Skip to main content

Alors que s’ouvre la COP28, l’ONU devrait exhorter les EAU à respecter les droits

Le pays hôte devrait cesser de bafouer les droits humains et abandonner ses projets relatifs aux combustibles fossiles

 

Le complexe d’Al-Ruwais, aux Émirats arabes unis, comprenant une raffinerie et des usines pétrochimiques. Une flamme était visible au-dessus d’une torchère où brûlaient des gaz résiduaires, le 14 mai 2018. © 2018 Christophe Viseux/Bloomberg via Getty Images

(Beyrouth) – Les Nations Unies devraient exhorter les Émirats arabes unis à cesser de bafouer les droits humains et à abandonner leurs projets d’exploitation accrue de combustibles fossiles, alors que de nombreux pays entament à Dubaï des négociations dans le cadre de la conférence annuelle de l’ONU sur le climat, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. L’ONU devrait également élaborer d’urgence des critères pour les futurs hôtes de telles conférences, afin de garantir que les membres de la société civile puissent participer de manière significative aux négociations mondiales sur le climat sans crainte de représailles.

Durant la période du 30 novembre au 12 décembre, les Émirats arabes unis accueilleront à Dubaï la COP28, 28ème Conférence des États parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

« De nombreux militants pour le climat qui comptent assister à la COP28 ont de vives inquiétudes quant à leur propre sécurité, dans un pays hôte qui a emprisonné des personnes en raison de leurs publications sur les réseaux sociaux et où les manifestations sont pratiquement illégales », a déclaré Richard Pearshouse, directeur de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch. « La CCNUCC devrait réfléchir sérieusement à la manière dont elle a permis aux négociations mondiales sur le climat de se dérouler dans un pays où la société civile ne peut pas exiger une action ambitieuse pour éliminer progressivement les combustibles fossiles, sans autocensure ni peur. »

Les craintes des militants pour le climat concernant d’éventuelles représailles ne sont pas infondées. Le 28 novembre, James Lynch, l’un des fondateurs et directeurs de l’organisation FairSquare, a reçu la confirmation que le visa qu’il avait demandé pour participer à la COP28 lui était refusé. La direction générale des Permis de séjour et des Affaires étrangères des EAU lui a annoncé par e-mail que sa demande avait été rejetée. Au moment de la rédaction de ce communiqué, James Lynch n’avait reçu aucune autre information des autorités émiraties et il n’est pas certain qu’il pourra entrer dans le pays. Déjà en 2015, James Lynch, alors responsable par intérim du département Responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International, avait été refoulé à l’aéroport de Dubaï en raison de son travail dans le domaine des droits humains.

Aux EAU, les manifestations sont illégales, et critiquer le gouvernement constitue un délit pénal. Le 1er août, le Secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations Unies a cosigné une déclaration publiée conjointement avec le gouvernement émirati au sujet de la COP28, indiquant que « des espaces [seraient] mis à la disposition des militants pour le climat, pour qu’ils puissent se rassembler pacifiquement et faire entendre leurs voix ». Cependant, les implications pratiques de cet engagement ne sont pas claires, la liberté d’expression et de manifestation étant lourdement réprimée aux EAU.

L’accord d’hôte entre la CCNUCC et les EAU n’a pas été rendu public. Le manque de transparence et de clarté des Nations Unies concernant les risques encourus en cas de critique des EAU et de manifestation durant la COP28 expose les militants pour le climat qui y seront présents à de graves dangers, a détaillé Human Rights Watch.

Une référence explicite à l’élimination progressive de tous les combustibles fossiles dans le document final de la COP28 constituerait une étape essentielle pour éviter les pires conséquences de la crise climatique. Mais la répression exercée depuis des décennies par les EAU contre la liberté d’expression, de réunion et d’association suscite de vives inquiétudes quant à la possibilité, pour la société civile, les militants, les défenseurs des droits humains et les journalistes, de véritablement participer à la COP28 et de faire pression en faveur d’actions ambitieuses, notamment l’appel à l’élimination progressive des combustibles fossiles.

Dans une lettre adressée à toutes les parties à la CCNUCC à la mi-novembre, le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme les a exhortées à « placer les droits humains au centre de toutes les décisions relatives au climat ».

Les négociations de la CCNUCC risquent également d’être sapées par les intérêts de l’industrie des combustibles fossiles dans le pays d’accueil. Les EAU ont récemment annoncé qu’ils étendaient tous les aspects de leurs opérations liées aux combustibles fossiles, malgré un consensus de plus en plus large sur le fait que si l’on veut atteindre les objectifs climatiques mondiaux et protéger les droits humains, aucune nouvelle exploitation de pétrole, de gaz ou de charbon ne doit voir le jour.

En réponse à une enquête du Centre for Climate Reporting et de la BBC révélant que les EAU prévoyaient de tirer parti de leur rôle de pays hôte des négociations climatiques sous l’égide des Nations Unies pour conclure des accords pétroliers et gaziers avec d’autres pays, le secrétariat de la CCNUCC a rappelé que « les hôtes de la COP sont censés agir sans parti pris, préjugé, favoritisme, caprice, intérêt personnel, préférence ou déférence ». Étant donné que l’hôte de cette COP ne semble pas répondre à ces attentes, il incombe à la CCNUCC de faire pression pour la mise en place d’un processus qui permettrait d’éviter des situations semblables à l’avenir.

Si la CCNUCC veut être à la hauteur de ses engagements en matière de droits humains et restaurer la crédibilité du processus, elle devrait faire pression sur le gouvernement émirati pour qu’il respecte les droits humains de tous les participants à la COP28, y compris leur droit de s’exprimer librement, en ligne et hors ligne, et de manifester à l’intérieur et à l’extérieur du lieu officiel de la conférence.

Les Nations Unies devraient également exhorter les EAU à libérer immédiatement et sans condition tous les militants et défenseurs des droits humains détenus arbitrairement, notamment Ahmed Mansoor, et à signaler leur intention de faciliter des négociations climatiques solides et respectueuses des droits avant, pendant et après la COP28. Les Nations Unies devraient par ailleurs se pencher sur les abus généralisés dont sont victimes les travailleurs migrants aux EAU, dont beaucoup ont contribué à la préparation et à l’organisation de la COP28, mais qui sont confrontés à des abus en matière de travail, notamment des frais de recrutement exorbitants, des vols de salaire et une exposition dangereuse à des chaleurs extrêmes.

Les travailleurs migrants constituent 88 % de la population des EAU, et nombre d’entre eux viennent de pays vulnérables sur le plan climatique, comme le Bangladesh, le Pakistan et le Népal. Comme l’a récemment documenté Human Rights Watch, les abus auxquels sont confrontés les travailleurs migrants vivant aux EAU sont plus largement liés aux préjudices climatiques. Les EAU interdisent également les syndicats, ce qui empêche ces travailleurs d’exiger une meilleure protection du travail.

Pour cette COP et les futures COP, la CCNUCC devrait également rendre public l’accord d’accueil et s’assurer qu’il est conforme au droit international des droits humains. Les Nations Unies devraient fixer des critères en matière de droits humains pour les futurs hôtes de la COP, notamment l’obligation de respecter les droits à la liberté d’expression et de réunion, qui sont des conditions préalables à l’obtention de résultats ambitieux lors de la COP. Les Nations Unies devraient enfin veiller à ce que les intérêts de l’industrie des combustibles fossiles ne nuisent pas à la crédibilité et à l’issue des négociations lors des futures COP.

« L’ONU a ignoré cette réalité inconfortable, qui est que les négociations sur le climat sont accueillies par un pays profondément répressif déterminé à développer son industrie de combustibles fossiles », a déclaré Richard Pearshouse. « Le minimum qu’elle puisse faire à ce stade est d’exhorter les autorités émiraties à respecter leurs engagements en matière de droits humains à l’égard des participants à la COP28 et des défenseurs des droits humains emprisonnés. »

…..

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.