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Émirats arabes unis : Les combustibles fossiles empoisonnent l’air

Le pays hôte de la COP28 devrait endiguer la pollution atmosphérique et mettre fin aux violations des droits

Le complexe d’Al-Ruwais, aux Émirats arabes unis, comprenant une raffinerie et des usines pétrochimiques. Une flamme était visible au-dessus d’une torchère où brûlaient des gaz résiduaires, le 14 mai 2018. © 2018 Christophe Viseux/Bloomberg via Getty Images

 

  • L'industrie des combustibles fossiles des Émirats arabes unis contribue de manière significative à la pollution atmosphérique toxique, alors même que le gouvernement s'efforce de se positionner comme un leader mondial en matière de climat lors de la conférence des Nations Unies sur le climat COP28.
  • Les niveaux alarmants de pollution atmosphérique aux Émirats arabes unis créent des risques majeurs pour la santé de leurs citoyens et résidents et contribuent à la crise climatique mondiale.
  • Le gouvernement devrait s'attaquer aux causes profondes de la pollution atmosphérique en réduisant considérablement les rejets de polluants nocifs, notamment en élaborant des plans pour une élimination complète des combustibles fossiles.

(Dubaï) – L'industrie des combustibles fossiles aux Émirats arabes unis contribue à une pollution atmosphérique toxique avec un impact dévastateur sur la santé humaine, alors même que leur gouvernement s'efforce de se positionner comme un leader mondial sur les questions climatiques et de santé à la conférence des Nations Unies sur le climat COP28, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.

Le rapport de 24 pages, intitulé  « “You Can Smell Petrol in the Air”: UAE Fossil Fuels Feed Toxic Pollution » (« “On peut sentir l'essence dans l'air” : Les combustibles fossiles des Émirats arabes unis alimentent une pollution toxique ») documente des niveaux de pollution atmosphérique alarmants aux Émirats arabes unis, qui créent des risques majeurs pour la santé de ses citoyens et résidents et contribuent à la crise climatique mondiale. Les Émirats arabes unis sont l'un des principaux producteurs de pétrole au monde et abritent sept projets connus sous le nom de « bombes à carbone », les plus grands projets de production de combustibles fossiles au monde. La pollution de l’air et le changement climatique sont directement liés, dans la mesure où la combustion de combustibles fossiles contribue à la pollution de l’air et entraîne le changement climatique.

« Les combustibles fossiles polluent l'air que les gens respirent aux Émirats arabes unis », a déclaré Richard Pearshouse, directeur de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch. « Mais l'anéantissement de la société civile par le gouvernement des Émirats arabes unis signifie que personne ne peut exprimer publiquement ses inquiétudes, et encore moins critiquer l'incapacité du gouvernement quant à prévenir ce préjudice. »

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a identifié la pollution atmosphérique comme « la plus grande menace environnementale pour la santé humaine » à l’échelle mondiale. Les personnes souffrant de certains problèmes de santé, comme l'asthme, les personnes enceintes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les travailleurs migrants, en particulier ceux travaillant à l'extérieur, les personnes vivant dans la pauvreté et d'autres populations socialement et économiquement marginalisées, sont plus susceptibles d'être exposées ou affectées par l'air toxique.

Human Rights Watch a examiné et analysé des données gouvernementales sur la pollution atmosphérique de 2018 à 2023, des données satellitaires et des rapports gouvernementaux, et s’est entretenu avec 12 travailleurs migrants, notamment des travailleurs peu rémunérés engagés dans des travaux extérieurs. Human Rights Watch s'est également entretenu avec des Émiratis en exil, des experts universitaires ainsi que des organisations environnementales nationales et internationales, et a examiné les politiques gouvernementales et les rapports des médias pertinents.

L'analyse de Human Rights Watch des niveaux de PM2,5 (très petites particules mesurant 2,5 micromètres ou moins et pouvant pénétrer profondément dans les poumons et entrer facilement dans la circulation sanguine) capturés par 30 stations gouvernementales de surveillance au sol en septembre 2023, a révélé qu'ils étaient, en moyenne, près de trois fois les niveaux quotidiens recommandés dans les lignes directrices de l'OMS sur la qualité de l'air. Selon les dernières données de la Banque mondiale, l'exposition annuelle moyenne aux PM2,5 aux Émirats arabes unis est plus de huit fois supérieure à celle que l'OMS considère comme sans danger pour la santé humaine. Selon les estimations de l'OMS, 1 872 personnes meurent en moyenne chaque année à cause de la pollution de l'air extérieur aux Émirats arabes unis.

Le gouvernement des Émirats arabes unis indique que la qualité de l'air du pays est médiocre, mais il attribue cela principalement à la poussière naturelle provenant des tempêtes de sable. Cependant, des études universitaires ont montré que les causes naturelles ne constituent pas le seul facteur, ni même, dans certains cas, le principal facteur de pollution atmosphérique. Par exemple, une étude de 2022 a révélé qu’en plus de la poussière, les émissions, notamment celles provenant de combustibles fossiles, contribuent de manière significative au problème aux Émirats arabes unis.

Aux Émirats arabes unis, les personnes qui souhaitent dénoncer ou s’exprimer sur les risques liés à l’expansion des combustibles fossiles et à leurs liens avec la pollution atmosphérique s’exposent à des risques de surveillance illégale, d’arrestation, de détention et de mauvais traitements. Au cours de la dernière décennie, les autorités des Émirats arabes unis ont maintenu les attaques contre les droits humains et les libertés. Elles ont pris pour cible des activistes des droits humains, promulguant des lois répressives et utilisant le système de justice pénale pour éliminer le mouvement des droits humains. Un activiste pour le climat a déclaré : « Personne ne demandera jamais au gouvernement de rendre des comptes publiquement. Nous n’avons pas le droit de nous exprimer contre le gouvernement. »

Les travailleurs migrants ont décrit avoir respiré de l'air qui leur brûlait les poumons, se sentir essoufflés au travail, avoir des démangeaisons cutanées et d'autres problèmes de santé qui, selon eux, pourraient être liés à un air toxique. Pourtant, ils ont déclaré qu’ils n’avaient pas reçu d’informations sur les risques de pollution atmosphérique, ses sources, les personnes les plus touchées et la manière dont ils peuvent se protéger. Un travailleur qui vit à Dubaï depuis trois ans a déclaré : « Parfois, l’environnement devient sombre et trouble. Nous discutons entre amis des raisons pour lesquelles il en est ainsi… La conversation s'arrête là. Dans ces moments-là, des amis tombent également malades. »

En novembre 2023, le gouvernement des Émirats arabes unis a soumis à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) une version révisée de sa Contribution déterminée au niveau national (Nationally Determined Contribution, NDC), un plan d'action national requis par l'Accord de Paris sur les changements climatiques. Ce plan, tout en prenant des engagements ambitieux, mentionne également l'intention du gouvernement d'augmenter la production de combustibles fossiles. Cet objectif n’est pas cohérent avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius afin d’éviter les pires impacts de la crise climatique à l’échelle mondiale.

L’expansion prévue des opérations liées aux combustibles fossiles compromet également les objectifs du gouvernement des Émirats arabes unis visant à réduire les niveaux élevés de pollution atmosphérique, a déclaré Human Rights Watch. Bien que le gouvernement reconnaisse que la pollution de l’air constitue un problème, ses normes actuelles en matière de qualité de l’air sont bien plus faibles que celles recommandées par l’OMS. Le gouvernement ne parvient pas à surveiller et à traiter de manière adéquate les niveaux de pollution élevés et à protéger les populations les plus à risque.

Le gouvernement devrait s'attaquer aux causes profondes de la pollution atmosphérique en réduisant considérablement les rejets de polluants nocifs pour la santé humaine, notamment en élaborant des plans pour une élimination complète des combustibles fossiles, selon Human Rights Watch. Le gouvernement des Émirats arabes unis devrait prendre des mesures concrètes pour mieux surveiller la qualité de l'air en rendant les informations publiques et faciles d'accès et compréhensibles par tous, en appliquant des normes rigoureuses de qualité de l'air conformément aux recommandations de l'OMS ainsi qu’en évaluant, en communiquant clairement et en atténuant les risques pour la santé humaine, notamment pour les groupes à risque.

« La pollution de l’air est un sombre secret aux Émirats arabes unis », a conclu Richard Pearshouse. « Si le gouvernement ne permet pas à la société civile d’examiner et de parler librement du lien entre la pollution de l’air et l’industrie des combustibles fossiles, les gens continueront à souffrir de problèmes de santé entièrement évitables. »

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