Policiers effectuent un contrôle d’identité etpalpation d’un jeune à Paris, France. 06.06.2011 © 2011 Ludovic/Rea/Redux

« La base de l’humiliation »

Les contrôles d’identité abusifs en France

Des policiers effectuent un contrôle d’identité et une palpation sur un jeune à Paris, France, le 6 juin 2011.  © 2011 Ludovic/Rea/Redux

Résumé

Je ne peux même pas compter les fois que je me suis fait contrôler. Je parle avec des gens qui disent ‘jamais dans leur vie’ et je me dis ‘mais comment ça?’

Dédé, d’origine nord-africaine, St Priest (région lyonnaise), 24 juillet 2011

À un moment ou l’autre de leur vie, la plupart des gens en France ont été interpellés par la police pour un contrôle d’identité.

N’importe qui peut en théorie faire l’objet d’un contrôle d’identité, et un simple contrôle ne devrait normalement prendre que quelques minutes et devrait généralement se résumer à la présentation de sa carte ou autre preuve d’identité à la demande d’un policier.

Néanmoins, les recherches effectuées en 2011 à Paris, Lyon et Lille et dans leurs régions indiquent que le système de contrôle d’identité peut donner lieu à des abus de la part de la police française, laquelle se sert de ce système comme outil central dans le cadre de ses opérations et dispose de vastes pouvoirs pour interpeller et contrôler les individus, qu’elle les soupçonne ou non d’une activité criminelle. Elle se livre notamment à des contrôles répétés - «innombrables», selon la plupart des personnes interrogées -, parfois accompagnés de violence physique et verbale. Les contrôles peuvent consister en des interrogatoires prolongés, l’ordre de vider ses poches, la fouille des sacs et des palpations intrusives - y compris dans le cas d’enfants qui n’ont pas plus de quatorze ans, qui ont expliqué avoir dû mettre les mains contre un mur ou une voiture pour subir une palpation de sécurité.

Par ailleurs, des preuves statistiques et des récits indiquent que les jeunes noirs et arabes vivant dans des quartiers économiquement défavorisés sont tout particulièrement et fréquemment la cible de ce type de contrôle, semblant indiquer que la police se livre à un profilage ethnique (en d’autres termes, qu’elle suppose que certaines personnes sont plus susceptibles d’être des délinquants en se basant sur leur apparence, entre autres la race et l’ethnicité, plutôt que sur leur comportement) pour déterminer qui contrôler. Bon nombre de jeunes interrogés par Human Rights Watch en vue du présent rapport ont confié qu’ils considéraient les contrôles d’identité comme un élément très marquant de toute leur expérience de discrimination et d’exclusion au sein de la société française.

Les autorités françaises justifient ces pratiques en les présentant comme des mesures de sécurité et elles ont été approuvées par certains tribunaux. Il est possible que dans certains cas, comme l’affirment les responsables de la police, la police ait de bonnes raisons d’intervenir - par exemple lorsque des habitants appellent la police pour troubles du voisinage ou lors d’activités illégales telles que la consommation de marijuana. Par ailleurs, le profilage effectué par des policiers peut constituer un outil légitime de prévention et d’enquête, entre autres lorsque les descriptions de suspects incluant l’origine ethnique ou nationale sont basées sur des informations précises et dignes de foi. Human Rights Watch reconnaît que les policiers sont souvent confrontés à des situations dangereuses et menaçantes et qu’ils doivent maîtriser des individus violents afin de garantir leur propre protection et celle des autres.

En France, la façon dont les contrôles d’identité sont menés suscite toutefois de sérieuses inquiétudes. Aucune base juridique écrite n’existe concernant les palpations lors des contrôles d’identité. Les membres des forces de l’ordre ignorent trop souvent les directives nationales et internationales qui soulignent l’importance d’un traitement respectueux. Le recours au profilage ethnique s’avère discriminatoire et enfreint à la fois le droit national et international lorsque la police prend systématiquement pour cible certains groupes lors de ses contrôles, même quand ces actions découlent de stéréotypes inconscients plutôt que d’une politique intentionnelle.

La menace de sanction pénale ajoute une dimension coercitive aux contrôles d’identité. En effet, le fait de ne pas coopérer lors d’un contrôle d’identité peut conduire à des poursuites administratives ou pénales, les charges pouvant aller du délit mineur qu’est le «refus d’obtempérer» à celui plus grave d’outrage à agent et de rébellion.

Le recours excessif à la force et les contrôles d’identité répétés, insultants, parfois violents, sont non seulement illégaux mais également contre-productifs - créant ou accentuant le fossé entre les jeunes et la police. La colère refoulée provoquée par les abus policiers, notamment (mais pas exclusivement) les contrôles d’identité musclés, a joué un rôle dans les graves émeutes qui ont éclaté en 2005 dans certaines villes à travers la France, et elle semble être à la base d’innombrables conflits de plus faible intensité opposant la police et les jeunes dans les zones urbaines. Cet antagonisme et ce ressentiment risquent également de porter atteinte à l’ensemble des relations entre la police et les communautés ainsi qu’à l’efficacité policière, en particulier si les gens se montrent réticents à demander ou à fournir une aide à la police.

L’absence de trace écrite appropriée concernant les contrôles d’identité effectués par la police complique les choses. Les personnes interrogées ont déclaré qu’elles demandaient rarement sur quelle base juridique reposait le contrôle d’identité, soit parce qu’elles ne voulaient pas paraître peu coopératives, soit parce que d’expérience, elles estimaient que cela serait inutile. La police n’est pas obligée de fournir une quelconque explication aux personnes, ni de leur remettre un rapport écrit concernant ses actions. Les autorités françaises n’enregistrent ou ne publient pas non plus de données sur l’utilisation par la police des contrôles d’identité, et elles ne prennent pas note de l’origine ethnique des personnes contrôlées.

Sans documents expliquant la base juridique du contrôle d’identité, il n’existe aucun moyen de vérifier sa légalité, ou de faire la preuve d’un abus de pouvoir ou de mauvais traitements.

En raison de l’irrégularité et de la non-transparence des rapports internes relatifs aux contrôles d’identité, ainsi que du manque d’informations sur la répartition ethnique de ces contrôles, il se révèle difficile d’évaluer l’efficacité de ces opérations, de vérifier leur légalité, ou de réaliser une analyse officielle sérieuse de l’impact des contrôles d’identité policiers sur les minorités - et en particulier d’établir si des groupes déterminés sont affectés de façon exagérée ou disproportionnée. Par voie de conséquence, il est extrêmement difficile de s’attaquer à la discrimination dans les activités de la police en France.

Le Code de procédure pénale français accorde trop de pouvoirs aux forces de l’ordre dans l’exécution des contrôles d’identité, ouvrant largement la porte à l’arbitraire et aux abus. Les mécanismes de responsabilisation, tant au sein des forces de l’ordre qu’au sein des organes de contrôle externes, ne semblent pas adaptés.

Human Rights Watch appelle le gouvernement français à reconnaître les problèmes posés par les pouvoirs conférés pour les contrôles d’identité et à adopter les réformes juridiques et politiques nécessaires pour prévenir le profilage ethnique et les mauvais traitements lors des contrôles. Sans cela, les abus resteront incontrôlés et les relations entre la police et les jeunes issus des minorités se détérioreront davantage.

Recommandations clés

Au gouvernement français :

  • Condamner publiquement le profilage ethnique et s’engager à prendre des mesures concrètes visant à documenter, analyser et combattre ce phénomène.
  • Proposer une réforme législative de l’article 78-2 du Code de procédure pénale afin de limiter avec précision les pouvoirs en matière de contrôle d’identité, entre autres:
    • En exigeant qu’il existe des soupçons raisonnables et individualisés pour tous les contrôles d’identité, les palpations et les fouilles; et
    • En interdisant explicitement toute discrimination par les membres des forces de l’ordre lorsqu’ils procèdent à des contrôles d’identité.
  • Appuyer l’introduction de formulaires de contrôle destinés à consigner par écrit tout contrôle d’identité, incluant au minimum le nom et l’âge de la personne contrôlée, le nom et l’unité du policier effectuant le contrôle, ainsi que la base juridique du contrôle. Les informations personnelles telles que l’origine ethnique ne devraient être consignées qu’avec le consentement de la personne.

Au Parlement :

  • Amender l’article 78-2 du Code de procédure pénale de façon à :
    • Exiger qu’il existe des soupçons raisonnables et individualisés pour tous les contrôles d’identité, les palpations et les fouilles; et
    • Interdire explicitement toute discrimination par les membres des forces de l’ordre lorsqu’ils procèdent à des contrôles d’identité.

Au ministère de l’Intérieur :

  • Adopter des lignes directrices claires pour les membres des forces de l’ordre en ce qui concerne les contrôles d’identité, incluant au minimum :
    • L’obligation d’informer tous les individus concernés de la base juridique du contrôle dont ils font l’objet;
    • L’obligation d’informer tous les individus concernés de leurs droits lors d’un contrôle;
    • Des instructions relatives aux contrôles et aux fouilles d’enfants;
    • Exiger que tous les membres des forces de l’ordre fournissent aux personnes concernées un formulaire de contrôle servant de document écrit rendant compte du contrôle d’identité et incluant au minimum:
      • Des informations sur la personne contrôlée, y compris son origine ethnique avec le consentement de la personne;
      • Des informations sur le ou les policiers procédant au contrôle d’identité;
      • La base juridique du contrôle d’identité;
      • Le fait que le ou les policiers aient procédé ou non à des palpations ou à une fouille des objets personnels;
      • Le résultat du contrôle d’identité.
  • Publier régulièrement des données statistiques sur les contrôles d’identité, ventilées au minimum par lieu, base juridique, âge de la personne contrôlée et résultat du contrôle, et, dans la mesure du possible, par identité ethnique.
  • Sur la base d’un cadre juridique clair, adopter des lignes directrices claires pour les membres des forces de l’ordre concernant le moment et la façon de procéder à des palpations et à la fouille des objets personels, et réclamer des comptes aux policiers à travers des mécanismes internes s’ils ne se conforment pas à ces instructions.

Méthodologie

Le présent rapport se fonde sur des recherches effectuées par Human Rights Watch de mai à septembre 2011 à Paris, Lyon et Lille et dans leurs régions. Nous avons interrogé 67 personnes, dont 31 enfants, à propos de leurs expériences lors de contrôles et fouilles opérés par la police. Certains de ces entretiens ont eu lieu individuellement et en privé, d’autres ont été réalisés en groupe. Ce chiffre ne comprend que les personnes auprès desquelles nous avons recueilli des informations suffisantes et pertinentes. La plupart des entretiens ont été organisés avec le concours de militants de quartier, mais environ 35 pour cent ont été réalisés au hasard dans des espaces publics tels que des places de villes, devant des immeubles d’habitation et des magasins, et sur un terrain de basket.

Nos recherches se sont focalisées sur les hommes et les garçons car ils sont beaucoup plus susceptibles de faire l’objet de contrôles d’identité que les femmes et les filles.

Parmi les personnes interrogées, quarante-six étaient des citoyens français d’origine nord-africaine. Dix-huit étaient des citoyens français d’ascendance africaine ou antillaise. Trois étaient des citoyens français blancs (c’est-à-dire appartenant à la majorité ethnique).

L’objectif de la présente étude est d’évaluer l’impact des contrôles d’identité policiers sur les groupes minoritaires, non pas de fournir des données quantitatives sur l’impact différent de ces contrôles sur les membres des minorités et sur les membres de la population majoritaire. Des études empiriques réalisées par l’Open Society Justice Initiative et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne mettent en lumière l’impact disproportionné des contrôles d’identité sur les groupes minoritaires en France, faisant ressortir le recours au profilage ethnique par les forces de l’ordre. Les témoignages recueillis dans le cadre de nos travaux de recherche mettent en évidence des pratiques problématiques lors des contrôles d’identité, les conséquences des pouvoirs de police trop larges pour les membres des minorités, ainsi que l’impact des abus sur les relations entre la police et les communautés.

En ce qui concerne les enfants interrogés, onze étaient âgés de treize à quinze ans et vingt avaient entre seize et dix-huit ans.

Outre ces entretiens individuels, nous nous sommes entretenus avec un groupe de neuf adultes de sexe masculin (sept Noirs, un Arabe et un Blanc) sur un terrain de basket à Paris; un groupe de dix jeunes adultes (huit Noirs et deux Arabes), tous âgés de dix-huit à vingt ans, devant leur immeuble; et un groupe de huit adultes et trois enfants âgés de quinze ou seize ans dans le quartier Allende de Saint-Denis, en région parisienne. Nous avons également interrogé huit militants, deux experts et deux responsables municipaux (Paris et Saint-Denis) pour connaître leur analyse de l’impact des contrôles d’identité sur les relations entre la police et les communautés, ainsi que pour bénéficier de leur assistance afin d’organiser des entretiens avec des personnes visées par des contrôles.

Nous avons interrogé deux fonctionnaires de la Préfecture de police de Paris et un fonctionnaire de la Préfecture du Nord-Pas-de-Calais à Lille. Les deux demandes séparées que nous avions introduites pour un entretien avec la Préfecture de Lyon, et notre demande d’entretien avec la Préfecture de la Seine Saint-Denis ont été rejetées. Nous nous sommes entretenus avec deux représentants du syndicat de la police, généralement classé à gauche, l’Unité SGP Police, et avec un policier (également membre de l’Unité SGP Police) travaillant dans les rues de Bobigny. Le but de ces rencontres était de connaître le point de vue des forces de l’ordre sur les contrôles d’identité, notamment leur appréciation du rôle que ces contrôles jouent dans la prévention et la détection de la criminalité, de leur efficacité et de leur impact sur les relations entre la police et les communautés. Nous avons également passé en revue les lois, les réglementations et la jurisprudence en la matière.

Pour tous les adultes, nous n’indiquons que le prénom des personnes interrogées afin de protéger leur vie privée et de leur éviter toute conséquence négative pour s’être entretenues avec nous, sauf lorsque la personne nous a demandé de mentionner son nom complet. Là où nous l’avons mentionné, nous avons utilisé un pseudonyme pour des adultes à leur demande et pour les mêmes raisons. Conformément à la politique adoptée par Human Rights Watch, nous utilisons des pseudonymes suivis d’une initiale pour tous les enfants.

Le présent rapport se concentre sur les contrôles de piétons car il s’agit des contrôles d’identité qui affectent le plus les jeunes. Il convient toutefois de noter que les personnes interrogées plus âgées se sont plaintes d’être sans cesse contrôlées par la police lorsqu’elles conduisent des voitures ou des motos.

Terminologie

Nous utilisons le terme «contrôles» tout au long du rapport pour nous référer à des opérations de contrôle d’identité.

Dans le présent rapport, le terme «enfant» se rapporte à toute personne âgée de moins de dix-huit ans. La Convention relative aux droits de l’enfant définit un enfant comme étant «tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt, en vertu de la législation qui lui est applicable».[1] Nous utilisons également le terme «jeune» tout au long du rapport pour nous référer à des enfants et à de jeunes adultes.

Le terme «Noirs» se réfère aux personnes d’ascendance antillaise et africaine subsaharienne. Le terme «Arabes» se réfère aux personnes d’ascendance nord-africaine. Nous utilisons le terme «Blancs» ou «majorité ethnique» pour nous référer à la population majoritaire.

Lorsque les personnes citées dans le présent rapport utilisent le mot «Français», elles se réfèrent à des personnes à la peau blanche, qui extérieurement ne semblent pas être issues de l’immigration non européenne. Toutes les personnes dont les témoignages figurent dans le présent rapport sont des citoyens français.

Dans le présent rapport, toute référence aux membres des forces de l’ordre vise à la fois la Police Nationale et la Gendarmerie.

I. Abus de pouvoir lors des contrôles d’identité

Je compte même pas combien de fois je me suis fait contrôler, c’est impossible de vous dire. Maintenant c’est une habitude.

Zakaria, 22 ans, Vénissieux (région lyonnaise), 26 juillet 2011.

La police française dispose de larges pouvoirs pour contrôler les personnes, jeunes et âgées, circulant à pied, en voiture, à moto, en scooter et à vélo, dans les gares, les centres commerciaux, les parkings et dans la rue, et pour leur demander de justifier de leur identité - procédure de contrôle d’identité.[2]

La police a, de manière permanente, le pouvoir de contrôler toute personne sur des sites de transports (gares ferroviaires, aéroports) sans aucune justification.[3] Lorsqu’un procureur a désigné une zone déterminée au sein d’une ville, la police est habilitée à y contrôler toute personne sans justification pendant un maximum de quatre heures.[4] Enfin, elle peut inviter toute personne à justifier de son identité lorsqu’elle a des raisons de croire que cette personne a commis ou tenté de commettre une infraction, ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit, ou qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à une enquête de police.[5] Dans la pratique, le contrôle d’identité est devenu un outil central dans le cadre des opérations de police.

La législation française exige que les personnes acceptent de se prêter à un contrôle d’identité.[6] Le port d’une carte d’identité n’est pas obligatoire pour les citoyens français, et le fait de ne pas être en mesure de la présenter sur demande n’est pas passible de sanction. Néanmoins, un citoyen doit être capable de prouver son identitéà la satisfaction d’un membre des forces de l’ordre procédant à un contrôle. La police est autorisée à placer une personne en rétention pendant un maximum de quatre heures aux fins d’établir son identité dans le cadre de la procédure dite de vérification d’identité.[7] Cette procédure consiste normalement à être retenu au poste de police local jusqu’à ce quelqu’un puisse apporter à la personne retenue une preuve valable de son identité ou jusqu’à ce que la police puisse établir son identité par tout autre moyen.

Différents agents des forces de l’ordre sont habilités à procéder à différents types de contrôle, entre autres diverses unités de la Police Nationale (zones urbaines) et la Gendarmerie Nationale (zones rurales). Les Brigades anti-criminalité (BAC) et les Compagnies Républicaines de la Sécurité (CRS, forces anti-émeutes) sont les deux services de la Police Nationale le plus souvent cités par les personnes interrogées qui ont été en mesure de préciser quelle catégorie d’agents des forces de l’ordre avait procédé à un contrôle donné.

Un simple contrôle se résume souvent à présenter sa carte d’identité, ou autre pièce d’identité, à la demande d’un policier, et il ne prendra pas plus de quelques minutes. Pourtant, bon nombre des contrôles d’identité qui nous ont été décrits dans le cadre de ces travaux de recherche ont consisté en des interrogatoires prolongés, des palpations intrusives, l’ordre de vider les poches et des fouilles de sacs. Ces pratiques sont présentées comme des mesures de sécurité et ont été validées par les tribunaux; aucune base juridique écrite n’existe toutefois pour ce type de palpations et de fouilles corporelles. Des enfants qui n’étaient pas âgés de plus de quatorze ans nous ont confié qu’ils avaient dû mettre leurs mains contre un mur ou un véhicule aux fins de palpations.

Le profilage ethnique

Quand on leur a demandé pourquoi ils nous ont choisis [pour le contrôle] (...) ils ont répondu ‘Un Arabe et un Noir sur une moto sur Paris, ça nous fait peur’.

Abdi, 25 ans, Saint Denis, 28 juin 2011

Qu’est-ce que vous voulez que je dise? Que ça [le profilage ethnique] n’existe pas?

Christophe Cousin, Chef du bureau des affaires politiques et administratives, Préfecture de Lille, 30 septembre 2011

Les minorités visibles se plaignent depuis des années d’être particulièrement visées par les contrôles. Des études sociologiques, des documents émanant de sources sur le terrain, des reportages dans les médias et, plus récemment, des études quantitatives indiquent un nombre disproportionné de contrôles de personnes noires et arabes.

En France, la plupart des gens ont, à une occasion ou l’autre, fait l’objet d’un contrôle et été invités à présenter leurs papiers. Pour les jeunes noirs et arabes vivant dans des zones économiquement défavorisées, les contrôles d’identité font partie de la vie courante. Tous ceux interrogés au cours de nos recherches ont été contrôlés de nombreuses fois - «un nombre incalculable de fois» selon la plupart - dès leur plus jeune âge. Nos recherches se sont concentrées sur les contrôles visant les piétons. Il est toutefois important de noter que les répondants plus âgés se sont plaints de contrôles répétés alors qu’ils conduisaient une voiture ou une moto.

Une étude réalisée par l’Open Society Justice Initiative (OSJI) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) entre octobre 2007 et mai 2008 a établi que comparativement aux Blancs, les probabilités de contrôle étaient six fois plus élevées pour les Noirs, et près de huit fois plus élevées pour les Arabes.[8] Les conclusions étaient basées sur l’examen de plus de 500 contrôles policiers effectués dans cinq endroits de la région parisienne ainsi qu’à la Gare du Nord et à la gare de Châtelet-Les-Halles. L’étude a également relevé une forte corrélation entre la tenue vestimentaire et la probabilité de faire l’objet d’un contrôle de police.

Les résultats d’une enquête menée en 2008 par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) ont également montré qu’en France, la probabilité de faire l’objet d’un contrôle de police était plus élevée pour les Noirs et les Arabes que pour les Blancs. L’étude a établi que 42 pour cent des Nord-Africains et 38 pour cent des Noirs disaient avoir été contrôlés au cours des douze mois écoulés, alors que seuls 22 pour cent des Blancs déclaraient avoir fait l’objet d’un contrôle au cours de la même période.[9] Parmi ceux ayant été contrôlés en France, 46 pour cent de Noirs et 38 pour cent d’Arabes (comparés à 21 pour cent de la population issue de la majorité ethnique ont signalé que le contrôle avait débouché sur une fouille. Il s’agissait des pourcentages les plus élevés sur les dix pays examinés, à l’exception des Roms en Grèce.[10]

Ces chiffres donnent à penser que la police utilise des profils ethniques - hypothèses fondées sur l’apparence, y compris la race et l’origine ethnique, concernant les personnes les plus susceptible d’être des délinquants - pour déterminer qui contrôler. Le profilage effectué par des policiers peut s’avérer être un outil légitime de prévention et d’enquête, lorsque par exemple des signalements de suspects incluant l’originale ethnique ou nationale sont dressés sur la base d’informations précises et dignes de foi.[11] Mais les signalements de suspects doivent inclure d’autres informations utiles pour identifier un individu; des signalements trop larges basés essentiellement sur la race, l’ethnicité ou l’origine nationale peuvent déboucher sur un profilage illégal. Le profilage est discriminatoire et illégal lorsque la police cible systématiquement certains groupes dans le cadre de ses contrôles, même lorsque ces actions sont fondées sur des stéréotypes inconscients plutôt que sur une politique intentionnelle.[12]

Pratiquement toutes les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus au cours de ces travaux de recherche avaient l’impression qu’elles étaient ciblées en raison de leur apparence. Certains, comme Dixon, un homme noir de 31 ans interrogé à Paris, ont attribué cela au racisme.

C’est une question de couleur de peau, c’est simple. Tu as un peu de couleur, c’est automatique mon frère. Ça me fait ni chaud ni froid. Tu veux perdre ton temps à me contrôler, vas-y. Ils me demandent si je suis français. Et moi je mange le camembert, je bois mon petit Perrier, je suis plus français que d’autres, mais [pour la police] on n’est pas chez nous.[13]

Sami Cherif, 22 ans, était du même avis, expliquant: «Le faciès joue beaucoup, énormément. À pied à Paris, posés sur les quais à Saint-Michel. Les quais sont remplis de monde, c’est nous qu’ils vont contrôler».[14] D’autres nous ont fait part de sentiments similaires à Lyon et à Lille. Saïd, 25 ans, d’ascendance nord-africaine, était convaincu que «si je m’appelais François, que j’étais blanc aux yeux bleus, ça ne va pas se passer comme ça».[15] À Lille, un garçon de seize ans, également d’origine nord-africaine, a dit cela avec concision: «Je pense qu’il y a du racisme».[16]

Nous avons entendu trois témoignages détaillés de Noirs et d’Arabes contrôlés et fouillés alors que les membres blancs du groupe ou de la foule ne l’étaient pas.

Halim B., un jeune de dix-sept ans étudiant à Lille, nous a expliqué que des agents de la Police Nationale l’avaient forcé à descendre d’un bus à Lille la semaine précédente alors qu’il se rendait à l’école.

Le bus s’arrête et la police monte. J’étais assis au fond. C’était à 7h20 du matin. Le bus était rempli (...) Ils ont désigné un mec et lui ont dit, «tu te lèves et tu descends avec nous». Je regardais, je croyais que c’était un criminel, et ils m’ont désigné aussi pour descendre. Trois personnes sont descendues, et il y avait deux Arabes sur trois. Le bus était rempli, il y avait plein de monde debout. Il y avait plus de Français dans le bus (...) Les contrôles, ils [les policiers] ont le droit de les faire autant de fois qu’ils veulent mais franchement, j’étais gêné. Je me suis senti comme si j’étais un cambrioleur, un délinquant poursuivi. J’avais peur quand ils m’ont désigné pour descendre. Je me demandais ce que j’avais fait. Quand je suis descendu [du bus], ils ont dit ‘contrôle, est-ce que vous avez rien d’illicite sur vous, videz vos poches’. Ils ont fouillé mon sac, puis je suis parti. Je suis arrivé un peu en retard à l’école. Franchement, j’étais pas mal habillé ou quoi, j’allais à l’école, ils ont choisi au pif.[17]

Moussa S., un garçon de treize ans, a fait l’objet d’un contrôle d’identité et d’une fouille après avoir réagi avec colère lorsqu’un policier qui passait en voiture l’a traité de «sale négro». Selon Moussa, son ami d’origine portugaise qui l’accompagnait n’a pas été contrôlé.[18]

Daouda B., quatorze ans, nous a signalé fin juin que la dernière fois qu’il avait été contrôlé par la police remontait à la veille. Il accompagnait un copain chez lui.

Ils [les policiers] viennent, ils nous disent ‘contrôle de police’, ils nous mettent devant le mur, et ils ont pris ma sacoche et ils l’ont jeté par terre. Le policier qui m’a mis contre le mur m’a fait un croche-pied et je suis tombé par terre. Ils m’ont fouillé et m’ont demandé de vider les poches. J’étais avec un autre copain et lui ils ne l’ont pas contrôlé car il était blanc. Le gardien [d’un immeuble voisin] avait dit qu’il s’était fait voler un vélo de collection dans sa cave et il disait que c’était un Blanc et un Noir qui l’avaient volé. Donc on nous a soupçonnés.[19]

Contrôles multiples

Dix personnes interrogées ont signalé qu’il leur était arrivé d’être contrôlées plus d’une fois en une seule journée, renforçant le sentiment d’être prises pour cible par la police et intensifiant leur ressentiment. Ces contrôles répétés peuvent avoir lieu aussi bien dans le quartier que dans d’autres parties de la ville. Ainsi, Bilal F., dix-sept ans, a déclaré avoir fait l’objet de contrôles répétés à plusieurs reprises:

Le maximum que ça m’est arrivé, c’est trois fois dans une journée. C’est il y a un an. La première fois, c’était à Roubaix [région lilloise] à la station de métro Épeule Montesquieu en début d’après-midi. C’était la BAC. Ils étaient deux ou trois, je me suis fait contrôler normal. La deuxième fois, c’était à la station de métro Porte des Postes vers 18h00. C’était la PoliceNationale. Je leur ai dit que je venais de me faire contrôler par leurs collègues et ils m’ont refouillé quand même. Ils n’ont pas donné d’explication. La troisième fois, c’était à la Rue de l’Épeule et c’était des CRS. J’étais vraiment saoul.[20]

Farid A. et Khalil N., tous deux âgés de seize ans, et Youssouf M., dix-sept ans, de Sainte-Geneviève-des-Bois (région parisienne), ont été contrôlés à plusieurs reprises près de la Tour Eiffel le 14 juillet 2011. Farid a expliqué: «On était à six copains. Ce jour-là, on s’est fait contrôler trois fois. On sort du métro, contrôle. On marche 200mètres, autre contrôle. On marche 200 mètres, et autre contrôle. Ils m’ont contrôlé le sac trois fois. Il y avait tout le monde, mais ils ont contrôlé que nous».[21] Khalila ajouté: «À Paris c’est la routine. On sait que dès qu’il y a des groupes de jeunes, ils vont nous arrêter».

Abdel, dix-huit ans, également de Sainte-Geneviève-des-Bois, nous a confié qu’il avait été contrôlé trois fois en une seule nuit en mars, à Juvisy-sur-Orge, une ville toute proche. «Il y avait plein de monde, ils ont arrêté que moi. J’étais tout seul. Lorsqu’ils disent ‘contrôle d’identité’, on peut plus rien faire.»[22]

Molo, un homme de 26 ans d’Évry (région parisienne), nous a signalé que deux semaines avant de s’entretenir avec nous, il avait été contrôlé trois fois en l’espace de quelques heures: «Une fois en voiture, une fois au centre commercial, et une fois ici sur la place. Moi je travaille, je ne deale pas, je ne vole pas. Et ils le savent, mais ils me contrôlent également.»[23]

Abou K., un garçon de Saint-Denis âgé de quinze ans, a déclaré avoir été contrôlé quatre ou cinq fois sur les Champs Élysées le jour du Nouvel-an dernier, alors qu’il se trouvait là avec un grand groupe de copains. «Quand on voit des groupes de jeunes de banlieue, on les contrôle(…) Dès qu’on demande pourquoi on nous arrête ça les énerve. Ils deviennent agressifs et répondent que c’est au hasard. Je pense que c’est au faciès.»[24]

Hassan M., quinze ans, de Roubaix (région lilloise), nous a informés qu’il avait été contrôlé trois fois en l’espace de six heures par les mêmes policiers une semaine avant de s’entretenir avec nous.

On était quatre personnes. La première fois, c’était à 12h30 en dehors du métro Lille Europe. C’étaient deux policiers de la Nationale. Ils sont venus et nous ont contrôlés comme ça. La deuxième fois, c’était à 16h00 à Rihour [arrêt de métro]. C’étaient les mêmes policiers. J’ai dit, «Monsieur, vous venez de me contrôler». Et il a dit «Ne pose pas de questions». La troisième fois c’était vers 18h00 en repartant de Lille Europe. Cette fois on n’a pas parlé. On s’est laissé faire. C’étaient les mêmes policiers. C’est pour nous faire chier. Ils attendent qu’on ait un contact physique avec eux pour qu’ils nous embarquent.[25]

Abdel S., un jeune de Roubaix âgé de seize ans, nous a dit avoir été contrôlé par le même policier deux fois en l’espace de quatre heures. «Ça fait deux semaines, dans mon quartier. La première fois j’étais tout seul et la deuxième j’étais avec un pote. La première c’était vers 14h00 et la deuxième vers 18h00. Je lui ai dit qu’il m’avait déjà contrôlé et il m’a dit,‘ben c’est possible, je retiens pas toutes les têtes’».[26]

Mustafa, un jeune de quinze ans habitant Vénissieux, nous a signalé qu’un jour, il avait été contrôlé deux fois en l’espace de cinq minutes. «Ici, devant chez moi. J’étais avec trois potes. Ils touchent partout, partout. Quand t’es petit, ils profitent.» Il a estimé avoir été contrôlé une vingtaine de fois au total dans sa vie.[27]

Beaucoup avaient l’impression que leur façon de s’habiller - leur «look» - jouait un rôle important, certains affirmant que ce facteur était plus déterminant que l’ethnicité ou la race. Fethi Grid, un homme de 28 ans d’ascendance algérienne, a ainsi dit qu’il estimait que les critères pour les contrôles étaient «jeune, baskets (…) racialement, je ne sais pas, car il y a aussi des Blancs avec des look de jeunes qui se font contrôler».[28] D’autres qui ont déclaré être contrôlés régulièrement ont attribué ce fait à leur habillement, mais aussi à l’endroit où ils habitent et aux personnes avec lesquelles ils passent leur temps. D’autres étaient d’avis que la race, l’ethnicité et le style vestimentaire étaient indissociables. Gabir S., seize ans, habitant Vénissieux, a relevé: «En ville, ils ne nous aiment pas. On est dans leur environnement. C’est la gueule, c’est les baskets.»[29] Abdul, à Lille, a expliqué: «Le look joue énormément, mais la gueule aussi, et ça tu ne peux pas la changer.»[30]

Yannick Danio, porte-parole de l’Unité SGP Police (syndicat de la police), a insisté sur le fait que «l’habillement reste [le facteur] principal, l’origine est en deuxième lieu, et le quartier en troisième.» Il a expliqué que les stéréotypes pouvaient pousser les policiers à présumer qu’une personne habillée dans un style hip-hop «fume inévitablement de l’herbe» et par conséquent à la contrôler.[31]

L’étude de l’OSJI/CNRS mentionnée plus haut a relevé que 47 pour cent des personnes contrôlées par la police portaient des vêtements associés à la culture jeune, alors qu’elles ne représentaient que dix pour cent de la population totale disponible pour les contrôles policiers sur les sites où l’étude a été réalisée. Le rapport en a conclu que le style de vêtements portés par les personnes contrôlées était un «autre facteur déterminant».[32]

Il se peut très bien qu’un Noir ou un Arabe portant une tenue de ville ne soit pas visé par un contrôle, alors qu’un Européen habillé dans un style associé à la «banlieue» le sera. Toutefois, d’aucuns s’inquiètent du fait que la façon de s’habiller puisse servir de substitut à la race et à l’ethnicité. Comme l’ont fait remarquer deux éminents sociologues français qui ont participé à l’étude de l’OSJI/CNRS, cibler les personnes sur la base de leur style vestimentairepeut être une forme cachée de profilage racial dans le sens où deux personnes sur troiscontrôlées parce qu’elles sont habillées «jeunes» sont noires ou d’origine nord-africaine.[33]

Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, a souligné que les interpellations et les fouilles devaient obéir à des raisons objectives: «un soupçon - raisonnable et individualisé - d’activité criminelle». Il a clarifié que «la couleur de peau, la manière de s’habiller et le port apparent de signes religieux ne sont pas des raisons objectives».[34]

Les fouilles intrusives

Chaque fois ils fouillent et ils touchent et cherchent et si c’est dans le commissariat ils peuvent même te mettre à poil.

Yannis, 25 ans, Saint Denis (région parisienne), 28 juin 2011.

La palpation, c’est systématique. Et si tu veux provoquer un jeune, c’est très facile de le pousser à bout avec la palpation.

Issa, animateur de quartier, Paris, 24 mai 2011

Bien que les contrôles puissent consister en une rapide vérification des papiers d’identité, ils se révèlent souvent beaucoup plus intrusifs. Bon nombre des personnes interrogées en vue du présent rapport avaient régulièrement fait l’expérience de contrôles comprenant des palpations de sécurité ainsi que des fouilles corporelles et de sacs. Ni le Code de procédure pénale ni aucune autre loi écrite n’octroie explicitement le pouvoir de procéder à ce type de fouilles corporelles. Des enfants qui n’avaient pas plus de quatorze ans nous ont confié qu’ils avaient été forcés de mettre leurs mains contre un mur, d’écarter les jambes et de se laisser soumettre à une palpation portant atteinte à leur intimité. Plusieurs ont également signalé avoir été obligés d’enlever leurs chaussures. Les palpations effectuées par la police donnent lieu à l’une des plaintes les plus courantes liées aux contrôles d’identité.

Lors d’une interview de groupe avec des jeunes devant leur immeuble d’habitation près de l’arrêt de métro Glacière à Paris, les dix participants se sont tous plaints des contrôles et palpations constants. Un jeune Noir de dix-huit ans, qui n’a pas voulu donner son nom, a expliqué que le dernier contrôle auquel il avait été soumis avait eu lieu la veille à Pantin (région parisienne) aux alentours de 20 heures. «Ils [les policiers] sont arrivés, ‘allez tout le monde contre le mur’, ils nous ont touchés partout. Ils ont sorti les gazeuses mais ils les ont pas utilisées.»[35]

Saïd, un homme de 25 ans de Lyon, s’est plaint: «Ils nous touchent de plus en plus les parties intimes. Devant des autres personnes, ta copine, ça fout les boules».[36] Abdel, dix-huit ans, nous a déclaré avoir été contrôlé à Sainte-Geneviève-des-Bois (région parisienne) aux alentours de 21h30 avec deux amis trois jours avant notre entretien. «On était posés devant un magasin, on était trois, on était en train de parler. Trois policiers sont venus. La fouille, ils nous ont touchés partout, le sexe avec le poing.»[37]

L’étude de l’OSJI/CNRS mentionnée plus haut a relevé des disparités entre la population majoritaire française et les minorités françaises en ce qui concerne les palpations. Dans leur échantillon, les Noirs étaient quatre fois plus susceptibles, et les Arabes trois fois plus susceptibles de faire l’objet d’une palpation que les Blancs.[38]

Human Rights Watch s’inquiète particulièrement de l’impact des palpations sur les enfants. Nous avons écouté de jeunes enfants parler de leurs expériences récentes de contrôles d’identité avec palpations et fouilles de sacs, ainsi que des enfants plus âgés et des adultes décrire leurs premiers contrôles d’identité.

Abdel, mentionné plus haut, nous a parlé de sa toute première expérience de contrôle policier. Il avait douze ans.

Quelqu’un avait dit qu’on avait volé des cerises d’un jardin privé. Nous on était sept, on sortait de la rue où il y avait ce jardin. Les policiers nous ont attrapés par les mains, ils nous ont fouillés. Ils ont mis les mains dans les poches, ils ont fouillé juste les poches. On m’a plaqué contre la voiture. Personne n’avait de cerises.[39]

Hassan M., aujourd’hui âgé de quinze ans, avait onze ans la première fois qu’il a été contrôlé par la police dans le centre de Tourcoing, en région lilloise.

Je me souviens encore. Je revenais de la piscine avec mon petit frère et il y avait une bande de jeunes qui se faisait contrôler. Je les ai salués et ils m’ont dit de me mettre contre le mur avec mon petit frère de huit ans. On s’est mis contre le mur, ils nous ont fouillés. On avait nos sacs de piscine, ils nous ont dit de poser nos sacs et ils ont fouillé dedans. Ils nous ont fouillés de haut en bas et les parties intimes. Ça m’a fait bizarre, je tremblais un peu.[40]

Ouamar C., un jeune noir de treize ans vivant à Paris, nous a expliqué qu’il avait été contrôlé et fouillé près de son école, juste avant les vacances d’été 2011.

J’étais avec mes amis assis dans un coin (...) et ils sont venus nous contrôler. Je n’ai pas parlé car si tu parles, tu es embarqué. Ils ont ouvert ma sacoche. Ils ont aussi cherché sur mon corps. Ça se passe comme ça chaque fois. Ils n’ont rien trouvé sur moi. C’est la première fois que ça se passe devant l’école. Ils disent «Mettez-vous contre le mur», ils fouillent, à la fin ils disent merci et ils s’en vont (...) Ça fait peur au début quand on me contrôle. Maintenant je commence à m’habituer.

Lorsque nous nous sommes entretenus avec Ouamar C., son dernier contrôle remontait à deux semaines, dans sa cité. «J’étais avec trois personnes, on s’est fait contrôler car ils croyaient qu’on avait du shit. (…) On ne faisait rien, on écoutait juste de la musique. C’est la sixième fois que je me suis fait contrôler. Ça a commencé quand j’avais dix ans.» [41]

Cédric A., un autre enfant noir de treize ans vivant dans le même quartier, nous a expliqué qu’il avait aussi été contrôlé à proximité de son école à l’approche des vacances d’été.

À côté de mon collège il y a une espèce de stade. On était un groupe de six. Ils [la police] nous ont demandé de ne pas faire de bruit, ils nous ont fouillés et ils nous ont dit de ne pas rester avec certaines personnes qui font des problèmes. Ça fait depuis janvier que je n’avais pas été contrôlé. Je pense que j’avais onze ans la première fois que je me suis fait contrôler. Ces contrôles c’est normal pour voir s’il n’y a pas quelque chose de mauvais qui se passe. Je n’ai jamais eu de soucis avec la police pendant un contrôle.[42]

Un garçon de quatorze ans de Bobigny, Haroun A., nous a signalé qu’il avait été contrôlé pour la dernière fois une semaine avant de s’entretenir avec nous.

J’étais dans le centre commercial avec des copains en train de s’amuser. Ils [la police] viennent avec leurs armes et ils nous braquent. Il y avait trois policiers. Ils nous ont dit ‘contrôle d’identité’. Deux avaient dans les mains les flash-balls [armes qui utilisent des balles de caoutchouc]. J’étais avec cinq ou six amis. On ne faisait rien. Tout le temps ils nous contrôlent comme ça. Quand on est en groupe tout de suite ils nous contrôlent. Ils ont demandé si on avait des trucs. Ils nous mettent contre un mur, ils nous fouillent même dans les chaussettes et les chaussures. Ils n’ont rien trouvé. Les papiers ils demandent, mais pas tout le temps.[43]

Khalil N., aujourd’hui âgé de seize ans, en avait douze lorsque la police l’a contrôlé alors qu’il sortait d’une gare de banlieue à Sainte-Geneviève-des-Bois. «Contre le mur, vider les poches, la sacoche, le coup sur les pieds pour ouvrir les jambes.»[44]

Gabir S., un jeune de seize ans habitant Vénissieux (région lyonnaise), nous a parlé du jour où lui et ses amis ont été contrôlés dans le centre de Lyon.

On était dans le centre commercial près de Part-Dieu [gare ferroviaire]. On était dix, mais ils [la police] ont pris des autres et on était tous contre le mur à la sortie du centre. Pas d’explication. Ils en ont embarqué deux de notre groupe parce que l’un s’est énervé après qu’on lui avait serré les couilles.[45]

Suleiman S., dix-sept ans, a raconté que deux mois avant de s’entretenir avec nous, il avait été contrôlé par la police en même temps qu’une vingtaine d’autres alors qu’ils étaient assis devant la gare de Lille Europe aux alentours de 22 heures. «On faisait notre petite soirée, on était bien, on parlait. Ils sont venus (deux voitures de BAC et une camionnette de flics) et ont dit ‘tout le monde par terre’, les objets devant la tête, les poches vides, on devait enlever les chaussures. C’est basique, c’est normal, c’est leur méthode.»[46]

Lorsque nous nous sommes entretenus avec Ismaël Y., un jeune de dix-sept ans à Sainte-Geneviève-des-Bois, son dernier contrôle remontait à trois jours.

J’étais avec deux potes. Je sortais normalement et tout, la BAC est passée, nous a vus et ils sont venus nous contrôler. Ils nous ont fouillés tous, les mains contre le mur. Ils nous donnent des coups contre les pieds pour faire qu’on les sépare, et puis les mains partout. ‘Vide ta sacoche, vide tes poches’.[47]

Insultes et violences physiques lors des contrôles

J’ai eu des contrôles qui se sont super bien passés, mais en gros il y a plus de cons de leur côté [que du nôtre]. On en a marre de se faire contrôler tout le temps, mais après c’est aussi comment ça se passe.

Saïd, 25 ans, Lyon, 24 juillet 2011.

La façon de traiter les jeunes lors des contrôles d’identité peut varier considérablement en fonction du lieu, des circonstances et du nombre de personnes contrôlées. Bon nombre de personnes interrogées ont déclaré que dans certains cas, elles avaient fait l’objet de contrôles rapides et tranquilles au cours desquels les policiers s’étaient montrés polis et avaient simplement demandé à voir leurs papiers. Toutefois, certaines personnes se sont également plaintes du comportement grossier et insultant de la police.

L’une des plaintes les plus fréquentes portait sur l’usage systématique du tutoiement par les policiers qui dénote un manque de respect de la part des autorités publiques. Il est intéressant de noter que toutes les personnes interrogées qui ont comparé les contrôles effectués par des policiers à ceux effectués par des gendarmes ont déclaré que ces derniers se montraient beaucoup plus polis et respectueux.[48] Presque toutes les personnes interrogées avaient eu au moins une, voire plusieurs, expériences très négatives de contrôle d’identité. Il s’agissait essentiellement d’insultes verbales, mais aussi parfois de violences physiques.

Les insultes

Les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont déclaré que, d’après leur expérience, les insultes policières étaient monnaie courante. Beaucoup d’insultes, ont-elles signalé, n’avaient aucune connotation raciste. Elles nous ont expliqué que la police les traitait de «petits clowns», de «pédés», faisant également des allusions vulgaires à leurs mères. Certains répondants ont aussi fait remarquer que des policiers leur avaient adressé des insultes faisant allusion à leur origine ethnique ou à leur race.

Moussa S., un garçon d’Évry (région parisienne) âgé de treize ans, nous a confié qu’un policier qui passait dans une voiture de patrouille lui avait crié «sale négro». «Moi j’ai répondu, je me suis un peu énervé. Alors ils m’ont contrôlé. Fouille, ils m’ont touché partout, vraiment partout. Ils ont contrôlé que moi, pas mon pote [d’origine portugaise].»[49]Moussa a expliqué que la police était partie lorsque quelques adultes assis sur une place toute proche s’étaient mis à marcher dans leur direction. Molo, un homme de 26ans habitant la même ville, nous a confié: «Parfois ils passent, ils font des bruits de singes. Je l’ai vu avec mes yeux.»[50]

Les personnes interrogées d’ascendance nord-africaine ont dit être traitées de «sale bougnoule», «sale Arabe», ou «sale Beur» et de «bâtard d’Arabe».[51] Yasine, un jeune de dix-neuf ans habitant Lille, a déclaré avoir été traité de «sale bougnoule» tant de fois que «ça nous choque plus, c’est normal».[52]

Bon nombre de personnes interrogées étaient convaincues que les policiers leur lançaient des insultes pour provoquer une réaction et elles partageaient à la fois un sentiment de ressentiment et de résignation. Ismaël Y., dix-sept ans, a expliqué: «Si on les insulte, on aura une amende, mais eux ils peuvent faire ce qu’ils veulent. En tout cas on a toujours tort.»[53] Durad, 21 ans, a parlé au nom de beaucoup d’autres lorsqu’il a souligné que les policiers «utilisent des insultes pour nous provoquer. Eux ils sont suréquipés. Nous, on a des portables dans les poches, pas des matraques».[54] Un adolescent arabe interrogé dans un groupe devant son immeuble à Paris a aussi affirmé: «Ils nous insultent, ils essaient de nous provoquer. Sale Arabe, sale Noir. Ils font exprès pour nous mettre en prison.»[55] Fethi Grid, 28 ans, s’est plaint du tutoiement, «des sous-entendus sur mes origines, sur ma famille. Ils cherchent à te provoquer pour t’emmener en garde à vue. Quand j’étais plus jeune, je tombais plus souvent dans le piège».[56]

Les violences physiques

Plusieurs personnes interrogées par Human Rights Watch ont signalé des violences physiques à la fois lors des contrôles d’identité et au poste de police après les contrôles d’identité. Aucune de celles avec lesquelles nous nous sommes entretenus n’avait officiellement porté plainte, ce qui a rendu impossible de vérifier formellement leurs témoignages.

Mams, un Noir d’Évry âgé de 26 ans, nous a expliqué qu’en 2008, les policiers étaient arrivés alors qu’il se trouvait en compagnie d’une douzaine d’autres personnes. «Ils disent que c’est interdit de traîner en groupe. Ils nous ont mis par terre, avec les bras tendus et les jambes croisées. Ils nous ont dit de chanter ‘j’aime la police, j’aime la gendarmerie’.»[57]

Saïd, 25 ans, habitant Lyon, a signalé que l’hiver dernier, des CRS l’avaient interpellé à l’arrêt de métro Gambetta. «Les CRS viennent, me disent bonjour monsieur, les papiers. Je leur donne les papiers, et tout de suite ils m’ont étranglé, ils m’ont dit ‘ne viens pas ici, retourne en banlieue.’ J’étais tout seul, j’avais peur. Je ne sais même pas pourquoi [ils ont fait cela].»[58]

Ismaël Y., un jeune de dix-sept ans d’une banlieue au sud de Paris, a été contrôlé par la police en compagnie de sept ou huit amis devant la gare de banlieue de Sainte-Geneviève-des-Bois début 2011. «Lorsqu’on était avec les mains contre le mur, je me suis tourné vers lui [le policier qui me faisait la fouille] et il m’a frappé la tête. J’ai dit quelque chose comme ‘pourquoi vous me frappez’, et il m’a dit ‘ferme ta gueule, tu veux un coup de gazeuse ou quoi?’»[59]

Robert F., un jeune de seize ans vivant dans la périphérie lyonnaise, a expliqué:

Quand ils nous contrôlent, ils nous font mal. Ils nous retournent les bras. Ils nous touchent bien au fond, devant tout le monde, ils nous enlèvent les baskets. Avant-hier ils m’ont contrôlé, j’étais avec deux potes. Un simple contrôle, ils ont rien trouvé. Mains contre le mur, la police qui te vide les poches. Ils aiment bien trouver un petit truc, comme ça c’est le prétexte.[60]

Suleiman S., dix-sept ans, marchait en rue avec sa sœur de vingt ans dans la ville de Tourcoing fin septembre 2011 lorsqu’il a été contrôlé par la police.

Il y avait une troupe de jeunes. Ils étaient une dizaine et deux cars de CRS sont passés et ils les ont contrôlés. Les jeunes faisaient la merde. Dans ce contrôle, ils m’ont pris avec. Les CRS ont dit à ma sœur, ‘dégage’. Ils nous parlaient comme si on était des chiens, pas des humains. Comme si on n’était pas pareils qu’eux. Ils nous ont traités de bâtards. Ils nous ont maltraités. Moi, je me suis mangé une claque parce que je me suis exprimé. Ils ont demandé les papiers et ils ont fouillé. Mais comme je n’avais pas de carte d’identité, ils m’ont embarqué. Ils ont appelé mes parents et m’ont gardé pendant quatre heures.[61]

Yassine, un jeune de dix-neuf ans habitant Lille, nous a décrit son expérience. Environ six mois avant notre conversation fin septembre 2011, lui et un ami avaient passé la soirée chez la copine de Yassine. Il était un peu après minuit et ils avaient commencé à courir pour prendre le dernier métro.

Selon Yassine, un véhicule de police a brûlé un feu rouge pour s’arrêter devant eux. Lorsqu’ils ont trouvé un GPS sur son ami, ils les ont accusés de l’avoir volé. Yassine les a convaincus de les ramener chez sa copine où sa mère pouvait confirmer qu’ils avaient passé toute la soirée là-bas. Il a été menotté par deux policiers (l’autre policier est resté derrière avec son ami) et emmené chez sa copine.

D’après Yassine, l’un des policiers lui a dit: «Si tu mens, on va te casser la gueule». Arrivés à la maison, la mère de sa copine a confirmé que lui et son ami avaient été là et il a dit aux policiers, «vous avez vu».«Ils se sont énervés» a expliqué Yassine à Human Rights Watch. «Ils ont commencé à me donner des coups de pieds. Des jeunes sont venus leur dire de s’arrêter, et ils [les policiers] les ont gazés.» Ensuite, a poursuivi Yassine, il a été emmené au poste de police et a passé quinze heures en garde à vue pour outrage à agent (abordé plus loin). Il a finalement été autorisé à partir. «Ils ont laissé tomber», a-t-il dit.

Yassine a déclaré qu’il n’avait même pas songé à porter plainte car il avait déjà déposé trois ou quatre plaintes pour violences policières mais aucune suite n’y avait été donnée. Il estime que depuis ses treize ans, il a été contrôlé et fouillé une centaine de fois. «Ils ne sont pas tous pareils,», a-t-il conclu, «il y a des bons policiers, mais il y a aussi des autres comme ça.»[62]

Dans certains cas documentés par Human Rights Watch, une réaction violente de la personne contrôlée a dégénéré pour aboutir à ce qui ressemblait davantage à une bagarre qu’à une intervention policière correctement menée. Ainsi, Bilal F., dix-sept ans, nous a décrit son échange de coups de poing avec un policier. «C’était à Hôtel de Ville de Lille pendant les grandes vacances. J’étais avec un ami et j’attendais ma copine. Ils [les policiers] sont venus. Il y avait deux BAC et un dans la voiture. Au début, ils étaient polis jusque quand il m’a fouillé les couilles et je me suis bagarré avec l’un d’entre eux. Il m’a emmené derrière l’église (...). Il m’a mis une gifle, on s’est un peu frappés, puis ils m’ont laissé partir.»[63]

Nous avons également été informés de plusieurs cas où la police a fait un usage excessif de la force à l’encontre de personnes intervenant d’une façon ou d’une autre lors du contrôle d’identité d’autres personnes. Sami Cherif, un jeune de 22 ans vivant à Bobigny (région parisienne), nous a signalé qu’un policier s’était servi d’un pistolet hypodermique contre lui en avril 2011 au moment où il avait salué un ami soumis à un contrôle d’identité.

Je me suis fait taser une fois, il y a deux mois. Il y avait un contrôle de jeunes qui étaient devant l’entrée [de mon immeuble]. Je suis passé et j’ai serré la main à un pote, un simple ‘qu’est-ce qui se passe’ et hop, il [le policier] m’a tasé sur l’épaule.[64]

Sami Cherif nous a informés qu’il avait également été arrêté et avait passé 24 heures en garde à vue après être intervenu lorsque la police procédait à un contrôle sur un enfant de onze ou douze ans. «J’ai trouvé que ce n’était pas normal. Je leur ai dit. Ils m’ont menotté directement (...) Tout simplement, pendant le contrôle, ils aiment faire aux gamins des petites moqueries et si on rentre dans leur jeu, c’est musclé.»[65]

Zakaria, 22 ans, a aussi eu des problèmes au moment où il passait à pied près d’un policier qui contrôlait un ami à Vénissieux, en banlieue lyonnaise, au cours de l’été 2009. «Une fois, un flic était en train de contrôler un ami, on [lui et un autre ami] est passés derrière le flic, mais comme ça, sans faire rien, et il nous a crié ‘reculez, reculez’ et puis il nous a tiré le flash-ball [arme qui tire des balles de caoutchouc]. Ça nous a pas frappés, et puis le type prend son arme et nous braque pour nous faire reculer.»[66]

Détention ou poursuites pour «outrage à agent»

Ceux qui protestent contre les contrôles d’identité ou la façon dont ils sont traités pendant un contrôle peuvent être poursuivis pour outrage à agent. Aux termes du Code pénal français, le fait d’utiliser des «paroles, gestes ou menaces, (...) de nature à porter atteinte à la dignité [d’une personne dépositaire de l’autorité publique] ou au respect dû à la fonction dont elle est investie» constitue un délit».[67] Ce délit est punissable d’une peine maximale de six mois d’emprisonnement et de 7500€ d’amende. La menace de sanction pénale ajoute à la dimension coercitive des contrôles d’identité.

Nous nous sommes entretenus avec huit personnes qui avaient soit été placées en garde à vue pour outrage et avaient ensuite été libérées, soit avaient bel et bien été poursuivies pour ce délit à la suite d’un contrôle d’identité litigieux. Bien que nous ne soyons pas en mesure de déterminer si elles ont été injustement accusées, le caractère imprécis et la portée étendue de la loi ouvrent largement la porte aux abus. Les personnes interrogées se sont fréquemment plaintes du fait que la menace d’une accusation d’outrage réduisait effectivement au silence et privait de tout moyen d’agir les personnes soumises aux contrôles de police. Sami Cherif était encore sous le coup d’une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis pour outrage lorsque nous nous sommes entretenus avec lui fin juin. Il a expliqué: «Alors si un policier va venir me voir et va se moquer de moi, moi je vais vouloir répondre, puis je vais en prison pour récidive.»[68] Staiffi, trente ans et habitant Bobigny, nous a confié qu’il ne parlait pas pendant les contrôles depuis sa condamnation pour outrage il y a deux ans. Il avait été contrôlé dans sa voiture à Pantin en banlieue parisienne, et il a dit que tous ses papiers étaient en règle et a demandé pourquoi ils le contrôlaient. « Ils m’ont répondu ‘on n’en a rien à foutre que t’es en règle’. Et moi j’ai dit ‘j’en ai rien à foutre que vous me contrôlez’, puis on m’a embarqué.»[69]

Durad, 21 ans et habitant Lille, a déclaré qu’il ne comptait pas se rendre à l’audience fixée au tribunal pour outrage car il estimait que c’était injuste. Il a expliqué: «J’étais à Lille Sud pour faire du shopping. Mais pour eux, si j’étais là, c’était pour vendre de la drogue. J’ai dit juste que je travaillais, et j’ai demandé pourquoi je devais montrer mes papiers. Dès qu’on se défend, ils le prennent mal. J’ai passé 18 heures en garde à vue, ils m’ont accusé d’outrage. J’ai le tribunal le 23 octobre mais je n’irai pas.»[70]

Un rapport publié en 2005 par l’Inspection Générale de la Police Nationale a relevé la propension de certains fonctionnaires à recourir « parfois de manière trop systématique aux procédures d’outrage et de rébellion».[71]

II. Des garanties insuffisantes contre les abus

Le Code de procédure pénale français accorde trop de pouvoirs aux membres des forces de l’ordre pour procéder à des contrôles d’identité, ouvrant largement la porte à l’arbitraire et aux abus. Le système interne incohérent et non transparent de rapports sur les contrôles d’identité, ainsi que le fait que les personnes faisant l’objet de contrôles d’identité ne se voient remettre aucun document, font qu’il est très difficile d’évaluer l’efficacité de ces opérations ou de vérifier la légalité d’un contrôle. Par ailleurs, l’absence de toute information concernant la répartition ethnique des contrôles d’identité empêche toute analyse officielle sérieuse de l’impact des contrôles d’identitépoliciers sur les minorités, et en particulier d’établir si des groupes déterminés sont affectés de manière exagérée ou disproportionnée. Les mécanismes de responsabilisation, tant au sein des forces de l’ordre que des organes de contrôle externes, ne semblent pas adaptés.

Trop de pouvoirs conférés par la loi

Si tu demandes la raison du contrôle, ils te disent ‘simple contrôle’ ou alors ‘ferme ta gueule’.

Aniss, 21 ans, Lyon, 24 juillet 2011

Ils te disent ‘simple contrôle de routine’ mais ça commence à foutre les boules.

Saïd, 25 ans, Lyon, 25 juillet 2011

La législation française octroie aux forces de l’ordre un large éventail de motifs pour procéder à des contrôles d’identité. L’article 78-2 du Code de procédure pénale français (CPP) autorise les contrôles d’identité pour enquêter et prévenir des infractions et délits, assurer l’ordre public et contrôler l’immigration.

Le premier alinéa dispose que les contrôles aux fins d’enquêter et de prévenir des infractions et délits doivent être basés sur «une ou plusieurs raisons plausibles» de soupçonner, en fonction du comportement, qu’une personne a commis ou tenté de commettre une infraction ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit.[72] Ledit article a été modifié en 2003; la version précédente stipulait que la police devait disposer d’un «indice faisant présumer» qu’une personne avait commis ou se préparait à commettre un crime ou un délit.

Ce qui constitue un comportement suspect est déjà largement laissé à la discrétion du policier. Les interprétations jurisprudentielles varient. Certains tribunaux ont établi que la fuite d’un individu devant les policiers, le fait de dissimuler à la vue des policiers le sac que l’on porte, les passages répétés de nuit devant la vitrine d’une bijouterie ou le fait d’être clairement en état d’ivresse sont des raisons justifiant légalement un contrôle.[73] Mais la Cour de Cassation a jugé que le fait de chercher à descendre d’un bus pour éviter la police ne justifiait pas un contrôle d’identité en l’absence de tout autre motif.[74] La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) a estimé que le fait de vouloir se soustraire à la vue d’un policier «ne constitue pas en soi une menace à l’ordre public» justifiant d’effectuer un contrôle d’identité.[75]

Le deuxième alinéa du même article du CPP autorise le procureur de la République à désigner une zone dans laquelle, pour une période de temps déterminée, les fonctionnaires de police pourront interpeller toute personne, quel que soit son comportement, et lui demander de présenter ses papiers. [76] Le procureur doit justifier la réquisition, normalement en précisant un type de crime particulier en augmentation dans la zone désignée.

Il est important de noter que les commissaires peuvent, sur la base d’une analyse de rapports de police, désigner une zone qu’ils considèrent comme étant touchée par une criminalité particulièrement élevée, laissant à la police, dans cette zone, le champ libre pour procéder à des contrôles d’identité sans soupçons individualisés.[77] Dans ces circonstances, le procureur n’exerce pas de contrôle, et l’autorisation accordée à la police n’est soumise à une supervision judiciaire que si un contrôle d’identité conduit à une arrestation ou autre procédure. Les activités policières intensives dans les zones affectées par des taux de criminalité élevés constituent une réponse stratégique légitime. Néanmoins, en l’absence d’informations spécifiques ou de motifs de suspicion, le profilage effectué par des policiers dans ces zones désignées pour déterminer qui contrôler est illégal.

Le troisième alinéa autorise les contrôles d’identité visant à prévenir une atteinte à l’ordre public. La loi précise explicitement que dans ce cas, la police a le pouvoir de contrôler toute personne, «quel que soit son comportement».[78]

Enfin, le quatrième alinéa autorise les contrôles aléatoires sur tous les sites de transport, tels que les aéroports et les gares ferroviaires.[79]

En l’absence de lignes directrices claires et détaillées, ces vastes pouvoirs laissent une marge de manœuvre beaucoup trop importante aux policiers lorsqu’il s’agit de choisir qui interpeller aux fins de contrôle d’identité. Le fait que les lois doivent être suffisamment claires et bien définies pour limiter les possibilités d’action et d’interprétation arbitraires par les autorités policières et judiciaires constitue un principe de droit fondamental, solidement établi dans la jurisprudence internationale en matière de droits humains. La précision juridique est également importante afin que les gens sachent quel comportement est interdit et qu’ils puissent adapter leur façon d’agir en conséquence.

Des exemples de bonnes pratiques existent. La loi britannique relative à la police et aux preuves pénales (Police and Criminal Evidence Act) confère à la police le pouvoir de contrôler, de fouiller et de placer en détention une personne uniquement sur la base de «soupçons raisonnables» d’agissements illicites. Le Code de pratique qui l’accompagne explique que: (...)

Les soupçons raisonnables ne peuvent jamais être étayés uniquement par des facteurs personnels sans renseignements ou informations les corroborant. Par exemple, la couleur, l’âge, la coiffure ou la tenue vestimentaire d’une personne, ou le fait qu’elle soit connue en raison d’une condamnation précédente pour possession d’un article illégal, ne peuvent être utilisés isolément ou associés comme seul fondement pour fouiller cette personne. Des soupçons raisonnables ne peuvent être basés sur des généralisations ou des images stéréotypées de certains groupes ou catégories de personnes plus susceptibles d’être impliqués dans des activités criminelles. La religion d’une personne ne peut être considérée comme un motif raisonnable et ne devrait jamais être une raison de contrôler et fouiller un individu.[80]

En France, il est rare que les personnes contrôlées par la police connaissent la base juridique du contrôle. Les policiers ne sont pas tenus de fournir une quelconque explication et ils ne remettent aucun document écrit rendant compte du contrôle. Bon nombre des personnes interrogées en vue du présent rapport ont déclaré qu’elles ne prenaient pas la peine de demander le motif de leur interpellation par la police. Celles qui ont demandé la raison d’un contrôle ont signalé que les réponses étaient presque toujours superficielles - «contrôle de routine» - et parfois agressives.

Ainsi, Krimo B., un adolescent de seize ans habitant Lille, a expliqué que lorsqu’il avait demandé la raison du contrôle, un policier lui avait répondu, «J’aime pas ta gueule».[81] Hassan M., un jeune de quinze ans habitant également Lille, s’est entendu répondre, «Ne pose pas de questions».[82] Sulaiman, un jeune de Saint-Denis âgé de dix-neuf ans, a déclaré: « Quand on demande pourquoi ils nous contrôlent, des fois ils disent, ‘c’est pas ton problème. On fait notre travail’».[83] Zakaria, un jeune de 22 ans habitant Vénissieux, nous a précisé que la seule fois où il avait demandé le motif d’un contrôle, la police avait répondu, «Avec vous on est obligés de vous mettre dans le même sac».[84]

Le CNDS a noté qu’il était «essentiel» que la police «explique systématiquement les motifs des contrôles d'identité»» et a souligné que cette observation valait tout particulièrement pour les enfants qui «peuvent être moins à même de comprendre spontanément les tenants et aboutissants des interventions de la police».[85] Lors d’un entretien avec Human Rights Watch, Renaud Vedel de la Préfecture de police de Paris a reconnu que la police devrait s’améliorer à cet égard. «On doit expliquer [le motif du contrôle] pour être légitime davantage. Il faut travailler sur ça.»[86]

Le CNDS a également recommandé que les vérifications d’identité - lorsque les personnes sont emmenées au poste de police pour une période de maximum quatre heures le temps de procéder aux vérifications - reposent sur des «motifs sérieux» et fassent toujours l’objet d’un rapport de police, notant que la procédure, lorsqu’elle est insuffisamment justifiée ou expliquée, donne lieu à des tensions et des heurts.[87]

Nous avons recueilli des témoignages concernant des contrôles qui, effectivement, semblaient justifiés par les circonstances, où les personnes interrogées ont elles-mêmes reconnu qu’elles étaient en état d’ivresse sur la voie publique, qu’elles fumaient de la marijuana ou qu’elles fumaient des cigarettes dans une gare. Mais nous avons aussi recueilli des informations concernant des contrôles effectués sur des personnes quitout simplement marchaient dans la rue, étaient assises dans une voiture ou devant un magasin, couraient pour attraper le dernier train, ou rentraient chez elles tard le soir. Dans ces cas, la justification objective du contrôle est moins claire, et la décision de procéder à un contrôle peut avoir été influencée par l’apparence, entre autres la tenue vestimentaire et l’ethnicité, et le milieu - le quartier concerné - plutôt que par des soupçons objectifs et individualisés.

Les lois criminalisant les comportements «asociaux» procurent également à la police une vaste palette de raisons de cibler des groupes de personnes, en particulier les jeunes, dans les lieux publics. Par exemple, une loi de 2003 assimile à une infraction le fait de traîner dans les parties communes d’un immeuble collectif d’habitation de façon à entraver l’accès ou la circulation des personnes.[88]

Un Noir de vingt ans habitant Paris nous a expliqué qu’il avait été arrêté avec cinq amis au cours de l’été 2010 alors qu’ils fumaient des cigarettes devant un immeuble. Il a déclaré avoir passé deux jours en garde à vue et avoir été accusé de stationnement illicite dans un immeuble. L’affaire a finalement été classée sans suite.[89] Un Arabe de 23ans habitant Lyon nous a également signalé qu’il avait été placé en garde à vue pour cette raison en janvier 2009. «On était six dans le hall. Ils m’ont embarqué, vous allez rire, pour stationnement illicite dans le hall du bâtiment. Je venais d’arriver, même pas cinq minutes, et ils [les policiers] ont dit qu’ils nous observaient depuis 45minutes. J’ai fait 24heures en garde à vue et puis ils m’ont dit de rentrer chez moi. Les quatre qui habitaient là ont été relâchés tout de suite.»[90]

Même dans les cas où la décision de contrôler une personne peut être considérée légitime, les palpations et fouilles systématiques, les insultes verbales et les violences physiques, examinées au chapitre précédent, ne sont jamais acceptables.

Absence de rapports sur les contrôles

Si, à l’issue d’un contrôle et d’une fouille, la personne concernée n’est pas emmenée au poste de police, rien ne garantit qu’un rapport officiel de l’interpellation sera un jour rédigé. Comme mentionné plus haut, les personnes faisant l’objet d’un contrôle d’identité ne reçoivent aucun document écrit rendant compte du contrôle.

Toute activité des patrouilles signalée au poste de police en temps réel, entre autres un contrôle d’identité, est consignée dans un rapport de service appelée Main Courante Informatisée (MCI). Mais les policiers qui patrouillent sont censés consigner dans la MCI toutes les autres informations, telles que les contrôles d’identité qui n’avaient pas été signalés par radio, une fois qu’ils rentrent au poste à la fin de leur service.[91] Tous les contrôles effectués par une patrouille déterminée devraient par conséquent se trouver dans la MCI.

Renaud Vedel de la Préfecture de police de Paris a reconnu que ce système n’était pas fiable. «Un enregistrement systématique des contrôles d’identité dans la MCI serait une bonne chose», a-t-il relevé. «C’est le système actuel mais il doit être bien mis en fonctionnement».[92] Des rapports détaillés sur les contrôles permettraient aux organes d’application des lois d’évaluer leur efficacité et de prendre des mesures visant à limiter l’utilisation peu rationnelle du temps et des ressources de la police.

Étant donné que les personnes sont rarement informées de la base juridique du contrôle et ne reçoivent aucun document, il n’existe aucun moyen de vérifier la légalité même du contrôle. Dans l’éventualité de mauvais traitements, il n’existe pas davantage de preuve qu’un contrôle a été opéré sauf s’il a été enregistré dans la MCI. La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) n’a pas été en mesure de donner suite de façon appropriée aux plaintes relatives au traitement réservé pendant des contrôles d’identité précisément parce que la hiérarchie de la police a été incapable d’identifier les policiers concernés.[93]

L’absence d’information à propos de la répartition ethnique des contrôles empêche toute analyse sérieuse de l’impact des contrôles d’identité policiers sur les minorités. L’Agence des droits fondamentaux de l’UE (FRA) recommande de fournir un document écrit, communément appelé formulaire de contrôle, pour encourager à la fois les contrôles dûment justifiés et une plus grande transparence en termes de responsabilité des forces de l’ordre.[94] Les formulaires de contrôle recensent, au minimum, le nom et l’âge de la personne contrôlée, les motifs juridiques du contrôle, l’issue du contrôle, ainsi que le nom et l’unité du ou des policiers qui ont procédé au contrôle. L’inclusion d’informations personnelles concernant la personne interpellée, entre autres l’origine ethnique, est volontaire.

Le Royaume-Uni exige que les policiers qui effectuent régulièrement des contrôles de police et des fouilles délivrent un formulaire de contrôle, et en Espagne et en Hongrie, certaines municipalités ont mis en œuvre des projets pilotes.[95] Si des données ethniques sont recueillies, l’utilisation systématique de formulaires de contrôle permet de recueillir des renseignements qui contribuent à identifier certaines tendances générales, telles que les contrôles visant de façon disproportionnée des minorités particulières, ainsi qu’à fournir des preuves dans des cas spécifiques de discrimination.

Pour que les politiques de lutte contre la discrimination soient efficaces, il faut disposer d’informations fiables permettant de déterminer si certains groupes particuliers sont affectés de façon exagérée ou disproportionnée. C’est pourquoi des statistiques suffisantes, ventilées en fonction de l’appartenance ethnique, s’avèrent si importantes. Le Royaume-Uni est le seul pays de l’Union européenne qui recueille et publie systématiquement les données de la police concernant les contrôles, y compris les informations volontaires sur l’ethnicité, sur la base d’une auto-identification. Cela a permis une analyse circonstanciée des modèles de comportement discriminatoire, en particulier pour ce qui concerne les pouvoirs de contrôle et de fouille conférés par la loi britannique contre le terrorisme, laquelle n’exige pas de soupçons raisonnables d’actes illicites.

Bien que la question fasse l’objet d’un important débat depuis quelques années, le gouvernement français résiste à tout type de collecte de données ayant trait à la race ou à l’ethnicité. Les arguments officiels reposent sur «l’idéal républicain» consacré à l’article 1 de la Constitution déclarant que la France est une République indivisible qui assure l’égalité sans distinction d’origine, de race ou de religion. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a encouragé les autorités françaises à mettre en place un «système complet et cohérent de collecte de données permettant d’évaluer la situation en ce qui concerne les différents groupes minoritaires en France et de déterminer l’ampleur (…) de la discrimination raciale directe et indirecte dans les divers domaines de la vie».[96] Le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale a formulé des recommandations similaires.[97]

Des mécanismes de responsabilisation inadaptés

Les personnes qui ont à se plaindre de membres des forces de l’ordre peuvent demander réparation par le canal de mécanismes internes au système policier, du système de justice pénale et d’un institut national des droits de l’homme récemment créé. La Police Nationale dispose de deux départements des affaires internes chargés d’enquêter sur les accusations de violences policières: l’Inspection Générale des Services pour Paris, et l’Inspection Générale de la Police Nationale pour le reste du pays. Les plaintes pour comportement délictueux peuvent être directement déposées auprès du bureau du procureur compétent.

Certains organes internationaux des droits humains, dont le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Comité européen pour la prévention de la torture, le Comité de l’ONU contre la torture et le Comité des droits de l’homme de l’ONU, ont exprimé leur inquiétude quant aux allégations de mauvais traitements infligés par des membres des forces de l’ordre en France et quant à l’absence d’enquêtes appropriées et de répression de ces comportements.[98] En 2009, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU s’est dit préoccupé par « le nombre élevé de cas où des agents de la force publique, en particulier des policiers, auraient fait un usage excessif de la force à l’encontre d’enfants, et par le faible nombre d’affaires qui ont donné lieu à des poursuites et à des condamnations».[99] Amnesty International a mené des recherches sur le peu d’empressement dont font preuve les autorités françaises pour enquêter sur les violences policières et pour les réprimer.[100] En 2006, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la France s’était mise en défaut de mener une enquête sérieuse sur le décès en garde à vue, en 1993, de Pascal Taïs des suites de lésions à la rate.[101] Des victimes de contrôles d’identité violents que nous avons interrogées au cours de nos recherches ont déclaré qu’elles n’avaient pas signalé les violences en raison de leur manque de confiance dans le système et/ou par crainte de représailles, notamment d’être accusées d’outrage à agent.

La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) a été intégrée à l’institution du Défenseur des Droits, créée en mars 2011 conformément à la loi; la nouvelle institution dispose d’une division consacrée au contrôle des organes chargés de l’application des lois.[102] Le mandat de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité a également été intégré à la nouvelle institution. L’actuel Défenseur, Dominique Baudis, a été nommé par le gouvernement en juin 2011. Contrairement à la CNDS, qui ne pouvait recevoir de plaintes que par le canal de parlementaires, le nouveau Défenseur des Droits peut recevoir et donner suite à des plaintes qui lui sont transmises directement par toute personne ou toute institution.[103]

En dépit de cette importante amélioration, la CNDS elle-même, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), un organe consultatif indépendant, ainsi que des observateurs externes se sont inquiétés du fait que la nouvelle institution pourrait ne pas jouir de l’indépendance et des connaissances spécialisées nécessaires pour remplir le nouveau rôle qui lui incombe de garantir que les auteurs de violences policières soient tenus de rendre des comptes.[104] Le Défenseur des Droits est nommé par le pouvoir exécutif. À l’image de la CNDS, il peut uniquement recommander une certaine ligne d’action pour réparer une injustice; l’institution n’est pas habilitée à imposer ou à exiger des sanctions.

III. L’impact sur les relations entre les
communautés et la police

Quand il y a excès d’autorité, il y a rejet d’autorité.

Aniss, Lyon, 24 juillet 2011

Quatre-vingts pour cent des problèmes avec la police commencent par les contrôles, ils sont à la base de la frustration, de l’humiliation.

Rex Kazadi, Villiers le Bel, 15 juillet 2011

Si vous êtes toujours méchant, ça crée forcement des tensions avec les jeunes.

Thierry Claire, secrétaire régional du syndicat Unité SGP Police, Lyon, 27 juillet 2011

En France, les contrôles et fouilles répétés, vexatoires, et parfois violents, ont un impact profondément négatif sur les relations entre les jeunes et la police. La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) a mis en garde contre le risque que la réaction disproportionnée de la police «[n’]aggrav[e] encore le déplorable fossé existant entre forces de l'ordre et jeunes de quartiers défavorisés».[105] La colère refoulée face aux abus de la police, entre autres (mais pas exclusivement) face aux contrôles d’identité musclés, a joué un rôle significatif dans les grandes émeutes de 2005 et elle semble être à la base d’innombrables conflits de moindre intensité entre la police et les jeunes des zones urbaines.[106] Si la police s’attend rapidement au pire avec certains jeunes de certains quartiers, ces jeunes sont également enclins à considérer les policiers comme leurs ennemis.

La police fait valoir que les contrôles d’identité jouent un rôle utile dans la détection et la prévention de la délinquance. Renaud Vedel, de la Préfecture de police de Paris, a souligné que lorsque la police intervient à la suite d’un appel, «l’outil, c’est le dialogue, mais si ça [le problème ou les troubles] se répète, alors c’est le contrôle d’identité» et les contrôles d’identité seront systématiques en cas de désignation d’un procureur. Il a expliqué que les contrôles d’identité étaient efficaces car ils permettaient à la police de mettre un terme à une atteinte spécifique à l’ordre public, de connaître les individus d’une zone déterminée et d’identifier les récidivistes, de mettre la main sur des personnes recherchées, et d’identifier les enfants en danger.[107] Christophe Cousin, Chef de Bureau chargé des affaires politiques et administratives de la Préfecture de Lille, a également mis en évidence le fait que les contrôles d’identité n’étaient pas le «principal point d’entrée» de la police, mais qu’ils se révélaient nécessaires pour que la police sache à qui elle avait affaire et, élément important, pour «montrer que la police n’est pas inactive, qu’elle est sur le terrain».[108]

Un policier de terrain attaché au commissariat central de Bobigny et travaillant véritablement sur le terrain, a présenté les contrôles d’identité comme étant «notre seul outil».

C’est pas pour [les] embêter, si on y va, c’est parce que quelqu’un nous a téléphoné. On peut pas laisser qu’ils pourrissent la vie pour toute une cité. Ce sont les jeunes entre quatorze et vingt ans qui font les bêtises. Si je veux trouver quelque chose, c’est logique, évident que je vais contrôler les jeunes et pas les anciens. Ici il y a 90% d’origine étrangère, donc c’est normal que la plupart des gens que je contrôle soient d’origine étrangère. C’est pas un acte raciste. C’est la réalité qui parle. Si c’étaient des Suédoises, je les contrôlerais de même. On t’embête parce que tu as cassé quelque chose, parce que tu ne dégages pas. On t’embête pas parce que tu es noir.[109]

Néanmoins, les témoignages recueillis au cours de nos recherches, ainsi que les études empiriques mentionnées plus haut, donnent à penser que la race et l’ethnicité jouent bel et bien un rôle en ce qui concerne les personnes visées par les contrôles d’identité effectués la police, le moment de ces contrôles et la façon dont ils sont réalisés. Certes, les interpellations qui ont lieu à la suite de plaintes ou d’informations spécifiques sont justifiées, mais nombreuses sont celles qui semblent être effectuées à l’initiative des policiers. Le taux élevé d’activité criminelle dans un quartier ne peut à lui seul justifier les contrôles et les fouilles en l’absence de soupçons individualisés d’activité criminelle.

La pression exercée sur les policiers pour qu’ils prouvent leur efficacité en fonction du nombre d’arrestations - la «politique du chiffre» - suscite des inquiétudes quant à l’utilisation par la police des contrôles d’identité dans l’espoir de surprendre une infraction, en particulier pour trouver des drogues ou des armes illégales. Thierry Claire, secrétaire régional du syndicat Unité SGP Police pour la région Rhône-Alpes, nous a confié: «La politique du chiffre a conduit à une augmentation des contrôles [d’identité] (…) et à une hausse de 80 pour cent des interpellations de consommateurs de drogue. Ça coute du temps, de l’argent, et pour les mineurs il n’y a pas de poursuite. Mais c’est plus facile prendre le consommateur que le vendeur.»[110] Christophe Cousin, à la Préfecture de Lille, est allé dans le même sens: «Quand on sait qu’il y a des trafics [de drogue], comment fait-on? On peut faire des enquêtes (…) mais il faut aussi chercher à trouver les choses et perturber le déroulement des réseaux [111]

La question cruciale de l’efficacité générale est souvent ignorée. Des études réalisées dans une série de pays, dont l’Espagne, les États-Unis, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, montrent que l’utilisation de profils ethniques ou raciaux n’améliore pas les «taux de réussite» - le pourcentage de contrôles menant véritablement à un résultat en matière de maintien de l’ordre, par exemple à une amende ou à une arrestation - et qu’en fait, dans certains cas, elle entraîne une diminution de ces taux.[112] Certaines expériences menées en Espagne, aux États-Unis et au Royaume-Uni révèlent que les contrôles sont à la fois plus justifiés et plus efficaces en ce qui concerne la découverte de comportements illégaux lorsque les policiers sont tenus d’expliquer clairement les motifs de l’interpellation. Ainsi, lorsque la police d’une municipalité espagnole a adopté de nouvelles procédures et cessé de recourir au profilage ethnique, le nombre de contrôles mensuels sur une période de six mois a diminué pour passer de 958 le premier mois à 396 le dernier mois, mais le taux de réussite a augmenté, passant de 6 à 17 pour cent.[113]

Human Rights Watch n’a pas pu établir s’il existe des statistiques officielles indiquant combien d’arrestations sont le résultat de contrôles d’identité. Hormis les cas où un contrôle a dégénéré en actes de violence, la vaste majorité des contrôles examinés dans le présent rapport n’ont pas débouché sur une arrestation. L’étude statistique de l’OSJI/CNRS a relevé que quatorze pour cent des plus de 500 contrôles qu’ils ont observés avaient abouti à la rétention de la personne. Il a été impossible de savoir si les individus ont été emmenés aux fins d’une vérification d’identité ou aux fins d’une véritable garde à vue en rapport avec un délit.

Les résultats de l’enquête réalisée par l’Agence des droits fondamentaux de l’UE (FRA) sont également instructifs. En France, seuls trois pour cent des Arabes et sept pour cent des Noirs ont déclaré avoir été emmenés au poste de police à la suite d’un contrôle d’identité au cours des douze mois précédents. Seul un pour cent des répondants issus de la majorité ethnique l’avaient été. Ici encore, il est impossible de connaître le motif de la détention. Il est intéressant de noter que dix-huit pour cent des répondants issus de la majorité ethnique ont signalé qu’ils avaient dû payer une amende à la police à la suite d’un contrôle, indiquant qu’ils avaient effectivement commis une infraction mineure justifiant le contrôle. Ces chiffres étaient en fait moins élevés pour les Noirs (huit pour cent) et les Arabes (neuf pour cent).[114]

La Défenseure des enfants, une institution qui a été intégrée à la nouvelle institution du Défenseur des Droits en mai 2011, a mis en garde en 2009 contre l’image négative des jeunes véhiculée dans les médias et les discours publics qui «favorise les peurs irraisonnées et ébranle le lien social».[115] L’institution a attiré l’attention sur le fait que bien que les violences commises par les adolescents aient augmenté au fil des ans, la vaste majorité des faits reprochés aux jeunes sont des incivilités et le nombre de mineurs délinquants paraît dérisoire par rapport aux adultes auteurs d’infractions.[116]

Des données cohérentes, détaillées et fiables sur les contrôles et leurs résultats - les taux de réussite, avec une ventilation supplémentaire en fonction du type d’infractions détectées - s’avèrent nécessaires.

L’approche générale et le comportement général de la police, notamment les insultes verbales, semblent constituer l’une des principales sources de colère et de ressentiment chez les personnes interrogées. Les contrôles et fouilles de police sont perçus comme un élément très marquant de toute leur expérience de discrimination et d’exclusion au sein de la société française. Lors d’un entretien de groupe à Lille, trois adolescents et deux jeunes hommes ont confié que ce qui les dérangeait le plus, c’était «l’intimidation, le manque de respect, qu’il te traite comme des sous-merdes, quand ils parlent mal, quand ils marchent comme des cowboys».[117]

L’enquête (mentionnée plus haut) réalisée par la FRA dans dix pays de l’UE dont la France a révélé que «les répondants majoritaires ont tendance à considérer que la police les a traités avec respect au cours du contrôle alors que davantage de répondants minoritaires ont indiqué que la police ne les avait pas traités avec respect». Les résultats pour la France reflètent clairement cette disparité. Alors que 65 pour cent des répondants majoritaires en France ontestimé que la police les avait traités avec respect, seuls 44 pour cent des Nord-Africains et 27 pour cent des Noirs avaient le même sentiment. Et 32 pour cent de Nord-Africains et 36pour cent de Noirs ont jugé que la police ne les avait pas traités avec respect.[118]

Les adolescents plus âgés interrogés par Human Rights Watch figuraient dans la catégorie la plus susceptible d’exprimer une profonde colère, une haine de la police et une volonté de se défendre littéralement contre ce qu’ils ressentent comme des violences policières. Youssouf M., dix-sept ans, a exprimé le sentiment de beaucoup de jeunes lorsqu’il a dit de la police: «Ils aiment trop nous mettre la pression. On les déteste».[119] Certains ont parlé avec admiration ou fierté des émeutes contre la police, donnant à penser que la violence est le seul moyen pour eux de faire entendre leur voix.

Les adultes interrogés, dont certains avaient vécu des expériences négatives lorsqu’ils avaient demandé des explications aux policiers qui procédaient à un contrôle, se sont montrés plus résignés, parlant de stratégies de survie pour éviter les problèmes. Par exemple, Dixon, un Noir de 31 ans habitant Paris, a confié: «En quelque sorte, je dois penser avec qui je marche dans la rue, je dois me poser la question».[120] Un animateur de quartier de la banlieue parisienne a expliqué:

Si tu ne veux pas te faire contrôler, tu ne vas pas en groupe, tu t’habilles d’une certaine manière, tu ne vas pas dans une belle bagnole. J’ai l’impression del’avoir cherché, les fois que je me suis fait contrôler. Par exemple, j’étais dans une belle bagnole, j’écoutais de la musique. Il faut adopter la stratégie du profil bas. On sait qu’on va être ciblé facilement. Alors dans le Carrefour, je mets les mains dans les poches, j’ouvre mon manteau. J’ai pas envie de me faire demander à la sortie, ça c’est l’humiliation suprême.[121]

Les dissensions et les ressentiments qui caractérisent les relations entre les jeunes et la police ont un impact négatif sur les relations plus générales entre la police et les communautés, ainsi que sur l’efficacité des opérations de police. Les gens risquent d’être moins enclins à demander ou à fournir une assistance à la police, sapant le rôle et la légitimité des forces de l’ordre et mettant à mal la capacité de la police à détecter et à prévenir la délinquance. Fethi Grid a déclaré sans ambages: «Quand on a des problèmes, on ne va pas voir la police. On règle nous-mêmes nos comptes».[122] Christophe-Adji Ahoudian, adjoint au maire du 19e arrondissement de Paris chargé de la jeunesse, s’est plaint du fait que «s’il y a une logique basée sur la méfiance plutôt que sur le respect, tout le monde est traité de la même manière. On n’est pas dans une société où la police rassure, au contraire, la police fait peur.».[123] Bally Bagayoko, maire adjoint de Saint-Denis, était du même avis, disant que les policiers «parfois génèrent eux-mêmes l’insécurité. Les gens qui n’ont rien à voir avec la délinquance sont traités de la même manière», conduisant à un sentiment de frustration et de résignation.[124]

Yannick Danio, porte-parole du syndicat Unité SGP Police, a expliqué que les contrôles motivés par la «politique du chiffre» permettaient peut-être à la police d’atteindre les nombres souhaités, mais étaient «contre-productifs en matière de sécurité» car ils étaient préjudiciables pour les relations et l’accès de la police à des renseignements utiles. «Ce n’est plus une police de proximité, c’est juste de l’ordre (...) il n’y a plus de dialogue, et on arrive à des scènes de guérilla urbaine[125] Les relations tendues avec la population locale rendent le travail des policiers encore plus stressant, nuisant à leurs conditions de travail et à leur moral.

Une mobilisation de terrain importante a été mise en place autour des relations entre les communautés et la police en général, et autour des contrôles d’identité en particulier. L’organisation Graines de France, avec des associations locales, a organisé une série de réunions dans les mairies de diverses villes afin de réunir des membres de la communauté, des élus et des représentants de la police pour discuter en profondeur des problèmes et des griefs. À Paris, Lyon et Lille, des militants du Collectif contre le Contrôle au faciès mènent une campagne de sensibilisation au problème. L’une de leurs principales revendications est l’obligation pour la police de remettre un reçu de contrôle d’identité après chaque interpellation.[126] Un réseau d’avocats mène une action visant à contester la constitutionnalité de l’article 78-2 du Code de procédure pénale qui définit les pouvoirs conférés à la police pour procéder à des contrôles d’identité. [127]

Les institutions reconnaissent que les relations entre la police et les citoyens, entre autres entre la police et les jeunes, sont tendues. Le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, a affirmé en mars 2011 que la police et la gendarmerie devraient «reprendre des contacts plus systématiques avec la population» et il s’est engagé à ce que son ministère «travaille à améliorer la relation entre les policiers et la population».[128] La Préfecture de police de Paris a lancé une initiative sur le thème des relations entre la police et les citoyens, qui devrait inclure des activités de sensibilisation telles que des consultations dans les quartiers exposés aux conflits.[129] L’adoption de mesures concrètes visant à s’attaquer à l’une des sources de tension - les contrôles d’identité abusifs - serait le signe d’un engagement authentique en faveur d’une amélioration des relations.

IV. Les normes nationales et internationales applicables

La discrimination, l’ingérence injustifiée dans l’exercice du droit à la vie privée, ainsi que les violations de la dignité et du droit à l’intégrité physique sont interdites aux termes du droit international et du droit français.

Interdiction de la discrimination

La discrimination est illégale au regard de la loi française. L’article 1 de la Constitution française garantit «l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion». Le Code pénal définit la discrimination comme étant «toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, (...) de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.» [130]

Le Conseil constitutionnel a affirmé dans une décision de 1993 que « la pratique de contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires serait incompatible avec le respect de la liberté individuelle».[131] La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS), l’organe qui jusqu’à il y a peu était chargé d’examiner les plaintes portées à l’égard de membres des forces de l’ordre pour comportement illégal, a noté en 2008 qu’ «il n’est pas manifeste que tous les policiers aient toujours été pénétrés de ce principe» et souligné que «les contrôles d’identité sans motif et basés sur le profilage devraient être évités».[132]

Le fait de cibler les membres de minorités ou de groupes ethniques particuliers dans le cadre des activités de la police viole le droit international. Le droit des droits humains interdit toute discrimination à l’égard de quiconque, adulte ou enfant, fondée, entre autres motifs, sur la race, l’ethnicité ou la religion.[133]

Il y a discrimination lorsqu’il existe une différence injustifiée de traitement basée sur une caractéristique particulière telle que la race, l’ethnicité ou la religion. En ce qui concerne les activités de la police, cela signifie que la race, l’ethnicité ou l’appartenance religieuse (réelle ou perçue) ne peuvent être le seul ou le principal motif d’un contrôle d’identité.

En tant que partie à la Convention européenne des droits de l’homme, la France est tenue de prévenir toute discrimination à l’encontre de tous ceux qui relèvent de sa compétence par rapport à l’ensemble des droits énoncés dans la Convention.[134] La Cour européenne des droits de l’homme a appliqué l’article 14 de la Convention (non-discrimination) aux activités de maintien de l’ordre, notamment dans le cadre de l’affaire Timishev c. Russie, concernant un homme d’origine tchétchène empêché par des policiers russes de traverser une frontière administrative interne. Dans cette affaire, la Cour a estimé que la décision de restreindre le droit de Timishev à la liberté de circulation était constitutive de discrimination raciale car elle se fondait uniquement sur son origine ethnique. Elle a en outre argué qu’ «aucune différence de traitement fondée exclusivement ou dans une mesure déterminante sur l’origine ethnique d’un individu ne peut passer pour objectivement justifiée dans la société démocratique contemporaine ».[135] La Cour a également jugé que toute discrimination indirecte - modèle d’impact discriminatoire découlant de certaines politiques ou pratiques nonobstant l’absence d’intention discriminatoire - était interdite par la Convention.[136]

La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), un organe du Conseil de l’Europe, définit le profilage racial (ou ethnique) comme suit:

L’utilisation par la police, sans justification objective et raisonnable, de motifs tels que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique dans des activités de contrôle, de surveillance ou d’investigation.[137]

En 2010, l’ECRI a exhorté les autorités françaises à prendre des mesures pour lutter contre les contrôles et fouilles discriminatoires, « notamment en définissant et interdisant clairement [l]e profilage racial dans la loi, en menant des recherches sur le profilage racial et en assurant un suivi des activités de police afin d’identifier des pratiques de profilage racial».[138] En 2005, l’ECRI avait déjà noté que «les plaintes concernant des contrôles d’identité discriminatoires persistent» et s’était «inquiét[ée] tout particulièrement d’informations (...) selon lesquelles lorsqu’une personne dépose une plainte contre un représentant de la loi, celui-ci répond quasi systématiquement par une plainte pour outrage ou dénonciation calomnieuse, ce qui met le plaignant civil dans une position de faiblesse».[139]

Le Code européen d’éthique de la police du Conseil de l’Europe exige que la police mène à bien ses missions «d'une manière équitable, en s'inspirant en particulier des principes d'impartialité et de non-discrimination».[140] Les enquêtes de police devraient être fondées «sur des soupçons raisonnables qu’une infraction a été commise ou va l’être».[141]

Le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a exprimé sa préoccupation à propos de la discrimination raciale dans le système de justice pénale, et déclaré que les autorités devaient «prendre les mesures nécessaires pour exclure les interpellations, les arrestations et les fouilles fondées de facto exclusivement sur l’apparence physique de la personne, sa couleur, son faciès, son appartenance à un groupe racial ou ethnique, ou tout « profilage » qui l’expose à une plus grande suspicion».[142]

Dans une décision historique prononcée en 2009, le Comité des droits de l’homme de l’ONU (CDH) a déclaré que le contrôle d’identité dont avait fait l’objet Rosalind Williams Lecraft, une citoyenne espagnole naturalisée, dans une gare d’Espagne constituait une discrimination illégale. Lorsque Williams a demandé au policier pour quelle raison elle était la seule personne priée de montrer ses papiers, celui-ci lui a répondu, «c’est parce que vous êtes noire». Le CDH a mis en garde contre le fait que cibler des personnes présentant certaines caractéristiques physiques ou ethniques «aurait non seulement des répercussions négatives en termes de dignité des personnes concernées mais contribuerait également à propager des attitudes xénophobes dans la population en général et serait contraire à une politique effective de lutte contre la discrimination raciale».[143]

Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a souligné que les autorités devaient assurer l’égalité de traitement à tous les enfants en conflit avec la loi, en portant une attention particulière «à la discrimination et aux disparités de fait, qui pourraient être imputables à l’absence de politique cohérente et concernent les groupes vulnérables d’enfants, dont (…) les enfants appartenant à une minorité raciale, ethnique, religieuse ou linguistique».[144] Le comité recommande vivement aux États de procurer une formation aux professionnels intervenant dans l’administration de la justice pour mineurs.

Le droit à la vie privée

Des membres des forces de l’ordre ont confirmé à Human Rights Watch le fait que les palpations de sécurité constituaient une procédure normale. Un policier travaillant dans le département de la Seine-Saint-Denis nous a signalé que ces palpations étaient une «routine».[145] Il a clarifié que la personne pouvait refuser de vider ses poches et ses sacoches, mais que «ça va me mettre en plan plus attentif, je vais approfondir». Renaud Vedel, Directeur adjoint du Cabinet du Préfet de police de Paris, a expliqué: «Les policiers ne savent pas à qui ils ont affaire, donc la palpation de sécurité est absolument nécessaire. Il s’agit d’une procédure technique qui est indispensable pour la sécurité de la patrouille».[146]

Le recours à la palpation de sécurité lors des contrôles d’identité, bien que clairement systématique, se fonde sur la jurisprudence et la pratique plutôt que sur une disposition légale explicite. En fait, bien que les fouilles corporelles (y compris des cavités corporelles) soient réglementées par la loi, il ne semble y avoir aucune base juridique explicite pour les palpations de sécurité lors des contrôles d’identité. Une jurisprudence de 1978 a établi que la police pouvait être amenée à «palper sommairement»[147] tandis qu’une jurisprudence de 1997 a défini la palpation de sécurité comme étant une «mesure de sûreté de lui-même et du public abandonnée par la loi à la sagesse de l’officier de police judiciaire intervenant sur le terrain dans le cadre, notamment, d’un contrôle d’identité (…) sur réquisitions écrites du procureur de la République, conformément à l’art. 78-2 (…) dans le but de rechercher la présence d’une arme».[148] Aucune disposition spéciale n’est prévue en ce qui concerne les palpations visant des enfants.

L’article 203 du règlement intérieur de la Police Nationale stipule que la palpation de sécurité peut être pratiquée sur des personnes emmenées en garde à vue, mais il n’en autorise pas explicitement la pratique lors de contrôles.

La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) a conclu dans un avis d’octobre 2010 que «la palpation de sécurité pratiquée de façon systématique au cours d’un contrôle d’identité (…), en l’absence de raison laissant supposer que la personne dissimule des objets prohibés, constitue une atteinte à la dignité disproportionnée par rapport au but à atteindre».[149] La CNDS a recommandé que des instructions précises soient édictées sur les circonstances dans lesquelles une palpation de sécurité s’avère appropriée. Parlant plus généralement du recours à des pouvoirs coercitifs lors de contrôles d’identité visant des enfants, la Commission a rappelé que les mineurs sont «psychologiquement plus fragiles (…), même lorsque leur apparence physique est proche de celle d'un adulte».[150]

Les règles régissant les fouilles de sacs et autres objets personnels sont complexes. Les officiers de police judiciaire ont le droit de fouiller eux-mêmes n’importe quel sac lors d’un contrôle d’identité, tandis que les agents n’agissant pas en tant que police judiciaire sont uniquement habilités à demander à une personne de vider son sac aux fins d’une inspection. Bien que la personne ait légalement le droit de refuser, beaucoup ignorent ce droit, et un refus risque de prolonger la procédure, d’inciter à un contrôle plus minutieux, et éventuellement de déboucher sur des mesures plus coercitives.

Le droit international des droits humains exige que toute ingérence dans l’exercice du droit à la vie privée soit clairement déterminée par la loi et qu’elle soit nécessaire et proportionnée. Dans l’affaire Gillan et Quinton c. Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que les «pouvoirs coercitifs(...) permettant d’exiger d’une personne qu’elle se soumette à une fouille détaillée de sa personne, de ses vêtements et de ses effets personnels» en l’absence de soupçons raisonnables en vertu de la loi britannique relative à la lutte contre le terrorisme étaient constitutifs d’ingérence illégale dans l’exercice du droit à la vie privée en raison du manque de délimitations claires de leur utilisation et de garanties suffisantes contre les abus.[151] La cour a relevé l’humiliation et la gêne que pouvait causer la fouille des objets personnels d’une personne en public.[152]

L’absence de base juridique claire pour les contrôles physiques est un grave problème au regard des obligations incombant à la France en matière de droits humains. Tant la Convention européenne des droits de l’homme que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques exigent que les ingérences dans l’exercice du droit à la liberté, à la vie privée et à l’intégrité physique soient conformes à la loi - en d’autres termes, qu’elles reposent, tant en ce qui concerne la substance que la procédure, sur une base juridique claire. La norme énonçant cette base doit non seulement exister dans le système juridique mais elle doit être suffisamment accessible, claire et précise pour que son application et ses conséquences soient raisonnablement prévisibles.[153] Elle devrait ainsi permettre à une personne de régler son comportement de façon à se conformer à la loi et éviter tout danger d’arbitraire. La base sur laquelle se fonderait la police pour procéder à des palpations de sécurité et à des fouilles de sacs ne répond pas à cette norme.

Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a également souligné que le droit à la vie privée d’un enfant en conflit avec la loi devait être pleinement respecté à tous les stades de la procédure, notamment «dès le premier contact avec les forces de l’ordre (par exemple lors d’une demande d’information et d’identification)» afin d’éviter toute victimisation.[154] Les enfants ont besoin de garanties et protections juridiques spéciales en raison de leur immaturité physique et émotionnelle, et les palpations et fouilles de sacs visant des enfants ne devraient être pratiquées qu’en cas d’absolue nécessité et si elles sont justifiées par des soupçons raisonnables de possession d’objets illicites ou dangereux. Dans l’administration de la justice pour mineurs, le principe directeur devrait être l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le recours à la force

En France, les policiers sont confrontés à des situations dangereuses et menaçantes, et ils ont le devoir de maîtriser les individus violents afin d’assurer la protection des autres personnes et la leur. Néanmoins, tout recours à la force doit être justifié par les circonstances et se limiter au minimum nécessaire.

Le Code de déontologie de la police nationale et les instructions internes émanant du ministère de l’Intérieur interdisent explicitement tout recours à la force par les forces de l’ordre sauf s’il s’avère strictement nécessaire et proportionné. Ces principes sont conformes au droit international des droits humains qui impose clairement aux autorités le devoir de prévenir - au moyen de lois, de réglementations et d’instructions claires - et de réprimer tout usage injustifié de la force. Par ailleurs, la Convention relative aux droits de l’enfant protège les enfants contre toutes les formes de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, y compris dans le cadre de l’administration de la justice.

Le devoir de respect

Les lignes directrices nationales et internationales destinées aux forces de l’ordre soulignent l’importance du traitement respectueux. Le Code français de déontologie de la police nationale exige que les fonctionnaires de police «a[ient] le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques».[155] Tout manquement aux devoirs définis par le code peut donner lieu à des sanctions disciplinaires et à des poursuites.[156] Le Code européen d’éthique de la police élaboré par le Conseil de l’Europe dispose que les personnels de police doivent agir «avec intégrité et respect envers la population, en tenant tout spécialement compte de la situation des individus faisant partie de groupes particulièrement vulnérables».[157] Enfin, le Code de conduite de l’ONU pour les responsables de l’application des lois appelle les membres des forces de l’ordre à «respecter et protéger la dignité humaine et défendre et protéger les droits fondamentaux de toute personne».[158]

Recommandations

Au gouvernement français :

  • Condamner publiquement le profilage ethnique et s’engager à adopter des mesures concrètes visant à documenter, analyser et combattre ce phénomène;
  • Veiller à ce que l’institution du Défenseur des Droits dispose des pouvoirs, du budget et des ressources humaines nécessaires pour remplir le rôle qui lui est confié de réclamer des comptes pour les abus commis par des policiers, entre autres dans le cas de plaintes particulières de discrimination par les forces de l’ordre dans l’exercice de leur pouvoir de contrôler l’identité;
  • Proposer une réforme législative de l’article 78-2 du Code de procédure pénale de façon à:
    • Exiger des soupçons raisonnables et individualisés pour tous les contrôles d’identité, palpations et fouilles;
    • Interdire explicitement toute discrimination lorsque les policiers procèdent à des contrôles d’identité.
  • Proposer une réforme législative visant à limiter avec précision les pouvoirs conférés aux forces de l’ordre pour procéder à des contrôles physiques tels que des palpations afin de veiller à ce que ces contrôles soient uniquement basés sur des soupçons objectifs, raisonnables et individualisés, par exemple le fait que la personne pourrait porter une arme dissimulée et représenter une menace, ou qu’elle pourrait dissimuler des produits illicites;
  • Proposer une réforme législative visant à régir l’exercice du pouvoir conféré aux forces de l’ordre de contrôler et de fouiller des enfants, et
  • Donner effet à l’engagement déclaré d’améliorer les relations entre la police et les communautés locales en appuyant les initiatives locales et nationales, entre autres par le biais de consultations avec un large éventail d’habitants. Ces initiatives devraient déboucher sur des mesures concrètes de politique générale visant à répondre à des préoccupations spécifiques.

Au Parlement:

  • Amender l’article 78-2 du Code de procédure pénale de façon à :
    • Exiger des soupçons raisonnables et individualisés pour tous les contrôles d’identité, palpations et fouilles;
    • Interdire explicitement toute discrimination lorsque les membres des forces de l’ordre procèdent à des contrôles d’identité.

Au ministère de l’Intérieur :

  • Adopter des lignes directrices écrites claires à l’intention des membres des forces de l’ordre concernant les contrôles d’identité, incluant:
    • Les motifs admissibles pour procéder à un contrôle;
    • Les motifs admissibles pour procéder à une palpation et la manière dont celle-ci doit être effectuée;
    • Les motifs admissibles pour procéder à une fouille d’objets personnels;
    • Les circonstances dans lesquelles les membres des forces de l’ordre peuvent contrôler et fouiller des enfants et la façon dont ce contrôle et cette fouille doivent être effectués;
    • L’obligation de fournir à toutes les personnes soumises à un contrôle des informations relatives à leurs droits;
    • L’obligation d’informer toutes les personnes soumises à un contrôle de la base juridique de cette opération;
    • L’obligation pour les membres des forces de l’ordre de se comporter, en règle générale, de façon courtoise et respectueuse. Il s’agirait de préciser que les policiers devraient vouvoyer les personnes lors de tous les contrôles d’identité, afin de ménager les sensibilités culturelles en faisant preuve de respect envers toutes les personnes faisant l’objet d’un contrôle, quels que soient leur âge, leur ethnicité et leur origine nationale.
  • Veiller à ce que tous les contrôles soient dûment consignés dans un registre par les membres des forces de l’ordre;
  • Exiger que tous les membres des forces de l’ordre fournissent aux personnes faisant l’objet d’un contrôle d’identité un document écrit - formulaire de contrôle - indiquant au minimum:
    • Le nom et l’âge de la personne contrôlée;
    • Le nom et l’unité du ou des membres des forces de l’ordre procédant au contrôle;
    • La base juridique du contrôle;
    • L’heure et le lieu du contrôle;
    • Si une palpation et/ou une fouille des objets personnels ont été effectuées;
    • Le résultat du contrôle;
    • Des informations personnelles sur la personne, sur base volontaire, entre autres son origine ethnique.
  • Veiller à ce que les membres des forces de l’ordre ne soient pas soumis à des pressions pour remplir des quotas visant à mesurer leur efficacité, et stipuler clairement que les contrôles d’identité ne devraient jamais servir à détecter un comportement délictueux en l’absence de soupçons raisonnables;
  • Recueillir, analyser et publier des données trimestrielles sur les contrôles d’identité;
  • Réclamer des comptes aux auteurs de violations du Code de déontologie des forces de l’ordre;
  • Veiller à ouvrir des enquêtes minutieuses et à réclamer des comptes pour toutes les plaintes relatives à des abus policiers; et
  • Réaliser un examen des meilleures pratiques existant dans d’autres pays en ce qui concerne les contrôles d’identité, les palpations et les fouilles d’objets personnels.

Au Défenseur des Droits :

  • Veiller à ouvrir des enquêtes minutieuses et à réclamer des comptes pour toutes les plaintes relatives à des abus policierset à des violations du Code de déontologie des forces de l’ordre; et
  • Mettre tout en œuvre pour recourir à l’expertise existant au sein de l’institution en matière de discrimination et de déontologie de la sécurité afin de documenter et de rendre publics les abus de pouvoirs commis dans le cadre des contrôles d’identité, et fournir au gouvernement des orientations concernant les mesures qu’il conviendrait de prendre.

Au Conseil de l’Union européenne, à la Commission européenne et au Parlement européen :

  • Adopter une directive définissant et rendant illégal le profilage ethnique. Cet instrument, contraignant pour tous les États membres de l’UE, devrait utiliser une définition inclusive, prenant comme point de départ celle adoptée par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, englobant les aspects intentionnels et non intentionnels du profilage ethnique ainsi qu’une palette d’activités des forces de l’ordre où il existe un risque de profilage illégitime, et mettant l’accent sur le besoin de soupçons objectifs et individualisés.

À la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen :

  • Organiser une audition sur les pratiques policières de profilage dans différents pays de l’Union européenne.

Au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et à la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance :

  • Veiller à ce que les pratiques policières discriminatoires constituent un aspect clé du suivi permanent de la situation des droits humains en France, y compris par le biais d’interventions en temps opportun et lors de futures visites dans le pays.

Au Rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme :

  • Observer l’impact des pouvoirs en matière de contrôle d’identité sur les minorités en France, et faire part en temps opportun de ses préoccupations concernant des cas spécifiques ou des situations générales.

Au Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale, au Comité des droits de l’enfant de l’ONU et au Comité des droits de l’homme de l’ONU:

  • Veiller à ce que le prochain examen périodique du respect par la France des traités des droits de l’homme de l’ONU traite des problèmes, dans le droit et dans la pratique, associés aux contrôles d’identité en France, entre autres des soucis en matière de profilage ethnique et de l’impact des contrôles sur les enfants.

Remerciements

Judith Sunderland et Eva Cossé, respectivement chercheuse senior et assistante de recherche à la Division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch, ont effectué les travaux de recherche en vue du présent rapport. Le rapport a été rédigé par Judith Sunderland et révisé par Benjamin Ward, directeur adjoint de la Division Europe et Asie centrale. Eva Cossé et Alice Farmer, chercheuse au sein de la Division Droits des Enfants, ont assuré la relecture du rapport. Veronika Szente-Goldston, directrice de plaidoyer à la Division Europe et Asie centrale, et Jean-Marie Fardeau, directeur France de Human Rights Watch, ont relu le rapport et contribué aux recommandations. Aisling Reidy, conseillère juridique senior, et Tom Porteous ont assuré la révision respectivement pour le Bureau juridique et le Département des programmes. Marina Pravdic, collaboratrice à la Division Europe et Asie centrale ; Grace Choi, directrice des Publications ; et Fitzroy Hepkins, responsable de la gestion du courrier, ont apporté leur concours à la production du rapport.

Human Rights Watch voudrait exprimer sa reconnaissance à tous ceux qui nous ont aidés à mener nos recherches à Paris, Lyon et Lille. Nous aimerions tout particulièrement remercier Tara Dickman et Aniss Laouaj du Collectif contre le Contrôle au Faciès; Bolewa Sabourin de Cités en Mouvement, Axiom et l’association Norside; BAC-Association d’éducation à la citoyenneté ; Alliance ; ainsi que Lanna Hollo et l’Open Society Justice Initiative. Nous voudrions tout spécialement exprimer notre gratitude à toutes les personnes qui ont accepté de s’entretenir avec nous afin de partager leurs expériences.

Ce rapport a été traduit de l’anglais par Françoise Denayer. Anna Chaplin, coordinatrice administrative du bureau français de Human Rights Watch, a assuré la relecture de la traduction.

[1] Convention relative aux droits de l’enfant, article 1, adoptée le 20 novembre 1989, Rés. AG 44/25, Doc. ONU A/RES/44/25 (entrée en vigueur le 2 septembre 1990). La France a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant le 7 août 1990.

[2] Code de procédure pénale (CPP) français, articles 78-1, 78-2, 78-2-1, 78-2-2, 78-2-3 et 78-2-4.

[3]L’article 78-2 du CPP octroie à la police le pouvoir de contrôler une personne aux fins de prévenir une atteinte à l’ordre public, d’enquêter et de prévenir une infraction, et de procéder à un contrôle de l’immigration sur une route, une section autoroutière située à proximité d’une frontière terrestre, dans les aéroports, dans les gares ferroviaires, ou dans une zone désignée sur réquisition d’un procureur.

[4] CPP, article 78-2.

[5] CPP, article 78-2. Les pouvoirs conférés à la police pour procéder à des contrôles d’identité en vertu de cet article sont analysés plus en détail au Chapitre 3.

[6] Article 78-2 du CPP : «Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle d’identité effectué dans les conditions et par les autorités de police visées aux articles suivants».

[7] CPP, article 78-3.

[8] Open Society Institute Justice Initiative (OSJI), «Police et minorités visibles: les contrôles d’identité à Paris», juin 2009, http://www.soros.org/initiatives/justice/articles_publications/publications/search_20090630/french_20090630.pdf (consulté le 25 juillet 2011).

[9] Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), «Enquête de l’Union européenne sur les minorités et la discrimination. Données en bref. Contrôles de police et minorités», EU-MIDIS, 2010, http://fra.europa.eu/fraWebsite/attachments/EU-MIDIS-police_FR.pdf (consulté le 10 octobre 2011). En France, la FRA a interrogé 534 Arabes, 466 Noirs et 503 membres de la population majoritaire.

[10] EU-MIDIS, p. 11. L’enquête a été réalisée dans l’ensemble des 27 pays membres de l’Union européenne. Dans dix pays, elle a également inclus des interviews de membres de la population majoritaire, permettant d’établir une comparaison. Ces dix pays étaient: l’Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, l’Espagne, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Roumanie et la Slovaquie.

[11] Pour une analyse détaillée des circonstances dans lesquelles le profilage est légitime, voir Open Society Justice Initiative, Ethnic Profiling in the European Union: Pervasive, Ineffective, and Discriminatory, mai 2009, http://www.soros.org/initiatives/justice/articles_publications/publications/profiling_20090526 (consulté le 16 novembre 2011) ; Réseau européen contre le racisme, Fiche d’information sur le profilage ethnique, http://cms.horus.be/files/99935/MediaArchive/publications/ENAR-OSJI%20factsheet_french.pdf (consulté le 16 novembre 2011) ; et FRA, «Guide pour comprendre et prévenir le profilage ethnique discriminatoire», octobre 2010, http://fra.europa.eu/fraWebsite/attachments/Guide-ethnic-profiling_FR.pdf (consulté le 24 octobre 2011).

[12] FRA, «Guide pour comprendre et prévenir le profilage ethnique discriminatoire», p. 14 ; OSJI, «Police et minorités visibles», p. 19.

[13] Entretien de Human Rights Watch avec Dixon, Paris (quartier Glacière), 21 juillet 2011.

[14] Entretien de Human Rights Watch avec Sami Cherif, Bobigny, 30 juin 2011.

[15] Entretien de Human Rights Watch avec Saïd, Lyon, 25 juillet 2011.

[16] Entretien de Human Rights Watch avec Abdel G., Lille, 1er octobre 2011.

[17] Entretien de Human Rights Watch avec Halim B., Lille, 1er octobre 2011.

[18] Entretien de Human Rights Watch avec Moussa M., Évry, 23 juillet 2011.

[19] Entretien de Human Rights Watch avec Daouda B., Paris (12e arrondissement), 29 juin 2011.

[20] Entretien de Human Rights Watch avec Bilal F., Lille, 1er octobre 2011.

[21] Entretien de groupe de Human Rights Watch avec Farid A., Khalil N. et Youssouf M., Sainte-Geneviève-des-Bois, 22 juillet 2011.

[22] Entretien de Human Rights Watch avec Abdel, Sainte-Geneviève-des-Bois, 22 juillet 2011.

[23] Entretien de Human Rights Watch avec Molo, Évry, 23 juillet 2011.

[24] Entretien de Human Rights Watch avec Abou K., Saint Denis, 28 juin 2011.

[25] Entretien de Human Rights Watch avec Hassan M., Lille, 1er octobre 2011.

[26] Entretien de Human Rights Watch avec Abdel S., Lille, 1er octobre 2011.

[27] Entretien de Human Rights Watch avec Mustafa A., Vénissieux, 26 juillet 2011.

[28] Entretien de Human Rights Watch avec Fethi Grid, Bobigny, 30 juin 2011.

[29] Entretien de Human Rights Watch avec Gabir S., Vénissieux, 26 juillet 2011.

[30] Entretien de Human Rights Watch avec Abdul, Lille, 29 septembre 2011.

[31] Entretien de Human Rights Watch avec Yannick Danio, porte-parole, Unité SGP Police, Paris, 1er juillet 2011.

[32] OSJI, «Police et minorités visibles», p. 10.

[33] Fabien Jobard et René Lévy, «Police, justice et discriminations raciales en France : état des savoirs», dans La Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, Commission nationale consultative des droits de l’homme, 2011, p. 181.

[34] Point de vue du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, «Le contrôle au faciès, une pratique inefficace», 20 juillet 2009, http://www.coe.int/t/commissioner/viewpoints/090720_FR.asp? (consulté le 14 octobre 2011).

[35] Entretien de Human Rights Watch avec un jeune de 18 ans, La Glacière, Paris, 21 juillet 2011.

[36] Entretien de Human Rights Watch avec Saïd, Lyon, 25 juillet 2011.

[37] Entretien de Human Rights Watch avec Abdel, Sainte-Geneviève-des-Bois, 22 juillet 2011.

[38] OSJI, «Police et minorités visibles», p. 36.

[39] Ibid.

[40] Entretien de Human Rights Watch avec Hassan M., Lille, 1er octobre 2011.

[41] Entretien de Human Rights Watch avec Ouamar C., Paris (12e arrondissement), 29 juin 2011.

[42] Entretien de Human Rights Watch avec Cédric A., Paris (12e arrondissement), 29 juin 2011.

[43] Entretien de Human Rights Watch avec Haroun A., Bobigny, 30 juin 2011.

[44] Entretien de Human Rights Watch avec Khalil N., Sainte-Geneviève-des-Bois, 22 juillet 2011.

[45] Entretien de Human Rights Watch avec Gabir S., Les Minguettes, Vénissieux, 26 juillet 2011.

[46] Entretien de Human Rights Watch avec Suleiman S., Lille, 1er octobre 2011.

[47] Entretien de Human Rights Watch avec Ismaël Y., Sainte-Geneviève-des-Bois, 22 juillet 2011.

[48] Fethi Grid, par exemple, nous a déclaré: « Dans la campagne, on a l’impression d’être un extraterrestre. Les gendarmes de campagne sont des bisounours. Les policiers chez nous, c’est des racailles. Ils sont comme nous. Ils parlent comme nous, ils se comportent comme nous. En province, c’est du ‘Monsieur’, du ‘Bonjour’». Entretien de Human Rights Watch avec Fethi Grid, Bobigny, 30 juin 2011.

[49] Entretien de Human Rights Watch avec Sega, Évry, 23 juillet 2011.

[50] Entretien de Human Rights Watch avec Molo, Évry, 23 juillet 2011.

[51] Entretiens de Human Rights Watch avec Sami Cherif, Bobigny, 30 juin 2011 ; Yassine, Lille, 30 septembre 2011 ; Saïd (nom d’emprunt), Lyon, 25 juillet 2011 ; Fethi Grid, Bobigny, 30 juin 2011 ; entretien de groupe devant un immeuble à Paris, 21 juillet 2011 ; Abdel, Lille, 1er octobre 2011 ; Bilu, Vénissieux, 26 juillet 2011.

[52] Entretien de Human Rights Watch avec Yassine, Lille, 30 septembre 2011.

[53] Entretien de Human Rights Watch avec Ismaël Y., Sainte-Geneviève-des-Bois, 22 juillet 2011.

[54] Entretien de Human Rights Watch avec Durad, Lille, 30 septembre 2011.

[55] Entretien de Human Rights Watch avec un jeune arabe lors d’un entretien de groupe devant un immeuble, Paris, 21 juillet 2011.

[56] Entretien de Human Rights Watch avec Fethi Grid, Bobigny, 30 juin 2011.

[57] Entretien de Human Rights Watch avec Mams, Évry, 23 juillet 2011.

[58] Entretien de Human Rights Watch avec Saïd, Lyon, 25 juillet 2011.

[59] Entretien de Human Rights Watch avec Ismaël Y., Sainte-Geneviève-des-Bois, 22 juillet 2011.

[60] Entretien de Human Rights Watch avec Robert, St. Priest, 24 juillet 2011.

[61] Entretien de Human Rights Watch avec Suleiman S., Lille, 1er octobre 2011.

[62] Entretien de Human Rights Watch avec Yassine, Lille, 30 septembre 2011.

[63] Entretien de Human Rights Watch avec Bilal F., Lille, 1er octobre 2011.

[64] Entretien de Human Rights Watch avec Sami Cherif, Bobigny, 30 juin 2011.

[65] Entretien de Human Rights Watch avec Sami Cherif, Bobigny, 30 juin 2011.

[66] Entretien de Human Rights Watch avec Zakaria, Vénissieux, 26 juillet 2011.

[67] Code pénal français, article 433-5. La rébellion constitue également un délit, punissable d’une peine maximale de six mois de prison et de 7 500 euros d’amende, et il n’est pas rare que quelqu’un soit accusé de ces deux délits. Article 433-5 du Code pénal français.

[68] Entretien de Human Rights Watch avec Sami Cherif, Bobigny, 30 juin 2011.

[69] Entretien de Human Rights Watch avec Staiffi, Bobigny, 30 juin 2011.

[70] Entretien de Human Rights Watch avec Durad, Lille, 30 septembre 2011.

[71] Cité dans le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture, Rapport au Gouvernement de la République Française relative à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 27 septembre au 9 octobre 2006, décembre 2007, http://www.cpt.coe.int/documents/fra/2007-44-inf-fra.pdf (consulté le 19 novembre 2011).

[72] CPP, article 78-2, alinéa 1. Le terme «infraction» se réfère à toute une série d’actes illicites, allant de la contravention au crime. Cet article prévoit également des contrôles d’identité s’il existe des raisons de croire qu’une personne est susceptible de fournir des renseignements utiles à une enquête en cours.

[73] «Les cadres juridiques et les actes de la mission de police judiciaire», http://didier.simeoni.perso.sfr.fr/page706.htm (consulté le 21 novembre 2011).

[74] Cour de Cassation, 2ème chambre civile, jugement du 4 mars 1999.

[75] Rapport 2008 du CNDS, p. 55.

[76] CPP, article 78-2, alinéa 2.

[77] Entretien de Human Rights Watch avec Renaud Vedel, Paris, 23 juillet 2011; Thierry Claire, Lyon, 27 juillet 2011.

[78] CPP, article 78-2, alinéa 3. Le Conseil constitutionnel a établi qu’il était légal de procéder à un contrôle pour prévenir une atteinte à l’ordre public «quel que soit le comportement» de la personne, mais il a précisé que l’autorité concernée «doit justifier, dans tous les cas, des circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public qui a motivé le contrôle».Décision no. 93-323 du Conseil constitutionnel, 5 août 1993.

[79] CPP, article 78-2, alinéa 4.

[80] Code de pratique, paragraphe 2.2. Ces pouvoirs limités et ces lignes directrices détaillées contrastent avec les pouvoirs de contrôle et de fouille trop étendus octroyés aux termes de la loi britannique sur la lutte contre le terrorisme, lesquels ont donné lieu à des abus importants et à des signes évidents de profilage ethnique et religieux. Pour une analyse détaillée, voir Human Rights Watch, «Beyond Suspicion: Stop and Search under the Terrorism Act 2000», juillet 2010, http://www.hrw.org/reports/2010/07/05/without-suspicion-0. Ces pouvoirs ont été suspendus début 2011 dans l’attente de l’adoption par le Parlement de pouvoirs amendés.

[81] Entretien de Human Rights Watch avec Krimo B., Lille, 1er octobre 2011.

[82] Entretien de Human Rights Watch avec Hassan M., Lille, 1er octobre 2011.

[83] Entretien de Human Rights Watch avec Sulaiman, Saint Denis, 28 juin 2011.

[84] Entretien de Human Rights Watch avec Zakaria, Vénissieux, 26 juillet 2011.

[85] CNDS, La déontologie des forces de sécurité en présence des mineurs, 2008, p. 55, http://www.cnds.fr/rapports/ra_pdf/Etude_Mineurs.pdf (consulté le 13 octobre 2011).

[86] Entretien de Human Rights Watch avec Renaud Vedel, Directeur adjoint du Cabinet du Préfet de police de Paris, et Sébastien Durand, commissaire de police et conseiller technique chargé de la prévention de la délinquance et des relations publiques, Préfecture de police de Paris, Paris, 23 juillet 2011.

[87] CNDS, rapport 2008, p. 56.

[88] Loi no. 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, article 61. Il s’agit d’une infraction punissable d’une peine maximale de 3 mois de prison et de 3 750 euros d’amende, ou d’une double peine d’emprisonnement et d’amende lorsque l’infraction est accompagnée de menaces.

[89] Entretien de Human Rights Watch avec un Noir de 20 ans, Paris, 21 juillet 2011.

[90] Entretien de Human Rights Watch avec Polo, Lyon, 24 juillet 2011.

[91] Entretien de Human Rights Watch avec Renaud Vedel, 23 juillet 2011 ; entretien de Human Rights Watch avec Thierry Claire, Lyon, 27 juillet 2011.

[92] Entretien de Human Rights Watch avec Renaud Vedel, Paris, 23 juillet 2011.

[93] Sur la base d’un examen des avis de la CNDS. Voir par exemple Avis 2010-18 de la CNDS.

[94] FRA, «Guide pour comprendre et prévenir le profilage ethnique discriminatoire», p. 56.

[95] Ibid.

[96] Rapport de l’ECRI sur la France, 2010, p. 45.

[97] Observations finales du CERD, 2010, para. 12.

[98] Rapport de M. Alvaro Gil-Robles, Commissaire aux droits de l’homme, sur le respect effectif des droits de l’homme en France suite à sa visite du 5 au 21 septembre 2005, para. 180 ; Conclusions et recommandations du Comitécontre la torture: France, 3 avril 2006, CAT/C/FRA/CO/3, para. 15 ; Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture du 27 septembre au 9 octobre 2006; Observations finales du Comité des droits de l’homme : France, 22 juillet 2008, CCPR/C/FRA/CO/4, para. 19.

[99] Comité des droits de l’enfant de l’ONU, Observations finales : France, 11 juin 2009, CRC/C/FRA/CO/4, para. 54.

[100] Amnesty International, France : Pour une véritable justice, 2005, http://www.amnesty.org/fr/library/info/EUR21/001/2005 (consulté le 19 novembre 2011) ; Des policiers au-dessus des lois, http://www.amnesty.org/fr/library/info/EUR21/003/2009 (consulté le 19 novembre 2011).

[101] Cour européenne des droits de l’homme, Taïs c. France, arrêt du 1er juin 2006, consultable sur www.echr.coe.int.

[102] D’autres organes indépendants des droits humains ont également été intégrés à la nouvelle institution : le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants.

[103] Le Premier Ministre, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, ainsi que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité étaient également en mesure de déclencher l’ouverture d’enquêtes par la CNDS.

[104] CNDS, La CNDS en 2009, novembre 2009, http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/094000554/0000.pdf (consulté le 17 octobre 2011); Commission nationale consultative sur les droits de l’homme, «Avis sur le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits adopté par le Sénat en juin 2010 », 30 septembre 2010, http://www.cncdh.fr/IMG/pdf/10.09.30_Avis_Defenseur_des_droits_PLO_Senat.pdf (consulté le 17 octobre 2011); et Amnesty International, «La CNDS et le Défenseur des droits,» novembre 2008, http://amnesty.org/en/library/asset/EUR21/002/2009/en/Of9502b8-f444-11dd-a33d-b736a7e6033a/eur210022009fra.pdf (consulté le 17 octobre 2011).

[105] Rapport 2008 de la CNDS, p. 54.

[106] Voir par exemple, Jonathan Laurence, «Understanding Urban Riots in France», Brookings Institute New Europe Review, 1er décembre 2005, http://www.brookings.edu/articles/2005/1201france_laurance.aspx (consulté le 20 novembre 2011) ; Laurent Bonelli, «Les raisons d’une colère», Le Monde Diplomatique, décembre 2005, http://www.monde-diplomatique.fr/2005/12/BONELLI/12993 (consulté le 20 novembre 2011).

[107] Entretien de Human Rights Watch avec Renaud Vedel, Paris, 23 juillet 2011.

[108] Entretien de Human Rights Watch avec Christophe Cousin, Chef de Bureau chargé des affaires politiques et administratives, Préfecture de Lille, Lille, 30 septembre 2011.

[109] Entretien de Human Rights Watch avec un policier de terrain, Bobigny, 22 juillet 2011.

[110] Entretien de Human Rights Watch avec Thierry Claire, Lyon, 27 juillet 2011.

[111] Entretien de Human Rights Watch avec Christophe Cousin, Lille, 30 septembre 2011.

[112] Pour une analyse approfondie, voir Open Society Justice Initiative, «Ethnic Profiling in the European Union», mai 2009. Les études comprennent : Bernard Harcourt, «Rethinking Racial Profiling: A Critique of the Economics, Civil Liberties and Constitutional Literature, and of Criminal Profiling More Generally», The University of Chicago Law Review, vol. 71, No. 4, automne 2004 ; E.J. van der Torre et H.B. Ferwerda, Preventive Searching, An Analysis of the Process and the External Effects in Ten Municipalities (La Haye : Beke, Arnhem. Politie & Wetenschap, Zeist 2005) ; Paul Quinton, Nick Bland et. al., Police Stops, Decision-Making and Practice (Londres : Home Office, 2000) ; Claes Lernestedt, Christian Diesen, Tove Pettersson et Toren Lindholm, «Equal before the Law: Nature or Culture», dans The Blue and Yellow Glasshouse: Structural Discrimination in Sweden (Stockholm : Swedish Government Official Reports, 2005) ; et David A. Harris, Profiles in Injustice: Why Racial Profiling Cannot Work (New York : New Press, 2002), pp.219-222.

[113] Open Society Justice Initiative, «Ethnic Profiling in the European Union», 2009, p. 54.

[114] EU-MIDIS, p. 12.

[115] Défenseure des enfants, «Rapport thématique : Enquêtes de terrain», http://www.defenseurdesenfants.fr/pdf/ENQUETE_PAJ.pdf (consulté le 17 octobre 2011), p. 138.

[116] Ibid., p. 137.

[117] Entretien de groupe de Human Rights Watch, Lille, 30 septembre 2011.

[118] EU-MIDIS, p. 13. Quinze pour cent des répondants majoritaires ont déclaré que la police ne les avait pas traités avec respect. 23 pour cent des Nord-Africains, 34 pour cent des Noirs et 18 pour cent des répondants majoritaires ont dit que le traitement n’était ni respectueux, ni irrespectueux.

[119] Entretien de Human Rights Watch avec Mamadou, Sainte-Geneviève-des-Bois, 22 juillet 2011.

[120] Entretien de Human Rights Watch avec Dixon, Paris, 21 juillet 2011.

[121] Entretien de Human Rights Watch avec un animateur de quartier, Paris, 24 mai 2011.

[122] Entretien de Human Rights Watch avec Fethi Grid, Bobigny, 30 juin 2011.

[123] Entretien de Human Rights Watch avec Christophe-Adji Ahoudian, adjoint au maire du 19e arrondissement de Paris chargé de la jeunesse, 24 mai 2011.

[124] Entretien de Human Rights Watch avec Bally Bagayoko, Maire adjoint, Saint-Denis, 23 mai 2011.

[125] Entretien de Human Rights Watch avec Yannick Danio, porte-parole, Unité SPG Police, Paris, 1er juillet 2011.

[126] Voir le site web du Collectif: http://stoplecontroleaufacies.fr/slcaf/presentation-et-objectifs/

[127] Jérôme Bouin, «Des avocats s’attaquent aux contrôles au faciès», Le Figaro, 23 mai 2011, http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/05/23/01016-20110523ARTFIG00498-des-avocats-s-attaquent-aux-controles-d-identite.php.

[128] «Police: Guéant veut ‘des contacts plus systématiques’ avec la population»,, AFP, 15 mars 2011, http://www.lepoint.fr/politique/police-gueant-veut-des-contacts-plus-systematiques-avec-la-population-15-03-2011-1306920_20.php (consulté le 20 novembre 2011).

[129] Entretien de Human Rights Watch avec Sébastien Durand, commissaire de police et conseiller technique chargé de la prévention de la délinquance et des relations publiques, Préfecture de police de Paris, Paris, 17 novembre 2011.

[130] Code pénal, article 225-1.

[131] Décision no. 93-323 du Conseil constitutionnel, 5 août 1993, http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/pdf/conseil-constitutionnel-10491.pdf (consulté le 13 octobre 2011).

[132] Rapport 2008 de la CNDS, p. 54.

[133] Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), article 26 ; Convention internationale relative aux droits de l’enfant, article 2 ; Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ; Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), article 14. La France n’a pas ratifié le Protocole n° 12 à la Convention européenne qui crée un droit autonome à la protection contre toute discrimination.

[134] La France n’a ni signé ni ratifié le Protocole n° 12 à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (STCE n°177) qui interdit la discrimination fondée sur la race, la couleur et plusieurs autres motifs de discrimination prohibés, dans la jouissance de tout droit reconnu par la loi ou par toute autorité publique.

[135] Cour européenne des droits de l’homme, Timishev c. Russie, arrêt du 13 décembre 2005, communiqué du Greffier, consultable sur www.echr.coe.int.

[136] Cour européenne des droits de l’homme [Grande Chambre], D.H. et autres c. République tchèque, arrêt du 13 novembre 2007, consultable sur www.echr.coe.int. La Commission européenne des droits de l’homme, aujourd’hui disparue, a également affirmé que la discrimination fondée sur la race pouvait, dans certaines circonstances, être constitutive de traitement dégradant, et elle a relevé une violation de l’article 3 liée à l’application de la politique d’immigration basée sur la race, Asiatiques est-africains c. Royaume-Uni, rapport de la Commission du 14/12/1973, Décisions et rapports 78 A/B/5, para. 207.

[137] Recommandation de politique générale n° 11 de l’ECRI sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale dans les activités de la police, CRI (2007)39, adoptée le 29 juin 2007 et publiée le 4 octobre 2007, http://www.coe.int/t/dlapil/codexter/Source/ECRI_Recommendation_11_2007_FR.pdf (consulté le 24 octobre 2011), p. 4.

[138] Rapport 2010 de l’ECRI, para. 143 (p. 45).

[139] Rapport 2005 de l’ECRI, para. 109 (p. 29).

[140] Code européen d’éthique de la police, https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdB.obGet&InstranetImage=1277578&SecMode=1&Docld=212766&Usage=2 (consulté le 19 novembre 2011), article 40.

[141] Ibid., article 47.

[142] CERD de l’ONU, Recommandation générale XXXI sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale (2005), http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/GC31Rev_Fr.pdf, para. 20 (consulté le 17 octobre 2011).

[143] Comité des droits de l’homme de l’ONU (CDH), Décision : Rosalind Williams Lecraft c. Espagne, Communication n° 1493/2006, 27 juillet 2009, para. 7.2.

[144] Comité des droits de l’enfant, Observation générale N° 10 (2007), Les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs, Doc ONU CRC/C/GC/10, 25 avril 2007, http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/898586b1dc7b4043c1256a450044f331/39ec57bd934a496fc1257306004eb7f4/$FILE/G0741352.pdf (consulté le 5 novembre 2011), para. 6.

[145] Entretien de Human Rights Watch avec un policier de terrain, Bobigny, 22 juillet 2011.

[146] Entretien de Human Rights Watch avec Renaud Vedel, Paris, 23 juillet 2011.

[147] Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, 28 juin 1978 (Gaz.Pal. 1979 I 79).

[148] Tribunal de Grande Instance de Grenoble, 29 janvier 1997 (JCP 1997 IV 2054).

[149] CNDS, Avis no. 2009-211, adopté le 4 octobre 2010, http://www.la-cnds.eu/avis/avis_2011/Avis_2009-211.pdf (consulté le 21 octobre 2011).

[150] Rapport 2008 de la CNDS, p. 56.

[151] Cour européenne des droits de l’homme, Gillan et Quinton c. Royaume-Uni, arrêt du 12 janvier 2010, paras. 63 et 87.

[152] Ibid., para 63.

[153] Voir la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans Sunday Times c. Royaume-Uni, 26 avril 1979, Série A No. 30, para. 49 ; Kruslin c. France, arrêt du 24 avril 1990, Série A No. 176, para. 27 ; et Amuur c. France, arrêt du 25 juin 1996, Recueil 1996-III, para. 50.

[154] Comité des droits de l’enfant, Observation générale N° 10 (2007), para. 64.

[155] Décret no. 86-592 du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale, article 7, http://www.interieur.gouv.fr/misill/sections/a_l_interieur/la_police_nationale/deontologie/code-deontologie/ (consulté le 14 octobre 2011). Le Code de déontologie des agents de police municipale comprend la même disposition.

[156] Ibid., article 6.

[157] Code européen d’éthique de la police, article 44.

[158] Code de conduite de l’ONU pour les responsables de l’application des lois, adopté par la résolution 34/169 de l’Assemblée générale le 17 décembre 1979, http://www2.ohchr.org/french/law/code_de_conduite.htm (consulté le 19 novembre 2011), article 2.