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Hommage à Alison Des Forges, 10 ans après

Cette championne des droits humains a écrit l’ouvrage de référence sur le génocide rwandais

Alison Des Forges

Il y a dix ans aujourd’hui, notre collègue bien aimée Alison Des Forges mourait dans l’accident du vol 3407 reliant Newark à Buffalo, où elle résidait. Alison s’était récemment rendue en Ouganda pour rencontrer son équipe de chercheurs dont, pour mon plus grand bonheur, je faisais partie. Une collègue et moi venions juste de finir de documenter une série de massacres perpétrés par l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA) commandée par le chef rebelle ougandais Joseph Kony. Pendant son séjour à Kampala, Alison nous avait aidées à mettre la dernière touche à notre rapport sur ce qui allait être connu sous le nom de « Massacres de Noël ». Alors qu’elle en examinait les éléments, je me souviens qu’elle m’avait conseillé de laisser l’horreur des histoires, et les voix des victimes, s’exprimer d’elles-mêmes. 

Alison était un pilier de la division Afrique de Human Rights Watch, où elle a travaillé en tant que conseillère senior et dirigé nos travaux sur les Grands Lacs pendant près de deux décennies. Toujours pleine de sagesse et d’inspiration, elle nous a montré combien il importe d’être humble, respectueux, discret, persistant et attentif aux détails quand on documente des abus ou quand on confronte des auteurs d’exactions. Elle ne perdait jamais de vue que l’essence même du travail de défense des droits humains est d’être soi-même humain. Elle s’enquérait au sujet de nos familles, riait souvent et reconnaissait la dignité des survivants ainsi que des personnes soupçonnées de violations des droits.

Alison est surtout connue pour son travail sur le Rwanda. Au cours des mois précédant le génocide de 1994, elle avait perçu les dangers d’une explosion de violence planifiée, alerté la communauté mondiale et exhorté à l’action préventive. Alors que le génocide se déroulait, et après, Alison a prêté l’oreille à d’innombrables récits et documenté les violences de masse – ainsi que l’indifférence de la communauté internationale et son inaction. Son livre de 789 pages, intitulé « Leave None to Tell the Story » (« Aucun témoin ne doit survivre »), s’est imposé comme le document de référence sur le génocide. Par la suite, elle a plaidé pour que les responsables de ces violences soient traduits en justice, comparaissant en tant que témoin et expert dans 11 procès pour génocide devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, dans trois procès en Belgique et dans d’autres procès en Suisse, aux Pays-Bas et au Canada.

Indéfectiblement impartiale, Alison affirmait inlassablement que les forces rebelles du Front patriotique rwandais (FPR), qui ont défait le régime génocidaire, devraient elles aussi être amenées à rendre des comptes pour leurs crimes, notamment les meurtres de milliers de civils pendant et juste après le génocide. L’engagement de principe d’Alison en faveur d’une justice crédible pour les victimes de tous les crimes a abouti à son interdiction de séjour dans le pays en 2008 par le gouvernement rwandais dominé par le FPR. 

Depuis le décès d’Alison, d’importants progrès ont été accomplis dans les efforts pour traduire les responsables du génocide en justice, y compris d’anciens responsables gouvernementaux de haut rang et d’autres personnages-clé instigateurs des massacres. Cependant, très peu de membres du FPR ont été amenés à rendre des comptes pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité qu’ils ont commis. 

Alors que Human Rights Watch continue de se battre pour que justice soit faite pour ces crimes et de documenter la difficile situation actuelle en matière de droits humains au Rwanda et ailleurs sur le continent, Alison nous manque énormément. Nous ambitionnons d’être à la hauteur de son exemple et chaque fois qu’un nouveau défi se présente, nous nous posons la question : « Que ferait Alison ? »

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