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République démocratique du Congo

Événements de 2023

Des personnes fuient une attaque du groupe rebelle M23 à Bambo, au Nord-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo, le 26 octobre 2023.

© 2023 Alexis Huguet/AFP via Getty Images

Les conflits armés en cours en République démocratique du Congo ont continué à affecter gravement la population civile. Les autorités ont réprimé des membres de l'opposition et des médias dans un climat de tensions politiques accrues à l’approche des élections générales de fin décembre.

Dans l’est de la RD Congo, une offensive du groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a aggravé une situation humanitaire déjà désastreuse au Nord-Kivu, forçant plus d’un demi-million de personnes à fuir leurs foyers et  portant le nombre de personnes déplacées dans le pays à près de sept millions d’après les Nations Unies, soit le plus grand nombre de personnes déplacées internes en Afrique. L’état de siège a violé un certain nombre de droits sans pour autant endiguer la violence généralisée et les atrocités perpétrées par des groupes armés contre des civils dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Les forces gouvernementales ont également été impliquées dans de graves exactions, notamment le massacre de dizaines de civils lors d’une opération visant à faire appliquer une interdiction de manifester le 30 août à Goma.

La répression à l’encontre des journalistes, des activistes, des détracteurs du gouvernement et des manifestants pacifiques s’est poursuivie. Les autorités ont également ciblé des dirigeants de partis politiques d’opposition, en restreignant leurs libertés fondamentales et en arrêtant des responsables de partis.

L’administration du président Félix Tshisekedi n’a guère progressé dans la mise en œuvre de réformes systémiques promises pour briser les cycles de violence, d’exactions, de corruption et d’impunité qui accablent le pays depuis des décennies.  

Libertés d’expression, de presse et de réunion pacifique

La police a recouru à un usage excessif de la force pour disperser des manifestations pacifiques, notamment une manifestation organisée par une coalition de partis politiques d’opposition à Kinshasa le 20 mai pour dénoncer le coût élevé de la vie, l’opacité du processus électoral et l’insécurité persistante dans l’est du pays.

Les autorités ont ciblé des artistes, des journalistes et des membres de l’opposition en ligne et sur les réseaux sociaux. Le 10 février, à Kinshasa, des agents des services de renseignements du gouvernement ont arrêté Junior Nkole, un humoriste satirique, en raison d’un court sketch vidéo posté un an plus tôt qu’ils considéraient comme insultant pour le président. Il a été détenu pendant un mois avant d’être libéré sans inculpation.

Le 1er mai, des agents du renseignement ont arrêté Lens Omelonga, membre du parti politique d’opposition Envol, qu’ils ont accusé d’avoir retweeté un post critiquant la fondation de la première dame. Le 30 octobre, Lens Omelonga a été condamné à sept mois de prison pour diffamation. Il a été libéré le 2 décembre.

Le 30 mai, des agents du renseignement militaire ont arrêté Salomon Kalonda, bras droit de l’un des principaux chefs de l’opposition, Moïse Katumbi, sur le tarmac de l’aéroport de N’djili à Kinshasa. Au moment de la rédaction du présent rapport, Salomon Kalonda était toujours en détention et son procès pour trahison était en cours. Il est accusé d’être en contact avec le groupe armé M23 et ses soutiens rwandais.

Le 20 juin, des membres de la Garde républicaine, une unité militaire chargée de protéger le président, ont arrêté le membre de l’opposition et candidat à l’élection présidentielle Franck Diongo à Kinshasa, l’accusant de détention illégale d’arme. Il a été détenu au quartier général des renseignements militaires puis transféré à la prison militaire de Ndolo le 8 juillet après avoir été entendu par un tribunal militaire. Il a été libéré sans inculpation le 15 juillet.

La répression gouvernementale a également eu des répercussions sur la couverture médiatique des partis d’opposition, des journalistes ayant fait l’objet de menaces ou d’agressions physiques lorsqu’ils couvraient des événements politiques.

Chérubin Okende, 61 ans, membre du parlement et porte-parole du parti politique de Moïse Katumbi, a été retrouvé mort, blessé par balles, dans sa voiture à Kinshasa le 13 juillet. Le gouvernement congolais a procédé à deux arrestations (le chauffeur de Chérubin Okende, libéré après trois mois de détention, et son garde du corps, toujours détenu) a dénoncé un « assassinat » et a mis en place une commission d’enquête. Des experts médico-légaux de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (MONUSCO), des officiers de police des Nations Unies ainsi que des experts sud-africains et belges ont fourni leur aide à la commission. Toutefois, les circonstances du meurtre de Chérubin Okende n’étaient toujours pas connues au moment de la rédaction de ce rapport. 

Le 8 septembre, la police a arrêté le journaliste le plus suivi du pays, Stanis Bujakera – directeur adjoint du média en ligne congolais Actualite.cd, reporter pour Jeune Afrique et l’agence de presse internationale Reuters – alors qu’il attendait de prendre un vol à l’aéroport N’djili de Kinshasa. Il était toujours en détention et son procès était en cours au moment de la rédaction de ce rapport. Il fait face à plusieurs chefs d’accusation, y compris « falsification et usage de faux » ainsi que « propagation de faux bruits ». Les autorités ont accusé Stanis Bujakera d’avoir fabriqué un rapport des services de renseignements sur lequel se basait un article de Jeune Afrique. L’article ne portait toutefois pas son nom. Son arrestation et sa détention arbitraires ont suscité un tollé international.

Le 30 août, les troupes gouvernementales ont abattu au moins 57 personnes et en ont blessé de nombreuses autres à Goma lors d’une opération visant à faire appliquer une interdiction de manifester. Une secte mystico-religieuse appelée Foi naturelle judaïque et messianique vers les nations avait organisé une manifestation pour appeler la MONUSCO et la force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (East African Community, EAC) à quitter le pays, mais les autorités avaient interdit le rassemblement.

Lors du rassemblement, les forces de sécurité ont également arrêté plusieurs dizaines de personnes et des membres de la secte ont lapidé un policier à mort. Un tribunal militaire a condamné à mort un colonel de la Garde républicaine (condamnation convertie en prison à vie) et deux officiers subalternes à dix ans de prison. Lors du procès, aucune enquête n’a été menée sur la responsabilité de la fusillade à un niveau plus élevé de la chaîne de commandement. Quatre civils ont également été condamnés à mort (convertie en prison à vie) et 59 autres, parmi lesquels huit femmes, ont été condamnés à des peines d’emprisonnement allant de 10 à 20 ans pour insurrection et meurtre d’un policier. 

Attaques des groupes armés et des forces gouvernementales contre des civils

Plus de 100 groupes armés étaient toujours actifs dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Tanganyika à l’est de la RD Congo, dont plusieurs avec des combattants issus du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi voisins. Nombre de leurs commandants ont été impliqués dans des crimes de guerre, notamment des massacres, des violences sexuelles, le recrutement d’enfants et des pillages.

Au Nord-Kivu, le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda a poursuivi son offensive contre les troupes du gouvernement et contrôlait de vastes pans de territoire. Une coalition de milices s’est battue aux côtés des soldats congolais contre le M23. Responsable d’exactions généralisées en 2012 et 2013, y compris de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ainsi que de dizaines de meurtres en 2022, le M23 a commis davantage d’exécutions illégales, de viols et autres crimes de guerre manifestes dans les zones qu’il contrôle. Les troupes de la Communauté de l’Afrique de l’Est ne sont pas intervenues pour mettre un terme aux violences.

Divers acteurs armés, dont certains n’ont pas été identifiés, ont tué au moins 1 211 civils dans la province de l’Ituri entre janvier et octobre, d’après les données collectées par le Baromètre sécuritaire du Kivu qui documente les violences perpétrées dans l’est de la RD Congo. Ce bilan comprend au moins 80 civils tués par les forces de sécurité congolaises. Des miliciens ont continué de cibler les camps de personnes déplacées, tuant des dizaines de civils parmi lesquels des femmes et des enfants.

Les violences communautaires ont continué dans la province occidentale du Mai-Ndombe entre les communautés majoritairement Teke et Yaka en lien avec le pouvoir coutumier et les droits fonciers. Des dizaines de personnes auraient été tuées et plus de 160 000 personnes étaient déplacées. Le gouvernement a envoyé des centaines de membres des milices Mobondo qui s’étaient rendus dans des centres d’entraînement militaire sans aucune forme de contrôle pour s’assurer que ces nouvelles recrues de l’armée n’étaient pas impliquées dans de graves violations des droits humains. 

Justice et responsabilité

À l’issue des consultations nationales portant sur une nouvelle initiative de justice transitionnelle, le gouvernement a réaffirmé son engagement en faveur de la l’obligation de rendre des comptes pour les crimes graves commis dans le pays. Toutefois, l’administration Tshisekedi n’a pris aucune mesure concrète pour faire progresser la justice à l’échelle nationale.

Le chef de milice Guidon Shimiray Mwissa, recherché par les autorités congolaises pour des crimes graves, notamment le recrutement d’enfants et des viols, est resté actif dans le Nord-Kivu où il commande une faction du Nduma défense du Congo-Rénové. Guidon compte parmi les commandants d’une coalition de groupes armés, dont certains sont rivaux, qui ont combattu aux côtés des forces congolaises contre le M23.

L’ancien chef de la police, le général John Numbi, impliqué dans de graves exactions et suspecté d’être impliqué dans l’assassinat de l’éminent défenseur des droits humains Floribert Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana survenu en 2010, était toujours en fuite. Il a fui le pays en 2021 après le lancement d’un mandat d’arrêt à son encontre par les autorités congolaises.

La Haute Cour militaire n’a guère progressé dans le procès en appel de dizaines d'accusés condamnés en 2022 pour les meurtres en 2017 de deux enquêteurs des Nations Unies, Zaida Catalán et Michael Sharp, et le sort de leur interprète congolais, Betu Tshintela, du chauffeur de moto, Isaac Kabuayi et de deux autres chauffeurs de moto non identifiés. Les autorités judiciaires ne sont pas parvenues jusqu’à maintenant à établir toute la vérité sur les meurtres.

Le procès visant à établir la culpabilité pour des massacres perpétrés en décembre 2018 dans le territoire de Yumbi, dans le nord-ouest du pays, au cours desquels au moins 535 personnes ont été tuées, n'a guère progressé. Le procès a débuté en 2021.

Gédéon Kyungu, chef de guerre responsable d’atrocités dans une région du sud du pays, le Katanga, qui s’est échappé de la maison d’arrêt de Lubumbashi en mars 2020, est toujours en fuite.

En juin, le gouvernement congolais a demandé à la Cour pénale internationale (CPI) d’enquêter sur la flambée de violence et d’exactions dans le Nord-Kivu et a signé un protocole d’accord avec le procureur de la CPI soulignant le renouvellement de leur coopération mutuelle.

Principaux acteurs internationaux

Le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) a signalé en août que « l’environnement préélectoral en [RD Congo] est de plus en plus caractérisé par un rétrécissement de l’espace civique et des violences politiques et électorales, des arrestations et détentions arbitraires, des enlèvements et des menaces ciblant l’opposition politique, un usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques, et des discours de haine et d’incitation à la violence ». Le BCNUDH a prévenu que de tels abus « risquent d’entacher la crédibilité du processus électoral » et « augmentent les risques de la violence ».

Fin septembre, le président Tshisekedi a demandé un retrait « accéléré » de la MONUSCO à partir de la fin 2023 plutôt que fin 2024. Félix Tshisekedi a déclaré que « les missions de maintien de la paix déployées depuis 25 ans… n’ont pas réussi à faire face aux rébellions et aux conflits armés ».

Les États-Unis et l’Union Européenne (UE) ont imposé des sanctions ciblées contre plusieurs personnes, principalement des commandants de milices, pour leur rôle de soutien des groupes armés responsables d’abus dans l’est de la RD Congo. Le gouvernement américain et l’UE ont respectivement sanctionné un haut-gradé et un officier de l’armée rwandaise, tous deux impliqués dans des opérations des Forces rwandaises de défense (Rwanda Defence Force, RDF) en soutien au groupe armé M23 dans le Nord-Kivu. En sanctionnant pour la première fois des commandants des RDF, les États-Unis et l’UE ont envoyé un signal fort au Rwanda, lui signifiant que son soutien au groupe armé M23, responsable d’abus, n’est pas sans conséquence. L’UE et les États-Unis ont également sanctionné le colonel congolais Salomon Tokolonga pour son rôle dans la coordination de milices responsables d’abus dans le cadre de la lutte contre le M23. En juillet, l’UE a appelé à l’obligation de rendre des comptes et a exhorté le Rwanda à retirer ses troupes de l’est de la RD Congo.

Les troupes de la force régionale de la Communauté de l'Afrique de l'Est, déployées en novembre 2022, ont commencé à se retirer de l'est du Congo le 3 décembre.