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République centrafricaine

Événements de 2023

Le président de la République centrafricaine Faustin-Archange Touadéra (à gauche) dépose son bulletin dans lors d'un vote pour une nouvelle constitution à Bangui, en République centrafricaine, le 30 juillet 2023.

© 2023 AP Photos

Les combats opposant l’armée nationale, aux côtés des mercenaires russes et des forces rwandaises, aux éléments de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) ont diminué, mais ont parfois été intenses et des civils ont été tués lors de certaines attaques. Les écoles et les hôpitaux étaient toujours des cibles et ceux qui avaient été endommagés lors de combats précédents le sont restés. D’après les Nations Unies, « plus d’un demi-million d’enfants âgés de 3 à 17 ans… ne sont pas scolarisés ou risquent de devoir quitter l’école en raison d’un manque criant d’enseignants qualifiés et d’installations scolaires inadéquates ».

Les conditions sécuritaires ont entravé l’aide humanitaire et de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire ont entraîné un nombre élevé de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du pays.

Des mercenaires russes de Wagner, un groupe de mercenaires dirigé par Evgueni Prigojine jusqu’à sa mort en juillet, sont déployés dans le pays. Le décès d’Evgueni Prigojine en Russie n’a pas diminué la présence de Wagner dans le pays et le groupe contrôle toujours des mines à l’extérieur de Bangui, la capitale, y compris la grande mine d’or de Ndassima dans la province de Ouaka. Le contrôle exercé par le groupe sur certains points de contrôle routiers rend les déplacements hors de Bangui difficiles. L’ONU a signalé plusieurs cas dans lesquels ces mercenaires ont participé à des combats et ont été impliqués dans de graves atteintes aux droits humains.

Le pays a pris un tournant autoritaire en réprimant la société civile, les médias et les partis politiques d’opposition en amont d’un référendum constitutionnel visant à supprimer la limitation du nombre de mandats pour le président Faustin-Archange Touadéra. Le référendum a eu lieu en juillet avec des décomptes divergents quant au taux de participation.

Le pays est resté un lieu dangereux pour les acteurs humanitaires, avec 123 incidents allant du harcèlement aux enlèvements de travailleurs humanitaires, recensés entre janvier et août.

Attaques

L’armée nationale, aux côtés des mercenaires russes et des forces rwandaises, a repoussé des groupes armés non étatiques, y compris ceux de la CPC, plus loin vers des positions frontalières.

Une nouvelle milice principalement composée d’individus de la communauté ethnique zandé, qui, d’après l’ONU, aurait peut-être reçu un appui de la part du Soudan du Sud, a intensifié ses attaques dans la région frontalière du sud-est du pays en réponse à d’autres groupes armés.

Des mines d’or ont été visées, l’attaque la plus grave ayant eu lieu en mars dans la province de Ouaka, dans le centre du pays, où neuf travailleurs chinois ont été tués. Des Centrafricains ont peut-être également été tués dans cette attaque, mais cela n’a pas été confirmé.

Augmentation des enlèvements

Les groupes armés ont multiplié les prises d’otages, ciblant les soldats de l’armée nationale, le personnel de l’ONU et les civils.

En janvier, des combattants de la CPC ont capturé 20 soldats de l’armée nationale près de Sikikédé après les combats. La CPC a fixé un ensemble de conditions en contrepartie de la libération des soldats, notamment le départ des « mercenaires russes de Wagner » et la libération de personnes liées au groupe. Les soldats ont été libérés au début du mois d’avril sans que ces conditions aient été satisfaites.

Deux membres du personnel de l’ONU et un employé du gouvernement retenus en otage par des membres du groupe armé Parti pour le rassemblement de la nation centrafricaine (PRNC) ont été libérés en mars après 117 jours de captivité.

Trois travailleurs chinois ont été pris en otage le 13 mars dans une mine d’or à Ndiba, dans la province de Nana-Mambéré. Ils ont été libérés le 2 avril après le paiement d’une rançon.

Référendum constitutionnel

Les tensions politiques se sont accrues lors du processus de réforme constitutionnelle. En 2022, le parti de Faustin-Archange Touadéra, le Mouvement Cœurs unis (MCU), a entamé un processus de modification de la constitution pour supprimer la limite des deux mandats et permettre au président de briguer un troisième mandat. Faustin-Archange Touadéra a été élu pour la première fois en 2016 et a été réélu en 2020 dans un contexte d’offensive militaire menée par la CPC. En septembre 2022, la Cour constitutionnelle a jugé que les mesures prises jusqu’alors par le MCU et le président étaient « inconstitutionnelles ». En octobre 2022, le ministère de la Fonction publique a enclenché une procédure de mise à la retraite forcée de la présidente de la Cour, Danièle Darlan, indiquant qu’elle avait atteint l’âge de la retraite. Celle-ci a été révoquée plus tard le même mois par décret présidentiel. En janvier, la Cour constitutionnelle – avec un nouveau président à sa tête – a déclaré qu’un projet de référendum était légal, ouvrant la voie à la réforme constitutionnelle.

En réponse à l’opposition, les institutions gouvernementales, y compris la police, ont menacé les activistes de la société civile, les ont accusés de collaborer avec des groupes armés et ont refusé d’autoriser des manifestations politiques. Les journalistes et les activistes sont devenus plus réticents à critiquer le gouvernement afin d’éviter d’être étiquetés comme des opposants politiques et de faire l’objet de menaces. Deux associations pro-MCU qui mobilisent les jeunes, les Requins et Galaxie Nationale, ont fait campagne en faveur du référendum et harcelé les opposants, à la fois en ligne et dans les rues.

Le référendum a été approuvé, le gouvernement ayant fait état d’un taux de participation élevé, même si des journalistes ont évoqué de manière anecdotique un faible taux de participation. La prochaine élection présidentielle est prévue en 2025.

Justice pour les crimes graves

En juillet, la chambre d’appel de la Cour pénale spéciale (CPS) – un tribunal pour juger les crimes de guerre qui fait partie du système judiciaire national, mais qui dispose d’un personnel national et international et bénéficie d’un important soutien de l’ONU et d'autres formes d'assistance internationale – a confirmé la condamnation de trois membres du groupe armé Retour, Réclamation et Réhabilitation (3R) pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour leur rôle dans le massacre de 46 civils en mai 2019 à Koundjili et Lemouna dans le nord-ouest. Issa Sallet Adoum, Yaouba Ousman et Mahamat Tahir ont été condamnés à des peines de prison allant de 20 ans à la réclusion à perpétuité pour les meurtres et autres crimes.

En juin, la CPS a annoncé le décès d’Oumar Al Bachir dans un hôpital à la suite d’une maladie. Oumar Al Bachir avait été arrêté en septembre 2022 pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre présumément commis en 2014 dans l’église Notre-Dame de Fatima à Bangui.

À la CPS, une affaire de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis à Ndélé en mars et avril 2020 a été reconnue comme pouvant faire l'objet d'un procès à l'issue d'une enquête judiciaire.Les accusés sont Kalite Azor, Charfadine Moussa, Antar Hamat, Wodjonodroba Oumar Oscar, Général Faché, Younouss Kalamyal, Atahir English, Abdel Kane Mahamat Salle, Fotor Sinine, et Youssouf Moustapha, alias « Badjadje ».

En septembre, la CPS a annoncé la mise en examen d’Abdoulaye Hissène, un dirigeant du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC). Abdoulaye Hissène était un des premiers commandants de la Séléka et a été ministre alors que les rebelles contrôlaient Bangui en 2013. Plus tard, il a été un des leaders d’une faction dissidente dirigée par Noureddine Adam, un fugitif soupçonné de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, y compris de torture, par la Cour pénale internationale (CPI).

Toujours en septembre, la CPS a annoncé l’arrestation d’Edmond Patrick Abrou, un chef anti-balaka, pour des chefs d’accusation de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis dans le village de Boyo, dans la province de Ouaka. Du 6 au 13 décembre 2021, des combattants anti-balaka qui auraient agi sous le commandement d’Edmond Patrick Abrou ont mené une attaque contre Boyo et, au cours de ces huit jours, ont tué au moins 20 civils, ont violé au moins cinq femmes et filles, et ont brûlé et pillé au moins 547 maisons.

Hassan Bouba, ministre du gouvernement arrêté en vertu d’un mandat de la CPS en novembre 2021 mais libéré quelques jours plus tard malgré des ordonnances judiciaires contraires, est resté en liberté et a continué d’exercer ses fonctions de ministre de l’Élevage et de la Santé animale. Hassan Bouba, ancien chef d’un groupe armé qui a été nommé conseiller spécial auprès du président en 2017 avant d’être promu au poste de ministre, est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le groupe d’Hassan Bouba a commencé à commettre de graves abus dans la province de Ouaka en 2014, abus qui se sont poursuivis en 2023. Hassan Bouba a été expulsé du groupe en janvier 2021. Il n’y a pas eu de tentative pour l’arrêter à nouveau en 2023.

En octobre, Maxime Mokom, ancien coordinateur militaire d’un groupe de milices anti-balaka, a été libéré par la CPI après que le procureur de la Cour a retiré les charges portées à son encontre, invoquant un manque de preuves et de témoins. Maxime Mokom avait fui au Tchad après avoir pris part à la tentative infructueuse de la CPC de prendre Bangui en 2020. Il avait été l’un des plus hauts dirigeants anti-balaka du pays et, en 2019, il a été nommé ministre du Désarmement, de la Démobilisation, de la Réinsertion et du Rapatriement en vertu d’un accord de paix qui a échoué. Le mandat d’arrêt à son encontre a été émis en 2018.

À la CPI, les procès du commandant de la Séléka Mahamat Said Abdel Kani, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis à Bangui en 2013, et des chefs anti-balaka Patrice-Edouard Ngaïssona et Alfred Yékatom, tous deux inculpés pour crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis entre décembre 2013 et décembre 2014, se sont poursuivis.

En septembre, une cour d’appel à Bangui a condamné par contumace l’ancien président de la République centrafricaine en exil, François Bozizé, qui est devenu un dirigeant de la CPC, au travail forcé à vie pour complot et rébellion. François Bozizé a été reconnu coupable avec plus de 20 autres co-accusés, également condamnés par contumace, notamment les chefs de groupes armés Ali Darassa, Mahamat Al-Katim, Noureddine Adam, le « général » Bobo, Maxime Mokom, Abakar Sabone et les fils de François Bozizé, Jean-Francis et Aimé-Vincent, connu sous le nom de « Papy ». En mars, François Bozizé a quitté le Tchad pour la Guinée-Bissau, où il vit toujours en exil.

Déplacement et besoins humanitaires

L'année 2023 a marqué une décennie de conflits et de violences qui ont ravagé le pays, et la population civile continue d'en payer le prix fort. Le nombre total de personnes déplacées est resté élevé en raison des combats. En septembre, plus de 1,2 million de personnes, d’après les Nations Unies, étaient soit des réfugiés dans les pays voisins (746 000), soit des déplacés internes (486 000). Les conditions de vie des personnes déplacées internes et des réfugiés, dont beaucoup vivent dans des camps, sont restées difficiles. L’assistance aux déplacés internes a été sérieusement entravée par les attaques contre les travailleurs humanitaires et l’insécurité générale dans le pays.

Environ 3,4 millions de personnes, sur une population de 6,1 millions, avaient besoin d’une aide humanitaire. Le plan de réponse humanitaire était sous-financé, avec un déficit budgétaire d’environ 283 millions d’USD en décembre.

Principaux acteurs internationaux

En juin, le Trésor américain a imposé des sanctions à deux sociétés minières liées au groupe Wagner et à Evgueni Prigojine, Midas Ressources SARLU et Diamville SAU. Midas Ressources a obtenu un permis d’exploitation minière pour Ndassima en 2020, après la révocation de la licence existante pour la zone, détenue par la société canadienne Axmin.

Les États-Unis ont également interdit une partie de l’assistance militaire à la Centrafrique en vertu de la Loi américaine sur la prévention des enfants soldats (Child Soldiers Prevention Act), en raison de l’implication du gouvernement dans le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats.

En mars, le Royaume-Uni a imposé des sanctions à Mahamat Salleh Adoum Kette pour des crimes qui auraient été commis par des combattants du FPRC et de la CPC sous son commandement dans le cadre d’une nouvelle série de sanctions visant les auteurs de violations des droits humains, en particulier ceux qui ciblent les femmes et les filles.

En novembre 2022, l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine, Yao Agbetse, a alerté sur le fait que la situation politique pourrait saper le processus de paix et de réconciliation.

La mission de maintien de la paix des Nations Unies, la MINUSCA, a déployé 13 394 Casques bleus et 2 415 policiers dans de nombreuses régions du pays. En vertu du chapitre VII de la Charte de l’ONU, la mission est autorisée à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la population civile du risque de violences physiques. En novembre 2022, le Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé le mandat de la mission d’une année supplémentaire.

En juin, une unité tanzanienne de soldats de maintien de la paix déployée avec la MINUSCA a été rapatriée après des allégations d’exploitation et d’abus sexuels. L’ONU a rapporté que 11 membres de l’unité ont commis ces abus, sur la base d’allégations crédibles de quatre victimes.