprit d’entreprise militaire, voir Marielle Debos, « Les limites de l’accumulation par les armes. Itinéraires d’ex-combattants au Tchad », Politique Africaine, no. 109, mars 2008, pp. 167-181.

[7] Julie Flint et Alex de Waal, Darfur: A Short History of a Long War, (Londres, UK: Zed Books, 2005), p. 53. Acheikh Ibn Oumar, qui a dirigé les unités tchadiennes de la Légion islamique, est actuellement un des dirigeants de l’Union des forces pour la démocratie et le développementfondamental (UFDD-F). Entretien de Human Rights Watch, chef de tribu arabe, N’Djamena, Tchad, 13 février 2009.

[8] Le Dar Sila est scindé en deux départements administratifs : le Djourf al-Ahmar, qui comprend les sous-préfectures de Am Dam, Magrane et Haouich; et le Kimiti, qui comprend les sous-préfectures de Goz Beida, Kerfi, Adé, Modoyna, Koukou-Angarana, Mongororo et Tissi.

[9] Les violences sont détaillées dans les rapports de Human Rights Watch : LeDarfour saigne : Les récentes violences transfrontalières au Tchad, no.2, février 2006, http://www.hw.org/backgrounder/africa/chad0206/; Human Rights Watch,Violence au-delà des frontières : La crise des droits humains dans l’est du Tchad, no. 4, juin 2006, http://www.hrw.org/backgrounder/africa/chad0606/; Human Rights Watch, « Ils sont venus pour nous tuer: Attaques de milices et agressions ethniques contre les civils à l’est du Tchad », vol. 19, no. 1(A), janvier 2007, http://hrw.org/reports/2007/chad0107/.

[10] U.S. Committee for Refugees (Comité américain pour les réfugiés), « When Refugees Won’t Go Home: The Dilemma of Chadians in Sudan », juin 1987. A partir de la fin des années 1960, le Sahel est entré dans une période de sécheresse à long terme sans précédent dans les annales, avec une baisse des précipitations de plus de 20 pour cent en moyenne entre 1970 et 1990. Nick Brooks, « Drought in the African Sahel: Long-Term Perspectives and Future Prospects », Working Paper No. 61, Tyndall Centre for Climate Change Research, octobre 2004. La population du Dar Sila a doublé au cours d’une sécheresse de 1912 à 1915, alors que les régions du nord ont perdu 65 pour cent de leur population. Lidwien Kapteijns, Mahdist Faith and Sudanic Tradition: History of Dar Masalit, 1870-1930, (Leiden: Kegan Paul International, 1985), pp. 192-93.

[11] Les groupes considérés comme autochtones au Dar Sila incluent ceux représentés par neuf chefs de canton non-arabes (Massalit, Kadjaska, Moube et six Dajo) et onze chefs de tribu arabe (Hemat, Imar Hemat, Nowaybe Samra, Nowaybe Jamoul, Salamat, Borno, Sharafa, Beni Hassan, Misseriya, Guindil et Awatfee). Entretien de Human Rights Watch, Sultan du Dar Sila, Goz Beida, Tchad, 25 octobre 2006.

[12] Les bergers ont été obligés de vendre leurs animaux à une fraction de leur valeur, désorganisant l’industrie du bétail. Les chiffres du cheptel au Tchad se sont effondrés au début de la sécheresse, passant de 4,7 millions de têtes en 1972 à 2,9 millions en 1974. Robert O. Collins et J. Millar Burr, Darfur: The Long Road to Disaster, p. 126.

[13] Entretien de Human Rights Watch, site IDP de Gourounkoum, Tchad, 14 novembre 2007.

[14] Les taxes rurales sont collectées au niveau du village par les chefs devillage, qui remettent les recettes aux chefs de canton, qui à leur tour les envoient au sultan.

[15] Entretien de Human Rights Watch, Takhasha, Tchad, 2 août 2007.

[16] L’ONU a signalé la présence de 1 200 réfugiés arabes nowaybes tchadiens près de Goube qui ont été intégrés au sein de la communauté d’accueil. « UNHCR Sudan Operations no. 75 », Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) Situation Update,  24 juin 2007, http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/home/opendoc.pdf?tbl=SUBSITES&id=469f65272 (consulté  le 15 avril 2009).

[17]Les Dajos, les premiers colons du Dar Sila, ont livré une guerre sanglante contre la coalition de Benis Halbas et d’Arabes Hemat  au 19ème siècle. Entretien  de Human Rights Watch, Sultan du Dar Sila, Goz Beida, Tchad, 25 octobre 2006.

[18] Ils incluent l’oncle de Mahamat Tahir, Wali Nouradene, et Adam Bayteh, ancien troubadour appartenant au groupe ethnique Fellayte, qui ont occupé une position dans la hiérarchie de Nowaybe. Entretiens de Human Rights Watch, chefs de tribu Dajo, Goz Beida, Tchad, 12-14 août 2007. Voir aussi l’annexe II.

[19] Entretien de Human Rights Watch, Mahamat Nour Abdelkerim, lieu confidentiel, 14 novembre 2008.

[20] Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, (OCHA), « Sources of violence, conflict mediation and reconciliation: a socio-anthropological study on Dar Sila », rapport de Christine Pawlitzky et Babett Jánszky, juillet 2008, http://minurcat.unmissions.org/Portals/MINURCAT/English_final_revised.pdf (consulté le 22 avril 2009).

[21] Entretien de Human Rights Watch, chef tribal arabe tchadien, Abougoudam, Tchad, 22 août 2007; Entretien de Human Rights Watch, chef paramilitaire arabe soudanais, N’Djamena, Tchad, 20 février 2008; et Conseil de sécurité de l’ONU, « Report of the Panel of Experts established pursuant to paragraph 3 of resolution 1591 (2005) concerning the Sudan », S/2006/65, 30 janvier 2006, http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N05/632/74/PDF/N0563274.pdf?OpenElement (consulté le 15 avril 2009), p. 77.

[22]Entretiens de Human Rights Watch, chefs de tribus non-arabes, Koloye, Tchad, 27-29 janvier 2006; Entretiens de Human Rights Watch, chefs de tribus non-arabes, Goz Beida, Tchad, 19 juin 2008.

[23] « The Chad-Sudan Proxy War and the ‘Darfurization’ of Chad: Myths and Reality », Jérôme Tubiana, Small Arms Survey Human Security Baseline Assessment Working Paper, 12 avril 2008, p. 33, http://www.smallarmssurvey.org/files/portal/spotlight/sudan/Sudan_pdf/SWP%2012%20Chad%20Sudan%20Proxy%20War.pdf (consulté le 6 août 2008). Mahamat Nour a reçu 100 cartes pour téléphones satellites, du carburant, de la nourriture et de l’argent du chef janjawid Abdul Rahim Ahmad Mohamma, un Arabe Mahariya connu sous le nom de « Shukartallah », la veille de l’attaque qu’il a menée le 18 décembre 2005 contre Adré. Communication confidentielle de Human Rights Watch.

[24] Entretiens de Human Rights Watch, est du Tchad, 16 au 22 août 2007.

[25] Conseil de sécurité de l’ONU, « Report of the Secretary-General on Chad and the Central African Republic pursuant to paragraphs 9(d) and 13 of Security Council Resolution 1706 (2006) », S/2006/1019, 22 décembre 2006, http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N06/682/07/PDF/N0668207.pdf?OpenElement (consulté le 15 avril 2009), p. 11.

[26] Communication confidentielle de Human Rights Watch, 26 janvier 2009.

[27] Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 1778 (2007) S/RES/1778 (2007), http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N07/516/15/PDF/N0751615.pdf?OpenElement (consulté le 15 avril 2009).

[28] Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 1834 (2008), S/RES/1834/2008, http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N08/519/03/PDF/N0851903.pdf?OpenElement (consulté le 15 avril 2009).

[29] 300 soldats supplémentaires de la  MINURCAT ont été autorisés à se déployer vers Birao dans le nord-est de la RCA. Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 1778 (2007); et Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 1861 (2009), S/RES/1861/2009, http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N09/208/44/PDF/N0920844.pdf?OpenElement (consulté le 12 mars 2009).

[30] OCHA, “Eastern Chad—IDP Figures,” carte OCHA, 30 avril, 2009, http://www.reliefweb.int/rw/fullMaps_Af.nsf/luFullMap/AD5B987823B17FF0852575CC0057330D/$File/map.pdf?OpenElement (consulté le 14 juin 2009). INTERSOS, une ONG italienne, a réalisé une enquête sur l’axe Adé-Koloye dans la sous-préfecture de Koloye, les alentours d’Awil Rado et de Hadjer Beida dans la sous-préfecture de Modoyna, et la zone de Goz Arbaine dans la sous-préfecture de Mongororo. Human Rights Watch, correspondance électronique avec des membres d’INTERSOS, 5 mai 2009.

[31] A mars 2009, 41 897 IDP étaient situés aux alentours de Goz Beida, 40 603 autres à proximité de Koukou-Angarana, et environ 27 500 à Dogdoré. UNHCR, « Réfugiés soudanais et déplacés internes (IDP) à l’est du Tchad, Statistiques du 31 Mars 2008 », carte de l’UNHCR, 31 mars 2009.

[32] Entretien de Human Rights Watch, travailleurs humanitaires internationaux, Goz Beida, Tchad, 10 au 15 juin 2008.

[33]Les principes directeurs de l'ONU sur le déplacement interne (U.N. Document E/CN.4/1998/53/Add.2) ; 11 novembre 1998, principe 3.

[34]Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 1778 (2007) S/RES/1778 (2007), http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N07/516/15/PDF/N0751615.pdf?OpenElement (consulté le 15 avril 2009).

[35] Les redéploiements de l’ANT sont détaillés dans Human Rights Watch, Le Darfour saigne. A fin janvier 2007, les rebelles de la CNT tenaient des positions fixes dans ou à proximité de Dogdoré, Daguessa, Modoyna, Aradib Alsabaa, Adé et Tissi ; en mars 2007, des communiqués de la CNT mentionnaient l’est du Dar Sila comme un « territoire libéré ». Entretien de Human Rights Watch avec un officier de l’ANT, Goz Beida, 29 août 2007; et CNT, Communiqué du 21 mars 2007, 21 mars 2007. Les troupes de l’ANT ont mis en déroute la CNT le 9 avril 2007 et ont poursuivi ce qui en restait jusqu’aux abords de Fora Baranga, au Darfour, où 17 soldats du gouvernement soudanais ont été tués dans les échanges de coups de feu consécutifs. « Chad acknowledges cross-border pursuit into Sudan », Reuters, 10 avril 2007, http://uk.reuters.com/article/worldNews/idUKL1043321120070410 (consulté le 1er mars 2009).

[36] Entretiens de Human Rights Watch avec des IDP, Goz Beida, Tchad, 18 novembre 2006. Les rebelles de la CNT ont été les auteurs d’une attaque contre Koloye le 4 juillet 2006. Entretien de Human Rights Watch, travailleur de l’aide humanitaire, N’Djamena, Tchad, 1er mars 2007.

[37] Entretiens de Human Rights Watch, divers lieux situés entre Dogdoré et Tiero, Tchad, août 2007.

[38] Entretien de Human Rights Watch, Abougoudam, Tchad, 22 août 2007.

[39] Les ex rebelles de la CNT ont rejeté un accord de paix de décembre 2007 et ont continué à opérer à partir d’Um Dukhun, au Soudan. Un groupe d’Ouaddaїens armés arrivés à pied et à dos d’âne en même temps que la CNT était peut-être composé de rebelles tchadiens déserteurs ou de survivants d’une unité janjawid tchadienne. L’ANT a chassé les ex-rebelles de Daguessa le 31 décembre 2008. Entretien de Human Rights Watch, fonctionnaire tchadien, Goz Beida, Tchad, 5 février 2009.

[40] « Ambitious plans to get 90,000 displaced to return home », IRIN, 29 janvier 2008, http://www.irinnews.org/Report.aspx?ReportId=76471 (consulté le 15 avril 2009).

[41] « MINURCAT deploys blue helmets to Koukou-Angarana », communiqué de presse de la MINURCAT, 11 mai 2009, http://minurcat.unmissions.org/Default.aspx?tabid=262&ctl=Details&mid=553&ItemID=3746 (consulté le 13 mai 2009).

[42]Entretien de Human Rights Watch avec un travailleur humanitaire international, Tchad, 16 juin 2008.

[43]Entretien de Human Rights Watch avec un travailleur humanitaire international, Tchad, 16 juin 2008.

[44] Entretiens de Human Rights Watch, travailleurs humanitaires et sources locales, Koukou-Angarana, Tchad, 16 février 2009.

[45] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un dirigeant communautaire tchadien, Goz Beida, Tchad, 5 décembre 2008, et avec un travailleur humanitaire international, Goz Beida, Tchad, 8 février 2009.

[46] L’arrivée tardive de la MINURCAT a repoussé le déploiement de la force de police tchadienne que la MINURCAT était chargée de former, le Détachement intégré de Sécurité (DIS).

[47] Entretien de Human Rights Watch, Abougoudam, Tchad, 4 juin 2008.

[48] Entretiens de Human Rights Watch avec des personnes déplacées internes, est du Tchad, février et juin 2008.

[49] Entretien de Human Rights Watch, site IDP de Gassire, Tchad, 14 juin 2008. Les forces du FUC étaient basées à Goz Beida et ont établi une position avancée à Doroti. Entretiens de Human Rights Watch, site IDP de Gassire, Tchad, 14 juin 2008.

[50] Entretiens de Human Rights Watch, Goz Beida, Tchad, 14 au 16 juin 2008.

[51] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de l’ONU, New York, 13 mars 2009.

[52] Conseil de sécurité de l’ONU, « Report of the Secretary-General on Chad and the Central African Republic », 10 août 2007, S/2007/488, http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N07/448/21/PDF/N0744821.pdf?OpenElement (consulté le 15 avril 2009), para. 31.

[53] Conseil de sécurité de l’ONU, « Report of the Secretary-General on Chad and the Central African Republic », 23 février 2007, S/2007/97, http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/NO7/242/07/PDF/NO7242D7.pdf?OpenElement (consulté le 13 mai 2009).

[54] « UNHCR Sudan Operations no. 83 », UNHCR Situation Update, 1er février 2008, http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/home/opendoc.pdf?tbl=SUBSITES&id=47fb81ee2 (consulté le 15 avril 2009), p. 3.

[55] Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 1861 (2009) S/RES/1861/2009, http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N09/208/44/PDF/N0920844.pdf?OpenElement (consulté le 12 mars 2009).

[56] Human Rights Watch, communication confidentielle, fonctionnaire de l’EUFOR, 1er février 2009.

[57] Conor Lally, « Irish Troops Criticised by UN Body for Failing to Protect Staff », Irish Times, 18 juin 2008, http://www.irishtimes.com/newspaper/frontpage/2008/0618/1213735260039.html?via=me (consulté le 23 avril 2009).

[58] Entretien de Human Rights Watch, Goz Beida, Tchad, 16 juin 2008.

[59] Entretien de Human Rights Watch, Goz Beida, Tchad, 16 juin 2008.

[60] Entretiens de Human Rights Watch avec des travailleurs humanitaires, Goz Beida, Tchad, 14 au 16 juin 2008. L’EUFOR s’est rendu compte de l’attaque imminente grâce à un appel téléphonique de Human Rights Watch.

[61]Human Rights Watch, correspondance électronique avec un fonctionnaire de l’EUFOR, 25 juin 2008.

[62] Les pays contribuant à l’EUFOR, à savoir l’Albanie, l’Autriche, la Croatie, la Finlande, la France, l’Irlande, la Pologne et la Russie, ont continué à servir dans la mission sous la bannière de l’ONU, rejoints par des forces militaires du Togo, du Ghana, du Népal et de la Norvège. « UN Military Force took over EUFOR on 15 March, 2009 », Nouvelles à la Une de la MINURCAT, 15 mars 2009, http://minurcat.unmissions.org/Default.aspx?tabid=296&ctl=Details&mid=533&ItemID=3181 (consulté le 13 mai 2009).

[63] « CHAD: Aid officials weigh return to area hit by clashes », IRIN, 8 mai 2009, http://www.irinnews.org/report.aspx?ReportID=84301 (consulté le 13 mai 2009).

[64] « Rapport sur la Situation Humanitaire au Tchad », rapport d’OCHA, 27 novembre 2008, http://www.reliefweb.int/rw/RWFiles2008.nsf/FilesByRWDocUnidFilename/RMOI-7LVK2K-rapport_complet.pdf/$File/rapport_complet.pdf (consulté le 3 mars 2009), p. 4.

[65] « IDPs in eastern Chad: is it time to go back home? » déclaration de principe, Oxfam, Action Contre la Faim, Care and Cordaid, avril 2009.

[66] L’IASC est un forum de discussion pour les Nations Unies et les ONG. Voir Brookings Institution, University of Bern Project on Internal Displacement,  « When Displacement Ends : a Framework for Durable Solutions », juin 2007, http://www.brookings.edu/~/media/Files/rc/reports/2007/09displacementends/2007_durablesolutions.pdf (consulté le 15 avril 2009), p.8.

[67] Entretien de Human Rights Watch, site IDP de Gourounkoum, Tchad, 4 juin 2008.

[68] « Renewed fighting and price hikes on basic food staples limit food access in the East », USAID Famine Early Warning Systems Network (FEWSNET) Food Security Alert, 7 juillet 2008, http://fews.net/docs/Publications/Tchad_alert_2008_07_08.pdf (consulté le 15 avril 2009).

[69] « Humanitarian Action in Chad: Facts and Figures », bref rapport d’OCHA, 23 octobre 2008, http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/db900SID/KSAI-7KQ384?OpenDocument (consulté le 21 avril 2009). Sous la pression des travailleurs humanitaires, le PAM a distribué des rations pour 30 jours aux groupes vulnérables à Gassire et Kerfi en novembre 2008. « Rapport sur la Situation Humanitaire au Tchad », rapport d’OCHA, 27 novembre 2008, http://www.reliefweb.int/rw/RWFiles2008.nsf/FilesByRWDocUnidFilename/RMOI-7LVK2K-rapport_complet.pdf/$File/rapport_complet.pdf (consulté le 21 avril 2009), p.5.

[70] « Rapport sur la Situation Humanitaire au Tchad », rapport d’OCHA, 26 janvier 2009, http://www.reliefweb.int/rw/RWFiles2009.nsf/FilesByRWDocUnidFilename/EDIS-7NNS3Q-rapport_complet.pdf/$File/rapport_complet.pdf (consulté le 15 avril 2009); et « Rapport sur la Situation Humanitaire au Tchad », rapport d’OCHA, 21 avril 2009 http://ochaonline.un.org/Chad/Reports/tabid/3632/language/en-US/Default.aspx (consulté le 24 avril 2009).Un rapport de l’UNICEF a signalé que l’incidence de la malnutrition aigüe dans les sites d’IDP était passée de moins de  10 pour cent début 2007 à 21 pour cent en décembre 2007. UNICEF, « Briefing Book UNICEF Eastern Chad », septembre 2008, http://www.unicef.org/wcaro/wcaro_east_Chad_briefingbook_sept08.pdf (consulté le 2 avril 2009).

[71]« Security Council deplores renewed incursions in eastern Chad », informations de l’ONU, 8 mai 2009, http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=30747&Cr=Tchad&Cr1= (consulté le 13 mai 2009).

[72] Entretien de Human Rights Watch avec M. Toké Dady, Goz Beida, Tchad, 5 février 2009; et OCHA, « Réunion du groupe de travail sur le retour et les solutions durables », document non publié, 16 janvier 2009. Le gouvernement central est représenté au Dar Sila par un gouverneur basé à Goz Beida, avec un préfet installé dans chaque département et un sous-préfet dans chaque sous-préfecture.

[73] Entretien de Human Rights Watch avec M. Toké Dady, Goz Beida, Tchad, 5 février 2009.

[74] Principes directeurs de l’ONU, principe 28(2).

[75] Principes directeurs de l’ONU, principes 15(d) et 28.

[76] Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 1861 (2009) http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N09/208/44/PDF/N0920844.pdf?OpenElement (consulté le 28 Mai 2009), paragr. 25.

[77]Correspondance électronique de Human Rights Watch avec des membres d’INTERSOS, 5 mai 2009.

[78] L’Ouadi Khadja se rétrécit près de Modoyna, en faisant l’un des principaux points d’entrée au Dar Sila depuis le Darfour Occidental.

[79] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de l’EUFOR, Goz Beida, Tchad, 16 juin 2008.

[80] « Tchad: L’Eufor accrochée par des rebelles », Agence France-Presse, 28 octobre 2008.

[81] Des réfugiés tchadiens ont aussi mentionné des distributions de nourriture en diminution. « UNHCR Sudan Operations no. 84 », UNHCR Situation Update, 1er mars 2008, http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/home/opendoc.pdf?tbl=SUBSITES&id=481041912 (consulté le 15 avril 2009), p. 4; et « UNHCR Sudan Operation 86 », UNHCR Situation Update, 1er mai 2008, http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/home/opendoc.pdf?tbl=SUBSITES&id=4836bdce2 (consulté le 15 avril 2009). Les rebelles tiennent depuis longtemps une base au sud d’Um Dukhum, qui est située juste de l’autre côté de la frontière en face de Tissi au Soudan. Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un chef rebelle zaghawa, Tom Erdimi, 4 novembre 2006.

[82] Les ex rebelles de la CNT ont rejeté un accord de paix de décembre 2007 et ont continué à opérer à partir d’Um Dukhun, au Soudan. Entretien de Human Rights Watch, fonctionnaire tchadien, Goz Beida, Tchad, 5 février 2009.

[83] Entretien de Human Rights Watch avec un chef communautaire dajo, site IDP Habile III, Tchad, 11 février 2009.

[84] Entretien de Human Rights Watch, site IDP de Gourounkoum, Tchad, 11 juin 2008.

[85]Entretien de Human Rights Watch, site IDP de Gourounkoum, Tchad, 8 juin 2008.

[86]Entretien de Human Rights Watch, site IDP de Kaloma, Tchad, 7 juin 2008.

[87] Principes directeurs de l’ONU, Principe 28.

[88] OCHA, « Goz Beida – Compte-rendu de la réunion de coordination des actions en faveur des IDP », document non publié, 30 mai 2008.

[89] HCR, « Enquête auprès des personnes déplacées internes à l’est du Tchad », rapport final sur le profilage des IDP, novembre 2008, p. 50.

[90] « MINURCAT Quick Impact Project delivers radios to Refugees, IDPs and local women », communiqué de presse de la  MINURCAT, 5 mai 2009, http://minurcat.unmissions.org/Default.aspx?tabid=296&ctl=Details&mid=533&Itemid=3709 (consulté le 13 mai 2009).

[91] Entretien de Human Rights Watch avec un chef de village, site IDP de Gassire, Tchad, 14 juin 2008. Entretien de Human Rights Watch, site IDP de Gassire, Tchad, 14 juin 2008.

[92] Entretien de Human Rights Watch, site IDP de Gassire, Tchad, 14 juin 2008.

[93]INTERSOS, « Deuxième Rapport Village Assessment: Zone de Dogdoré », décembre 2007, p. 32.

[94] Entretien de Human Rights Watch, site IDP de Gourounkoum, Tchad, 8 juin 2008.

[95] Des personnes déplacées dajo dans la région de Kerfi ont abandonné toutes les cultures à l’exception du sorgho à croissance rapide pendant les récoltes de 2007 à cause des menaces des nomades arabes à Samasim, un vaste ferik aux alentours de Kerfi. Entretien de Human Rights Watch, site IDP de Gourounkoum, Tchad, 7 juin 2008.

[96] Entretien de Human Rights Watch, travailleur humanitaire international, Koukou-Angarana, Tchad, 4 février 2009; et Human Rights Watch, correspondance électronique avec un travailleur humanitaire international, 5 mai 2009.

[97] En juin 2008, une personne revenant du site de déplacement d’Aradib près de Koukou-Angarana aurait été tuée dans le village d’Amouchar. Entretien de Human Rights Watch avec un chef de village, site IDP de Gourounkoum, Tchad, 10 février 2009.

[98]INTERSOS, « Deuxième Rapport Village Assessment: Zone de Dogdoré, » decembre 2007 ; et INTERSOS, « Premier Rapport Village Assessment Axe Koukou-Marena at Alentours de Goz Beida, » août 2007.

[99] Les fonctionnaires soupçonneraient le Sultan d’avoir des sympathies avec des groupes insurgés. Le demi-frère du sultan, Mustafa Ibrahim, ancien chef de canton de Tissi, a rejoint l’UFDD en 2006 ; l’une des filles du sultan est mariée avec Abdullah Matar, un ancien colonel de l’ANT qui a déserté pour rejoindre le FUC en 2006 ; une deuxième fille est mariée à Abdullah Issakha Sarwa, un ex-rebelle tchadien. Entretiens de Human Rights Watch, Goz Beida, Tchad, juin 2008.

[100]Entretiens de Human Rights Watch avec des fonctionnaires de l’ONU, ainsi que des leaders des communautés dajos et arabes, Goz Beida, Tchad, 13-15 août 2007.

[101] Entretien de Human Rights Watch avec un chef de canton nomade arabe, Abougoudam, Tchad, 4 août 2007. Les titres les plus traditionnels attribués par le Président Déby sont allés aux groupes nomades du nord, tels que les Zaghawa, les Gorans et les Arabes ; des leaders ouaddaïens du Dar Sila ont sollicité la création de cantons ouaddaïens à Wadi Hamra, Bourta et Geri, mais sans résultat. Entretien de Human Rights Watch avec un chef de village ouaddaïen, Charbanil, Tchad, 26 août 2007. Le Dar Sila a existé comme sultanat indépendant jusqu’en 1916, et les fonctionnaires coloniaux français ont laissé les structures tribales existantes plus ou moins intactes, rebaptisant leurs territoires « cantons » et leurs chefs « chefs de canton ». Jérôme Tubiana et Victor Tanner, « Au Tchad, un second Darfour ? » Outre-Terre, No. 20, 2007.

[102] Entretien de Human Rights Watch avec un chef de canton, Abéché, Tchad, 5 février 2009.

[103] Ces questions de sécurité sont justifiées. Les chercheurs de Human Rights Watch ont visité un site accueillant surtout des hommes déplacés internes aux abords de Goz Beida qui s’est ensuite avéré abriter le cœur d’une unité janjawid tchadienne qui coordonnait ses activités avec des groupes rebelles tchadiens au Darfour. Entretien de Human Rights Watch avec un chef de tribu arabe tchadien, Abougoudam, Tchad, 28 août 2007. La présence de femmes et d’enfants dans le site souligne à quel point la vie communautaire au Dar Sila s’est militarisée, compromettant les protections accordées aux civils par le droit international humanitaire. Voir par exemple, Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Customary International Humanitarian Law (Cambridge, UK: Cambridge University Press, 2005), Règles 1 et 7.

[104] Tcharo est siué à 12˚17” 56.24’N, 21˚31” 36.68’E. Human Rights Watch a dénombré 127 structures sur le site.

[105] Human Rights Watch a dénombré 235 structures sur le site, situé à environ cinq kilomètres de la route Goz Beida-Abéché, à 12˚33”7.46’N, 21˚22”7.67’E.

[106] Entretiens de Human Rights Watch, Abéché, Tchad, 12-14 août 2007.

[107]Au Darfour, des ONG et des agences de l’ONU ont formé un groupe de travail appelé le Nomad Gap Group en 2004 pour répondre aux inégalités de l’assistance entre populations arabes et non-arabes sans se préoccuper de ce qu’elles puissent mener à des animosités et des violences, en particulier au cours de la période de faim précédant les récoltes. « Addressing the Inequity of Assistance between Arab and Non-Arab Populations », projet de mémo non publié, après une réunion d’agences de l’ONU et d’ONG au Darfour, 19 janvier 2005, archivé par Human Rights Watch.

[108] Le leader janjawid Shukartallah aurait fait partie des leaders soudanais en visite. Entretien de Human Rights Watch, Abougoudam, 11 août 2007. Au cours des six mois suivants, environ 40 000 nomades arabes tchadiens sont passés au Darfour, attirés par des alliances paramilitaires et poussés par les exactions.

[109] UNICEF, « Briefing Book UNICEF Eastern Chad », Septembre 2008, http://www.unicef.org/wcaro/wcaro_east_chad_briefingbook_sept08.pdf (consulté le 15 avril 2009), p. 12.

[110] Entre janvier et mai 2008, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et ses partenaires ont distribué des semences à 8 500 foyers d’IDP. OCHA, « Action humanitaire au Tchad: Faits et chiffres », 29 juillet 2008.

[111] En mai 2008, l’ONG International Relief and Development (IRD) a distribué des semences et des outils à des personnes revenues dans les villages d’Arangu et Arata dans la région de Kerfi, qui ont tous deux été attaqués en juillet 2008. OCHA, « Goz Beida – Compte-rendu de la réunion de la coordination des actions en faveur des IDPs », document non publié, 30 mai 2008.

[112] OCHA, « Mission d’évaluation inter agences à Kerfi », rapport de mission, 17 juillet 2008.

[113] Voir, par exemple, CICR, Droit international humanitaire coutumier, Règle 54.

[114] « Chad—Complex Emergency Situation Report #2 », USAID, rapport de situation de l’Office of Foreign Disaster Assistance, 27 février 2009, p.2.

[115] « Oxfam forced to stop activities after violent attacks in eastern Chad », communiqué de presse d’Oxfam, 10 juillet 2008.

[116]OCHA, « Chad: Insecurity hampers provision of humanitarian aid », 3 novembre 2008, http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/db900sid/EDIS-7L2MQE?OpenDocument&rc=1&cc=tcd (consulté le 3 novembre 2008).

[117] OCHA, “Goz Beida – Compte-rendu de la réunion de la coordination des actions en faveur des IDPs,” unpublished document, May 30, 2008.

[118] « Children in Chad will suffer if aid workers are not better protected », Save the Children UK, communiqué de presse, 12 janvier 2009, http://www.savethechildren.org.uk/en/41_7377.htm (consulté le 6 février 2009).

[119] L’arme, un fusil d’assaut israélien Galil, est courante dans la Garde républicaine du gouvernement tchadien. Les rebelles du JEM ont reçu des armes provenant de stocks gouvernementaux, tandis que les rebelles tchadiens en ont récupéré des centaines sur les champs de bataille. Entretiens de Human Rights Watch, lieux divers, Tchad, 2006 à 2008.

[120]CICR, Droit international humanitaire coutumier, Règles 31 et 32.

[121] Entretien de Human Rights Watch, Goz Beida, Tchad, 13 juin 2008.

[122] Entretien de Human Rights Watch avec un nomade arabe, Abéché, Tchad, 16 février 2009.

[123] Les milices zaghawas ont tué 91civils dans le village ouaddaїen de Gniguilim, au sud d’Abéché, le 4 août 1993. Quatre jours plus tard, les soldats de la Garde Républicaine ont tué au moins 61 civils résistant aux  violences à N’Djamena. Après que les rebelles tchadiens aient pris d’assaut la garnison d’Abéché en janvier 1994, les soldats de la Garde Républicaine ont fait 89 morts à Abéché, la majorité étaient des Ouaddaïens. . République du Tchad, Conseil Supérieur de la Transition, « Rapport sur les Evénements du Ouaddaï et de N’Djamena », N’Djamena, avril 1994; Commission de l’ONU sur les droits de l’homme, « Report of the Special Rapporteur on torture and cruel, inhuman or degrading treatment or punishment – Chad », 1994.

[124]INTERSOS, « Deuxième Rapport Village Assessment  zone de Dogdoré », décembre 2007, p. 29.

[125] « Chad—Complex Emergency », rapport de situation d’USAID », 11 avril 2008 http://www.usaid.gov/our_work/humanitarian_assistance/disaster_assistance/countries/chad/template/fs_sr/fy2008/chad_ce_sr01_04-11-2008_update.pdf (consulté le 8 avril 2009).

[126] INTERSOS, « Premier Rapport Village Assessment Axe Koukou-Marena aux alentours de Goz Beida », août 2007, p.14.

[127] Jacquie Kiggundu, « Why Land Tenure Matters for IDPs: Lessons from Sub Saharan Africa », Brookings Institute, 6 mai 2008, http://www.brookings.edu/speeches/2008/0506_property_kiggungdu.aspx (consulté le 15 avril 2009).

[128] Banque mondiale, « Chad Poverty Assessment: Constraints to Rural Development », Rapport No. 16567-CD, 21 octobre 1997.

[129] INTERSOS, « Troisième Rapport Village Assessment Zone d’Adé (Canton Koloye) », septembre 2008.

[130] Ces villages comprenaient Kourlalou Dadjo, Awin Rado, Farasay, Batrane (Kalaka I), Moundou, Mouray, Oustani Djallaba, Hadjier Beida. INTERSOS, « Mission d’Evaluation Retournees Monitoring Canton Ouadi Khadja, 27-30 January 2009 », janvier 2009. Les Dajos marqueraient le bétail de la marque arabe Nowaybe (qui ressemble à un Y inversé ; la marque Dajo ressemble à +), peut-être comme protection contre les milices Nowaybe établies dans la même région, peut-être comme un signe d’alliance avec ces mêmes milices. Entretien de Human Rights Watch, Goz Beida, Tchad, 1er février 2009.

[131] Entretien de Human Rights Watch avec un travailleur de l’aide humanitaire, Koukou-Angarana, Tchad, 9 février 2009.

[132] Entretien de Human Rights Watch, est du Tchad, août 2007 à février 2009.

[133] Entretien de Human Rights Watch, Goz Beida, Tchad, 22 juin 2008.

[134] Entretien de Human Rights Watch avec un chef de village, site IDP de Gourounkoum, Tchad, 7 juin 2008.

[135] Entretien de Human Rights Watch, site IDP de Gourounkoum, Tchad, 8 juin 2008.

[136]Voir Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, Restitution du logement et des biens dans le cadre du retour des réfugiés et des personnes déplacées internes, Résolution 1998/26 de l’ONU.

[137] Principes directeurs de l’ONU, Principe 21.

[138] Principes directeurs de l’ONU, Principe 29 (1).

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