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L'inquiétant déclin du nombre de femmes dans le monde

Une disparité particulèrement prononcée en Chine et en Inde

© 2019 Brian Stauffer pour Human Rights Watch

Essai principal

 
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Essais

 
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Social Media’s Moral Reckoning

Changing the Terms of Engagement with Silicon Valley

Tout au long des années 1980 et 1990, le magazine Newsweek a publié des articles rappelant aux Américaines qu’elles couraient davantage le risque d’être tuées par un terroriste que de trouver un mari après l’âge de 40 ans. Il y avait – supposément – trop de femmes et pas assez d’hommes, et les femmes étaient les perdantes de cette disparité. Et, bien sûr, rester célibataire était un destin horrible.

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le ratio garçons/filles à la naissance est d’environ 105 garçons pour 100 filles, et il est souhaitable d’avoir un nombre égal d’hommes et de femmes dans une société. Quelques garçons supplémentaires sont nécessaires pour maintenir cet équilibre, car les hommes meurent plus tôt.

Toutefois, nous assistons actuellement à un bousculement dramatique de ce ratio, par le biais d’une expérience involontaire à grande échelle : les deux pays les plus peuplés au monde, la Chine et l’Inde, sont confrontés à un nombre insuffisant de femmes.

Depuis plusieurs décennies en Chine, le pays le plus peuplé du monde, le « rapport de masculinité » est nettement plus élevé que 105, dépassant parfois 120 garçons pour 100 filles. Et dans de nombreuses régions de l’Inde, ce rapport est nettement supérieur à 105, également depuis des décennies. Il en résulte que, dans ces deux pays, qui comptent en tout 2,73 milliards d’habitants, il y a environ 80 millions d’hommes de plus que le nombre jugé souhaitable. « Rien de tel ne s’est produit dans l’histoire de l’humanité », écrivait le Washington Post dans un article en date d’avril 2018.

En Inde, de nombreuses familles ont eu recours à l’avortement sélectif en fonction du sexe pour choisir les garçons, ce qui a incité à adopter une loi interdisant le dépistage du fœtus et ce type d’avortements. En Chine, des décisions similaires ont été encouragées par la politique nataliste de l’« enfant unique » en vigueur entre 1979 et 2015, laquelle a convaincu de nombreux parents que leur seul enfant devait être un garçon.

Le dénominateur commun est la discrimination entre les sexes, du sexisme ordinaire aux préoccupations concrètes selon lesquelles les fils sont davantage susceptibles de soutenir financièrement leurs parents une fois âgés et de fournir des petits-enfants, alors que les filles doivent vivre avec leurs beaux-parents en Inde. Lorsque les femmes ne jouissent pas de l’égalité des droits et que le patriarcat est profondément enraciné, il n’est pas surprenant que les parents choisissent de renoncer à avoir de filles.

Mais il y a des conséquences à cela. Par exemple, la Chine fait face maintenant à une vaste disparité entre les sexes qui ne cesse de croître parmi les générations les plus susceptibles de se chercher un conjoint : une pénurie de femmes mariées. Les experts prévoient que beaucoup d’hommes supplémentaires ne se marieront jamais, tandis que d’autres prendront des mesures extrêmes pour y parvenir.

Le nombre insuffisant de femmes a des conséquences néfastes en Chine et parfois dans les pays voisins. Human Rights Watch a examiné l’une de ces conséquences lors des recherches menées pour un rapport qui sera rendu public en février 2019 au sujet de la traite des femmes mariées du Myanmar vers la Chine. Dans les États du Kachin et du Shan, situés dans le nord du Myanmar, à la frontière avec la Chine, le conflit de longue date s’est intensifié ces dernières années, provoquant le déplacement de plus de 100 000 personnes. Les trafiquants prennent pour cible les femmes et les filles vulnérables en leur faisant miroiter des offres d’emplois en Chine et les moyens de s’y rendre. Elles sont ensuite revendues entre 3 000 et 13 000 dollars à des familles chinoises confrontées à des difficultés pour trouver des épouses à leurs fils. Une fois achetées, ces femmes et filles sont généralement enfermées dans une pièce et violées de manière répétée, afin de les mettre enceinte rapidement pour qu’elles puissent donner un bébé à la famille. Après avoir accouché, certaines sont autorisées à partir, mais contraintes de laisser leurs enfants derrière elles.

Il existe des preuves de schémas migratoires similaires et de traite d’épouses au Cambodge, en Corée du Nord et au Vietnam, et d’autres pourraient émerger d’autres pays limitrophes de la Chine. « Importer » des femmes ne résout pas leur pénurie, elle l’amplifie.

La traite n’est que l’une conséquences néfastes du ratio cité plus haut. Le manque de femmes a également été lié à d’autres formes de violence à leur égard. Les autres conséquences sont l’instabilité sociale, les distorsions du marché du travail et les mutations économiques.

Il y a ici une ironie du sort. Lorsque les femmes sont trop nombreuses, elles sont perdantes. Et quand elles sont en nombre insuffisant… elles sont encore perdantes. Mais la vérité, c’est que nous sommes tous perdants. Nous savons que les rapports de masculinité asymétriques ont déjà des conséquences regrettables et nous n’avons pas encore pris toute la mesure des autres répercussions de long terme qu’elles pourraient avoir dans les sociétés touchées par ces disparités.

La Chine, qui a mis fin à la politique nataliste d’« un enfant », a continué de restreindre les droits en matière de procréation en fixant la limite à « deux enfants ». Elle a interdit l’avortement sélectif en fonction du sexe. Mais ces interdictions sont souvent inefficaces et menacent le droit des femmes à avoir recours à l’avortement et à faire leurs propres choix en matière de procréation.

La Chine, l’Inde et d’autres pays touchés doivent agir de toute urgence pour atténuer les effets du déclin du nombre de femmes. Ils devraient examiner attentivement les conséquences de cette pénurie, y compris en relation avec la traite et les autres formes de violence à l’égard des femmes. Plus important encore, ces pays devraient faire davantage pour s’attaquer à la cause fondamentale du déséquilibre démographique, à savoir la discrimination fondée sur le sexe, qui se traduit souvent par l’espoir que le bébé à naître sera un garçon et non une fille.

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